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Le devoir et la mémoire

Timbres Freedom for ever, Liberty for everHier, j’ai rencontré un vétéran américain du jour J. Cela arrive quelquefois à mes collègues qui guident sur les plages du Débarquement, quoique de moins en moins souvent. Pour moi ici à Giverny, c’était la première fois.
John avait 19 ans le 6 juin 1944. Il en a 89 aujourd’hui et porte bien son âge.
John jette un regard distancié sur son action en tant que libérateur. « J’ai été fait prisonnier au bout de cinq jours, dans la région de St-Lô ». Le reste de la guerre, il l’a passé en détention. Onze mois à dormir à la dure, le corps attaqué par la vermine.
Les prisonniers sont d’abord exhibés à Paris où ils sont forcés de défiler. John comprendra plus tard que c’est une manoeuvre de la propagande allemande. Puis on les repousse loin de la ligne de front, en Tchécoslovaquie, où les prisonniers vont rester jusqu’à l’armistice de 1945. John se souvient que les soldats qui les gardaient leur volaient les colis envoyés par la Croix-Rouge.
Le dégoût, le sentiment d’injustice, l’inquiétude face à l’avenir, l’attente du dénouement… J’essaie de comprendre ce qu’il a pu ressentir pendant ces longs mois, mais je n’ose le bombarder de questions. Il y a de la pudeur de part et d’autre.
Dans le fond, John n’aime pas beaucoup parler de la guerre, de sa guerre. Il enchaîne vite : « ensuite j’ai été pompier toute ma vie, vous savez ? » Son visage s’éclaire. C’était un rêve d’enfant : « on habitait près d’une caserne de pompiers, je voyais passer les engins. » Toute une vie à sauver des vies ! Tout prend sens d’un coup.
John n’était pas fait pour tuer ni pour être tué. Ce sort qu’il juge peu glorieux de prisonnier de guerre lui a permis de sauver sa peau, pour accomplir plus tard la tâche de héros ordinaire à laquelle il était destiné.

Bonne chance en 2014 !

Mairie d'ArromanchesUn beau sapin tout bleu ornait l’an dernier le parvis de la mairie d’Arromanches. A force de ne visiter les sites touristiques qu’en saison, on est toujours un peu étonné de les voir en hiver, quand leurs habitants se retrouvent « entre soi » et que cette intimité se manifeste dans les décorations de Noël, qui ne s’adressent pas aux touristes.
Arromanches souffle pendant la pause hivernale, en attendant les célébrations de juin prochain à l’occasion des 70 ans du Débarquement. Celles-ci vont mobiliser l’attention pendant quelques jours autour de la date du 6 juin, mais bien moins longtemps que le centenaire de la guerre de 14, à n’en pas douter. 2014 s’annonce comme une année commémorative, entre le début d’un conflit mondial, et le début de la fin de l’autre.
Je nous souhaite à tous de ne pas nous laisser trop plomber par toute cette gravité qui s’annonce, et de voir la vie en bleu. 2014 sera aussi une année chanceuse, je parie. Prenez les chiffres du millésime, (pas le zéro, il compte pour du beurre), mettez les dans un cornet, secouez bien et lancez-les, vous obtenez 421. C’est un signe, non ? La chance sera là, cette petite inflexion du cours de la vie qui fait que tout tourne bien pour vous. A tous, bonne chance en 2014.

