Voilà un paysage plus rude que celui du val de Seine. En 1889, Monet va peindre dans la Creuse, dans le centre de la France, aux confins du Massif Central.
C’est son ami critique d’art Gustave Geffroy qui lui a fait découvrir cet endroit à la sauvage beauté.
Monet séjourne à Fresselines, tout près du confluent des deux Creuses, la Petite et la Grande. Il arrive début mars et se met aussitôt au travail. C’est encore l’hiver. Le côté grandiose et mélancolique du lieu le fascine.
23 toiles nous sont parvenues de cette campagne qui se prolonge sur trois mois.
Comme d’habitude avec la nature pour modèle, rien n’est simple. Le plein air ne facilite pas les choses, le mauvais temps empêche Monet de peindre, après quoi les pluies ont fait grossir la rivière, puis vient le froid intense, et voilà le niveau de l’eau qui brusquement baisse… Et ce n’est pas tout.
Monet a commencé ses toiles en hiver. Mais à mesure que les semaines passent le printemps s’annonce puis s’installe. Le paysage s’en trouve changé.
C’est une vraie catastrophe. Le chêne, par exemple, le vieux chêne qui se dresse au confluent des rivières, ne se ressemble plus avec ses jeunes pousses vertes. Que faire ? Comme d’habitude Monet n’y va pas par quatre chemins :
Je vais tenter d’offrir au propriétaire de mon vieux chêne de payer cinquante francs pour faire enlever toutes les feuilles du dit arbre (…). J’ai cinq toiles où il est dont trois où il joue tout le rôle.
Monet est le premier surpris du résultat de sa démarche. Le 9 mai, il écrit à Alice :
Je suis dans la joie, la permission inespérée d’ôter les feuilles de mon chêne m’a été gracieusement donnée ! C’était une grosse affaire d’amener des échelles assez grandes dans ce ravin. Enfin, c’est fait, deux hommes depuis hier y sont occupés. N’est-ce pas un comble de finir un paysage d’hiver à cette époque ? »
Un comble aussi d’en arriver à ces extrémités ! Mais Monet n’a pas trouvé mieux. Difficile de renoncer à finir son tableau. En jardinier, Monet va façonner la nature comme il la veut.
Trois toiles où le chêne joue tout le rôle… Est-ce du théâtre ? Voilà le chêne promu au rang d’acteur principal dans le tableau.
Pour sa couleur d’abord. En hiver, le chêne conserve ses feuilles séchées de l’année précédente et ne les perdra qu’au printemps. C’est cet orangé des feuilles fanées qui se détache ici sur l’ombre mauve du ravin, sa couleur complémentaire.
Pour sa forme ensuite. A gauche, des masses rocheuses dévalent vers le fond de la vallée. Pour l’équilibre de la composition, il faut la silhouette légère de l’arbre dressé de l’autre côté de la rivière.
L’arbre devenu vert, les branches dissimulées dans le feuillage, le rendu n’aurait pas été le même, c’est certain.
Que les esprits sensibles se rassurent, l’arbre s’en est remis. Le poète Rollinat, qui vivait à Fresselines et recevait Monet chaque soir, a pris la peine de l’informer que d’autres feuilles avaient poussé à son chêne. Il a dû mourir de sa belle mort un jour. Depuis, la Creuse coule toujours mais le chêne a disparu.
Il semblerait qu’un 24ème tableau de la Creuse peint par Monet ait été retrouvé. En Espagne, je crois.
C’est en Creuse que Monet a réalisé sa 1ère série en 1889. Il y a 10 tableaux du confluent représentant le même paysage mais à des moments différents. Le travail de Monet en Creuse est en train d’être valorisé par la Communauté de Communes du Pays Dunois qui va créer un centre d’interprétation des peintres de la vallée de la Creuse à Crozant et réhabiliter l’Espace Monet Rollinat à Fresselines. Ouverture envisagée courant 2013 à Crozant. Un sentier d’interprétation a été réalisé en 2011 à Fresselines "Dans les pas de Monet" et un second a Crozant "le sentier des peintres". Un carnet de découverte accompagne ces 2 sentiers. 6 des tableaux de la série du confluent y figurent. Mis en vente courant de l’hiver 2011/2012.
Nathalie, merci pour ces infos !!! Qu’y a-t-il à voir dès à présent ? Je me ferai un plaisir de relayer les nouveautés.
Je cherche désespérément le tableau du chêne de Monet au bord de la Creuse.
J’ai passé l’après midi à la bibliothèque de la Part Dieu Lyon consulté au moins 6 livres sur l’oeuvre de Monet sans trouver ce tableau
Pouvez-vous me renseigner ? Merci d’avance
Le chêne au bord de la Creuse figure dans plusieurs tableaux de 1889, mais selon le catalogue raisonné de Monet il y en a un seul où il occupe toute la place, c’est le numéro W1229 dont le titre est « Le Vieil Arbre à Fresselines ». Wildenstein le reproduit en noir et blanc sans donner d’indication de localisation actuelle. Le commentaire sur la provenance indique : « Acheté à Monet par Durand-Ruel en novembre 1900. Dr Julius Elias, Berlin, 1924. Jules Lindauer. Spolié par les autorités hitlériennes. »