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Monthly Archives: mars 2007

Palais de Justice de Rouen

La salle des procureurs au palais de justice de RouenLe Palais de Justice de Rouen est une pure merveille de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance, dans le style plus flamboyant que moi tu meurs. Il subit actuellement une rénovation qui devrait nous le rendre tout pimpant d’ici deux ans. Si vous êtes de passage à Rouen, consolez-vous de la vision des échafaudages en osant entrer à l’intérieur. C’est un lieu public : l’accès est gratuit.
Je voudrais saluer l’extrême amabilité des deux fonctionnaires de police dévolus à la garde des lieux hier, qui se sont improvisés guides pour répondre à mes questions avec compétence.
En entrant dans la cour du Palais de Justice, la salle des Procureurs se trouve sur votre gauche en haut de l’escalier. C’est la partie la plus ancienne du bâtiment, achevée en 1500 tout rond.
Cette salle immense est couverte d’une magnifique voûte en bois, qui était à l’origine faite en planches de tonneaux de récupération. C’était un matériau dont on disposait à profusion dans le port de Rouen, à une époque où toutes les marchandises étaient conditionnées en barriques afin de faciliter le chargement / déchargement et garantir l’étanchéité pendant la navigation.
La salle avait à l’origine une double fonction : elle servait de marché couvert tout autant que de salle d’audience. Cette promiscuité gênait les hommes de loi mais elle permettait de couvrir les frais du bâtiment.
Une plaque rappelle que Corneille a plaidé ici-même.
Des portes latérales conduisent vers les chambres des requêtes et vers la Cour d’Assises, au plafond à caisson polychrome, couvert de près de cinquante kilos d’or. Malheureusement la salle de la Cour d’Assises n’est accessible que pendant les audiences publiques.

Hôtel des Roches Noires, Trouville

Hôtel des Roches Noires, Trouville, par Claude Monet, 1870, Musée d'Orsay Paris Le ciel est bleu, le soleil baigne la terrasse de L’Hôtel des Roches Noires, à Trouville quand Claude Monet peint cette scène balnéaire un matin de l’été 1870.
L’hôtel en question est un luxueux établissement, l’un de ceux qui, comme celui de Cabourg, ont servi de modèle à Proust pour imaginer le Grand Hôtel de Balbec.
En 1870, Monet a 30 ans, il est sans le sou et n’a évidemment pas les moyens de se payer un séjour dans un hôtel aussi chic. Il a pris pension avec Camille et le petit Jean à l’hôtel de Tivoli, plus éloigné de la plage. Et il ne sait comment faire pour calmer l’aubergiste qui lui présente sa note.
Si Monet choisit de peindre le front de mer, c’est qu’il espère trouver un acheteur à la toile, un riche bourgeois qui s’identifierait à cette classe sociale évoquée en quelques coups de pinceaux, à ces petites silhouettes élégantes qui flânent en bord de mer.
Eté 1870. Est-on en juillet ou déjà en août ? La guerre avec la Prusse est-elle déclarée ? Les personnages peints par Monet sont probablement moins insouciants qu’ils ne le paraissent.
La façade de l’hôtel se dresse comme une muraille infranchissable. Son ombre noire s’étend sur la terrasse à l’image de l’ombre de l’aigle prussien sur la France.
Le vent souffle de la mer. Il fait claquer le grand drapeau du premier plan, avec ses rayures rouges qui lui donnent l’air d’être taché de sang. Alors que la façade de l’hôtel est rendue avec un soin minutieux, Monet peint le drapeau en quelques coups de pinceaux presque négligents, qui transmettent incroyablement le mouvement du tissu rayé dans le vent.
L’horizon paraît bouché à droite, côté Paris, tandis que l’air du large semble l’ouvrir sur la gauche du tableau, vers la Manche et l’Angleterre.
La mer, on la voit à peine. La mince ligne d’horizon derrière le monsieur qui soulève son chapeau représente pourtant le Havre, le port où habite la famille de Monet. Ses relations tendues avec son père empêchent Claude d’en attendre beaucoup de secours financier.
Claude Monet sait qu’il ne peut retourner à Paris, une capitale menacée où il n’a ni logement ni ressources.
Il sait que personne n’achète de tableaux dans un pays en guerre. Il devient même difficile de peindre en plein air, on vous prend vite pour un espion.
Monet est père de famille, à ce titre il n’est pas appelé sous les drapeaux. La seule solution raisonnable, pour espérer subvenir aux besoins des personnes dont il est responsable est de quitter la France, comme des centaines d’autres réfugiés chaque jour.
C’est l’idée qui semble mûrir en lui tandis qu’il peint, de plus en plus sombre, sur le front de mer à Trouville, cet été de 1870.

Giverny impressionniste : une colonie d’artistes

Exposition 2007 au musée d'art américain GivernyClaude Monet n’a pas été le seul peintre à poser son chevalet à Giverny. Deux ou trois ans à peine après son installation en 1883, d’autres artistes, majoritairement américains, ont découvert le village et choisi d’y travailler pendant l’été.
La colonie a rapidement pris de l’ampleur. Elle a perduré jusqu’à la première Guerre Mondiale, pendant près de trente ans.
A partir de dimanche prochain jusqu’au premier juillet, on pourra découvrir le travail de tous ces peintres au musée d’art américain de Giverny. Le MAAG fête cette année son quinzième anniversaire et propose à cette occasion une exposition évènement intitulée « Giverny impressionniste : une colonie d’artistes, 1885 – 1915 ».
Le visuel de l’expo ci-dessus reprend une Meule de John Leslie Breck Etude d’un Jour d’automne n°7, 1891. Breck est un des rares peintres américains à avoir noué des liens d’amitié avec Monet, qui l’a fortement inspiré.
L’expo présente plus de 90 oeuvres, la plupart de peintres américains, mais aussi canadien, anglais, finlandais, tchèque… au total 39 artistes de 8 nationalités qui ont fréquenté Giverny. Leurs noms sont peu connus du public français, mais ils jouissent d’une grande notoriété dans leur pays.
J’ai hâte d’être à dimanche pour voir tous ces tableaux, toutes ces touches impressionnistes différentes inspirées par les paysages d’ici. Mais pour être tout à fait sincère, ce qui me réjouit le plus, c’est de savoir que Claude Monet, Blanche-Hoschedé Monet et Pierre Bonnard figurent aussi au catalogue de cette exposition. Le magnifique « Champ de coquelicots à Giverny » de Monet arrive de Chicago…
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, l’entrée au MAAG sera gratuite le 1er avril, puisqu’on sera le premier dimanche du mois. Et en plus, il y aura à 16h une conférence de William Gerdts, auteur d’un de mes livres de chevet, le passionnant Giverny, une colonie impressionniste.
Ce sera bien entendu aussi l’ouverture de la maison et des jardins de Monet, à 100 mètres du MAAG dans la même rue, et une vraie fête de découvrir ce que les magiciens de la Fondation Monet auront concocté comme parure de printemps au jardin. Vivement dimanche !

