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Reliées

Reliées

Hier matin j’ai guidé une famille dans les jardins de Monet. Arrivés au bout du bassin, mes clients se sont livrés à la traditionnelle séance photos devant les Nymphéas et je me suis éloignée de quelques pas en attendant. J’étais debout au bord de l’étang, rêveuse, les yeux perdus sur la surface, quand j’ai senti une main fine se glisser dans la mienne. C’était l’aînée des enfants, une fillette de dix ou onze ans. « J’ai besoin de tenir la main de quelqu’un en regardant ça, » a-t-elle soufflé tout bas à travers son masque. « Ca vous ennuie ? »

J’étais émue moi aussi, du coup. « J’adore ça ! » l’ai-je encouragée. Et puis après, surtout plus un mot pour ne pas briser cet instant qu’elle avait créé. Nous avons rêvé à deux en regardant la brise jouer entre les nénuphars. Puis nous avons fait quelques pas main dans la main jusque sous le saule, et nous avons attendu les autres. Je sentais sa paume contre la mienne, en ces temps où les adultes ne se serrent plus la main. Je la devinais submergée par la beauté du jardin, attentive à son émotion. En train de vivre un moment fort, un souvenir pour plus tard, peut-être.

La parenthèse s’est refermée, la visite a repris son cours. Mais cette petite main disparue a laissé son empreinte dans la mienne. Si je ferme les yeux, ou si je contemple le bassin de Monet, du côté du petit pont, je la sens encore palpiter dans toute sa fraicheur d’enfance. Elle me dit ce que cette petite fille sait encore d’instinct : que la beauté du monde nous relie. Et que les moments d’émotion se vivent dans le partage et dans le lien.

Claude Monet en Playmobil

Depuis leur création en 1974 par l’Allemand Hans Beck, les Playmobil ont investi tous les thèmes susceptibles de plaire à des enfants, voire à des adultes. J’ai tout de même été surprise et amusée de constater l’existence d’une figurine Monet, eh oui ! Ou peut-être même deux, un Monet âgé et un Monet jeune. Car la figurine du peintre « Belle Epoque » proposée actuellement par la marque porte la barbe, le béret et présente une certaine smilitude avec le maître de Giverny.

Monet partage l’honneur d’avoir été « playmobilisé » avec plusieurs autres artistes, dont van Gogh et Picasso, ce qui n’est pas très étonnant, et le moins attendu Albrecht Dürer, probablement le plus célèbre des peintres allemands.

Playmobil a cessé de produire son Claude Monet en 1993 je crois, et depuis la cote de l’artiste n’a cessé de monter, en figurine tout comme sur le marché de l’art. Vendue au départ pour quelques francs, la boîte livrée dépasse maintenant la coquette somme de 100 euros.

Cabane normande

Cabane de jardin en colombages

 Cette petite merveille se trouve dans le parc du château d’Acquigny, près d’Evreux : une cabane en colombages construite comme une maison normande,

(suite…)

La poupée qui sent bon

Lavande à Giverny
Deux petites filles et leurs poupées se promènent dans les jardins de Claude Monet.
Au moment où je les croise, la plus grande qui a peut-être huit ans est en train de frotter le visage de sa poupée avec un brin de lavande.
– Comme ça, ça me fera un souvenir, dit-elle, aussitôt imitée par sa petite soeur.

Baby blue

Baby blue
C’est un bambin d’environ deux ans qui arrive dans le jardin d’eau de Monet.
En apercevant le ruisseau qui coule au pied des bambous, bébé s’enthousiasme :

– La mer !

Expérience tactile

Barrière en bambou à GivernyLes barrières légères qui bordent les massifs à Giverny sont de fabrication maison, avec des bambous recyclés.
Elles ne sont pas très solides, mais elles délimitent efficacement les pelouses.
Chaque année, les jardiniers remplacent les parties abîmées.
De beaux bambous lisses et luisants s’intercalent entre d’autres que la pluie a rendu ternes et gris.
Nous les adultes passons à côté sans y prêter attention.
Ce n’est pas le cas des jeunes enfants, qui ont un autre rapport à leur environnement.
J’ai vu un petit garçon glisser la main le long de chaque brin de bambou, en commentant l’expérience par un « c’est doux… c’est pas doux… c’est doux… »
A fondre…

Le bon vieux temps des grenouilles

Grenouilles dan le bassin de Monet à GivernyCes derniers jours, les grenouilles coassantes captent l’attention des visiteurs de Giverny. Massés autour du bassin aux Nymphéas de Claude Monet, ils ne les quittent pas des yeux, et cette vue réveille chez beaucoup d’entre eux des souvenirs d’enfance.