Rigoureusement exact

Juno Beach Photo : Evocation du débarquement canadien à Juno Beach, Calvados

C’est réconfortant, les collègues, surtout quand ils vous confortent dans votre opinion. Hier j’ai été témoin d’un débat entre spécialistes du Débarquement, des guides qui arpentent les plages de Normandie à longueur de saisons avec tous les publics, y compris des vétérans. Ce n’est pas mon cas, je me suis donc bien gardée d’apporter ni grain de sel ni grain de sable, et j’espère ne pas trop déformer leur propos.
La question soulevée était celle des volontaires canadiens. L’usage des guides, racontait ma collègue, est de dire que cette armée d’un million d’hommes était composée exclusivement de volontaires. Mais, poursuivait-elle, pour être précis il faudrait ajouter que c’était vrai au début de la guerre mais pas à la fin, sur le sol normand mais pas aux Pays-Bas, etc. La formulation exacte se résume donc à celle-ci, les soldats canadiens qui ont débarqué en Normandie en juin 44 étaient tous volontaires.
La suite du débat a tourné autour de l’inutilité d’entrer dans ce genre de détails. Là-dessus nous étions tous d’accord. Veiller à la façon de dire les choses pour qu’elles soient exactes, c’est bien, mais l’excès d’exactitude est contre-productif. La rigueur absolue n’est pas ce qui intéresse les auditeurs, elle est au détriment de la clarté. Les enseignants partagent certainement cet avis.
On a beau être d’accord là-dessus, ça nous chiffonne quand même d’affirmer, jour après jour, des choses qui ne sont pas tout à fait vraies. Prenez l’âge de Monet à son arrivée à Giverny, par exemple. Il est né en 1840, il arrive en 1883, il décède en 1926. Vu comme ça, Monet a 43 ans quand il emménage à Giverny, et il y passe 43 ans, donc pile la deuxième moitié de sa vie pour mourir à 86 ans. C’est clair, efficace, juste un peu trop beau pour être absolument vrai. Car Monet est né le 14 novembre 1840, donc à la fin de l’année. Quand il s’installe à Giverny en avril 1883, il n’a que 42 ans, même pas et demi.
C’est bien ennuyeux tout ça. Car avouez qu’on s’en moque, de ce détail, c’est d’un ennui total.
Comment s’en sortir ? Selon les cas, les publics, l’humeur, je dis que Monet était dans sa 43ème année, ou j’affirme comme la plupart de mes collègues qu’il avait 43 ans, en lui demandant mentalement pardon. Il m’est arrivé aussi plus d’une fois de m’apercevoir à la fin de la visite que j’avais carrément oublié de parler de la durée si longue de son séjour à Giverny… Oups ! Ca, ce n’est pas un détail.

Rides de sable

Omaha Beach La magnifique plage de Saint-Laurent-sur-Mer, dans le Calvados, s’étire sous le soleil automnal : pas un être humain à l’horizon. Qui pourrait se douter des combats terribles qui s’y déroulèrent le 6 juin 1944 ? Pour les autorités militaires, ce n’était pas Saint-Laurent-sur-Mer, mais Omaha Beach.
On tourne le dos aux monuments à même la plage qui commémorent la glorieuse tragédie. On avance sur l’estran, où la marée basse a découvert une zone de sable plus ferme, où la marche est plus facile. Dans le grand silence où la mer bat son rythme, on tend l’oreille au tumulte d’alors, quand la plage était noire de soldats américains.

Tout le littoral du Calvados vit dans cette dialectique du souvenir. Les plages du Débarquement sont si paisibles aujourd’hui, mais partout la mémoire est sollicitée. Ou plutôt, pas exactement la mémoire, puisque la plupart des visiteurs n’ont pas le souvenir de ces moments. Mais les monuments multiples, les blockhaus, les chars partout visibles, les musées suggèrent sans relâche de tourner son regard vers le passé.
Comment vivre au présent dans des lieux chargés d’Histoire ? On ressent, dans ces lieux où tant de jeunes sont tombés, une pointe de culpabilité d’être en vie, d’être né plus tard dans un pays en paix. Qu’ont-il pensé, éprouvé sur cette même plage, sous le feu ennemi ? Avaient-ils une conscience aiguë ou émoussée de leur environnement ? Sentaient-ils sous leurs genoux ces mêmes rides de sable ?
Depuis le jour J, la mer est venue laver cinquante mille fois la plage, cet entre-deux qui n’est ni le sec ni l’eau, où le sang a coulé. Elle passe et repasse et façonne sans fin ses sculptures au ras du sol, effacées à la marée suivante.

Voilà longtemps que les scientifiques se passionnent pour les rides de sable. Les physiciens s’interrogeaient déjà sur les lois qui régissent leur formation au 19e siècle. S’il n’est sans doute pas le premier, Siau planche sur la question dès 1841, bientôt suivi par une foule de chercheurs.
C’est un beau sujet, où entrent en jeu des paramètres tels que la vitesse du courant, la granulométrie du sable, et des données dont la nature m’échappe, stabilité hydrostatique du fluide, profondeur de frottement… Certains rapports d’études anciens, abscons pour le profane, ne manquent pas de poésie. On y retrouve l’ambiance des leçons de choses, ce regard sérieux posé sur la nature dans l’intention de la déchiffrer.

Ailleurs, parfois, certaines des rides de sable qui se sont formées au cours des temps géologiques ont été miraculeusement préservées. Fossilisées, elles révèlent une foule d’informations sur les plages d’alors, le sens du courant, la force de la houle… Parfois on peut même découvrir des empreintes d’animaux depuis longtemps éteints, qui gambadaient allègrement au ras des flots.

Rien de semblable ne s’est produit à Saint-Laurent-sur-Mer en 44. Le sable a enseveli toute trace des valeureux GIs.
J’ai bien regardé.

