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Monet ébloui par van Gogh

L’exposition sur les derniers mois de van Gogh à Auvers-sur-Oise, à voir au musée d’Orsay jusqu’au 4 février 2024, fait l’objet d’un très intéressant catalogue. Les natures mortes florales occupent tout un chapitre, « Sous le charme des fleurs », tandis que « Les premiers signes de reconnaissance de l’artiste » en constituent un autre.

Nienke Bakker, qui signe l’étude des bouquets, souligne que Vincent, à son arrivée à Auvers, a déjà fait ses preuves dans le domaine et que ses Tournesols ont été exposés début 1890 à Bruxelles et à Paris, suscitant l’admiration d’artistes et de critiques. Parmi les premiers fans de van Gogh : Claude Monet.

Une note de fin d’ouvrage renvoie à une lettre de Théo du 23 avril 1890, alors que Vincent se trouve encore à l’asile de Saint-Rémy. Les lettres écrites et reçues par van Gogh sont disponibles en ligne ; elles sont transcrites dans la langue d’origine et en anglais, le site propose aussi le facsimilé de la lettre. Celle qui nous intéresse fait quatre pages, et la petite remarque sur la réaction de Monet se trouve sur la dernière :

Monet a dit que tes tableaux étaient les meilleurs de l’exposition.

Lettre 862 de Théo à Vincent van Gogh, 23 avril 1890

Voilà, c’est écrit, de la plume même de Théo, il y a 133 ans, et Vincent a lu cette phrase, et il a su que Monet admirait le peintre qu’il était. A-t-il cru son frère ? S’est-il senti fier de l’approbation de ce peintre reconnu qu’il admire lui-même ?

En tout cas je suis heureuse que, par lettres et personnes interposées, il ait pu connaître la réaction si positive de Claude Monet à son travail. Voilà deux génies qui ne se sont pas rencontrés mais se sont frôlés, si l’on peut dire : chacun a vu la peinture de l’autre et ressenti une émotion spéciale, puissante, en la voyant. Ils se savent de la même confrérie, celle des peintres qui sont corps et âme dans la peinture.

Vincent van Gogh, Promenade à Arles ou Souvenir du jardin d’Etten, 1888, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg

Les meilleurs de l’exposition… De qui étaient donc les autres tableaux ? Le 23 avril 1890, l’exposition de la Société des Artistes indépendants va bientôt se terminer. Elle se tient depuis le 20 mars au pavillon de la ville de Paris, sur les Champs-Elysées, ce qui a laissé le temps à pas mal d’amateurs de peinture d’y aller et d’exprimer leurs réactions, et à celles-ci de parvenir aux oreilles de Théo van Gogh, qui est marchand d’art. Je ne crois pas qu’il ait rencontré Monet en personne : si c’était le cas, il s’étendrait davantage.

Le catalogue de l’exposition des Indépendants de 1890 est en ligne sur gallica : parmi une foule d’artistes dont la postérité n’a pas retenu le nom, apparaissent Pissarro, Seurat, Signac, Luce, Cross, Guillaumin, Angrand… C’est déjà l’époque du post-impressionnisme, du divisionnisme auquel Monet n’adhère pas. Et, presque à la fin, voici VINCENT VAN GOGH. Pas de prénom à la suite du nom, comme les autres. On sait que Vincent avait honte du sens de son nom de famille en français, qu’on ne saurait prononcer, d’après lui. Mais l’argot change, et depuis, plus personne ne fréquente les gogues, il y a d’autres mots pour cela.

Dix tableaux de Provence sont exposés, le maximum. Et, fait curieux, aucun n’est précédé de l’astérisque qui signale les oeuvres à vendre. Ils ne sont pas à vendre !!!

Est-ce une erreur du catalogue ? Ou bien Théo, qui en est propriétaire et qui a vraisemblablement organisé l’envoi pour l’expédition, ne souhaite-t-il pas les vendre mais simplement les montrer ? Si c’est le cas, il spécule.

S’ils avaient clairement été à vendre, certains des visiteurs de l’exposition se seraient-ils laissé tenter ? Je parie que Monet se serait offert une petite toile. « Les meilleurs de l’exposition ! » Il adore les van Gogh ! Je l’imagine s’attardant longuement devant chaque tableau. A côté de ces oeuvres irradiantes, celles des autres devaient paraître un peu ternes.


3 commentaires

  1. Again, I remember reading (but I can’t remember where) that Monet had said about Van Gogh’s illness that he couldn’t comprehend how someone who had loved flowers so much, could have been so unhappy. Maybe he was referring to the Van Gogh sunflowers he had seen at the exhibition?

      • I looked for the reference for this story and I found it!!!
        It’s quoted in John House Monet Nature into Art p 225.
        The reference is from Leon Daudet 1927 Ecrivains et Artistes Claude Monet pp 147, 151-2, 154.
        Daudet records the story of when Monet saw Van Gogh’s Allee d’iris, presumably in 1889 at the Independants Exhibition, Monet asked Mirbeau ‘ how could a man who has so loved flowers and light and has rendered them so well, how could he have managed to be so unhappy?’
        So, Monet admired this particular Irises painting…. Interestingly, Mirbeau bought the painting from Pere Tanguy in 1892 for 300 francs. It sold at auction in 1987 for a then world record price for any painting $53.9 million. Now in the Getty Museum in California.

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Ariane.

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