Les Archives de l’Eure conservent les actes anciens établis par les notaires du département, en particulier maître Grimpard, notaire à Vernon. C’est avec lui que Claude Monet a rendez-vous ce 19 novembre 1890 pour officialiser l’achat de sa maison de Giverny, qu’il loue depuis 7 ans aux époux Singeot. Louis Singeot et Aglaée, née Saintard sont bien entendu présents eux aussi, ainsi que deux témoins, selon les usages de l’époque.
A la lecture de l’acte préparé par le notaire, Claude Monet intervient. Alors que les époux Singeot ont droit à tous leurs prénoms à l’état-civil, Monet n’est désigné que par celui de Claude. Il précise que son deuxième prénom est Oscar. Celui-ci est rajouté dans la marge, modification qui sera paraphée par tous les présents.
La superficie totale est de 8612 m2. La désignation du bien nous apprend qu’il comporte deux maisons : la première se compose de « quatre pièces au rez-de-chaussée, quatre chambres au premier étage. Deux mansardes et grenier dessus, cave dessous. Atelier de peinture en aile à l’une des extrémités de la maison. Grand bûcher, petit hangar et cabinet d’aisance fermant l’autre aile. »
En 1890, Monet a déjà transformé la grange en atelier, mais il n’a pas encore entrepris les travaux qui vont modifier profondément la maison avec la construction de sa chambre au-dessus de l’atelier. Il faudra alors créer un nouvel escalier, une entrée privative, un cabinet de toilette, reprendre la charpente et la couverture pour les prolonger.
La deuxième maison est « composée d’une cuisine et de deux autres pièces au rez-de-chaussée, écurie à la suite, deux chambres et cabinet de toilette au-dessus, grenier sur le tout ; cellier à la suite. »
Cette deuxième maison est vraisemblablement située à l’emplacement de l’actuel deuxième atelier. Elle sera abattue ultérieurement par Monet, quand l’achat de parcelles voisines lui permettra d’agrandir son terrain et de construire le deuxième atelier.
Le prix de vente du bien est fixé à 22 000 francs, payables en quatre versements les 1er novembre 1891, 92, 93 et 94. Après les longs développements portant sur la provenance des biens, pendant lesquels il n’a fait aucune remarque, Monet se réveille tout à coup et prend soin de faire rajouter en marge une clause précisant qu’il lui sera possible de payer par anticipation, à condition d’en avertir les vendeurs trois mois à l’avance. Cela lui permettrait non seulement de se libérer de sa dette, mais aussi d’éviter le surcoût des intérêts de 5% qui frappent le capital restant dû. Le contrat de vente était plus contraignant, puisque Monet devait obtenir « le consentement exprès des vendeurs ». On voit donc que le peintre cherche à se préserver des marges de manoeuvre en fonction de ses ventes futures.
Enfin arrive le moment tant attendu de la signature de l’acte. Monet est-il ému d’acheter la maison où il se plait tant ? En tout cas je le suis de tenir dans les mains le folio qu’il a paraphé. J’observe sa graphie, comparée à celle des autres signataires. Il est le seul à appuyer autant sur la plume, à forcer les pleins, à ignorer les déliés. Et ce drôle de n détaché du o, quelle étrange écriture ! Emu, Monet ? Bien sûr que oui.
Ces écritures d’antan sont si belles ! Rien à voir avec les actes actuels que la typographie rend si souvent impersonnels. Et voilà que je rime sans le vouloir. Bon week-end, Ariane.
A la main ou à la machine, la poésie, il n’y a rien de tel !
Absolutely fascinating. I really admire all your research, Ariane, and thankyou so much for sharing it with us. I can totally understand how you were quite emotional seeing this document and looking at Claude Monet’s signature, wondering how he must have been feeling at that moment when he was purchasing Le Pressoir – after all those years of renting homes and having to move on time after time.
Yes, it was a great day in his life! I bet they had some champagne at home that day!
Toujours émouvant d’admirer ces documents avec la signature de Monet!
Il ne devait pas se douter que cette acquisition aurait une telle notoriété mondiale à présent!!!
En effet, il ne pouvait pas deviner ce que les générations futures penseraient de lui. Il aurait très bien pu être totalement oublié, comme tant d’autres.
Bonjour
Merci pour tout ceci. Je cherche des renseignements sur l’achat des terrains lui ayant permis de construire son atelier…. Je vais vous écrire sur givernews.com.
Bonjour, quels renseignements cherchez-vous sur l’achat des terrains ?