Le cimetière inconnu

Cimetière allemand de Champigny-la-Futelaye, Eure Cimetière allemand de Champigny-la Futelaye, Normandie, Eure.

On célèbre un peu partout le souvenir de la Libération ces jours-ci. A Vernon, c’était hier. Les drapeaux sur les monuments, les plaques pavoisées et fleuries des hommes tombés dans les rues, accessoirement le bouchon consécutif au rassemblement des anciens combattants et des officiels devant le mémorial à l’entrée du pont sur la Seine, tout cela rappelait à chacun la date historique.
Saisis au milieu de leurs occupations, en train d’aller quelque part, les citoyens que nous sommes ont eu ainsi l’occasion de penser pendant quelques instants à ceux dont la vie s’est arrêtée trop tôt, pour que nous puissions vivre libres et en paix.
Le souvenir de la Libération est encore très vif en Normandie, et ce d’autant plus que l’on se rapproche des plages du Débarquement. C’est plus qu’une page d’histoire, c’est devenu une part de la culture normande. Partout, des stèles, des musées, des chars. Et des cimetières.
Le cimetière américain de Colleville-sur-Mer est le plus connu, et certainement l’un des endroits les plus visités de Normandie. Émouvant et grandiose comme un Requiem, il est installé sur les lieux mêmes du combat, Omaha-la-sanglante… Plus de 9000 croix blanches s’alignent dans cet immense jardin du souvenir, admirablement entretenu par les Américains.
J’ai déjà eu l’occasion de parler de l’excellent centre d’interprétation, et du symbolisme omniprésent dans le cimetière. L’hommage vibre partout, dans une sorte de glorification post mortem des soldats morts au champ d’honneur.
C’était étrange, avec ces souvenirs de Colleville en tête, de visiter aujourd’hui le cimetière allemand de Champigny-la Futelaye, où reposent 19709 soldats de la Wehrmacht.
Peut-être connaissez-vous celui de la Cambe, dans le Calvados, le plus grand de France avec ses 21 000 tombes allemandes, qui reçoit 800 000 visiteurs par an. Champigny-la-Futelaye est presque aussi grand, mais infiniment moins connu.
Je viens de découvrir avec stupéfaction son existence dans le département de l’Eure, à une petite heure de route de Giverny. Il se trouve en rase campagne à cinq kilomètres de Saint-André-de-l’Eure.
Tout paraît sobre ici. Du recueillement sans mise en scène. Une pierre tombale, croix de pierre basse, pour quatre hommes. Pas de mausolée gigantesque, juste une salle de prière dépouillée, minérale, et des stèles portant le nom des communes où ont eu lieu les affrontements les plus meurtriers.
Le parking est entièrement vide. Je suis seule avec les vingt mille morts.
Je lis leurs prénoms, si souvent les mêmes, Whilhelm, Otto, Werner, Kurt, Karl, Fritz, Georg, Heinz, Heinrich, Berthold, Horst, Ernst, Anton, Friedrich… Ils sont presque tous nés dans les années vingt.
Beaucoup sont tombés en août 44, une véritable hécatombe. Je calcule leur âge. Celui-ci était à quatre jours de son anniversaire, il aurait eu 19 ans.
De temps en temps, une tombe marquée « ein deutscher Soldat », un soldat allemand, non identifié.
Il règne ici, me semble-t-il, une impression d’accablement. Est-ce celui du sacrifice inutile, la mort dans la défaite ?
L’association qui entretient le cimetière le fait pour oeuvrer pour la paix. Elle atteint son but : peu de lieux de mémoire font haïr la guerre aussi bien que celui-ci.
Je suis repartie indignée par la désinformation qui règne autour de ce cimetière allemand. Comment se fait-il qu’il soit si mal connu ? Dans mon édition, le guide Gallimard de l’Eure, par exemple, n’en souffle mot.
Il ne fait pas bon être à l’écart des circuits touristiques.
Il ne fait pas bon être l’ennemi d’hier.
Même si, pour les familles en deuil, la douleur est toujours la même.

