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Néanmoins

Feuilles de nénuphars Il y a des mots qui dorment dans un coin de notre mémoire. Un vocabulaire passif, que nous comprenons mais ne pensons pas à utiliser.
Jamais, en anglais, je n’emploie le mot nevertheless. Toutefois, quand une de mes clientes l’a prononcé hier, sa traduction m’est revenue, comme une fiche sortie d’un classeur : néanmoins.
Les mots ne manquent pas pour exprimer l’opposition, à commencer par mais. Néanmoins, c’est une opposition, mais atténuée, une réticence, une réserve.
Si nevertheless est bien long pour un adverbe, un peu traître à prononcer pour des francophones avec son th au milieu, et que je n’ai pas dans la langue de Shakespeare la finesse d’expression qui le ferait préférer parfois à but ou however, je me demande en revanche pourquoi, comme beaucoup de mes compatriotes, je boude néanmoins.
L’alignement de hiatus et de nasales n’en fait pas un très joli vocable, c’est vrai. Il me semble pourtant que c’est le sens caché du mot qui retient de l’employer.
Néanmoins : nez en moins. On n’a envie d’amputer personne. Et néant moins, les profondeurs négatives de l’insondable, n’en parlons pas, c’est carrément déprimant !
Alors qu’en anglais nevertheless claque comme une devise : jamais le moins, (donc toujours le plus) voilà qui ne manque pas de panache.
J’avoue que la subtile mathématique rhétorique du moins qui apparaît dans les deux langues m’échappe. Serait-ce que l’on retranche quelque chose à la proposition précédente ? Ou que l’on fait mine au contraire de ne rien y retrancher ? Si vous avez une explication, je suis tout ouïe, oreilles en plus.
Enfin, pour ceux qui se demanderaient quel rapport il y a entre cette image de feuilles de nénuphars et mes interrogations linguistiques, j’aime beaucoup cette photo, c’était si beau de voir les nymphéas creusés d’une goutte en coeur scintiller d’éclats d’or, d’argent et de lapis-lazuli. Néanmoins, j’avais une réticence à la publier parce que les feuilles ne sont pas tout à fait propres, il s’y accroche un peu de mousse. Re-néanmoins, n’est-ce pas cette mousse, justement, qui retient les rayons de lumière ? Et le bassin de Monet n’est-il pas d’autant plus admirable de ce qu’il magnifie l’ordinaire, voire l’ordure, pour en faire de l’or, comme le fumier au pied des roses ?

Les choses ayant souvent plus d’un sens, je dédie ce billet à N., nez de la parfumerie parti outre-Manche, qui laisse un vide derrière elle.


2 commentaires

  1. Vous avez raison. Comme il est des mots qui restent cachés dans un recoin de notre mémoire et qui reviennent un jour, sans que l’on sache très bien ni pourquoi, ni comment, il est aussi des envies, qui régulièrement, refont surface, et c’est durant ces moments-là que l’on se dit ‘et si…’. Alors plutôt que de rêver à tous ces ‘et si…’ éparpillés, essayons, autant que faire se peut, de les vivre. Néanmoins, partir ne se fait jamais sans mal, mais cela présente l’immense avantage de laisser la possibilité de revenir un jour pour vivre de nouveaux ‘et si…’, qu’en pensez-vous?
    N.

  2. Merci de votre visite, N. ! Je suis tout à fait d’accord avec vous, rien de pire que le conditionnel passé : j’aurais pu, j’aurais dû. Allez respirer l’air du large ! Il ne faut pas regarder en arrière.

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Ariane.

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