Suzanne et Blanche Hoschedé

Dans le marais de Giverny, Suzanne lisant et Blanche peignant, par Claude Monet, 1887, Los Angeles County Museum of ArtBlanche Hoschedé a 22 ans quand son beau-père Claude Monet la représente occupée à peindre à ses côtés dans les marais de Giverny. (Dans le marais de Giverny, Suzanne lisant et Blanche peignant, par Claude Monet, 1887, Los Angeles County Museum of Art)
Des quatre filles d’Alice, Blanche est la seule qui s’adonne, avec talent d’ailleurs, à la peinture. En cette fin de 19e siècle, c’est un passe-temps bien vu pour les jeunes filles de bonne famille, qui sont encouragées à dessiner et faire de l’aquarelle tout autant qu’à jouer du piano ou chanter.
Blanche préfère l’huile sur toile, comme Monet. Elle voue une admiration sans borne au peintre qu’elle accompagne fréquemment sur le motif. On retrouve dans l’oeuvre de Blanche de nombreuses toiles représentant les mêmes sujets que Monet, peints sans doute les mêmes jours. Quelquefois, la similitude de facture est frappante, au point que même des spécialistes de Monet épiloguent sur la paternité des oeuvres non signées.
C’est l’été : jupe blanche et corsage bleu, un petit chapeau de paille sur la tête, la silhouette claire de Blanche tranche sur le fond de verdure. L’arrière-plan est traité en bandes parallèles horizontales, vert de l’herbe dans laquelle Suzanne est assise, beige-rosé des roseaux, vert acide des buissons, feuillage des peupliers masquant à demi le ciel. Les troncs des arbres recoupent ces bandes horizontales en minces lignes presque verticales.
A l’intérieur du rectangle de la toile, les silhouettes des deux soeurs créent un autre rectangle, plus petit. Il attire l’oeil vers le centre de l’oeuvre, vers le chevalet sur lequel est posé le tableau que Blanche est en train de peindre.
Nous ne le voyons pas, pas plus que nous ne voyons ce que Blanche regarde sur la gauche de la toile de Monet, hors champ. Nous ne croisons pas non plus le regard de Suzanne plongée dans son livre. Les trois protagonistes sont absorbés par leur tâche ou feignent de l’être, donnant l’image d’un après-midi de calme loisir. Mais les deux jeunes filles savent qu’elles posent, et que leur rôle de modèle est peut-être le plus important de tous.

La châsse de Saint-Taurin

La châsse de Saint-Taurin à Evreux, chef-d'oeuvre de l'orfèvrerie du moyen-âgeL’église Saint-Taurin d’Evreux possède un joyau unique : un magnifique reliquaire tout couvert d’or et d’argent, de pierres précieuses et d’émaux, auquel sa forme d’église vaut le nom de châsse.
Ce chef-d’oeuvre de l’orfèvrerie du Moyen-Age a été ciselé à l’époque de Saint-Louis, en 1253. Il contient les restes pieusement conservés de Saint-Taurin, le premier évêque d’Evreux. il aurait vécu au 4e siècle et serait l’auteur, d’après la légende, de nombreux miracles.
C’est un moment de pure émotion de découvrir cette merveille, bien mise en scène au milieu d’une chapelle entièrement vide, à laquelle on accède en poussant une lourde porte. Le reliquaire, d’une beauté saisissante, semble rayonner sous l’oeil de la vidéo surveillance.
L’objet est de taille imposante, peut-être un mètre de large et autant de haut. Sur les toits, un bas relief en métal repoussé raconte l’enfance du Saint, tandis que des scènes de sa vie publique sont représentées sur les côtés.
L’âme de la châsse est en chêne recouvert de panneaux d’argent doré, tandis que les personnages sont exécutés en cuivre doré. Ils sont traités avec une grande finesse non dénuée d’une certaine naïveté. Certains anges, par exemple, ont un sourire jusqu’aux oreilles. Ils doivent apporter de très bonnes nouvelles, certainement.
La plupart des châsses du Moyen-Age ont disparu à la Révolution, où elles ont été confisquées au clergé et fondues pour le métal. Evreux ne doit d’avoir conservé la sienne qu’à la complicité de la municipalité de l’époque, qui ne l’a pas inventoriée et l’a cachée pendant toute la Terreur.
Restaurée au 19e siècle, elle brille aujourd’hui de tout son éclat. Si vous êtes de passage à Evreux, si vous organisez des voyages scolaires… ne vous privez pas d’aller la contempler, l’accès est gratuit.

Porte-drapeau

Maison datant de la Reconstruction normande équipée de porte-drapeauxQui sortira son bout d’étoffe tricolore le 14 juillet prochain ? En Normandie, les architectes de la Reconstruction ont très souvent prévu des porte-drapeaux aux maisons, dans la ferveur patriotique de l’après-guerre. Après les longues années d’occupation, cela paraissait on ne peut plus normal de manifester son attachement au drapeau, symbole d’un pays libre et souverain.
C’était il y a soixante ans, les Français étaient fiers de pavoiser. Et aujourd’hui ? Les porte-drapeaux sont toujours là, intacts, prêts à servir. Mais seuls les grands enjeux sportifs sont susceptibles de les regarnir. La flamme patriotique le jour de la fête nationale vous attire un regard en biais des voisins. Ca ne se fait plus, et rien n’est plus grégaire qu’une société humaine.
Malgré les invitations réitérées dans la presse à participer aux dépôts de gerbes, comme d’habitude chacun restera dans son lit douillet le jour du quatorze juillet.
Et le vieux drapeau d’époque retrouvé au grenier soigneusement roulé, avec ses couleurs passées et sa pointe en fer de lance, ne reprendra pas du service. Il représentait trop pour ceux qui l’ont caché pendant quatre ans, attendant avec espoir le jour où ils pourraient l’arborer à nouveau à la façade.
Si on l’exposait à l’air de la campagne 2007, la vénérable relique attraperait le rhume des foins.