Plage d’Asnelles

Plage d'Asnelles, Calvados Des nuages mauves se pressaient dans le ciel des côtes de la Manche hier, laissant apercevoir parfois de minuscules coins de ciel bleu. « Juste de quoi faire un mouchoir à la Sainte Vierge !  » disait-on autrefois en Normandie. Selon l’importance des éclaircies, le vêtement qu’on aurait pu tailler pour la Bonne Mère dans le ciel bleu variait, le manteau étant signe de larges percées d’azur.
C’est un de ces temps incroyables dont la Normandie a le secret, lumineux sous les nuages, et qui invente des camaïeux grisés d’opale qu’il répand à n’en plus finir sur le sable et sur la mer.
Un temps de novembre un peu trop doux pour marcher sur des plages un peu trop belles, alors que se profilent à l’horizon les pontons du port artificiel d’Arromanches ; et en ce mois propice au souvenir des disparus toute cette douceur, cette beauté paisible continuent d’étonner en ces lieux qui ont connu les tragédies de juin 1944, le tourbillon de l’activité humaine et l’écho d’un fracassant déluge de fer, de feu et de sang.

Symboles

Centre d'orientation du cimetière américain de Colleville Le goût des Américains pour les symboles a trouvé à s’exprimer au cimetière américain de Colleville, dans le Calvados.
Disposition des carrés selon une croix latine, double monument à la gloire de la France et des États-Unis ouvrant sur une perspective qui inclut au loin le clocher de Vierville, chapelle à la croisée des bras de la croix, monument à la jeunesse qui offre son âme, mémorial, mur des disparus… Tout à été pensé pour donner du sens à ce lieu.
Un centre d’orientation a été inauguré l’année dernière. Au fil des années le besoin d’un tel centre s’est fait sentir pour permettre aux visiteurs de localiser un emplacement, et de façon plus large de trouver des explications sur les questions qu’ils se posent : les origines du conflit, l’entrée en guerre des Américains, le déroulement des opérations de débarquement.
En complément de cette leçon d’histoire un film brosse le portrait de quelques-uns des hommes qui reposent dans le cimetière.
Nous savons, nous, qu’ils vont mourir. Et cette connaissance du destin qui les attend rend poignante la lecture de leurs lettres toujours gaies et optimistes. Les visages souriants défilent, les membres de la famille ou les amis racontent quels gens formidables et ordinaires ils étaient…
En sortant on peut s’arrêter un instant devant le spectacle qui s’offre à travers la baie vitrée.
Ce monument original symbolise l’arrivée par la mer des libérateurs. La pierre est recouverte d’une fine pellicule d’eau, elle pointe vers la mer comme une piste d’atterrissage. La partie la plus proche de nous est incurvée pour prendre la forme du littoral de la Manche. Elle représente toute la zone de débarquement de l’estuaire de la Seine au Cotentin. Un système de débordement permet de conserver la quantité exacte d’eau pour rendre la carte lisible.
C’est un lieu incroyablement zen, un bon support à la méditation.

Cimetière américain de Normandie

Cimetière américain NormandieAu fond, tout près, il y a la mer. D’ici on ne voit qu’elle, la plage a disparu, masquée par l’escarpement qui n’est pas une falaise, plutôt une forte dune.
Qu’il a été dur à conquérir, ce talus. La plage en contrebas porte un nom de code : Omaha Beach. Le soir du 6 juin 1944, elle était devenue Omaha la sanglante.
C’est là, à l’endroit où les Américains ont eu le plus de mal à débarquer, qu’ils ont voulu rassembler les tombes des soldats tués pendant les combats de Libération de la Normandie le Jour J et les semaines qui ont suivi.

Ils sont arrivés par la mer, il est juste qu’ils reposent près de la mer. Le cimetière marin est à l’échelle des États-Unis, démesurément grand. 9387 croix s’y alignent dans un ordre parfait. Sous chacune d’elle repose le corps d’un combattant.
Près de 10 000 tombes et pourtant seulement 40 % des morts américains sont enterrés ici. Après la Guerre les États-Unis ont proposé aux familles endeuillées le rapatriement de leurs ressortissants. C’est le seul des pays Alliés à l’avoir fait.
Six fois sur dix les proches ont demandé le renvoi du corps chez eux, pour l’avoir près d’eux.
Pourtant les avis ont été partagés. D’autres familles ont voulu que leurs soldats reposent en Normandie pour toujours. Elles pensaient qu’ils avaient « mérité leur petit bout de terrain », their patch of land.
A la manière d’un consulat, le lieu est concédé à perpétuité aux États-Unis par la France.
C’est un endroit magnifique, un belvédère, un jardin, solennel et paisible. Il ne changera plus, on n’y ajoute plus de tombes nouvelles depuis des années. Parce que les proches pouvaient aussi demander cela, qu’on les enterre près de leur fils ou de leur frère.
Aujourd’hui on a donc fini d’expédier des dépouilles d’un côté à l’autre de l’Atlantique, et c’est une bonne nouvelle. Celles des soldats tués en Normandie avaient déjà connu assez de vicissitudes.
Pragmatiques comme toujours, les Américains avaient équipé chacun de leur soldat partant au Front d’un sac mortuaire dans son paquetage. Les morts ont été glissés dans leur sac et enterrés dans des fosses creusées dans les champs, avec l’aide des paysans du coin. Dans le Bessin on s’en souvient encore. Puis les cercueils sont arrivés, on a déterré les corps, on les a mis en bière pour les placer au cimetière ou les renvoyer à la maison.
Ils ont bien gagné qu’on les laisse tranquilles maintenant.

