
Theodore Robinson, Girl raking hay, (jeune fille ratissant du foin) vers 1890
Je viens de me livrer à un petit dénombrement des métiers pratiqués à Giverny tels qu’ils apparaissent dans le recensement de la population de 1891. Certes le résultat présente un biais, car seule est notée la profession du chef de famille, rarement celle des plus grands enfants alors que naturellement tout le monde mettait la main à la pâte, comme on le voit sur le tableau de Robinson. De plus, une seule profession est enregistrée, alors que bien des personnes en avaient plusieurs. Voici le décompte, sur une base de 104 ménages :
Métiers liés à l’agriculture : cultivateur 34, journalier 31, jardinier 3, meunier 1, charretier 4, berger 1, maréchal ferrant 1 + 2 commis (total 77)
Métiers liés au vêtement : couturière 3, lingère 2, cordonnier 1
Employés : cantonnier 2, garde champêtre 1, garde particulier 2, domestique 8, employé des chemins de fer 4, receveuse 1, instituteur 1
Artisans : peintre 3, maçon 6, mécanicien 1
Artistes : dramatique 1, lyrique 1, peintre 3
Aubergiste, maître.sse d’hôtel : 3 + garçon de café 1
Rentiers : 17
Sans surprise les métiers de l’agriculture arrivent largement en tête dans ce petit village rural. Quand on possède de la terre on se présente comme cultivateur, quand on travaille pour les autres à la tâche on est journalier. Le recenseur n’a pas cherché à détailler d’éventuelles spécialisations, et c’est dommage. En revanche, quand les personnes donnent spontanément leur profession dans les actes d’état-civil, on voit apparaître des viticulteurs à Giverny. C’est le cas de Louis Singeot, propriétaire de la maison de Monet à son arrivée dans le village en 1883. D’autre part, Giverny possédait une florissante entreprise d’horticulture, pépinières, création de jardins, qui ne ressort pas dans le recensement.
Le nombre de rentiers, 17, peut paraître élevé. Il correspond le plus souvent à des personnes âgées qui mettent leur biens en location ou en viager, seule possibilité de toucher une sorte de retraite. Ceux qui n’en ont pas les moyens travaillent jusqu’à la fin. Ainsi le garde champêtre a 82 ans, l’un des cantonniers en a 70. On a l’impression que ce sont des emplois qui leur ont été confiés par bienveillance à leur égard.

Dès 1891 on remarque la présence de 5 artistes à demeure à Giverny. Ceux de passage, hébergés à l’hôtel ou chez l’habitant, sont bien plus nombreux. Sur les trois artistes peintres, on compte Monet bien sûr, mais aussi Georges William Thornley, qui habitait la maison voisine. Monet appréciait son talent de graveur. Thornley a été chargé de transcrire en lithographie des peintures de Monet, ce qui peut sembler une gageure, mais il s’en est sorti avec brio.