Projet de jardin

Jardin de peintre, le jardin de Claude Monet à GivernyA quoi ressemblera le jardin cette année ? La question est encore d’actualité pour beaucoup de jardiniers. A Giverny en revanche, voilà bien longtemps que les plantations sont planifiées : la maison de Claude Monet et ses jardins ouvrent dans une semaine. Comme chaque année, l’équipe de la Fondation Monet aura accompli un tour de force en préparant la floraison de dizaines de milliers de fleurs.
Aucun particulier ne peut rivaliser avec les moyens déployés ici, et c’est parfois un peu déprimant de retrouver son modeste jardin après avoir vu les splendeurs de Giverny. Pour se consoler, il faut se dire que Monet n’a pas créé son univers en un jour. Il lui a fallu beaucoup de temps et d’efforts, près d’un demi-siècle, pour parvenir à la perfection formelle que nous admirons aujourd’hui.
Claude Monet a vécu quarante-trois ans à Giverny, une longue période qu’on peut diviser en quatre étapes.
Monet a d’abord été locataire pendant sept ans avant d’acquérir en 1890 la propriété dont le terrain se résume à l’actuel Clos Normand. C’est un verger agrémenté de parterres entourés de buis taillés et traversé par une sombre allée d’épicéas. Les premières années ne connaissent que des transformations légères. Une partie du jardin est dévolue au potager, où la famille se dépêche de planter des légumes pour sa subsistance. Les enfants sont chargés d’arroser en tirant l’eau du puits. Monet sème ses premiers massifs de fleurs.
Devenu propriétaire, le peintre fait bâtir sa première serre pour les orchidées et les plantes exotiques. Sa situation financière s’améliore. En 1892 il est en mesure d’embaucher un chef jardinier bientôt secondé par cinq aides.
En 1893, Monet achète une bande de terrain de l’autre côté de la route et fait creuser un premier bassin aux nymphéas, bassin redessiné en 1901 après l’achat d’une parcelle voisine.
Dernière étape en 1911, après les inondations catastrophiques de 1910, Monet fait agrandir le bassin et transforme son jardin d’eau. Cela fait vingt-huit ans qu’il est arrivé à Giverny.

Départ pour Hastings

Guillaume le Conquérant partit de Saint-Valéry sur Somme pour envahir l'AngleterreLa Normandie, et tout particulièrement le Calvados, cultive le souvenir de son grand duc Guillaume le Conquérant. Du château de Falaise où il est né à celui de Caen dont il a fait sa capitale, la dotant de deux abbayes, en passant par la Tapisserie de Bayeux qui célèbre ses exploits, Guillaume a laissé une empreinte encore bien visible un millénaire plus tard.
Mais il est plus étonnant qu’hors de Normandie, une autre ville lui rende un hommage appuyé. C’est le cas de Saint-Valéry-sur-Somme. Comme son nom l’indique, la ville est située dans le département de la Somme, à deux heures trente de Giverny.
Bien qu’elle soit devenue station balnéaire au début du siècle dernier, cette très ancienne cité a conservé un fort caractère médiéval.
L’histoire raconte que c’est dans son port que la flotte normande partie de Ouistreham Dives-sur-Mer, près de Caen, a fait une longue escale dans l’attente des vents d’est (pas si fréquents) qui lui permettraient de faire voile vers l’Angleterre, avec armes et bagages. Stèle et bas-reliefs rappellent cet événement.
L’autre héroïne locale reliée à la Normandie n’est autre que Jeanne d’Arc qui, prisonnière, fit un passage à Saint-Valéry-sur-Somme avant d’être conduite à Rouen.

Jean Monnet ou Jean Monet ?

Portrait de Jean Monet en bonnet à pompon, par Claude Monet, 1869, Fondation Bemberg, Hôtel d'Assézat, ToulousePorter presque le même nom qu’un autre est source d’interminables confusions. A l’heure où l’on célèbre le cinquantenaire du traité de Rome, et où l’on rend un hommage mérité à l’un de ses pères fondateurs, Jean Monnet, il est temps de mettre les choses au point : l’homme d’Etat s’écrit avec deux n et n’a rien à voir avec la famille de Claude Monet.
Pas l’ombre d’un lointain cousinage, à peine un lointain voisinage. Claude Monet et son fils Jean ont vécu à Giverny, dans l’Eure, à une cinquantaine de kilomètres de Bazoches-sur-Guyonne dans les Yvelines, où Jean Monnet demeurait.
Le site de l’association Jean Monnet s’empresse lui aussi de clarifier l’encombrante homonymie, et vous donnera tous les détails sur le grand homme, né en 1888, qui a marqué l’Histoire.
Quelques années plus tôt, en 1867, un petit bonhomme vient au monde. C’est le premier fils de Claude Monet et de Camille Doncieux. Ses parents l’appellent Jean.
Les premières années du petit Jean sont marquées par la précarité de la famille, qui vit dans des conditions difficiles, presque sans ressources. Mais l’enfant grandit entouré de la tendre sollicitude de sa mère et de son père.
Claude Monet, qui avoue son attendrissement devant le bébé, le peint à plusieurs reprises seul ou avec d’autres personnes : dans son berceau ; endormi ; avec un bol ; à la table familiale… Le petit Jean n’a que deux ans quand il pose pour ce portrait où il apparaît rêveur, le visage empreint d’une douce gravité.

