Fermer les volets

tête de bergèreOn trouve encore chez les quincailliers du bâtiment ces jolies petites demoiselles qui servent à coincer les persiennes pour les empêcher de battre au vent pendant la journée. Le nom exact de ce bitonniau pour fermer les volets est « arrêt tête de bergère ».
La demoiselle porte une sorte de chapeau plat sur l’oreille. C’est toujours la même, comme s’il en était sorti des bataillons du même moule. Malgré sa banalité la belle garde le charme des petits détails discrets qui agrémentent la vie quotidienne. Elle donne une toute petite étincelle de poésie à ces gestes mille fois répétés, ouvrir et fermer les volets.
Soulever la tête de la demoiselle pour la faire plonger dans le vide ou la caler en place ne prend qu’un instant quand on y est habitué, mais l’objet peut déconcerter ceux qui le découvrent pour la première fois.
Il semble que ce type d’arrêt à volet est assez typiquement français. La persienne et le contrevent plein ne sont d’ailleurs pas en usage partout sur la planète et cela fait partie des détails dont les guides de voyages ne parlent jamais et que les étrangers découvrent en arrivant. Cela peut paraître idiot de leur en expliquer le fonctionnement, mais pas inutile pour leur éviter de batailler.
Le voyage se fait aussi à travers les gestes, de la courbette du salut japonais au maniement des baguettes. Et vous, quel geste propre à une autre culture avez-vous ramené de vos vacances ?

Héron

heronLes hérons affectionnent les prés près du confluent de l’Epte et de la Seine, entre Vernon et Giverny. J’en ai compté trois qui arpentaient avec solennité la prairie au milieu des vaches. Ils se souciaient des bovins comme d’une guigne et ceux-ci le leur rendaient bien. Rien de commun entre le régime des hérons, poissons, grenouilles, souris, insectes, et ce qui intéresse une vache, la bonne herbe verte. Le partage des lieux se fait donc sans anicroche. Alors que l’intrusion d’un chevreuil met les bovidés d’ordinaire si placides en émoi, ils piquent des deux pour courser la pauvre bête égarée qui détale sans demander son reste.
Le héron a une élégance naturelle due à sa silhouette fine et sa démarche sophistiquée. L’impression de classe dure tant qu’il n’ouvre pas le bec, car son cri n’a rien d’harmonieux. Pourquoi la nature a-t-elle mis un croassement aussi rauque dans la gorge d’un oiseau aussi racé ? Nul ne saurait être parfait, il faut laisser des charmes au rossignol.

Le Pont d’Argenteuil

Monet, Le Pont d'Argenteuil Claude Monet, Le Pont d’Argenteuil, 1874

Voilà ce tableau de Monet soudainement propulsé dans l’actualité internationale. Un geste de vandalisme lui a fait défrayer la chronique pendant huit jours. Heureusement un clou chasse l’autre, et si l’actualité est une grande dévoreuse d’évènements, elle les oublie presque aussitôt. Cela devient déjà difficile de retrouver dans les moteurs l’info relative à l’intrusion au musée d’Orsay dans la nuit du 6 au 7 octobre dernier.
Pourquoi s’en prendre à un tableau ? Sans doute parce que les oeuvres de Monet sont devenues des icônes, et que leur prix vertigineux les rend follement attractives pour qui veut s’offrir un geste iconoclaste. Des actes de cette nature restent heureusement très rares. Ce n’est pas tellement cela que les chefs-d’oeuvres ont à craindre, mais le contact ordinaire du public, hélas ! qui, totalement inconscient des dommages qu’il cause, met les doigts dessus, leur donne des coups de stylo ou de feutre, les accroche de l’épaule ou du sac…

Monet peint le Pont d’Argenteuil en 1874, l’année qui voit Impression Soleil Levant faire scandale. Il représente le pont routier, pourvu d’arches et de piles oblongues (tandis que le pont de chemin de fer qui figure sur d’autres toiles est fait de piles rondes comme des colonnes et sans arches).
Le pont routier a été détruit pendant la guerre de 1870 et vient d’être refait. La reconstruction du pont est le motif de la première toile de Monet à Argenteuil.
Monet choisit un angle en direction de la promenade, vue depuis la berge du Petit-Genevilliers. Au milieu des arbres apparaît l’ancienne maison du passeur. A l’époque de Monet elle est devenue une guinguette. Argenteuil est une destination prisée le dimanche et aux beaux jours, les Parisiens viennent s’y détendre au bord de l’eau : il leur suffit de faire une demi-heure de train au départ de la gare Saint-Lazare. L’attraction principale, ce sont les régates que se livrent des voiliers semblables à ceux du tableau.
Monet a loué une maison à Argenteuil pour être au plus près de ses motifs, attiré par les jeux de l’eau et de la lumière, et par ces ponts modernes qui structurent le paysage.
Le Pont d’Argenteuil frappe par la lumière dorée qui l’inonde, l’aspect paisible de ce paysage péri-urbain vide de tout personnage, l’équilibre des masses sombres et des masses claires, et le jeu des lignes de fuite diagonales rythmées par les verticales du pont et des mâts.