« Quand j’étais enfant, avec un copain, on les attrapait avec un chiffon rouge et un hameçon ! » se souvient un monsieur penché vers une toute petite fille. « Elles étaient attirées par la couleur rouge, elles mordaient au crochet, et on les tirait hors de l’eau. »
Il y a de l’excitation dans sa voix au souvenir de cette pêche si simple, de ces grenouilles si faciles à berner. « On les attrapait… et après on les mangeait. » La voix a hésité un instant, le temps que l’adulte décide d’épargner à l’enfant l’épisode de la mise à mort des grenouilles. Le récit passe de l’évocation d’un plaisir à un autre plaisir, du jeu à la table, et jette un voile pudique sur l’entre-deux.

Certains de mes clients, qui me font des récits semblables, se montrent plus explicites. Une dame me raconte qu’elle voyait les grands « couper les cuisses aux grenouilles toutes vivantes, et rejeter le reste à l’eau, en prétendant que les pattes allaient repousser. » On ne sait ce qui l’a choquée le plus, du geste barbare ou du mensonge qu’on lui faisait.

D’autres enfants se livraient à des jeux plus innocents, comme le concours de sauts de grenouilles, variante de l’exaspérante course d’escargots. Innocence apparente, car les grenouilles épuisées de sauter au sec finissaient par crever.

Les grenouilles, qui « ont un sacré clapet » aux dires d’une visiteuse, ont pris un genre de revanche cette semaine. Les ténors du plan d’eau ont infligé aux promeneurs de Giverny un concert ininterrompu et assourdissant. Je crois tout de même qu’il touche à sa fin. On commence à voir les premiers têtards.

Bébé à la campagne

Enfant magazineJ’ai été, il y a quelques années, une fidèle lectrice d’Enfant Magazine. Aussi n’est-ce pas sans nostalgie que j’ai parcouru l’exemplaire que m’a gentiment adressé la journaliste Agnès Barboux.
Au mois d’avril, Agnès m’a téléphoné. Elle préparait un papier sur une journée à la campagne avec un enfant de zéro à quatre ans, et elle avait déjà pensé à toute une liste de conseils à donner aux jeunes parents, de la pharmacie d’urgence à la check list de la voiture. Il ne lui manquait que quelques suggestions sur ce qu’on peut faire dans la nature, ce qui n’est pas facile à imaginer quand on est citadine jusqu’au bout des ongles !
C’est grâce à la rubrique « une journée à la campagne » qu’Agnès est tombée sur mon blog.
L’article devait paraître dans le numéro de juillet. J’ai réuni mari et enfants pour un brainstorming improvisé. Voici le résultat de nos cogitations. Vous lirez dans Enfant magazine comment Agnès s’en est inspirée pour son papier, et j’espère que cette énumération vous rappellera à vous aussi de bons souvenirs.

Petites choses à faire avec des petits en balade à la campagne :

Dans les chemins :

– laisser une coccinelle courir sur la main de l’enfant pour sentir ses chatouillis, comme la bêbête qui monte ! On dit que les points représentent l’âge de la coccinelle, c’est faux mais c’est amusant de les compter.

– avec un bouton de coquelicot, on fait une petite danseuse : on ouvre le bouton et on écarte les pétales. Au milieu, le pistil et les étamines, tout noirs, feront la tête, il ne reste qu’à rabattre les pétales en forme de jupe. Le bouton réserve des surprises car les pétales ne sont pas toujours écarlates, certains sont roses, chaque petite danseuse a sa personnalité.

– Observer les différentes étapes de l’évolution du coquelicot : d’abord bouton, puis ouverture de la fleur, puis perte des pétales…

– regarder l’immensité d’un champ de blé, qui s’étend jusqu’à l’infini pour produire la farine dont on fera le pain et les gâteaux !

– Faire un bouquet avec des fleurs de pissenlits en graines, souffler dessus très fort et regarder le vent emporter les petits parachutes.

– se rouler dans l’herbe dans une pente (avec des vêtements à toute épreuve !) Vérifier d’abord que l’herbe est bien sèche.

– regarder le paysage au loin avec des jumelles.

– observer les fourmis en train de transporter des feuilles ou de la nourriture vers la fourmilière.

– reconnaître les hirondelles qui sillonnent le ciel, elles ont le ventre blanc et la queue en V. Si elles volent haut dans le ciel, il fera beau demain !

– Regarder le coucher de soleil, puis les étoiles.

Dans les bois :

-construire une cabane en rassemblant des branches mortes autour d’un arbre. La photo souvenir de tous les trappeurs devant la porte de la cabane s’impose !