Chaise en pierre

Mobilier urbain en pierre à EvreuxIl n’y aura pas d’amoureux pour se bécoter sur ce banc-là, ou alors il faudra qu’ils se fassent tout petits. La ville d’Evreux a choisi ce modèle de siège monoplace en pierre pour animer ses rues, en alternance avec de gros blocs de granit sans dossier qui font office de banc, et sur lesquels on peut asseoir la moitié d’une colonie de vacances.
Tout cela n’a pas le charme désuet des bancs publics parisiens, mais dans le genre contemporain, ces sièges en pierre possèdent des arguments de poids.
La chaise que voici est très confortable, surtout quand le soleil a chauffé un peu la pierre. Le confort est affaire d’inclinaison et de dimension d’assise, bien calculés ici.
La rainure ménagée au bas du dossier permet à l’eau de s’écouler.
Le matériau et son coloris se fondent parfaitement dans l’environnement urbain. Le design sobre et épuré évite le look paléolithique.
Enfin, côté entretien, rangez les pots de peinture, ces sièges restent en place sans embêter le monde. Si en plus c’était économique, ce serait la cerise sur le gâteau.

La maison de Monet

La maison de Monet à Giverny en étéClaude Monet a mis tout son art à décorer sa maison de Giverny, où il a vécu 43 ans. Il en a fait un lieu intime et confortable à découvrir absolument si vous venez à Giverny.
La maison rose aux volets verts s’étire le long de la rue principale du village, sa façade tournée vers le jardin. Le plan tout en longueur vient des agrandissements voulus par Monet pour loger sa grande famille : les deux fils qu’il a eus avec Camille, sa future épouse Alice, et les six enfants de celle-ci.
La visite commence par le petit boudoir bleu décoré d’estampes japonaises, où Alice passait l’après-midi en compagnie des enfants, à broder ou à lire. Le temps y est toujours rythmé par le tic-tac de l’horloge peinte en bleu comme les boiseries.
On traverse ensuite l’épicerie installée dans l’entrée secondaire, qui permettait à Monet de faire passer marchands et amateurs directement dans son atelier. Comme les estampes, les meubles de style bambou révèlent le goût de Monet pour le japonisme.
En contrebas de quelques marches, on visite ensuite le premier atelier de Claude Monet, le seul endroit de la maison où il exposait ses propres toiles. Certaines étaient à vendre, d’autres étaient conservées en souvenir de périodes marquantes de sa vie et de sa carrière.
Un escalier étroit conduit à l’étage où Monet s’était réservé la plus grande chambre. Il faut l’imaginer couverte des oeuvres de ses amis impressionnistes Sisley, Renoir ou Cézanne.
De la fenêtre de sa chambre, la vue plongeante sur le jardin fleuri permet d’apprécier le dessin géométrique des plates-bandes.
On traverse ensuite le cabinet de toilette de Monet, où il prenait tous les matins un bain froid, avant de choisir dans la garde-robe les vêtements adaptés à son emploi du temps du jour.
Le cabinet de toilette d’Alice fait suite à celui de Monet, puis vient la chambre d’Alice, émouvante dans sa simplicité.
De là, l’escalier principal de la maison redescend vers la salle-à-manger. C’est la pièce la plus spectaculaire de la maison. Elle surprenait tous les contemporains qui y ont été reçus, artistes, écrivains, marchands, hommes politiques… Monet l’a voulue entièrement jaune, meubles et murs, une couleur qui met en valeur les estampes japonaises et la vaisselle bleue. Raffinement suprême, la cuisine voisine est couverte de carreaux bleus pour qu’elle s’harmonise avec le jaune de la salle-à-manger quand on en ouvrait la porte pour apporter les plats !
La visite de la cuisine confirme l’importance que Monet accordait aux plaisirs de la table. Dans cette pièce spacieuse parfaitement agencée pour l’époque, la cuisinière et son aide disposaient d’un grand fourneau et d’une collection de cuivres rutilants qui leur permettaient de préparer des repas élaborés pour dix à vingt personnes chaque jour.

Contre temps

L'atelier de Monet en hiver, GivernyC’est le printemps demain, pincez-moi… Depuis deux jours les petits matins sont blanchis d’une neige fondante, incongrue sur les premières tulipes.
Les voitures qui descendent du plateau arborent une belle couverture blanche, mais dans la vallée de la Seine, les flocons ne tiennent pas. Aucun souffle, il ne fait même pas froid. On patauge dans un centimètre de neige gorgée d’eau qui n’est bonne à aucun jeu, à aucune métamorphose, qui n’est qu’un regret de la saison qui s’en va, un spasme de l’hiver qui meurt sans avoir donné le meilleur de lui-même.
Le chemin de l’école détrempé est plein de flaques d’où émergent, deci-delà, des îles. Nous avons chaussé nos bottes de sept lieues pour traverser cet archipel.
Une lieue, c’est quatre kilomètres en langage de conte, les enfants le savent bien.
– Sept fois quatre vingt-huit, ça fait 28 kilomètres alors ?
– C’est comme d’aller en un seul pas d’ici à Mantes-la-Jolie ou à Evreux.
Les chevaux de l’imaginaire étaient lancés. Nous avons calculé combien de pas il faudrait pour aller jusqu’à Paris – trois pas seulement, puis pour traverser la France. A grandes enjambées, nous avons franchi la Beauce, le Massif Central, le Midi toulousain avant d’escalader les Pyrénées que nous avons dévalées vers l’Espagne. La température s’est adoucie sensiblement, le temps d’approcher de Gibraltar et de franchir la Méditerranée – on donne la main pour traverser la route. De l’autre côté, c’était l’Afrique, la brise de mer qui agitait les palmiers-dattiers. Il tombait de gros flocons mouillés sur les plages du Maroc, ce matin…

Un musée Ariane à Vernon ?