Hommage à Monet

Cave d'arts Saviez-vous que Monet était un « Serial Painter » ? L’artiste haut-normand Gérard Crépel l’a représenté debout devant la cathédrale de Rouen, un monument que Monet a immortalisé dans une série célèbre. Dans son poing serré, il tient un couteau de peintre qui dégouline de peinture rouge. Sur son ventre bedonnant, un maillot blanc porte l’inscription M THE SERIAL PAINTER. « C’est un maître… raison de plus pour le traiter légèrement », commente l’artiste.
Une exposition d’art contemporain en hommage à Claude Monet se tient jusqu’au 28 octobre à la Cave d’Arts de Louviers (rue du Quai, tout près de l’église) : occasion unique de découvrir quel regard les plasticiens d’aujourd’hui portent sur leur illustre prédécesseur.
Ils ont été 25 à se prêter au jeu à travers leurs dessins, peintures, sculptures, gravures, photos et vidéos.
L’intérêt de l’art contemporain est qu’il ne se résume pas à quelque chose d’agréable à contempler (ce qu’il peut être aussi, évidemment) mais qu’il induit une réflexion. C’est le spectateur qui finit l’oeuvre par le regard qu’il lui consacre.
Chaque artiste a choisi un angle, une approche. Pour l’un c’est le jeu des couleurs, pour l’autre la solitude de l’artiste incompris, pour le troisième c’est son jardin… On navigue d’une toile à l’autre en cherchant le lien avec Monet, la réflexion sur le métier de peintre. Quelquefois il se dérobe au premier abord pour mieux se livrer ensuite.
Quand nous avons changé de monnaie pour passer à l’euro, les billets en francs ont été détruits par la Banque de France. Ils étaient pleins de couleurs, vous rappelez-vous ? Bernadette Delrieu a demandé l’autorisation de récupérer les minuscules fragments qui sont sortis des déchiqueteuses. Elle les a patiemment collés en petits tableaux, les utilisant comme des traits de crayon. La série qui en est résultée évoque les reflets du bassin, les herbes, les saules… Elle interroge sur la valeur de l’art. Les billets démonétisés ont perdu leur valeur pour redevenir du papier coloré. L’artiste leur rend de la valeur en les transformant en oeuvre d’art. Derrière chaque coup de pinceau de Monet se cache aussi une valeur liée à la cote du peintre. Monet, monnaie, money…
Impossible d’évoquer toutes les interprétations, tous les détournements opérés par les 25 artistes. C’est décapant, émouvant, interpellant… Un grand souffle de jeunesse et de nouveauté inspiré par le maître de la lumière.

Maison du Parlement

Maison du Parlement, LouviersComment ça marche, la mémoire collective ? Qu’est-ce qui fait qu’on croit savoir mais que parfois on colporte une erreur ? A Louviers, cette maison de la rue des Grands-Carreaux est dite du Parlement. Mais aux dernières nouvelles le Parlement ne logeait pas là mais à côté, dans la maison du bailli de Louviers rue Tatin.
Pourquoi a-t-on préféré croire que c’était celle-ci qui avait reçu le Parlement de Rouen en exil en 1562 plutôt que l’autre ? Avait-elle plus le look de l’emploi, avec ses décors gothiques ? Allez savoir.
C’est une année bien sombre, 1562 ; celle de la première Guerre de Religion. En mai, la ville de Rouen tombe aux mains des protestants de Montgomery.
Vous avez déjà entendu ce nom là quelque part ? Petit anachronisme, Bernard Montgomery est un général de l’armée britannique qui a participé à la Libération en 1944, en particulier à Vernon. Il serait apparenté au Gabriel de Montgomery qui a pris Rouen quatre siècles plus tôt.
Le Parlement, c’est-à-dire la cour de justice (on l’appelait auparavant l’Echiquier) se réfugie à Louviers, une ville sûre qui appartient à l’archevêque de Rouen. De là le Parlement veut organiser la reconquête. Une seule idée en tête, tout rétablir en l’état antérieur. Comment y arriver ? Le Parlement opte pour la répression la plus dure qui soit.
Ils sont vingt et un conseillers, deux avocats du roi et des greffiers réunis sous l’autorité d’un président. Ils n’y vont pas par quatre chemins, au point de choquer l’ambassadeur d’Espagne qui se trouve là au début octobre. En trois jours celui-ci voit  » trois fois pendre soixante huguenots et un ministre (c’est-à-dire un prêtre) qui avait été maître d’école, en latin, de la plupart des conseillers. » Belle reconnaissance !
Le Parlement va (heureusement ?) bientôt pouvoir regagner Rouen : la ville est reprise le 26 octobre par les troupes royales fortes de 30 000 hommes qui la pillent.
A Louviers, la maison dite du Parlement a peu à peu usurpé la place de celle du bailli. Elle vient d’être rénovée par la ville qui s’est réservé pour un usage associatif le premier étage décoré de boiseries et de poutres peintes.

