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Toujours les pots bleus

Toujours les pots bleus
Claude Monet, Camille et Jean Monet au jardin d’Argenteuil, 1873, collection particulière

Suite de la saga des pots bleus dans les tableaux de Monet ! L’artiste devait vraiment les aimer beaucoup pour les faire figurer si souvent dans ses toiles. Celui-ci contient manifestement un laurier-rose.

Le peintre surprend au vol le geste par lequel Camille s’attache une fleur dans les cheveux. Quelle silhouette gracieuse ! Elle émerge des fleurs de dahlias et de fuchsias, nouvelle recherche de Monet sur l’insertion de la figure dans le paysage.
Devant elle, le petit Jean adore une fois de plus se rouler dans l’herbe. Son papa n’a pas ménagé les touches de vert pour nous montrer combien l’enfant a gâté son petit costume clair. Ça ne fait rien, ni papa ni maman ne disent rien, parce qu’ils adorent eux-mêmes s’asseoir dans l’herbe. Décontraction, intimité familiale… surtout pas la raideur des portraits posés. C’est aussi cela, l’impressionnisme.

Le vase bleu de Chine

Le vase bleu de Chine
Claude Monet, Dahlias, 1883, collection particulière

A l’automne 1883, alors qu’il est installé à Giverny depuis quelques mois, Monet peint cette toile destinée à une porte de l’appartement de son marchand Paul Durand-Ruel. On y voit un vase à motif bleu qui contient des dahlias décoratifs orange, tandis que de gros dahlias jaunes se détachent au premier-plan.

Le vase bleu de Chine

J’ai maintenant la certitude que ce vase se trouve toujours dans la maison du peintre, exposé dans le salon-atelier. J’ai enfin pu photographier la bonne face. D’accord, Monet n’a pas forcé son talent pour figurer ce vase sur sa toile, et il faut un peu de bonne volonté pour le reconnaître. La forme générale, le coloris, les palmes, l’arbre fleuri de gauche ne laissent pas de place au doute.

Mais ce ne sont pas les zones d’ombre qui manquent. Ainsi, d’après vous, s’agit-il d’un vase importé de Chine ou d’un Delft ? Question subsidiaire : quel est cet objet en forme de planche de surf que tient le personnage de droite sous son bras ? Et celui de gauche, que lui propose-t-il ?

Encore les pots bleus

Encore les pots bleus
Claude Monet, Le Jardin, 1872, collection particulière

Je croyais avoir fait le tour des apparitions des pots bleus de Monet, mais je viens de débusquer encore ce tableau-ci. Camille Monet et Madame Sisley sont assises sous les arbres en fleurs dans le jardin d’Argenteuil. Devant elles, trois pots en forme de jarres, décorés de motifs floraux bleus contiennent des anthémis pour deux d’entre eux. Celui du milieu est garni d’une plante indéfinissable. Un sapin ? Un araucaria ?

Les pots bleus

Les pots bleus
Claude Monet, La Maison de l’artiste à Argenteuil, (détail) 1873. The Art Institute, Chicago

On pouvait voir réunis ce printemps au musée de Giverny deux tableaux de Monet peints alors qu’il habitait Argenteuil, sur lesquels l’artiste a fait figurer son fils Jean : La Maison de l’artiste à Argenteuil et Coin d’appartement.

Par un curieux hasard, ces toiles montrent aussi toutes les deux les jarres à décor bleu qui servaient de cache-pot. Une oeuvre est exécutée à la belle saison, où les plantes ornaient le jardin, tandis que l’autre a été peinte en hiver, époque où les pots et ce qu’ils contenaient étaient rentrés dans la maison.

Les pots bleus
Claude Monet, Coin d’appartement, (détail) 1875, musée d’Orsay

On peut raisonnablement penser que Monet a acheté ces céramiques pendant la période faste d’Argenteuil, après son retour de Londres en 1871. Il vient d’hériter de son père, et Durand-Ruel lui assure pendant plusieurs années des revenus réguliers. Auparavant, il n’avait pas le sou.