La Fusee Ariane 5 au CSGEst-ce la contagion des promesses électorales ? C’est un scoop, la municipalité de Vernon planche sur un projet de musée de la fusée Ariane. Le lieu serait déjà trouvé, l’ancienne caserne en cours de restructuration à côté du centre ville, les collections existent, inaccessibles pour l’instant dans l’enceinte de Snecma, ex Société européenne de propulsion ; il ne resterait plus… qu’à tout faire, c’est-à-dire passer de l’idée à la réalisation en faisant naître le musée.
C’est à la fois un projet formidable et risqué. Imaginez comme cela pourrait être bien, un espace didactique, ludique dans le style de la Cité des Sciences, qui nous expliquerait façon C’est pas Sorcier comment c’est possible de faire voler des engins dans l’espace, comment on les y expédie, comment on les récupère, les mystères de la pesanteur et de l’attraction terrestre, les nouveaux combustibles révolutionnaires qu’on utilise, les piles solaires, à quoi servent les satellites, la coopération spatiale européenne, et toutes ces questions qu’on ne s’est peut-être jamais posées mais dont on est bien content d’apprendre la réponse…
Et maintenant imaginez le même sujet version musée industriel… Ce n’est pas tout d’avoir à Vernon le site de conception et de fabrication des moteurs de la fusée Ariane. Il reste à créer un espace muséographique attractif, à la hauteur de la notoriété internationale du lanceur européen. Un vrai et beau challenge.

Le printemps des Poètes

Le Matin au bord de la mer, huile sur toile 61 x 81 cm, Claude Monet, 1881, collection particulière

( « Le Matin au bord de la mer », huile sur toile 61 x 81 cm, 1881, collection particulière, vue prise entre Fécamp et Yport)

C’est le dernier jour du Printemps des Poètes.

Merci à Florian, 16 ans, pour ce beau poème inspiré des tableaux de falaises de Monet :

La Tueuse

La falaise dressée, calme et majestueuse,
Contemple l’horizon aux couleurs de corail.
Le soleil fait saigner la pierre des murailles
Que la mer veut ronger de ses vagues hargneuses.

Sous son habit de ciel se cache une tueuse
Aux lames acérées, prête à livrer bataille.
Le temps ne compte pas pour ses flots qui assaillent
La roche qui résiste et qui pourtant se creuse.

L’issue de cette guerre est écrite d’avance,
Le rocher cèdera au terme des souffrances.
L’Homme aussi est livré aux attaques du Temps ;

Même s’il se croit fort comme un rempart, solide,
Le sablier s’écoule et peu à peu se vide,
Son destin est fatal, déjà la Mort l’attend.

Thomas Buford Meteyard

Thomas Buford-Meteyard, l'Eglise de Giverny au clair de lune, huile sur toile, vers 1898, Musée de VernonVous avez peut-être reconnu l’église de Giverny sur cette toile attribuée à Thomas Buford Meteyard, que le musée de Vernon a acquise en 2005. Meteyard fait partie de la colonie de peintres étrangers, principalement américains, qui ont travaillé à Giverny à la fin du 19e et au début du 20e siècle.
Meteyard s’est singularisé en s’intéressant aux variations de la lumière la nuit. Il est l’auteur de séries d’aquarelles et d’huiles au clair de lune. Son traitement de ces motifs s’éloigne pourtant d’une approche impressionniste. Sur cette toile, on voit bien comment les larges à-plats de couleurs, leur rendu mat, l’apparition quasi fantomatique de l’église dans la clarté nocturne le rapprochent du symbolisme.
Thomas Buford-Meteyard est né à Rock Island dans l’Illinois en 1865, mais il a vécu longuement des deux côtés de l’Atlantique – en Angleterre, en France, dans le Massachusetts et en Suisse où il meurt en 1928. Pendant sa période parisienne, il se lie avec le peintre norvégien Edvard Munch et le poète Stéphane Mallarmé. A Giverny, il est l’ami du peintre américain John Leslie Breck, lui aussi adepte des vues au clair de lune.

Le musée de Vernon présente actuellement une exposition des oeuvres qui sont entrées dans ses collections depuis l’an 2000. Toutes les sections du musée sont représentées, l’art animalier occupant le devant de la scène avec un monumental laque aux Ibis de Gaston Suisse, des plâtres de kangourous, de chevrettes, de chat, de Righetti, des sculptures de chiens de Fath, des pochoirs de Benjamin Rabier, un recueil de gravures de panthères de Jouve… Le cabinet des dessins s’est enrichi de Steinlen et d’Ostier poignants.
Le parcours propose une réflexion sur ce qu’est un musée. Le hasard des donations a présidé à la constitution des collections du musée de Vernon, que ses conservateurs successifs et l’association des Amis du Musée se sont attachés à compléter avec cohérence.

Aulne

aulne glutineux ou verneComme un feu d’artifices silencieux, la floraison des arbres a commencé. Le spectacle va durer deux mois.
Pendant que les arbres à fruits se transforment en gros bouquets blancs ou roses, d’autres ont des mises en beauté plus discrètes. C’est le cas de l’aulne.
L’aulne est affublé d’un surnom grotesque, glutineux. Tout ça parce que ses jeunes feuilles sont poisseuses, gluantes, bref glutineuses (de la nature du gluten). Il n’y a pas de quoi en faire un plat, alors que tout est élégance dans cet arbre.
Regardez-le fleurir en ce moment. Les chatons mâles retombent délicatement au bout des rameaux, on dirait des pendants d’oreilles. A côté, grosses comme des grains de riz, les fleurs femelles attendent un souffle de vent pollinisateur. En fin de saison, elles se transformeront en petits cônes ligneux semblables à de minuscules pommes de pin. Les fruits de l’an dernier sont encore sur l’arbre, en colliers de perles le long des branches, ils complètent la parure.
Et les feuilles ? Pas de bourgeons en vue ? Rien n’est plus urgent que de s’occuper des fleurs et des fruits, foi d’arbre, les feuilles viendront plus tard.

L’autre nom de l’aulne, c’est la verne. Vernon en dériverait, une toponymie logique pour une ville située le long d’un cours d’eau comme la Seine. L’aulne aime en effet les bords de rivière où il trouve l’eau et le soleil dont il a besoin.
J’ai photographié celui-ci au bout du pont Clemenceau, côté Vieux Moulin. Le houppier de l’arbre frôle le parapet du pont, si bien que pour une fois, on peut voir l’arbre non pas d’en bas, mais comme un oiseau posé sur une branche.

Combien de tableaux Monet a-t-il peints ?