Minet à Monet

FouinetteLes jardins de Monet sont le domaine d’un chat. Elégante dans sa fourrure noire rehaussée d’une petite tache blanche au col, Fouinette est ici chez elle.
Pourquoi Fouinette ? Parce qu’elle avait la manie d’aller fouiner partout quand elle était plus jeune, le moindre tuyau, la machine à laver, les tiroirs, il fallait qu’elle aille voir dedans. Aujourd’hui elle est moins possédée du démon de la curiosité, elle a dix-neuf ans. Un âge hyper vénérable pour un chat mais Fouinette oublie parfois qu’elle est si vieille, elle continue à vouloir sauter d’une chaise à l’autre, et quelquefois elle rate son coup, aïe !
La plupart du temps toutefois la minette de chez Monet prend la vie du côté chat, à somnoler sur son coussin près du radiateur. Quand elle sort dans les jardins il lui arrive de rester pensive sur le perron à poursuivre son rêve, son regard d’or perdu dans le vague.
Il faut dire que la vieille chatte souffre de la même déficience visuelle que Monet : elle a la cataracte.

Mortemer

Abbaye de MortemerCroyez-vous aux fantômes ? A une quarantaine de kilomètres de Vernon, l’abbaye de Mortemer joue la carte des légendes qui courent sur ses vieilles pierres pour attirer les promeneurs.
Cela ne suffit pas, la sérénité de ce petit vallon du Fouillebroc, la nostalgie des ruines de l’abbatiale dont les quelques ogives et pans de murs encore debout font regretter la splendeur passée, le pigeonnier qui défie le temps, les étangs poissonneux, le chemin botanique sous les grands arbres, les beaux bâtiments classiques encore tout meublés… Il faut du frisson.
On descend dans les caves où une voix off vous conte des histoires de morts tragiques, de revenants, de louves qui n’en sont pas, de moines égorgés au milieu des tonneaux. Est-ce vraiment l’esprit du lieu ?
J’aurais aimé davantage d’explications sur la vie de cette communauté religieuse qui compta à ses plus belles heures deux cents membres. Les histoires de dame blanche m’indiffèrent, mais non la spiritualité qui a rayonné à partir de ce vallon perdu. En fait de frisson, c’est plutôt le tour en petit train, compris dans la visite qui le donne : il ne fait pas chaud le long des étangs quand le soir tombe…

L’allée des clématites

Giverny, allée des clématitesUne allée très structurée du jardin de Monet à Giverny : des supports métalliques servent à conduire des clématites et des roses, dont il ne reste que le feuillage, tandis que des ipomées garnissent le bas des poteaux.
De chaque côté de l’allée s’ouvrent de petits massifs parfumés garnis d’une profusion de plantes fleuries, qui donnent une impression de luxuriance en cette saison.
Le jardin ici ne se limite pas au plan horizontal, on le parcourt en volume.

Douceurs d’automne

GlycineDepuis le pont japonais du jardin de Monet, la grande allée qui s’étend devant sa maison apparaît de l’autre côté de la route, dans l’exacte continuité du pont.
Les fleurs des glycines qui recouvrent la passerelle ont fait place à des gousses de graines. L’une d’entre elles pend comme le battant d’une invisible cloche.
Une visiteuse m’a confié qu’elle aimait bien le toucher duveteux des gousses de glycine. L’automne est prodigue de ces douceurs tactiles, la peau des coings, les épis légers des graminées, l’intérieur des bogues de marrons… La finesse de ces velours étonne le bout des doigts.
Jusqu’à l’air qui se fait ouateux dans la brume matinale, léger et doux dans l’après-midi, pour nous laisser rêver au bord de la saison…

Fleurs

FleursLa nouvelle semble réservée aux initiés, tant la plupart des visiteurs n’en reviennent pas : les jardins de Monet à Giverny regorgent encore de fleurs en cette saison.
C’est beau, c’est somptueux, les allées se font toutes étroites entre les massifs éclatants de couleurs. Asters, rudbéckias, hélianthus, tournesols, dahlias, sauges, cosmos, capucines, phlox, daturas, sedums, et tant d’autres encore, on n’en finirait pas d’énumérer toutes les espèces de fleurs qui déclinent les couleurs de l’arc en ciel dans la douceur de l’arrière saison. L’air plus frais est plein de senteurs. Autour du bassin, les érables du Japon, le liquidambar, le hêtre pourpre, les taxodiums, les peupliers se parent de roux et d’or, faisant naître des reflets inédits entre les derniers nymphéas.
Au petit matin, si l’on est chanceux, la brume enveloppe le paysage d’un voile délicat. En fin de matinée le soleil le lève d’un coup et la gaité de ses rayons succède aux mystères vaporeux.
Encore deux semaines pour venir goûter aux charmes de Giverny…

Giverny

Giverny Quand Monet a exposé ses premiers Nymphéas sans références spatiales, il a été si mal compris que ses tableaux ont été accrochés à l’envers…
Il avait supprimé tout ce qui aide le spectateur à s’orienter dans le tableau, la berge, le ciel, les branches, ou comme ici les herbes qui permettent de savoir où sont le haut et le bas.