Les pots bleus
Claude Monet, Le Jardin de Monet à Vétheuil, 1881, National Gallery of Art, Washington D.C.

Cette série de pots suit Monet à Vétheuil, où nous les retrouvons installés dans l’escalier. Combien y en a-t-il exactement ? Sur ce tableau on en compte cinq. A Argenteuil ils étaient six.

Les pots bleus
Claude Monet, Le Jardin de Vétheuil, 1881, collection particulière

Dans celui-ci il y en aurait sept. On remarque que Monet a déplacé les pots d’un tableau à l’autre, bien que les deux toiles aient été peintes la même année. Au printemps les jarres bleues font très bien alignées à l’horizontale dans l’allée perpendiculaire à l’escalier, en fin d’été on ne les y verrait plus sous l’avalanche des fleurs.

Dans la littérature sur Monet, ces récipients sont généralement nommés des pots chinois. Il est vrai que beaucoup de céramiques venues d’Extrême-Orient portaient des décors bleus sur fond blanc. Mais cette attribution est inexacte pour au moins l’un d’entre eux.

Plusieurs objets ayant appartenu à Michel Monet, et avant lui à son père, sont passés en vente aux enchères en 2017 à Hong Kong. Parmi eux, une jarre en grès qualifiée de « continentale » par les experts de Christie’s. Certes, il ne leur a pas échappé qu’elle n’était pas chinoise. Sur son flanc, un quadrupède à tête d’oiseau, une chimère, s’inscrit dans un large cercle bordé de croisillons. Le col du pot est marqué par deux lignes bleues horizontales, le bas par une seule. Selon la description fournie par le catalogue en ligne, le pot présente une deuxième chimère (de l’autre côté forcément) et deux oiseaux, motifs intercalés entre les chimères. Le fond est gris pâle, les dessins bleu cobalt. La jarre possède deux anses, décorées en bleu elles aussi. Elle mesure 43,5 cm de haut.

Un oeil habitué aux poteries de l’Est aura reconnu un Westerwald ou un Betschdorf. Dans les années 1860, Betschdorf, village situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Strasbourg est en pleine production et inonde le marché de ses grès au sel utilitaires, solides et imperméables. Ils existent dans toutes les tailles, prennent de nombreuses formes et servent à toutes sortes d’usages. On en trouve d’ailleurs encore facilement en brocante.

D’autre part, Westerwald, le centre allemand de grès au sel d’où sont originaires les premiers potiers de Betschdorf, est lui aussi en plein essor. Grâce au Rhin, la production s’exporte vers les Pays-Bas. Même si ces lourdes jarres ne sont pas faciles à transporter dans des bagages, Monet a pu faire l’acquisition d’un ou plusieurs pots lors de son séjour près d’Amsterdam en 1871 et le.s rapporter à Argenteuil.

Les pots bleus
Monet’s garden at Vétheuil, détail

C’est ce même pot à chimères que l’on voit au premier-plan à droite du tableau de Washington. Même aspect bondissant, même queue en panache. Rayures horizontales, forme, anses, tout coïncide.

L’attribution à Betschdorf pose tout de même question. Après la guerre de 1870, l’Alsace est devenue allemande, ce qui a mis un frein aux expéditions de marchandises vers Paris. Mais les commerçants argenteuillais ont peut-être mis quelques années avant d’écouler tout leur stock d’avant-guerre. D’autre part, la chimère n’est pas un décor habituel des Betschdorf. On voit au 19e siècle nombre de cerfs bondissant dans la même attitude, mais je n’ai pas repéré d’animal mythique sur les poteries visibles en ligne. Si vous avez des lumières sur ces points, merci de nous en dire plus en commentaire. Je vous en prie.

Toute la collection de pots de Monet provenait-elle du même centre potier ? C’est possible, mais ce n’est pas certain. Malgré une apparence d’unité, on peut remarquer que les jarres n’ont pas toutes la même taille.