Le Memorial des Reporters

Le Jardin Blanc des Reporters à BayeuxTout le littoral du Calvados est dévolu au souvenir, à travers les plages du Débarquement et leurs multiples musées. Si les détails des faits nous sont connus aujourd’hui, c’est en grande partie grâce au travail irremplaçable des journalistes correspondants de guerre, qui ont couvert l’évènement au péril de leur vie. On pense en particulier aux photos du 6 juin 44 prises par Robert Capa, débarqué avec les Américains dans l’enfer d’Omaha Beach.
C’est dans ce contexte que la ville de Bayeux a décidé de créer un jardin en mémoire des journalistes reporters de guerre morts dans l’exercice de leur métier.
Depuis 1994 et le cinquantenaire de la Libération, en collaboration avec Reporters sans Frontières, la ville décerne chaque année le prix Bayeux des correspondants de guerre, qui récompense un reportage sur un des conflits de la planète.
En mai prochain sera inauguré le jardin mémorial, dont voici un aperçu en avant-première.
Il se trouve à proximité du musée de la Bataille de Normandie et du cimetière militaire, et complète ce « pôle mémoire ».
A l’entrée, une phrase de Simone de Beauvoir accueille le visiteur : « Se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres. » La floraison se résume pour l’instant, hiver oblige, à des bruyères blanches. Elle sera blanche tout au long de l’année.
22 stèles portant les noms de 2000 journalistes tués pour avoir voulu informer seront érigées. La liste, établie après enquête de Reporters sans Frontières, se veut exhaustive, et, malheureusement, évolutive. Les noms sont classés par ordre chronologique des décès, ce qui permet de voir les années noires correspondant à des conflits.
Une borne interactive installée dans le musée voisin permettra d’obtenir des infos sur ces guerres. Le conflit le plus meurtrier pour la presse depuis la Seconde Guerre mondiale fait rage en ce moment : depuis trois ans, déjà 103 journalistes ont été tués en Irak.

Pointe du Hoc

Pointe du HocGiverny n’est qu’à deux heures de route des plages du Débarquement, qui s’étirent tout au long du littoral du Calvados jusqu’à la Manche.
Un des épisodes les plus dramatiques du 6 juin 1944 s’est déroulé à la Pointe du Hoc. Le site vient de faire l’objet de travaux de réaménagement de grande ampleur. Grâce à cette mise en valeur, la lecture du champ de bataille est devenue plus aisée, son impact plus fort.

A la pointe du Hoc, la falaise s’avance dans la mer comme l’étrave d’un navire. Au sommet de cet emplacement stratégique, les Allemands avaient installé une batterie de canons capables d’atteindre les plages voisines, Omaha et Utah. Les armes étaient placées dans des bunkers de béton.
Visiter le site, c’est revivre le jour J côté allemand. Dès l’arrivée, on est frappé par la multitude de trous d’obus. Plus de soixante ans après la bataille, ils témoignent du déluge de feu qui s’est abattu sur ce secteur les jours précédant le Débarquement.
Si votre imagination vous fait entendre les sifflements et les détonations terrifiantes, vous aurez envie de vous réfugier dans un abri. On peut entrer dans un bunker. C’est étroit, très étroit. Humide, froid, bétonné. Tout d’une tombe. Tellement oppressant qu’on ressort vite à l’extérieur.
Du belvédère, le regard porte loin sur la mer, toute vide. A l’aube du D Day, elle était couverte de navires de guerre, fonçant droit vers vous. Je me demande quelle terreur on ressent dans cette situation. Quand on sait qu’on n’a qu’une chance infime de voir l’aube suivante.
A 7h30, les Rangers américains ont lancé l’assaut. Eux aussi devaient avoir la peur au ventre. Sous un feu meurtrier, ils ont lutté pour gravir la falaise, en utilisant des échelles de pompiers, des grappins et des cordes. La bataille a été longue et terrible. Il a leur a fallu deux jours pour se rendre maître de la pointe du Hoc.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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