Sainte Radegonde de Bilazais

Sainte Radegonde Photo Etienne Sury

Il en va des textes et des images comme des enfants : à peine créés ils vous échappent et vivent leur propre vie.
Je vous racontais avant-hier ce qu’il était advenu d’une des photos publiées sur ce blog. Voici qu’un des textes a été pris lui aussi de la fantaisie de quitter l’écran, d’exister en étant lu à haute voix pour des dizaines d’oreilles.
Ce petit miracle est dû à sainte Radegonde, ni plus ni moins. La sainte à laquelle l’église de Giverny est consacrée dispose d’une centaine de sanctuaires à travers la France. L’un d’entre eux se trouve dans les Deux-Sèvres, à Bilazais.
L’église de Bilazais vient de se doter d’une charmante statue de Sainte Radegonde sculptée par Jean-Marie Robin, qui est venue orner une niche au-dessus de l’autel. Une cérémonie a été organisée pour sa consécration, il fallait rappeler brièvement la biographie de la sainte, et… vous devinez la suite. Ce sont quelques paragraphes de cette histoire de Sainte Radegonde qui ont été choisis.
J’ai été extrêmement émue d’apprendre cela. Profondément honorée.
Le sel de l’anecdote, ce qui me rend l’évènement tellement incroyable ! c’est que… je ne me sens guère de légitimité à parler des saints. Chez moi les saints n’avaient pas cours : mes parents n’étaient pas catholiques. Et voilà cette chose invraisemblable qui arrive comme un encouragement à continuer à raconter ces histoires extraordinaires, exemplaires, tout à la fois humaines et légendaires.
Aux dernières nouvelles le texte sur Sainte Radegonde continue son petit bonhomme de chemin, il va être publié dans le journal paroissial.

Pierre Mendès France

Pierre Mendès France Pierre Mendès France est le plus connu des Lovériens.
Il s’installe comme avocat au tribunal de Louviers en 1930, à 23 ans. Sa carrière politique est fulgurante. A 25 ans, il est élu député, le plus jeune député de France. A 28 ans, il devient maire de Louviers, un siège qu’il conserve jusqu’à la guerre, puis conseiller général de Pont de l’Arche en 37.
Pendant la guerre il s’engage dans l’aviation, il est arrêté par Vichy, il s’évade et rejoint la France Libre.
Après la guerre il est appelé à de hautes fonctions nationales et internationales, il est Ministre de l’Economie et des Finances de Charles de Gaulle à la Libération, mais, critique à l’égard de sa politique budgétaire, il démissionne. Il représente la France au FMI et à l’ONU, il devient Président du Conseil en 54 et met fin à la guerre d’Indochine. Il est battu aux élections législatives de 58 qui connaissent un déferlement gaulliste. Il démissionne de tous ses mandats et quitte Louviers.
Il reste néamoins attaché à la ville, il demandera que ses cendres y soient dispersées à sa mort en 1982.
La ville de Louviers a donné son nom à la rue qui longe la mairie. Des dalles commémoratives évoquant sa biographie sont placées dans le trottoir.

Reflets

Giverny
C’était il y a un an, en octobre 2006. Le bassin aux nénuphars de Monet ressemblait à ceci, avec de belles sauges rouges sur la berge, les buissons et les arbres qui l’entourent touchés par les premières lueurs de l’automne.
C’est amusant comme on se souvient de ses photos, comme on les reconnaît instantanément.
En me promenant sur le site tout neuf de Karin Frobe, j’ai eu la joie de découvrir cette huile.
Reflets, Karin Frobe, huile sur toile, 68x80 cmJe ne me lasse pas d’aller de l’une à l’autre, de regarder comment l’artiste a procédé, comment elle a adouci, réchauffé, féminisé le bassin de Monet.
Et je pense à toute la chaîne humaine qui aboutit à cette toile, la création de Monet, la réalisation des jardiniers, le travail de la peintre, et je suis heureuse de m’insérer, tout modestement, dans cette chaîne.