Les pots bleus
Claude Monet, Camille Monet à la fenêtre, 1873, Museum of Fine Arts, Richmond (Virginie)

Ici, le pot de gauche a des anses, celui du milieu non, celui de droite paraît plus large. Il est possible que Monet ait mélangé grès, faïence et porcelaine, France, Chine, Japon, Angleterre même, Hollande, pourquoi pas ? Et qu’il ait unifié l’aspect de ces différentes céramiques en les représentant sur la toile. Je pense tout de même qu’il avait plusieurs pots de l’Est. Sur les tableaux on leur voit une double ligne bleue en haut du récipient, motif qui n’est guère chinois mais typique de Westerwald et de Betschdorf. Peut-être ne connaîtrons nous jamais le fin mot de l’histoire, car tant vont les pots au jardin qu’à la fin ils se cassent.

Il est d’autant plus extraordinaire de découvrir dans la vente de la succession Verneiges à Hong Kong ce pot en grès en si bon état, témoin des années de lutte de Claude Monet. Les enchérisseurs ne s’y sont pas trompés. L’objet a été adjugé plus de 41000 euros, sûrement l’un des prix les plus élevés jamais atteint par un grès utilitaire.

La desserte de Suzanne

La desserte de Suzanne
Claude Monet, Portrait de Suzanne aux soleils, 1890, collection particulière (w1261)

Parmi les objets encore présents dans la maison de Claude Monet figure cette petite table à laquelle s’appuie Suzanne Hoschedé, dans ce portrait que fait d’elle son beau-père en 1890. A droite, posé sur la desserte, peut-être le vase aux chauves-souris toujours visible dans la salle à manger de Giverny. Il contient trois soleils qui encadrent curieusement la tête de la jeune femme.

A la saison des tournesols, Suzanne a 22 ans. Elle épousera Theodore Butler deux ans plus tard et lui donnera deux enfants, avant de disparaître en 1899, à trente ans. Cette mort prématurée si choquante jette comme une ombre sur ce tableau peint pourtant près de 9 ans plus tôt, alors que Suzanne était vraisemblablement en pleine santé. Sa mère Alice était la première à y voir une étrange prémonition. Il est vrai que Monet a donné un air de gravité à cette toute jeune femme et qu’il lui a fait un visage mauve.

C’est une analyse après-coup. Suzanne n’aime pas les séances de pose, elle s’y plie par obligation. Elle n’a pas avec son beau-père le lien de connivence et d’amour qui unissait Monet et Camille, et qui se voit dans nombre d’oeuvres où Camille sert de modèle à son époux.

La desserte de Suzanne

Ce petit meuble plein de souvenirs se trouve dans le cabinet de toilette de Monet. Devant une porte mauve, justement.

Le pichet vert

Le pichet vert
Blanche Hoschedé-Monet, Nature morte aux chrysanthèmes, Collection particulière

Avec ses chrysanthèmes et ses pommes, voici une nature morte de saison, qui célèbre la beauté de l’automne à travers ses plus belles fleurs et l’abondance de ses fruits.

On reconnaît bien la patte de Blanche Hoschedé-Monet dans le léger flou qu’elle donne aux choses, et son goût pour les compositions presque monochromes déjà observé dans La Salle à manger de Monet à Giverny.

Où se trouve-t-elle ? Aucune pièce de la maison de Monet ne possède cette vitrine qu’on aperçoit à l’arrière-plan. Blanche est peut-être dans le deuxième atelier ? Après tout, ce serait un endroit approprié pour faire de la peinture.

Si j’ai du mal à identifier le lieu, en revanche j’ai tout de suite reconnu le pichet qui fait office de vase. Les visiteurs de Giverny peuvent le voir dans le salon-atelier de la maison :

Le pichet vert

Sa couleur verte marbrée de jaune et son anse en flèche en font un objet unique et caractéristique.

Le pichet vert

Le voici un autre jour, tourné dans l’autre sens, celui du tableau de Blanche. Elle aimait tellement ce broc et ses couleurs incertaines qu’elle l’a utilisé pour une autre toile :

Le pichet vert
Blanche Hoschedé-Monet, Les Mufliers, collection particulière

Cette fois, on repère au premier coup d’oeil qu’on se trouve dans le salon bleu, devant le buffet qui sert de bibliothèque. En revanche, l’identification des fleurs est moins facile. Je penche pour un beau bouquet de mufliers, ou gueules de loup si vous préférez, pour fêter l’été. Qu’en pensez-vous ?