– Regarder les bébés arbres pousser sous les chênes, et comparer avec l’arbre adulte à côté. Un jour, le petit arbre sera aussi grand que le grand !

– s’il a plu, chercher des traces d’animaux. On peut essayer d’identifier les empreintes avec un livre.

Au bord d’un ruisseau :

– Fabriquer des radeaux avec des petites branches de bois mort longues comme le doigt, attachées avec des élastiques (ou de simples coquilles de noix). Les regarder descendre le courant, prendre de la vitesse, se coincer, repartir… est tout à fait captivant !

– remonter jusqu’à une source et regarder l’eau sortir de la terre.

– chercher des beaux cailloux à collectionner.

– guetter les libellules et les papillons.

– au bord d’un lac, faire des ricochets avec des pierres plates.

– pique-niquer, bien sûr !

Pétales

PétalesC'est l'été aujourd'hui, mais pas encore tout à fait les vacances. Dans le jardin de Monet, les enfants en voyage scolaire qui jusqu'ici avaient souvent des questionnaires à remplir, désormais se promènent. Ils inventent des jeux, invariablement les mêmes, alors que ce ne sont jamais les mêmes enfants.
Impossible de traverser le passage souterrain reliant les deux jardins sans faire houhouhou ! Loups ou fantômes, ils ne savent pas trop eux-mêmes, mais l'amplification de leur voix les emplit de joie.
Dans les allées, la promenade devient quête. Partout de petites mains s'emplissent de pétales tombés. Ces merveilles d'hier, ces beautés déchues deviennent pour quelques instant encore de précieux trésors dans les yeux des enfants.

Moi j’aime pas les fleurs

Iris à GivernyCela peut se passer au milieu du déluge d’iris et de giroflées du clos normand, ou même devant les parterres plus sages du jardin d’eau. Parmi les nombreuses classes de jeunes enfants qui visitent en fin d’année les jardins de Claude Monet à Giverny, il se trouve toujours un garçon pour annoncer, un brin provocateur : « Moi, j’aime pas les fleurs. »
Les adultes présents, qui se sont donné beaucoup de mal pour l’organisation et la réussite de la sortie, font souvent mine de ne pas avoir entendu. Ils préfèrent, j’imagine, se laisser subjuguer par la beauté des jardins, plutôt que de répondre à la réflexion d’un gamin boudeur.
En revanche, les petites oreilles masculines dans lesquelles la remarque tombe se dressent avec vivacité. Les garçons sont heureux d’entendre leur copain dire tout haut avec aplomb ce qu’eux-mêmes pensent tout bas, mais dont ils percevaient l’aspect politiquement incorrect. Eux non plus n’aiment pas les fleurs, ou du moins c’est ce qu’ils pensent.
S’il y a une certaine audace à risquer le courroux des adultes par l’affirmation de son aversion florale, aucun garçon n’oserait reconnaître qu’il trouve les fleurs jolies. Le motif de ce silence est évident : les fleurs, ça fait fille.
Inutile de chercher à raisonner les petits mâles en argumentant que Claude Monet, concepteur de ces jardins, était un homme, que toute l’équipe des jardiniers ne compte pas une seule jardinière, et que la plupart des pépiniéristes, malgré l’aspect maternel qu’il peut y avoir à multiplier les plantes et à prendre soin des petites pousses, est à ranger du côté viril de l’humanité. Rien n’y fera. Les enfants sont imperméables à tout ce qui peut bien avoir cours parmi les adultes. Dans leur monde, ils savent bien, eux, que les fleurs sont des attributs de la féminité, comme la couleur rose, les perles, les cheveux longs et les robes. Il n’y a pas plus conformiste qu’un enfant de huit ou dix ans.
Hélas, ce conformisme masculin perdure parfois à l’âge adulte. Combien de messieurs, tirés à Giverny par leur femme, ou venus dans l’intention louable de lui offrir un plaisir, subissent-ils la visite ? Ils s’ennuient. Ils tripotent leur portable. Ils bâillent. Ils disent à madame, n’as-tu pas fini de prendre toutes les fleurs en photo ? Au mieux, ce sont eux qui tiennent l’appareil, retrouvant une contenance derrière ce semblant d’activité technique.
Que leur a-t-il manqué pour savoir apprécier la beauté des fleurs fraîchement écloses ? Sans doute juste l’autorisation de les aimer, un père esthète et peut-être jardinier qui leur aurait dit, regarde comme c’est beau, une rose…

Galéjade

La Carpe par Ando Hiroshige, une des estampes japonaises de la collection Claude Monet

La carpe, Hiroshige – J’ai vu un énorme poisson !!!
L’enfant qui s’exclame au bord du bassin de Monet est si enthousiaste que je m’arrête.
– Ah oui ? Il était gros comment ?
– Comme ça ! dit-il en écartant les bras.
Un peu moqueuse devant l’exagération manifeste :
-C’était quoi ? Un crocodile ? Une baleine ?
L’enfant me lance un regard noir. Je reprends, sans ironie cette fois :
– Il était plutôt long ou plutôt rond ?
– Plutôt rond !
– Alors c’est une carpe !
– C’est pas une carpe, répond l’enfant définitivement méfiant, c’est un poisson !