Silex taillé

Silex tailléJe viens d’apprendre comment on fait pour tailler un silex. La technique n’a pas changé depuis l’âge de pierre.
C’est Monsieur Laroche qui m’a expliqué le procédé : on prend un rognon de silex, on lui retire une calotte de chaque côté, on le pose verticalement, et on le frappe violemment avec un percuteur pour en détacher des lamelles. Des lamelles conchoïdales, précise-t-il, c’est-à-dire en forme de coquillage. L’opération est facilitée si on chauffe ou si on gèle la pierre.
Ensuite, on choisit parmi ces lamelles celles qui ont la forme la plus intéressante, et on en affine le tranchant en appuyant doucement sur le bord avec un autre silex, un coup d’un côté, un coup de l’autre. Cette dernière opération, contrairement à la précédente, ne demande pas de force physique, mais il faut se méfier des éclats qui peuvent vous sauter dans les yeux.
Le couteau ainsi obtenu est aussi tranchant qu’un tesson de bouteille, attention aux doigts !
– Je comprends pourquoi les hommes sont venus s’installer ici, le silex est d’excellente qualité !
L’eau et le gibier étaient certes importants pour les hommes du paléolithique, mais on en trouvait aussi ailleurs. Tandis que le silex était un matériau précieux pour la survie – des flèches pour la chasse, des couteaux pour trancher la viande, des étincelles pour le feu – et moins répandu.
Ce n’est pas tous les jours que l’on croise quelqu’un qui maîtrise la technique de la pierre taillée. Monsieur Laroche est un Français installé en Australie, qui l’a apprise des aborigènes. Il organise des stages de survie dans le bush, où il enseigne comment se débrouiller avec ce que l’on trouve dans la nature.
Ce ne sont pas que des trucs, des savoir-faire. J’imagine qu’on doit revenir transformé de cette expérience, avec une autre vision de sa place dans le monde.
Ce qui me fait supposer cela, c’est son respect, profond, intense, pour les hommes et pour la nature. C’est son bouillonnement face à nos comportements d’Occidentaux. C’est, par exemple, ce qu’il dit à propos des silex.
J’ai déjà parlé de la pierre de Vernon, un beau calcaire tendre dont les bancs sont parfois traversés de rangées de silex, une sorte de sous-produit d’extraction. Le silex est une pierre tellement dure qu’on ne peut pas la tailler. On l’utilise en construction sous forme de moellons obtenus par éclatement, ce qui permet de jouer de son aspect lisse et de sa couleur grise.
A Vernon, on croule sous le silex, il suffit de se baisser pour en ramasser. Autant dire qu’on n’en fait aucun cas.
Monsieur Laroche ne partage pas cette dédaigneuse indifférence. Il utilise un seul rognon de silex pour sa démonstration, parce qu’il ne veut pas gaspiller. « Ils sont trop beaux ! »
Je n’ai pas compris cette parcimonie tout de suite. C’était un peu comme d’être à la plage, de fabriquer du verre avec le sable, et qu’on vous dise doucement ! il ne faut pas gâcher le sable. Et puis j’ai fini par saisir.
L’impression d’abondance est trompeuse. Le silex est un matériau issu de transformations à l’échelle géologique. Il se trouve en quantité finie, comme le pétrole. Il a été par le passé aussi précieux pour l’homme que l’or noir l’est aujourd’hui pour nous. Qu’en feront les générations futures ? Nous l’ignorons, en tout cas ce n’est pas une ressource renouvelable. Le respect pour ceux qui viendront après nous, c’est d’économiser les dons de la nature en ne prélevant que ce dont nous avons besoin.
Une leçon essentielle pour nous autres Occidentaux, encore plus importante que l’art de tailler les silex. Merci Monsieur Laroche.

Entrée

EntréeL’entrée principale de la maison de Monet joue de la symétrie. De chaque côté de la porte à deux battants, deux grands pots chinois présentent des arbustes fleuris où se perdent les appliques identiques. Les rideaux retenus par des embrasses renforcent l’impression théâtrale. Le regard est conduit vers le centre, comme en suivant des lignes de fuite qui se rejoindraient à l’intérieur de la maison, au point exact de son centre de gravité.

Verlaine

giverny L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure…

Rêvons, c’est l’heure.

Paul Verlaine

Le saule noir où le vent pleure, ce soir, vous voyez qui c’est ? Allez les Bleus !

Saint-Christophe

Saint-ChristopheJ’hésite à vous parler du Saint Christophe de Louviers tant la photo, comme la fresque elle-même, est sombre. Mais s’agissant d’une fresque du 15ème siècle non restaurée, c’est déjà un miracle de l’avoir conservée dans son état actuel. Elle se trouve à l’entrée de l’église, à côté du célèbre vitrail des drapiers.

Lors du badigeonnage général de l’église, à la fin du 18ème siècle, il disparut ainsi que les peintures polychromes dont les traces subsistent dans diverses parties de l’église. Toute­fois, (…) la différence du procédé d’exécution, (…)le badigeon s’effritant, nous laissa le saint Christophe à peu près intact.

On distinguait sans doute mieux la fresque à la fin du 19ème siècle quand l’historien local Charles Dubourg s’est intéressé à elle :

Le saint, vêtu d’une tunique à plis garnie de fourrure, est armé d’un bâton noueux et tient sur sa puissante épaule l’enfant Jésus, qui appuie sur la tête du géant le globe du monde surmonté d’une croix très longue. Tout en haut de l’ogive, Dieu le père, au milieu d’une gloire, contemple la scène. Dans le lointain se trouvent encore les traces d’un paysage très compliqué et notamment à droite on aperçoit une église parfaitement dessinée, dans le goût du XVe siècle.