J’ai du bon tabac

J'ai du bon tabac
Blanche Hoschedé-Monet, La Salle à manger de Monet à Giverny (Le thé) 1947, Huile sur toile – Musée des Impressionismes Giverny

Cette nature morte de Blanche Hoschedé-Monet peinte l’année de sa mort révèle tout le talent de la belle-fille de Claude Monet. Installée dans la salle à manger de Giverny bien connue pour ses tons de jaune de chrome sur les murs et le mobilier, Blanche joue sur toute la gamme des jaunes : jaune d’or de la théière, jaune plus acidulé de la tasse, jaune presque orangé du citron, jaunes pâle et soutenu des jonquilles, et même jaune d’une fleur indéfinie flottant dans une coupelle à l’arrière-plan. J’imagine des primevères ou des pensées, vu la saison.

En contrepoint, deux notes de vert : le vase à col étroit des jonquilles, et un objet arrondi à l’arrière-plan, qu’on peut toujours voir dans la salle à manger de Giverny. Blanche en a exagéré la couleur, car voici à quoi ce pot ressemble :

J'ai du bon tabac

On ignore si Monet se servait vraiment de ce pot à tabac. C’est une oeuvre de Jean Renoir, le fils aîné de Pierre-Auguste Renoir, l’ami de Monet. Jean Renoir, avant de se consacrer au cinéma, a exercé pendant un temps comme céramiste, encouragé dans cette voie par son père. Le pot offert à Monet est signé Renoir au-dessous.

Quant au vase des jonquilles, je crois le reconnaître dans celui qui se trouve exposé dans le premier atelier sur le bureau de Monet :

J'ai du bon tabac

Et n’est-ce pas le même vase qui se trouve sur le lambris dans la photo de Monet à son bureau ?

Enfin, il me semble reconnaître dans le cadre accroché au mur l’estampe suivante, qui se trouve maintenant dans l’escalier :

J'ai du bon tabac

C’est une oeuvre de Kuniyoshi Utagawa qui nous montre une petite famille saisie sur le vif dans une attitude de la vie quotidienne, ce qui était bien fait pour plaire à Claude Monet.

La desserte en rotin

La desserte en rotin

Dans la maison de Claude Monet à Giverny, ce petit meuble en rotin ne retient guère l’attention des visiteurs qui traversent le cabinet de toilette du peintre, à l’étage. Il fait pourtant partie des meubles demeurés dans la maison après la mort de sa dernière occupante, Blanche Hoschedé-Monet.

Tout porte à croire que la belle-fille de Monet aimait beaucoup cette desserte légère, si facile à transporter partout, car on la reconnaît dans l’une de ses natures mortes :

La desserte en rotin
Blanche Hoschedé-Monet, Corbeille de fruits, 1927, collection particulière

Blanche s’est installée dans le salon bleu, dont les tons froids forment un beau contraste avec les orangés et les jaunes de la table et des fruits. Le broc, qui mêle les deux gammes de couleurs, relie visuellement le premier et l’arrière-plan.

Lignes droites et courbes créent une géométrie équilibrée, signe d’une composition réfléchie. Tout s’entrelace, les anses de la corbeille et du broc paraissent capturer les droites de la porte, en écho à l’entrelacs de rotin du premier-plan. Ce dernier motif révèle le fond sombre, en une frise de petits cercles clairs entourant du bleu.

Juste après la mort de Monet, quand Blanche reprend les pinceaux, elle est en pleine possession de son art.

Vase aux chauves-souris

A la nuit tombante, les chauves-souris sortent des anciennes carrières de pierre qui s’ouvrent à flanc de colline dans la vallée de la Seine, et partent à la chasse aux insectes. En me rendant au pont de Vernon pour admirer le feu d’artifice, j’ai été heureuse d’en apercevoir trois qui tournoyaient dans le ciel, comme elles devaient tournoyer au-dessus du bassin de Monet à la nuit tombante, il y a un siècle.
Monet aimait-il les chauves-souris, ces mignons petits mammifères mis en danger par l’extermination des insectes ? Le peintre possédait en tout cas un grand vase bleu orné de chauves-souris qu’il avait posé en bonne place sur la cheminée de la salle à manger.