Plante toxique

DigitaleLa fin de l’année scolaire rime avec sorties des écoles primaires.
J’aime bien guider les écoliers. C’est un âge merveilleux où l’on a envie de tout apprendre, de tout savoir, où tout vous intéresse.
A la moindre question, une forêt de doigts se lève ; on avance par échange, les réponses fusent plus ou moins exactes, on peut préciser tel ou tel point.
Après qu’ils ont longuement répondu à mes questions, c’est moi qui suis à la disposition des leurs. Il arrive qu’ils s’emparent de cette autorisation comme d’une aubaine, un adulte qui veut bien répondre à tous leurs pourquoi !
Je fais de mon mieux, je tâche de satisfaire leur curiosité tandis qu’ils ouvrent des fenêtres sur leurs âmes d’enfants.
Mais quelquefois on aborde des sujets qui donnent le vertige.

– Pourquoi est-ce qu’il y a des plantes toxiques ?

Il perce dans la voix comme un reproche, une incompréhension peinée.
Ils ont vu, dans les jardins, la digitale, leurs accompagnateurs les ont mis en garde contre cette empoisonneuse.
Comment les jardiniers de Giverny, le Créateur, la Nature ont-ils pu leur faire ce coup-là, mettre sur leur chemin des fleurs qui tuent ? Comment des plantes aussi belles peuvent-elles être si perfides ?
Leur confiance dans le monde en est ébranlée, ils ont un sentiment d’injustice.
Les voici confrontés à toute l’ambiguïté du Bien et du Mal, face à cette digitale qui peut aussi guérir.
Et leur question fait écho à cette autre question à laquelle les adultes n’ont pas de réponse : dis, pourquoi il y a la guerre ?

Poule pulpeuse

Poule d'eau Avec un groupe d’enfants en visite à Giverny, nous parlons des animaux qui vivent dans le jardin d’eau de Monet.
Je ne suis pas du genre à leur faire croire qu’il y a des crocodiles dans le bassin, mais là ce sont les enfants qui m’ont appris la présence d’une bête inattendue sous les nénuphars.
Une révélation quelque peu inquiétante.
Je venais de questionner par acquit de conscience, sûre qu’ils étaient comme toujours incollables sur la vie des bêtes :

– Savez-vous ce que c’est qu’une poule d’eau ?

Sans surprise, un doigt décidé se tend vers le ciel.

– Je sais ce que c’est, c’est un genre de pieuvre !

Maison de Monet

Maison de Monet

C’est une petite fille qui visite la maison de Monet à Giverny avec sa maman. Elle s’étonne, elle s’émerveille, elle s’exclame.

– Chchchut ! souffle la maman.

– Pourquoi, demande la petite, on est dans une église ?

Au jardin du peintre

fresque au jardin du peintreL’oeuvre de Monet, peintures et jardins, est un support pédagogique très riche pour les enseignants. A l’école les Violettes de Mareil Marly, dans les Yvelines, la classe de CM1-CM2 a travaillé toute cette année scolaire sur le thème du jardin.
Voici la fresque que les enfants ont réalisée à l’éponge et au pinceau après leurs visites à Giverny et à l’Orangerie. La porte du préau donne l’échelle. Quelle belle harmonie de couleurs !
Le projet ne s’arrêtait pas à ce travail d’arts plastiques de grande ampleur. L’originalité a été de l’associer à un atelier d’écriture. Lors de leur visite à Giverny, les enfants ont noté des mots, des sensations, des couleurs, des odeurs, puis ils en ont fait des poèmes.
Comme je ne pouvais pas les publier tous, j’ai gardé un vers de chacun, et seulement trois de leurs conclusions.
En les lisant j’ai eu l’impression de me promener avec les enfants dans les jardins quand ils ont leur parure de printemps, à la mi-mai. Ils ont su retranscrire avec justesse ce qu’ils ont ressenti. C’est une poésie impressionniste, faite de petites touches de couleur pure.