Pommiers en fleurs, Giverny, 81x100 cm, par Claude Monet, 1901 Collection particulièreDans son catalogue raisonné de l’oeuvre de Monet, Daniel Wildenstein a recensé environ 2000 tableaux, tous des huiles sur toile : le dernier porte le numéro 1981, mais les Grandes Décorations de l’Orangerie, ces panneaux immenses, hors normes, ne sont pas comptés dans la numérotation.
Le catalogue ne tient pas compte des dessins, pastels, esquisses, rarement signés, et dont beaucoup ont par conséquent été perdus.
Sur ces 2000 toiles, Giverny s’impose comme le sujet de prédilection de Claude Monet. Rien de plus naturel au regard des 43 ans qu’il y a passés, la moitié de sa vie.
Claude Monet a peint son jardin d’eau 272 fois, son jardin fleuri 52 fois, soit un total de 324 vues prises dans son jardin.
Peintre du plein air, Monet n’a représenté sa maison que de l’extérieur, en arrière-plan du jardin fleuri, mais jamais en scène d’intérieur comme il l’avait fait ailleurs au début de sa carrière.
Le peintre est aussi allé peindre aux alentours de chez lui, ce qui s’est concrétisé par 238 vues de Giverny, coquelicots, bords de l’Epte, meules, marais, peupliers, prairies, routes, vergers, Seine, etc. Le village en lui-même paraît comparativement sous représenté, seulement 16 fois.
Avec 4 occurences, l’église n’a guère inspiré Monet, contrairement à celles de Vétheuil, de Vernon ou à la cathédrale de Rouen.

Château-Gaillard

Château-Gaillard, le château fort de Richard Coeur de Lion aux AndelysVoici l’endroit où s’est placé Philippe-Auguste, le roi de France, quand il a assiégé la forteresse de son meilleur ennemi, Richard Coeur de Lion. Meilleur ennemi, parce qu’ils ont fait mine de s’entendre le temps de participer ensemble à la croisade. Mais au retour le naturel a repris le dessus. Le petit roi de France a des visées sur les terres de son bouillonnant et très puissant voisin, duc de Normandie et Roi d’Angleterre.
Imaginez la convoitise de Philippe-Auguste, alors qu’il a une si bonne vue sur le château-fort. Il en fait le siège des mois durant, et puis, un beau jour, il passe à l’attaque.
L’éperon rocheux sur lequel est bâti Château-Gaillard a beaucoup d’atouts, néanmoins son point faible est d’être attaquable par l’arrière. Le château n’est pas tout à fait au sommet du coteau, une petite forêt le domine. Philippe-Auguste y place ses machines de guerre, qui ressemblent encore beaucoup à celles des Romains dans Astérix.
Je raconte ici l’histoire de Château-Gaillard, si cela vous intéresse. Je voulais juste vous suggérer, si vous envisagez de venir visiter le site, de pousser jusqu’à ce point de vue.
En voiture ou en car, on arrive par le haut de la colline. Le début du chemin se trouve à l’entrée de la forêt, sur la gauche. Ce n’est pas loin, cinq ou dix minutes de marche en sous-bois. Attention, le chemin est très en pente à un endroit, et parfois presque envahi par les ronces. Mais vous êtes de preux chevaliers prêts à partir à l’assaut du château, oui ou non ? Au bout, on est récompensé par une vue magnifique, encore plus belle que celle que l’on a depuis le château ou le parking. Et ce n’est pas peu dire.

Buffet cauchois

Buffet cauchoisCe buffet cauchois de la fin du 18e siècle ressemble comme deux gouttes d’eau à ceux que Monet a installés côte à côte dans sa salle à manger de Giverny : même corniche en anse de panier, mêmes portes vitrées à volutes… A un détail près : celui-ci a gardé son aspect bois d’origine, la belle teinte chaude du mélèze.
Pour qu’ils se fondent parfaitement dans le décor de la pièce, Monet a fait peindre ses deux buffets comme les murs et les corniches, de deux tons de jaune de chrome. La vaisselle bleue qu’ils abritent et qui se devine à travers les portes vitrées s’en trouve mise en valeur.
Au moment où Monet les a achetés, les deux buffets jumeaux étaient sans doute neufs, ou peu anciens. Ce n’était donc pas un sacrilège de les recouvrir de peinture. Aujourd’hui, il vaut mieux y réfléchir à deux fois avant de faire subir le même sort à des buffets cauchois, devenus des antiquités, qui y perdraient irrémédiablement une patine de deux siècles. Les buffets suédois contemporains conviennent davantage à l’expression de tous les talents de coloristes.

Pourquoi y a-t-il des monstres à l’extérieur des églises ?

Détail du portail de la collégiale Saint Vulfran à AbbevilleCette mignonne petite bête qui escalade le portail de la collégiale Saint-Vulfran d’Abbeville vous rappelle quelqu’un ? Ne dirait-on pas Denver, le dernier dinosaure, héros des dessins animés de la télévision ?
D’un anachronisme à l’autre, on peut se demander où les sculpteurs du Moyen-Age sont allés chercher le modèle de ce monstre. Si l’on s’imagine un peu vite qu’ils n’avaient aucunes connaissances archéologiques, la ressemblance avec les dinos est assez troublante.
Que vient faire cette bête à cet endroit-là ? La question s’impose chaque fois que l’on regarde une église gothique de quelque importance, face à la multiplication des gargouilles et des monstres en tous genres.
L’explication la plus courante est qu’ils sont là comme des épouvantails, pour faire fuir les démons attirés par toutes les âmes réunies à l’intérieur de l’édifice.
Mais un tailleur de pierre vient de me donner une autre analyse qui m’a fait l’effet d’une révélation, tant elle semble évidente après coup : les gargouilles et autres monstres sont une matérialisation dans la pierre des démons en train de fuir de l’église, repoussés par la sainteté du lieu. Un peu comme si on pétrifiait des vampires battant en retraite parce qu’ils ont aperçu des gousses d’ail.
Transformés en gargouilles, voilà les monstres matés, cracheurs d’eau bienfaisante plutôt que de feu destructeur.