Il y est toujours.

Vase aux chauves-souris

D’accord, on est à la limite de l’abstraction… Mais je crois me souvenir d’avoir entendu Claire Joyes (épouse de Jean-Marie Toulgouat, descendant d’Alice Hoschedé-Monet) l’appeler le vase aux chauves-souris, en le qualifiant de « très beau ». C’est donc qu’il était révéré dans la famille.

En Chine et au Japon, les chauves-souris sont symbole de longévité, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’elles peuvent vivre 40 ans. Elles représentent aussi la prospérité et le bonheur. Monet le savait-il ?

A voir ce vase trôner sur la cheminée, on s’interroge sur ce qui lui a valu cette place de choix. Le peintre l’avait-il acheté, ou était-ce un cadeau ?

Par chance, l’un des contemporains de Monet, son beau-fils Jean-Pierre Hoschedé, évoque ce vase dans son ouvrage Claude Monet ce mal connu, d’abord en légende de la célèbre photo de la salle à manger avec Monet :

La salle à manger. Remarquer sur la grande cheminée, en son milieu le vase donné à Monet par Koechlin.

Puis p. 100 :

« C’est Deconchy qui mit Monet en très bonnes relations avec Raymond Koechlin. Leur amitié fut réciproque et souvent cet éclectique amateur d’art fut reçu à Giverny, toujours très amicalement. Il donna à Monet un magnifique grand vase qui est toujours sur le dessus de la cheminée de la salle à manger et Monet avait désiré qu’on donnât, après sa mort, à cet ami, un vase japonais qu’il aimait beaucoup et dont j’ai gardé le souvenir : couleur gris beige craquelé, goulot long et mince, base très large et ronde… »

Vase aux chauves-souris
Claude Monet, Vase de chrysanthèmes, 1882 ? – W 812 Collection particulière

Raymond Koechlin était un collectionneur d’art impressionniste autant que de beaux objets du Japon.

Ce vase comptait donc beaucoup pour Monet, et il n’est pas étonnant qu’il ait eu envie de s’en servir pour le peindre orné d’un splendide bouquet de chrysanthèmes multicolores, une fleur elle aussi symbole de longévité. L’aspect exotique du vase comme des fleurs et l’accord chromatique du bleu et de l’orange pourraient expliquer ce choix.

Il y a tout de même une incohérence entre ces souvenirs si précis et la date de 1882 attribuée au tableau dans le catalogue raisonné de Monet.

Pour Daniel Wildenstein :

« A Poissy, vers la mi-novembre 1882, Monet entreprend un tableau de fleurs qui pourrait bien être ce vase de chrysanthèmes. »

Or Raymond Koechlin n’aurait commencé à collectionner qu’à partir de 1895, année où il hérite de la fortune de son père.

A y regarder de près, l’auteur du catalogue raisonné n’a pas beaucoup d’informations sur ce tableau. Photo en noir et blanc, pas de dimensions, tout porte à croire qu’il ne l’a jamais vu en vrai et n’a donc pas pu procéder à une analyse stylistique fine. De même, la provenance est lacunaire : on ignore tout de ce qui se passe avant 1940. La logique qui sous-tend le classement en 1882 paraît être l’époque de floraison des chrysanthèmes, puisque deux lettres adressées par Monet à Durand-Ruel à la mi-novembre 1882 évoquent un ou des tableaux de fleurs à finir, qui l’empêchent de se déplacer à Paris.

La cruche verte

La cruche verte
Blanche Hoschedé-Monet, Composition au potiron et à la cruche verte, 1930, huile sur toile 54 x 73 cm, Musée de Montgeron

Dans cette vibrante nature morte, Blanche Monet associe les produits de l’automne : pommes et courge, à une cruche ornée de coulures vertes.