Au jardin du peintre

Au jardin du peintre,
Il y a la bambouseraie aux mille bambous tout droits comme des soldats au garde-à-vous
Il y a le saule pleureur, il pleure de ses larmes naturelles
Il y a le myosotis mousseux, il sert de tapis aux tulipes majestueuses
Il y a le rhododendron rose fuchsia, il coud son écharpe dentelée
Il y a l’érable du Japon, il se prend pour un parasol
Il y a la treille de glycines, elle survole le pont japonais
Il y a la tulipe perroquet, elle se tient droite comme le peuplier, ses dentelles blanches dansent sur le col de sa robe
Il y a la pensée orange coucher de soleil, elle est au bord de l’eau
Il y a le nymphéa en forme de cœur
Il y a la tulipe rouge rubis, elle brille au bord de l’eau
Il y a le paulownia grandiose, il nous fait de l’ombre
Il y a le moineau accroché sur sa feuille
Il y a la giroflée d’un orange poli
Il y a la maison de Monet à l’allure dominante
Il y a le poisson immense passant sous le pont
Il y a l’odeur envahissante des fleurs
Il y a la pâquerette double, elle dresse ses pétales doux
Il y a l’azalée violet rêvé,
Il y a le bambou droit comme un trait tracé à la règle
Il y a le vent et son souffle léger et agréable, il fait résonner le chant aigu des oiseaux
Il y a la pelouse verte aux reflets bleutés
Il y a le grand hêtre pourpre
Il y a l’allium vert fluide
Il y a l’oranger du Mexique avec ses feuilles vert lumineux
Il y a le pont japonais courbé au dessus de l’eau

Mais, il y a surtout le peintre qui donne vie à sa peinture.
Mais, il y a surtout un maître pinceau derrière tout ça !
Mais, il y a surtout la magie d’un travail exceptionnellement incroyable.

Fête de la peinture

Fête de la peintureVoilà déjà quatre ans que la fête de la peinture est programmée chaque premier dimanche de juin dans le département de l’Eure.
Parfaitement rodée maintenant, elle a trouvé son public aussi bien chez les adultes que chez les enfants.
A Vernon hier l’évènement était concentré au bien nommé Jardin des Arts.
Non loin des adultes qui avaient planté leurs chevalets au pied de la Tour des Archives, une grande fresque découpée en compartiments était réservée aux peintres en herbe.
C’était captivant de regarder les enfants manier les couleurs et le pinceau. Beaucoup d’application quel que soit l’âge et le degré de maîtrise du geste, jusqu’à cinq de front face à la grande feuille de papier, une assiette en plastique en guide de palette.
Les rectangles du bas sont réservés aux petits qui barbouillent avec bonheur, les grands oeuvrent plus en altitude.
Et puis surtout sitôt que c’est fini on n’oublie pas de signer, signe d’appropriation, marque de passage, et c’est encore le plus charmant tous ces prénoms inscrits avec fierté, qui vous interpellent au bas des peintures naïves de l’âge tendre.

Classe de découverte

Ecole de Saint-Père sur LoireVous avez vu la belle enveloppe ? J’étais trop contente en la trouvant dans le courrier aujourd’hui. Parce que c’est émouvant, attendrissant de recevoir du courrier écrit par des enfants. Et puis parce que ceux-là, je les connais et ils sont extraordinaires.
Saint-Père sur Loire est un petit bourg dont l’école compte une centaine d’enfants. On y pratique une pédagogie participative : dans la mesure du possible ce sont les enfants qui font tout de A à Z pour monter chaque année un projet de classe de découverte.
« Ils sont bien, on peut faire des choses », explique simplement leur instituteur. Attentifs, impliqués. Ils sont partis quinze jours, d’abord un voyage en car qui les a menés de Calais à Fécamp, de Vernon à Paris. A chaque étape ils ont organisé les activités, les visites, les repas, l’hébergement.
Puis, ce qui m’épate encore plus, de Paris ils sont rentrés à Saint-Père à vélo ! Une semaine de pédalage par les petits chemins et les routes de campagne, avec même du camping, pour des enfants d’une dizaine d’années. Récompense de nombreuses séances d’entraînement préalables.
C’est pas beau, un projet pareil ? Les parents répondent présents eux-aussi, ils participent au voyage par roulement.
Je n’étais qu’un petit maillon dans la chaîne des jours de leur voyage, mais cela donne une idée du temps passé à le préparer. J’ai d’abord reçu un appel téléphonique d’un élève, puis une lettre de confirmation. Aujourd’hui, ce sont d’adorables remerciements.
Évidemment il y a aussi un site internet. Vous pourrez voir sur la page consacrée à la visite de la fondation Monet les jardins photographiés à hauteur d’enfant. Parce que bien sûr ce sont eux qui font les photos, et même la vidéo.
Et naturellement, cela a été un vrai bonheur de les guider. Pour être tout à fait franche, j’envie même un peu leurs profs. Qu’est-ce que ça doit être bien le métier d’instit dans une école comme celle-ci… Et puis j’envie beaucoup les élèves. Quelle chance de s’initier à la vie dans ce cadre-là !

