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Ignorance avouée

Achillée, GivernyLa question surgit, inattendue, et vous laisse sans voix. C’est un point de détail que vous avez oublié, ou une interrogation que vous partagez mais à laquelle vous n’avez vous-même pas encore trouvé de réponse. Comment avouer que vous ne savez pas ?
Quand j’ai débuté, j’étais anxieuse à l’idée d’être placée dans cette situation embarrassante, d’autant plus que les questions ne cessaient de me surprendre. Depuis, j’en ai entendu des milliers, et à Giverny j’en viens presque à souhaiter de nouveaux questionnements.
Sur les autres sites, ce n’est pas encore le cas. Quand la question à mille euros tombe, me voilà donc face à mon ignorance, et face à mon client. Que faire ?
C’est un sujet qui revient souvent dans les discussions entre guides. Et chacun a sa façon de traiter la question, selon sa personnalité.
La plus simple, la plus honnête, est de reconnaître qu’on ne sait pas. On peut le faire avec un brin de contrition, ou avec superbe, d’un « alors là, aucune idée ! » définitif qui balaie la question d’un revers de manche.
On peut aussi réfléchir tout haut, tenter de cerner la réponse en rassemblant des bribes d’informations. « Quelle différence d’âge y avait-il entre Alice et Monet ? » me lance dans des calculs compliqués. En général, le questionneur est vite gêné de vous donner tant de mal, la réponse ne lui importait pas tant que ça.
Mais certains guides répugnent à dire je ne sais pas, comme si leur crédibilité devait s’en trouver affectée. Plus ou moins sans s’en rendre compte, les voilà qui inventent une réponse satisfaisante.
Tous les parents font cela aussi, n’est-ce pas ? Et en général cela n’a aucune importance, car la question elle-même n’en avait pas. « Il y a combien de jardiniers aujourd’hui dans les jardins de Monet ? » Dame, qu’ils soient 8 ou 10 ou 12, qu’est-ce que cela change ?
A Giverny, le nom des fleurs est le piège favori des visiteurs. Certains on un talent spécial pour vous dénicher les plus inconnues au bataillon, espérant, supposant que vous saurez non seulement les identifier, mais encore les nommer dans leur langue. « Il y a 4000 sortes de fleurs différentes dans ces jardins, c’est mon excuse pour ne pas les connaître toutes ! » me paraît une justification suffisante.
Une guide citadine m’a raconté qu’elle préfère prendre les devants, annoncer tout de suite qu’elle n’y connaît rien en plantes et que ce n’est pas la peine de lui demander quoi que ce soit. Après avoir ainsi botté en touche en brandissant avec panache son mépris pour le monde végétal, elle embraie sur l’impressionnisme, la vie de Monet, et la visite se passe très bien.
Cela peut être frustrant pour les visiteurs aux mains vertes, mais pas pour tous. Certains ont une aversion totale pour la botanique. « Je craignais que la visite guidée consiste à nous donner les noms de chaque fleur ! » m’a dit un jour une dame avec soulagement.
Enfin, il reste les solutions radicales. Une amie parisienne qui guide au Louvre, un endroit où il est tout bonnement impossible de tout savoir, et où la visite est soumise à des contraintes horaires, m’a fait rire en me confiant qu’elle serait tentée de déclarer abruptement : « les questions ne sont pas comprises dans la visite ! » Surprenant de la part d’une personne douce et chaleureuse ! Mais si c’est pour s’entendre demander combien ça vaut, un tableau comme ça, voilà une posture à laquelle on ne peut manquer de souscrire…


3 commentaires

  1. Et dire que je connais des visiteurs qui se creusent la tête longuement pour trouver une question qui ne les fera pas paraître stupides aux yeux de guides si cultivés :-)) !

  2. Ce n’est pas qu’on soit tellement cultivés, c’est qu’on a buché tel ou tel domaine qui devient notre domaine de compétence, comme vous avez le vôtre, Odile ! En général nous aimons les questions, elles permettent de sortir des sentiers battus, d’abord tel ou tel aspect que nous n’évoquons pas souvent…

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Ariane.

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