Le culte de Saint-Christophe est apparu au Moyen-Âge. Selon la croyance populaire, il suffisait de voir son image le matin pour être protégé des maladies et des accidents jusqu’au soir. On se mit donc à élever de gigantesques statues de Saint-Christophe aux portails des églises ou comme ici de grandes fresques à l’intérieur, près de la porte.
Il y avait deux raisons pour représenter le saint de façon surdimensionnée. Pour le voir de loin afin d’en recevoir la protection, et parce que, selon la légende, c’était un géant.
Tout part de là. Voilà un homme qui se voit si grand et si fort qu’il veut se mettre au service du roi le plus puissant du monde. Il sert d’abord un grand souverain, mais il s’aperçoit un jour que le roi se signe avec effroi quand il entend le mot diable. Si le diable lui fait peur, c’est que le diable est plus puissant, raisonne le géant ; il part donc à la recherche du diable, et le trouve bientôt.
Puissant, le diable ? Certainement, mais le géant ne tarde pas à se rendre compte que la vue d’un crucifix lui fait faire un détour. C’est donc que le Christ est plus puissant que le diable !
Le voilà parti à la recherche du Christ. Le géant rencontre un ermite et, sur ses conseils, se met à servir Jésus en aidant les voyageurs à passer un torrent impétueux.
Un jour, un enfant lui demande de traverser. Le géant le place sur ses épaules et s’engage dans la rivière. Mais soudain l’enfant se fait lourd, lourd… Le géant manque de se noyer. Au prix de gros efforts, il atteint la berge. L’enfant lui révèle alors qu’il est le Christ et qu’il vient de porter tout le poids du monde. Il le baptise « Celui qui porte le Christ », Christofero en latin.
Christophe multiplie alors les miracles les plus extraordinaires, et se révèle très difficile à martyriser par l’empereur païen. Il survit au fouet, au feu, aux flèches, avant de mourir décapité. Un dernier miracle parvient enfin à convertir l’empereur. C’est cette résistance à tous les supplices qui est la source de la superstition qui s’est attachée à Saint-Christophe.

Autographes

lettre de Monet Dans la maison de Claude Monet à Giverny, on peut voir les deux bureaux dont il se servait pour rédiger et ranger sa volumineuse correspondance. L’un se trouve dans son premier atelier, l’autre, une magnifique pièce en marqueterie du 18ème siècle, dans sa chambre à coucher.
Monet a écrit des milliers de lettres et il en a reçu autant. Toutes ces correspondances sont très convoitées par les collectionneurs.
C’est très émouvant de tenir une lettre ancienne dans ses mains, qu’elle provienne d’un personnage célèbre ou pas. En même temps que le mouvement de la pensée, on suit celui de la main. On voit l’encre devenir plus pâle puis soudain foncée, on devine le geste pour retremper la plume dans l’encrier. Comme une photo, la lettre manuscrite saisit un instant de vie. Comme elle, on peut la scruter pour essayer d’y retrouver quelque chose du passé. Il y a mille raisons d’écrire une lettre, mais quelle que soit cette raison, écrire est un acte social.
Pourtant, en feuilletant le catalogue de vente d’une boutique parisienne spécialisée dans les lettres et documents autographes, c’est à dire comportant au moins quelques mots ou une signature de la main de l’auteur, on a un peu l’impression de se promener au Père-Lachaise. Toutes les gloires passées s’y côtoient. Ce n’est pas la taille des monuments qui marque leur célébrité, mais leur cote.
Trois groupes se détachent qui semblent avoir davantage la faveur des collectionneurs. Les plus recherchés sont les manuscrits de compositeurs. Sur près de 400 entrées que compte le catalogue, Rossini l’emporte, et de très loin, avec une petite partition d’une page qui se négocie à plus de 5000 euros. Puis viennent les peintres. Le plus cher, est-ce une surprise ? c’est Monet : 2750 euros pour une lettre de deux pages à Geffroy, son ami critique d’art. Renoir le talonne de près, ainsi que Pissarro, tous deux à 2500 euros. Enfin, troisième axe de collection, les têtes couronnées semblent jouir d’un prestige important, mais inégal.
Pour en revenir à Monet, que dire de ses lettres ? Qu’il avait une écriture difficile à déchiffrer, ce qui n’a fait qu’empirer avec la cataracte. Clemenceau avoue un jour n’avoir pas réussi à lire sa missive, « par excès de calligraphie », dit-il sur son ton badin habituel.
Pour le contenu, Monet écrivait avec simplicité, sans fioriture, dans un style sans doute proche de son style oral. Mais il savait pourtant décrire avec précision ses enchantements, ses hésitations et ses tourments. Aujourd’hui, c’est grâce à ses lettres envoyées presque chaque jour à ses nombreux correspondants que nous connaissons le détail de la genèse de ses toiles et de sa vie quotidienne. Elles sont les documents authentiques qui forment le socle de l’analyse de son oeuvre.