Pensée rose

Pensée Les jeunes enfants sont de retour dans les jardins de Monet à Giverny. C’est l’occasion d’une leçon de botanique au milieu des plates-bandes débordantes de couleurs.
Ce matin j’ai surpris cet échange entre des petits d’environ cinq ans et leur accompagnatrice :
-Et ça, qu’est-ce que c’est comme fleur ?
Silence radio.
– Une pen…? souffle-t-elle.
La réponse fuse d’un ton victorieux :
– Une panthère rose !

Les bancs de l’école

Ecole Hier soir je me suis assise dans une salle de classe d’école primaire, sans doute pour une des dernières fois de ma vie.
C’est toujours un peu drôle de se retrouver là, dans un cadre qui est celui de son enfant quand on n’est pas avec lui, et qui résonne de réminiscences lointaines.
Toutes les classes se ressemblent un peu, avec leurs illustrations et leurs pense-bêtes affichés aux murs. J’ai contemplé longuement le portrait de François Premier, les lettres majuscules en belles anglaises qui couraient tout le long d’un mur, les affiches de la flore de montagne, traces d’un voyage scolaire il y a deux ans… J’ai fixé avec étonnement une consigne en anglais, Look — me! jusqu’à m’apercevoir que la règle de géométrie accrochée un peu plus haut masquait le at, faisant sonner la locution à la française : regarde-moi !
Les circulaires ministérielles font obligation aux enseignants de rencontrer les parents en début d’année. C’est une sage décision. Cela m’a donné l’occasion d’apprendre que cette année l’accent sera mis sur le calcul mental, la lecture, la grammaire et l’orthographe. Cela paraît aller de soi ? Que non ! Jusqu’en juin il fallait se livrer à « l’observation réfléchie de la langue ».
Quel que soit le bout par lequel nos ministres de l’Education Nationale prennent les choses, rien n’est moins évident que d’enseigner les règles du bien écrire. La mémoire photographique des mots s’acquiert au fil des lectures, mais l’appétit de fiction ou de connaissance trouve aujourd’hui d’autres sources pour se nourrir. Et les liens que tissent les mots entre eux imposent une gymnastique de l’esprit pour laquelle on montre plus ou moins de souplesse.
Il m’arrive de relire de vieux billets. Chaque fois, j’y trouve ce qu’en journalisme on appelle pudiquement des coquilles. Des erreurs embusquées aux premières lectures apparaissent soudain au grand jour. L’oeil est moins performant quand il sait d’avance ce qu’il va lire.
Si d’aventure vous tombiez nez à nez avec l’une des ces malfaçons, ce serait bien aimable à vous de m’en tenir informée, n’est-ce pas ? que je fasse le ménage. Promis, ça restera entre nous.

Les crocodiles du bassin

Le bassin de MonetLa fin d’année est propice aux voyages scolaires. Au grand dam de certaines personnes en âge d’être grand-mères, les groupes d’élèves se succèdent en ce moment à Giverny.
« Pourquoi est-ce qu’on les emmène là ? Qu’est-ce que ça leur apporte ? » grognent parfois les visiteuses dérangées dans leurs contemplations botaniques.
Mais si on tend l’oreille à l’expression spontanée de cette marmaille remuante, c’est un régal.
Comme je me trouvais à l’accueil des groupes en même temps qu’une classe de maternelle, j’ai engagé la conversation avec les enfants les plus proches de moi.
– Vous savez ce que vous venez voir ?
– On vient voir Claude Monet ! claironne une blondinette.
– Vous allez voir sa maison et son jardin, mais pas Claude Monet, parce que ça fait très longtemps qu’il est mort !
L’information du décès du maître des lieux la saisit. Elle fait passer le scoop en se retournant vers les autres enfants :
– Hé ! Claude Monet, il est mort ! Depuis longtemps !
– Il est mort depuis quatre-vingt un ans ! dis-je en insistant sur ce gros chiffre. Même ses enfants sont morts.
Elle se retourne à nouveau.
– Même ses enfants sont morts ! répète-t-elle pour les autres avec la même stupéfaction.
Mon badge avec la photo et le logo tricolore les intrigue.
– Pourquoi tu as ça ?
Je résume :
– Mon métier, c’est d’expliquer tout sur Monet.
-Aaah ! font-il pensifs. Ils ignoraient l’existence de ce métier. Miss porte-voix s’empresse de le faire savoir aux copains. « La dame elle explique tout sur Monet ! »
Un autre enfant s’est approché d’un gardien qui porte une magnifique cravate à motif de nymphéas.
– C’est comme dans le livre ! s’exclame-t-il en montrant du doigt. La maîtresse constate, amusée, que le motif est bien celui du tableau qu’ils connaissent. Maintenant ils sont trois petits garçons autour du gardien en train de toucher sa cravate pour mieux la voir.
– Et ils sont où les poissons ?
– Ils sont dans l’eau sous les nénuphars, on ne les voit pas, répond patiemment le gardien.
Un de ses collègues est plus farceur :
– Faites attention, il y a des crocodiles dans le bassin !
Regards étonnés et un peu inquiets.
– Des crocrodiles ? Ah bon ! Je savais pas qu’y avait des crocrodiles !
Voilà un groupe qui ne jouera pas à pousser des ouh ! de fantômes dans le passage souterrain. Ils vont scruter le bassin de Monet comme un nouveau Loch Ness, à la recherche d’une longue mâchoire aux dents pointues, d’une paire d’yeux proéminents et d’un corps couvert d’écailles.

