
Gallimard publie aujourd’hui le dernier ouvrage de Catherine Vigourt, Une Parcelle du monde, consacré à Claude Monet. Comme toujours chez Vigourt, dont j’ai lu tous les livres, c’est un bonheur de lecture tant la langue est belle, « tenue », dit-elle. Voilà Monet qui fait son entrée en littérature chez le célèbre éditeur, dans un ouvrage qui ne ressemble à aucun autre.
Le titre est suivi de la mention « roman », car l’autrice a laissé parler son imagination pour camper le peintre dans son quotidien à différentes dates de sa vie givernoise, de 1893 à 1926. Mais c’est une « fiction documentée », (formule et guillemets sont de l’autrice), où les parties narratives sont suivies de paragraphes dans lesquels Catherine Vigourt s’adresse directement à Monet. Elle a plein de choses à lui dire, elle lui parle de la réception posthume de son oeuvre, elle souligne les changements sociétaux intervenus entre son époque et la nôtre, elle lui raconte la restauration de ses jardins… Cela, toujours avec une finesse de perception et d’expression qui me fascine. C’est la force des écrivains de nous faire sentir ce qui se dérobe à la simple biographie.
On a restitué bien des choses de ta vie à Giverny mais il y a, pour toi comme pour tout le monde, ce qu’on ne peut tout à fait reproduire. Ce qui constituait la maille de tes jours, la toile de fond sous la brosse. Ces humbles éléments du quotidien qui nous rattachent au coeur le plus vivant de nos vies. (…) On ne peut reproduire dans la cuisine le tintement du couvercle de fonte, le grésillement de l’eau bouillante en fuite sur la plaque, le chantonnement de Marguerite qui se suspend quand elle sort le plat du four dans un fumet d’échalotes. (…)
En fermant le catalogue tu as gardé ton pouce en marque-page, tu grattes dans le froissement du papier le durillon que t’a laissé la palette. Tu as faim, un peu sommeil aussi, mais tu te laisses porter par ce corps étendu que devient une maison qu’on aime. Toutes ces sensations se sont épaissies avec les années, les êtres, le lieu, le travail : ce sont elles qui t’arriment aux choses fuyantes que tu saisis sur la toile.
Catherine Vigourt, Une parcelle du monde, éditions Gallimard, 20.50 euros
Merci pour l’info.