Les fables de Florian

L'aveugle et le paralytique, Florian Quand on dit fable, on pense La Fontaine. Mais s’il est le plus connu des fabulistes de langue française, il n’est pas le seul. Jean-Pierre Clarisse de Florian, ou Florian pour faire court, a su lui aussi se servir d’animaux ou de types humains pour dégager des morales. Certains de ses vers sont passés dans le langage courant sous forme d’expressions ou de proverbes. « Eclairer sa lanterne » vient du Singe qui montre la lanterne magique, le Grillon a laissé « pour vivre heureux vivons cachés », Le vacher et le garde-chasse se termine par la morale connue, « Chacun son métier, Les vaches seront bien gardées ».
Florian a beaucoup fréquenté Vernon. Il était le secrétaire particulier du duc de Penthièvre, le seigneur de Vernon, qui l’aimait beaucoup.
Je dédie respectueusement cette fable à mes clients d’aujourd’hui, tous deux âgés et handicapés, et qui, en s’épaulant l’un l’autre, ont encore la vigueur de partir à la découverte de la planète.

L’aveugle et le paralytique

Aidons-nous mutuellement,
La charge des malheurs en sera plus légère ;
Le bien que l’on fait à son frère
Pour le mal que l’on souffre est un soulagement.
Confucius l’a dit ; suivons tous sa doctrine :
Pour la persuader aux peuples de la Chine,
Il leur contait le trait suivant.
Dans une ville de l’Asie,
Il existait deux malheureux,
L’un perclus, l’autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au ciel de terminer leur vie ;
Mais leurs cris étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique,
Couché sur un grabat dans la place publique,
Souffrait sans être plaint ; il en souffrait bien plus.
L’aveugle, à qui tout pouvait nuire,
Était sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien
Pour l’aimer et pour le conduire.
Un certain jour il arriva
Que l’aveugle, à tâtons, au détour d’une rue,
Près du malade se trouva ;
Il entendit ses cris ; son âme en fut émue.
Il n’est tels que les malheureux
Pour se plaindre les uns les autres.
J’ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres,
Unissons-les, mon frère ; ils seront moins affreux.
Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère,
Que je ne puis faire un seul pas :
Vous-même vous n’y voyez pas :
A quoi nous servirait d’unir notre misère ?
A quoi ? répond l’aveugle ; écoutez : à nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire ;
J’ai des jambes et vous des yeux :
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide,
Vos yeux dirigeront mes pas mal assurés :
Mes jambes, à leur tour, iront où vous voudrez.
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.

Précautions oratoires

Venise, Le Palais Ducal, Claude Monet 1908, 57x92 cm En 1908, Claude Monet fait, en compagnie de sa femme Alice, un séjour à Venise d’où il rapporte plus de trente toiles, pour la plupart inachevées. L’état de santé de son épouse, sa mort en 1911, le chagrin qu’il en éprouve l’empêchent longtemps de finir les tableaux. Ce n’est qu’en 1912 qu’il expose enfin ses Venise à Paris.
Monet a alors 71 ans. Il est en pleine gloire depuis plus de vingt ans.
Si, à ses débuts, il était de bon ton de railler sa peinture, en 1912 c’est devenu un sacrilège. D’avance, la critique et le public lui sont acquis. Dès l’ouverture de l’exposition, c’est l’enthousiasme : « succès triomphal », résume Le Figaro. Les commentaires rivalisent dans la louange, exprimée dans le style fleuri du début du siècle.
Difficile, dans le flot des éloges qui jaillissent de toutes parts, d’oser un avis moins absolu. Louis Vauxcelles, le célèbre critique du Ruy Blas qui a inventé les mots « fauvisme » et « cubisme », s’y risque pourtant. La quantité de précautions oratoires dont il s’entoure est tout à fait frappante. Elle laisse entrevoir, mieux que les cris d’admiration peut-être, l’icône que Claude Monet est devenu.

On se pressera à la galerie Bernheim et l’enthousiasme ne quittera pas, quinze jours durant, le diapason le plus haut. Toutefois, quelques personnes (de celles qui peut-être aiment et admirent le plus profondément le grand homme à qui nous devons tant de joie, le successeur de Claude Lorrain, celui qui dessilla les yeux de Manet et qui fut l’éducateur technique de tous les peintres d’aujourd’hui) ne ressentiront pas devant ces « Venise », le coup au coeur qu’on éprouve en voyant la « Cabane des douaniers à Varangeville », les « Débâcle », ou les « Rochers de Belle Isle ». Loin de moi la pensée de critiquer un des coloristes dont notre pays s’enorgueillit ; mais il est loisible, je pense, de préférer tel ou tel moment de sa glorieuse évolution. Je sens bien l’effort admirable que Claude Monet a tenté pour se renouveler, et je sais qu’il est et demeurera le maître de la lumière.
Mais, tout de même, je songe à l’architecture des palais vénitiens de Canaletto.
(Cité par Philippe Piguet in Monet et Venise)

On sent bien surtout l’effort lamentable que fait Vauxcelle pour essayer de parer d’avance les réactions indignées que va lui valoir sa prise de position à contre-courant. Pour éviter le crime de lèse-majesté, il multiplie les protestations d’admiration, les comparaisons flatteuses, il minimise la portée de ses réticences. Un vrai cours de diplomatie.