Pensée du jour

Pensée orange à Giverny Dans les jardins de Giverny, j’ai copiné avec un petit bonhomme de deux ou trois ans.
En lui montrant une belle tulipe écarlate, je lui demande :
– De quelle couleur est cette fleur ?
– Ouge !
– Bravo ! Et celle-ci ?
– Aune !
Ce petit a l’air très au point sur les couleurs. Je continue en lui montrant une pensée d’un bel orange. Et, tandis que j’attends le nom du fruit :
– Papapillon ! s’écrie-t-il, le doigt tendu vers la jolie pensée.

Les devinettes de Picasso

Juan Gris, 1887-1927 Portrait de PicassoDepuis que Citroën en a fait le nom d’un de ses modèles, acheter un Picasso est à la portée de pas mal de monde. Un de mes proches s’est laissé tenter, si bien que ses enfants utilisent le nom du grand peintre à qui mieux mieux, comme un synonyme de voiture. Ils ont l’âge de la maternelle, ce qui leur fait prononcer des phrases un peu bizarres, genre « mes Barbies sont dans le Picasso ».
Je saute sur l’occasion :
– Vous roulez dans un Picasso, mais savez-vous qui c’était ?
Les deux bambins font non de la tête.
Nous nous sommes assis sur les marches de la cuisine, le gros livre de Picasso sur les genoux, et comme d’habitude, la magie de la peinture a opéré.
Pablo Picasso est un des peintres qui plaît le plus aux enfants, même très petits, dès trois ou quatre ans. J’ai passé rapidement les périodes bleues et roses (c’est de quelle couleur ? Il a l’air triste ou content ?) pour arriver à la partie la plus amusante, le cubisme.
– On va jouer aux devinettes !
Le jeu consiste à lire le titre du tableau et à retrouver les éléments annoncés qui s’y cachent. Il faut de bons yeux pour distinguer Verre, bouquet, guitare, et bouteille (1919) ou Les trois musiciens (1921).
La compétition s’installe entre le frère et la soeur. Qui sera le plus rapide ? Ils sont très forts, ils m’épatent. Nous tournons les pages, encore et encore, pendant toute une demi-heure. Ils ne veulent pas arrêter, non non. Ils sont scotchés, par quoi ? Les couleurs vives ? Les corps déstructurés ? Il y a peut-être une connexion secrète entre le génie de Picasso et les expérimentations artistiques de cet âge, entre sa façon de s’affranchir de la ressemblance et le « on dirait que ce serait » ceci ou cela des tout-petits.
C’est toujours une joie de montrer des oeuvres d’art aux enfants. Ils sentent instinctivement que ces livres d’images sont plus beaux que les autres, plus intéressants, plus émouvants. La seule recommandation qu’on puisse faire est de se laisser guider par leur plaisir. Parler les images, un peu (qu’est-ce que c’est ? qu’est-ce qu’il est en train de faire ?..) et laisser beaucoup de place au rêve.
Ensuite, quand on a vu et revu un tableau en livre, quand on le connaît par coeur, c’est une fête d’aller le voir en vrai. Juste celui-ci, en ignorant tous les autres.

L’oeuvre ci-dessus n’est pas un tableau de Picasso (ils ne sont pas libres de droits mais vous les trouverez facilement en ligne), c’est son portrait exécuté par le peintre cubiste Juan Gris (1887-1927).