La dénomination des tableaux, en particulier des natures mortes, pose parfois question. Je ne suis pas sûre que cette composition nous présente un potiron, que je me figure plutôt rond et côtelé, mais il s’agit bien d’une cruche et non d’un broc ou d’un pichet. La particularité de la cruche est d’être en terre cuite et de posséder une anse qui en facilite le transport.

Courge et cruche ! Deux objets rebondis et supposés creux, comme le serait prétendûment le crâne des personnes à qui on jetait autrefois ces mots à la tête. Je crois que l’insulte est devenue assez désuète et ne s’emploie plus guère que contre soi-même, par dérision.

Et si nous mangeons toujours courges et potirons, l’usage de la cruche se fait rare depuis l’installation de l’eau courante.

La cruche verte

Les Monet se servaient-ils de leurs cruches, ou les gardaient-ils pour leur valeur décorative ?
La maison de Claude Monet à Giverny conserve non seulement les objets qui ont appartenu au peintre, mais aussi ceux qui ont servi de modèle à sa belle-fille. Le petit cruchon du tableau est présenté dans l’épicerie en compagnie de deux autres plus grands d’un vert pâle et uni.

Nature morte au melon

Nature morte au melon

Claude Monet, Nature morte au melon, 1872, musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne

Voici une composition de Monet qui est presque de saison : on trouve déjà pêches et melons sur les étals, mais la présence de raisin laisse supposer que l’artiste a peint ces fruits un peu plus tard, à la fin de l’été. Monet joue avec les couleurs complémentaires orange et bleues pour faire chanter les tons des fruits et de l’assiette au décor japonisant.

Comme souvent dans les natures mortes, celle-ci est l’occasion d’un exercice de virtuosité pour rendre la lumière et les textures : le velouté des pêches, l’aspect boursouflé de la peau du melon (en existe-t-il encore de pareils ?), les grains luisants du raisin encore couverts de pruine, le brillant de la faïence…

C’est la période d’Argenteuil, tout comme la nature morte au service à thé, et l’on retrouve le même désir de coller au goût de l’époque pour le japonisme.

Nature morte au melon
On peut voir dans la salle à manger de Monet cette assiette-ci, qui ressemble beaucoup à celle du tableau. Je ne suis pas sûre que ce soit tout à fait la même, car les oiseaux ne sont pas disposés de façon identique. Mais c’est au moins une assiette du même service. Décorées à la main, elles étaient toutes des pièces uniques. Celle-ci est en parfait état.

La théière de Monet

La théière de Monet

En 1872, Claude Monet est de retour en France après son séjour à Londres en 1870-1871. Grâce aux achats de Durand-Ruel s’ouvre pour lui une période relativement faste où il mène une vie bourgeoise à Argenteuil, en compagnie de sa femme Camille et de leur fils Jean. Cette délicate nature morte, Le Service à thé, nous en offre un aperçu.

Porcelaine fine de style japonisant, plateau en laque rouge, cuillère argentée, nappe en coton damassé qui accroche la lumière… Rien ne manque pour signifier l’aisance, le raffinement de ce moment d’oisiveté de l’heure du thé. Le peintre a soigneusement placé les objets pour composer son tableau en jouant des obliques et des horizontales, des zones claires et sombres, des couleurs complémentaires et des reflets dans le plateau ou sur la cuillère. Rien n’est là par hasard, surtout pas la cuillère dont on se demande bien ce qu’elle fait là, posée sur la nappe, alors qu’aucun sucrier ne se trouve sur le plateau. Personne ne va la tremper dans la seule tasse pleine. Elle ne sert qu’à équilibrer les masses, à proposer une texture de plus dans ce jeu de virtuosité à rendre tissu, porcelaine, laque, feuilles, à montrer tout ce qui brille par contraste avec le fond mat.

La théière de Monet
La petite théière pour deux personnes existe toujours. Elle est présentée dans l’un des buffets de la salle à manger de Giverny. Bouton conique peint en bleu, saule pleureur, pas de doute c’est la même. Voilà sans doute des années qu’elle est là, mais je viens seulement de m’en apercevoir… avec un petit battement de coeur.
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Ariane.

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