Séjour en francophonie

Portrait de Claude Monet en uniforme par Charles Lhuillier, 1861 musée Marmottan, ParisQu’a retenu Monet de son séjour sous les drapeaux en Algérie, en 1861-62 ? Les femmes parées de bijoux d’or, les chameaux et leur démarche altière, presque chic ?
Y a-t-il connu son premier amour, l’a-t-il fait valser au bal du 14 juillet ?
A-t-il aimé, quand il bivouaquait à quelques mètres de la plage, les couchers de soleil aux teintes abricot ?
L’armée française n’avait certes rien à voir avec une bande de bachi-bouzouk, mais dans son costume bleu et rouge, qui paraît si bizarre aujourd’hui où règnent les tenues de camouflages passe-partout, le jeune Monet avait un air de clown, comme on peut en juger sur ce Portrait de Claude Monet en uniforme par Charles Lhuillier, daté de 1861 et conservé au musée Marmottan à Paris.

Vous aussi, du 10 au 20 mars 2007, laissez libre cours à votre imagination et participez à la Semaine de la langue française et de la francophonie en jouant avec les dix mots proposés : abricot, amour, bachi bouzouk, bijou, bizarre, chic, clown, mètre, passe-partout, valser.

L’art de photographier les jardins

Roses dans le jardin de Monet à Giverny, photo Anne ChrysotèmeL’impressionnisme est une gageure, celle de rendre, par la technique lente de la peinture, l’impression d’un instant. Si l’on s’en tient à cette définition, la photographie paraît impressionniste par nature, puisqu’elle fixe instantanément l’instant.
Bien sûr, il y a des photos qui sont intemporelles. Et bien sûr, la peinture impressionniste, c’est aussi une touche, un choix de motifs, une réflexion sur le rôle de l’art…
La photographe Anne Chrysotème excelle dans l’art de l’impressionnisme photographique. Il y a quelques années, elle s’est prise de passion pour les jardins de Claude Monet à Giverny, au point d’y fixer sur la pellicule argentique plusieurs milliers de clichés.
Quand elle arrive avec sa dernière moisson, c’est toujours un moment d’émerveillement de découvrir ses photos pleines de poésie, de magie. Son talent me bluffe. Comme le peintre transforme un paysage en oeuvre, elle magnifie ce lieu que je connais bien, avec sa vision personnelle d’artiste.
A Giverny, Anne Chrysotème aime les reflets du jardin d’eau, les couleurs de l’automne. En suivant ce lien, vous verrez d’ailleurs que la photo n’est pas le seul de ses talents.
Anne prend son temps pour tirer le portrait des fleurs comme ces roses du Clos Normand, devant la maison du peintre.
Si vous voulez essayer d’en faire autant, il vous faut un appareil avec une bonne optique, qui permette de jouer sur la profondeur de champ. Passez-le en mode manuel, choisissez une grande ouverture de diaphragme et réglez la netteté du premier plan. Petit truc, Anne recommande de choisir un arrière-plan sombre, le ciel ne donne pas grand-chose. Pour le reste, l’oeil, la composition, sont affaires personnelles.

Frederick et Mary MacMonnies

Jardin en hiver à Giverny, Mary Fairchild MacMonnies Cette toile de grandes dimensions (97 x 163 cm) de Mary Fairchild MacMonnies est un des chefs d’oeuvres du musée de Vernon. Elle représente le jardin de l’artiste en hiver.
L’impressionniste américaine et son époux Frederick MacMonnies, peintre et surtout sculpteur, ont habité Giverny. A la fin des années 1890, les MacMonnies sont les deux artistes les plus marquants de la colonie de peintres étrangers qui a jeté son dévolu sur le village.
A cette époque, les MacMonnies jouissent d’une certaine aisance. Ils emménagent dans un ancien monastère du 16e siècle, que leurs amis renomment bientôt le MacMonastery.
La demeure est entourée d’un parc d’un hectare et demi. Au tournant du siècle, Claude Monet n’est pas le seul à avoir un magnifique jardin à Giverny. De l’avis de certains visiteurs, celui des MacMonnies, à l’autre extrémité du village, est encore plus beau. Plus dans le goût du temps, en tout cas. On voit bien ici le bassin au milieu duquel se dresse une statue du dieu Pan. D’autres statues antiques sont alignées sur le mur au second plan. Monet, en revanche, n’a que faire de cet académisme, on ne trouve pas une seule statue dans son jardin.

Comme souvent avec les oeuvres des peintres américains réalisées à Giverny, on ne peut s’empêcher d’établir des comparaisons avec Monet. Le « Jardin en hiver à Giverny » de Mary Fairchild MacMonnies évoque le maître de l’impressionnisme à plus d’un titre :
– la localisation du motif (Giverny, reconnaissable à la colline à l’arrière-plan),
– le thème traité (un coin de jardin),
– le traitement de la lumière (touche vibrante et dorée),
– l’importance du moment de la journée (le matin, à en juger par le sens des ombres)…
Toutes ces caractéristiques font penser aux paysages d’hiver de Monet, à la Pie, aux Glaçons, à la route près d’Honfleur, aux Meules en hiver… Claude Monet a exercé une influence indéniable sur Mary MacMonnies. Comme lui, elle a d’ailleurs représenté son jardin à plusieurs saisons, des toiles que l’on peut voir également au musée de Vernon.
Aujourd’hui, l’ancienne propriété des MacMonnies s’appelle le Moutier, nom qui dérive de monastère, et se trouve non loin de l’église.

Les Refusées du Salon

Vaches en NormandieIl n’y a pas qu’au Salon de l’Agriculture (qui, au cas où cela vous aurait échappé, se tient cette semaine Porte de Versailles à Paris) qu’on peut voir des vaches et des veaux. En Normandie, on a ça toute l’année chez nous. Certes, les bovins ne sont pas aussi astiqués que ceux qui participent au salon parisien. Les vaches ont des mensurations ordinaires. Ce ne sont pas les Claudia Schiffer des bovidés. Elles sont juste normales, comme vous et moi, qui ne songeons pas à concourir pour Elite. A tous les coups, si elles essayaient, elles seraient refusées au Salon.

