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Monet et Daumier

Claude Monet W 85 Le Jardin de l’Infante, 1867, huile sur toile
91 x 62 cm, Art Museum, Oberlin (Ohio).

Il est douloureux d’être rejeté comme le furent les impressionnistes à leurs débuts. Moqués par la critique, refusés par le jury du Salon, ignorés des collectionneurs, ils ont fait preuve d’un courage phénoménal pour tracer leur route malgré tout et donner une nouvelle impulsion à la peinture. Mais être rejeté par qui l’on admire est une douleur encore bien pire. C’est un coup qui porte jusqu’au tréfonds de l’être.

Au soir de sa vie, Monet se confie à l’écrivain Marc Elder, qui tire un livre de ces entretiens, « A Giverny chez Claude Monet ». Et voilà qu’au détour d’un échange sur Ingres ressurgit un souvenir terrible :

Etre compris, encouragé par cet homme, quelle impulsion c’eût été pour moi, pour nous tous !.. Hélas ! ce sont ceux dont l’éloge aurait eu le plus de prix qui furent toujours hostiles aux impressionnistes.

Ingres ne les a pas compris, pas plus que Corot :

Corot, le père Corot, un grand peintre, n’a jamais senti la valeur de notre effort… Troublant, n’est-ce pas ? Et triste !… Tenez, je vais vous dire la plus grande douleur de ma vie, la plus grande, qui me fait encore mal certains jours après des ans et des ans…

Pour comprendre toute la douleur de Monet, il faut se souvenir qu’il avait commencé sa carrière à l’adolescence en faisant des caricatures. Il s’entraînait à copier celles qui paraissaient dans les journaux, puis improvisait sur les personnalités de sa ville du Havre. L’épisode qu’il relate à Elder se déroule en 1867 à Paris, alors que Monet n’a que 26 ans.

Latouche, un petit marchand de couleurs qui marquait de la sympathie à notre groupe, exposait parfois nos peintures. Le soir, souvent, nous nous retrouvions dans sa boutique. C’était un lieu de rendez-vous, une parlotte. Je venais d’achever le Jardin de l’Infante. Je le lui portai : il le mit en vitrine. Du magasin on pouvait surveiller les passants, leurs mines, leurs grimaces. C’est ainsi que je vis venir Daumier. Il s’arrêta, fit un haut-le-corps, poussa la porte :

« Latouche, cria-t-il d’une voix forte, vous n’allez pas retirer cette horreur de votre montre ? « 

Je pâlis, j’étouffai comme sous un coup de poing appliqué au coeur. Daumier ! le grand Daumier ! Un dieu pour moi !… J’avais attendu son verdict en tremblant. Et voilà le camouflet…

Les éloges et les encouragements de Diaz quelques minutes plus tard n’y changeront rien. « Diaz, c’était Diaz, tandis que Daumier…! »


2 commentaires

  1. Heureusement que ces peintres ont résisté…sinon nous aurions été privés de si belles réalisations!!
    J’ai noté cet auteur que je ne connaissais pas, je vais commander ce livre qui doit être passionnant.
    J’avais déjà acheté de Edouard MORTIER « chez Claude Monet le pélerinage de Giverny » ,j’avais beaucoup aimé,d’ailleurs je pense que c’était sur tes conseils,une belle découverte.
    Encore un billet très intéressant,toujours un bon moment quand je passe chez toi…

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