Dame-jeanne

Dame-Jeanne Les objets animent les jardins. Qu’un élément inerte puisse donner de la vie à un milieu où tout pousse, bruisse et bouge au moindre souffle de vent n’est pas aussi paradoxal que cela en a l’air. Les objets issus de la main de l’homme nous renvoient à notre propre existence. Introduits dans un milieu naturel, ils deviennent l’âme de ce lieu.
Les parcs des châteaux avaient des statues sur des piédestaux. Dans les jardins ruraux qu’on crée aujourd’hui autour d’anciennes exploitations agricoles, ce sont les objets chinés qui jouent ce rôle.
En guise d’exemple, voici ce qu’Eliane, jardinière et peintre, a eu l’idée de faire avec des dames-jeannes. Sur les côtés de l’ancienne cour recouverte de gravillons, elle fait pousser des lavandes et des santolines taillées en boules. Les dames-jeannes leurs répondent, mêmes formes, mêmes couleurs. Leurs gros ventres rebondis reflètent les nuages et le bleu du ciel normand.
Les dames-jeannes sont de belles bouteilles en verre soufflé d’une contenance d’environ dix litres. Elles servaient autrefois à transporter le vin, on les recouvrait d’osier pour les protéger des chocs.
Leur nom vient de la reine de Naples Jeanne, réfugiée en Provence en 1347. L’histoire raconte que, contrainte par un orage de passer la nuit chez un maître verrier, la reine voulu visiter son atelier. En son honneur le verrier souffla une énorme bouteille. Plutôt que de la laisser baptiser « Reine Jeanne », la souveraine déchue demanda à ce que le flacon s’appelle plus simplement dame-jeanne.

Si vous aimez les beaux jardins, je vous suggère d’aller passer quelques jours chez Eliane. Elle propose de très jolies chambres d’hôtes à Fontaine sous Jouy, dans la vallée d’Eure, et vous fera les honneurs de son magnifique jardin de près d’un hectare, qui vous réserve beaucoup d’autres surprises.

Porphyre

Grand TrianonUn des bonheurs du métier de guide est le temps que l’on passe à étudier, chaque visite nouvelle demandant beaucoup de préparation. Une source ne suffit pas, il faut les croiser, les empiler, les décanter, les laisser se répondre les unes aux autres jusqu’à s’approprier un sujet, avant de songer à le restituer. La remarque vaut aussi pour le blog.
C’est en me penchant sur une description du Grand Trianon que j’ai fait une découverte amusante.
Le caprice de Louis XIV, son palais « à faire des collations » est orné de « marbre rose du Languedoc et de porphyre ». Du porphyre ? De quelle couleur est-ce donc ? Un petit tour dans Google image… En même temps que la réponse (pourpre : on dirait bien que ce sont les grosses colonnes que voici qui sont en porphyre) j’ai eu la surprise de découvrir que le porphyre est aussi une algue au détour de cette délicieuse apologie de l’artichaut : allez-y, Hooly a l’art de la comparaison décalée, humoristique et tendre. Du coup j’en ai oublié le Grand Trianon….

Bignone

BignoneBignone rime avec mignonne, et c’est justice : cette grimpante est une des plus jolies qui soient, doublée d’un caractère conciliant, ce qui ne gâte rien.
A Giverny, celle-ci pousse sur la clôture du jardin de Monet le long de la route, en plein soleil : la seule exigence de la belle est d’être bien exposée au sud. Moyennant quoi elle s’élance à l’assaut des supports au rythme d’un mètre par an au moins, et produit de pleins bouquets de trompettes aux teintes cuivrées jaune, orange ou rouge.
Groupées comme ici, on dirait d’anciens avertisseurs pour voitures automobiles, ou des gramophones en miniatures prêts à chanter ses mérites.
La renommée de ces joyeuses trompettes a eu le temps de se répandre depuis que cette native d’Amérique a traversé l’Atlantique sous Louis XIV. Son nom dérive de celui de Bignon, bibliothécaire du roi.

Tour Grise

Tour GriseCe n’est pas l’effet du soleil couchant : à Verneuil sur Avre, la Tour Grise est bien de cette couleur brune un peu chamoisée. Elle tire son nom de la pierre qui la constitue, le grison. Cette pierre, un silex ferrugineux, a l’étrange particularité d’être grise quand on l’extrait du sol mais de devenir brun rouille en s’oxydant au contact de l’air. La Tour Grise devait l’être lors de sa construction, avant de brunir au fil des ans.
Les bizarreries de cette construction ne s’arrêtent pas là. Habituellement, les forteresses servent à protéger les villes d’un ennemi éventuel. Telle n’était pas la destination de cette tour : elle était chargée d’asseoir le pouvoir royal sur les habitants de Verneuil. C’est Philippe-Auguste qui l’a fait construire, lui qui a également fortifié Vernon (j’ai déjà parlé souvent de la Tour des Archives) et Rouen.
Le petit roi de France a envahi la Normandie après la chute de Château-Gaillard. Les Vernoliens lui ont fait mauvais accueil, ils se sont retrouvés avec une tour qui en imposait, comme une menace de finir au cachot.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

Catégories