Hier, je suis allée assister à la traite du soir. Elle commence à 17 heures, et il faut une heure trente pour traire les 80 vaches laitières de l’exploitation, une opération qui se répète deux fois par jour.
Ca rend zen de regarder des vaches. Certaines sont pressées de se faire traire, les dominantes du troupeau passent les premières. Mais la plupart patientent avec placidité. Elles s’engagent les unes derrières les autres dans la file qui mène à la salle de traite, comme si elles faisaient la queue au self, et certaines devront attendre près de 90 minutes, mais elles ne semblent pas s’en soucier. Comment font-elles ? D’où leur vient cette sérénité ? Elles ne discutent pas avec leurs voisines. Elles n’ont pas de MP3 dans les oreilles. Aucune distraction à l’horizon. Elles sont là, présentes de toute la masse de leur gros corps. A quoi pensent-elles ? Pensent-elles, d’ailleurs ?
La fermière m’a fait voir les veaux. Il est regrettable que ce mot soit masculin, car tous étaient des femelles. Les demoiselles sont conservées pour renouveler le troupeau, tandis que les jeunes gens finissent rapidement à l’abattoir. Cela peut être un avantage certain de naître avec des mamelles, en tout cas chez les vaches.
Il faut apprendre aux veaux à boire au seau, car cela ne va pas de soi de baisser la tête pour se nourrir quand on est programmé pour la lever vers le pis de sa mère. On leur appuie légèrement sur la tête, certains pigent au quart de tour, d’autres mettent plusieurs jours…
Les petits veaux sont tout à fait attendrissants, ils vous tètent la main goulûment, ils ont l’air de la prendre pour une grosse tétine en silicone. Leur pelage dru a le toucher d’une peluche.
En grandissant, les veaux deviennent joueurs et turbulents. Ils courent d’un côté à l’autre de l’étable sur leurs pattes grêles, si vite qu’on a peur qu’ils ne les cassent. Puis les génisses s’assagissent. Des plus jeunes veaux aux vaches allaitantes, les bêtes sont regroupées par âge, comme à l’école.
Toutes attendent avec impatience le moment d’aller brouter et gambader dans les prés. C’est pour bientôt, il y a de l’herbe, mais la pluie a rendu le terrain trop boueux. Est-ce à cela que vous songiez, Mesdames, en attendant la traite ?

Champ d’avoine

Champ d'avoine, Claude Monet, 1890, collection particulièreIl fut un temps où les Monet ne s’adjugeaient pas sous le marteau des commissaires – priseurs après d’haletantes ventes aux enchères, mais où ils s’offraient tout bonnement à la convoitise des collectionneurs.
Imaginez par exemple que vous vivez en 1891 à Boston, vous êtes amateur d’art, vous vous appelez Desmond Fitzgerald, et voilà que le 7 avril vous découvrez ce Monet-ci à la galerie J. Eastman Chase.
Je peux vous dire ce qui vous arrive : votre coeur s’emballe, et vous ne rêvez que d’une chose, c’est que votre cousin se porte acquéreur du tableau.
Pourquoi ? Je ne lis pas dans vos pensées à ce point là. Votre cousin John Nicholas Brown vous a peut-être demandé de le conseiller pour se constituer une collection ? Ou est-il plus fortuné que vous ? En tout cas, après avoir beaucoup admiré le Champ d’avoine, vous foncez au bureau des télégrammes et vous cablez ce mot enthousiaste à votre cousin qui habite Providence :

Le plus magnifique Monet vient d’arriver. Vous et votre mère l’admirerez. Il m’est réservé jusqu’à demain midi. Quinze cents $. Je vous supplie de dire oui, vous ne le regretterez jamais. Répondez oui ou non ce soir si possible.

Vous êtes sur des charbons ardents tout le reste de la journée. Enfin, à 8 heures du soir, vous retournez à la Western Union Telegraph Company juste à l’instant où le bureau va fermer, et, quel bonheur, le télégramme d’acceptation de votre cousin arrive à cet instant.
Ensuite, vous rentrez chez vous et, après dîner, vous reprenez la plume pour être un peu plus précis. Il s’agit de rassurer votre correspondant qui achète sans avoir vu.

Le tableau pourrait être vendu, si tu décides de ne pas le garder, mais il est d’une beauté surprenante et de la meilleure qualité – signé et daté 1890. Il a la même taille (N.D.L.R. : 50×76 cm) que ma Scène d’automne dans la bibliothèque – un peu plus grand que le tableau d’Antibes que tu as vu chez moi. Il est (…) arrivé de Paris cet après-midi. Nous ne sommes que quelques-uns à l’avoir vu.(…) C’est le tableau de Monet le plus complet que j’ai jamais vu, un chef d’oeuvre. C’est un champ de blé et de coquelicots avec quelques arbres, semblable à celui que toi et H aimiez mais bien bien meilleur à tous égards. Tu ferais bien de descendre pour le voir tout de suite. Mais il est impossible de te donner une idée de sa finesse et de sa beauté. C’est un jour chaud et vaporeux de plein été.

Et pour mieux vous faire comprendre vous griffonnez un petit dessin de la composition du tableau. Enfin, après avoir signé, vous rajoutez encore ce post-scriptum :

C’est une belle composition autant qu’une belle image. C’est le meilleur que j’ai jamais vu. Il vaudra plus de 10.000 dollars un jour.

Vous avez le goût sûr : votre cousin n’est pas déçu de son acquisition. Il l’aime tellement qu’il garde le tableau toute sa vie, et ses héritiers, tout aussi séduits, ne s’en séparent pas davantage.

On possède quelques détails sur la création de cette oeuvre. Daniel Wildenstein a déterminé qu’elle a été peinte « sur le plateau au nord du val de Giverny, à l’orée des bois de la Réserve et du Gros-Chêne, en regardant ver l’est. » Elle fait partie d’une mini série de quatre toiles peintes au même endroit pendant l’été 1890, quand, après une longue période de mauvais temps, Monet retrouve enfin la possibilité de travailler sur le motif, en plein air. Quant à savoir s’il s’agit d’avoine ou de blé, il faut un oeil d’expert pour faire la différence !

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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