Le printemps des Poètes

Le Matin au bord de la mer, huile sur toile 61 x 81 cm, Claude Monet, 1881, collection particulière

( « Le Matin au bord de la mer », huile sur toile 61 x 81 cm, 1881, collection particulière, vue prise entre Fécamp et Yport)

C’est le dernier jour du Printemps des Poètes.

Merci à Florian, 16 ans, pour ce beau poème inspiré des tableaux de falaises de Monet :

La Tueuse

La falaise dressée, calme et majestueuse,
Contemple l’horizon aux couleurs de corail.
Le soleil fait saigner la pierre des murailles
Que la mer veut ronger de ses vagues hargneuses.

Sous son habit de ciel se cache une tueuse
Aux lames acérées, prête à livrer bataille.
Le temps ne compte pas pour ses flots qui assaillent
La roche qui résiste et qui pourtant se creuse.

L’issue de cette guerre est écrite d’avance,
Le rocher cèdera au terme des souffrances.
L’Homme aussi est livré aux attaques du Temps ;

Même s’il se croit fort comme un rempart, solide,
Le sablier s’écoule et peu à peu se vide,
Son destin est fatal, déjà la Mort l’attend.

Les ailes de l’ange

Oiseaux sur la Seine au lever du jourLa demande a fusé à la vue d’un oiseau, sur le chemin de l’école :  » Pourquoi est-ce qu’on n’a pas d’ailes ? « 
Cet âge a le don de poser les vraies questions, celles qui sommeillent en nous et que nous n’entendons plus depuis longtemps. L’autre fois, c’était  » Pourquoi on existe ?  » Abîme insondable qu’ouvre cette interrogation…
Je ne réponds pas tout de suite. Le temps de la réflexion est aussi celui qui lui montre que sa question est prise au sérieux et que je n’ai pas de réponse toute prête.
Si nous avions des ailes… Nous ne sommes ni des anges, ni des oiseaux. Mais ne pouvons-nous légitimement jalouser ces derniers ? S’il nous est donné de revenir ici-bas, n’aimeriez-vous pas avoir le don de voler ?
Faudrait-il, pour cela, renoncer à nos mains qui saisissent et qui font, à nos bras qui portent, qui étreignent ?
Aux regrets sur la limitation de notre motricité et de nos sens, on peut répondre par la gratitude d’avoir reçu en cadeau quelque chose d’aussi merveilleusement sophistiqué qu’un corps humain. Ces yeux qui nous permettent d’admirer le spectacle de la création, ces mains si fantastiquement mobiles, ces pieds qui nous emmènent où nous voulons.
C’est par la pensée que nous avons des ailes, qui nous emportent vers des sphères inconnues.
Les questions sans réponse demandent simplement qu’on les rêve. L’oeuvre d’art, dans toute sa force de support à la rêverie, permet de cheminer à l’intérieur de soi-même.
Ce soir, nous regarderons ensemble, dans le livre sur les Annonciations, la couleur des ailes des anges.

Cadeau de Noël

In Winter Still a Claude Monet Story Film d'animation sur Claude MonetUn merveilleux petit film d’animation sur Claude Monet à télécharger, cela vous tente ?
La vie de Claude Monet et son jardin ont inspiré les créateurs de « In Winter Still », qui vient d’être publié en DVD et sur le web par les studios Auryn. Cette start-up de Los Angeles se spécialise dans la création de films utilisant les techniques picturales des grands peintres.
Les animateurs ont transposé à Giverny la nouvelle d’Oscar Wilde « le géant égoïste », en donnant à leurs images l’aspect de peintures de Monet.

Des enfants jouent avec bonheur dans les jardins de Monet, mais un jour, le jardinier leur en interdit l’accès. Le jardin se fige alors en hiver. Heureusement, Monet finira par s’apercevoir de l’égoïsme de son jardinier, les enfants reviendront et le jardin refleurira. Enfin, devenu vieux, il apercevra un petit garçon, son propre fils Jean, prêt à l’emmener dans un jardin encore plus beau : le paradis.

Il n’existe pas de version française du film pour le moment, mais on peut apprécier l’histoire même si on ne parle pas très bien anglais, car la diction est claire et posée. Vous pouvez vous en rendre compte en visionnant la bande annonce.
Un petit conseil : si votre connexion n’est pas ultra-rapide, cette bande-annonce vous paraîtra hachée, mettez-vous alors en pause et attendez que le film soit entièrement chargé pour le relancer.
Ce court-métrage plein de délicatesse et d’émotion plaira à tous ceux qui aiment les belles histoires, la poésie, et l’univers pictural de Monet.
On peut le télécharger ou l’acheter en DVD pour 7,99 dollars américains sur le site de l’éditeur.
Joyeux Noël à tous !

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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