Le papillon Belle-Dame

Je ne sais pas si ce papillon vous est familier. Les anneaux qui marquent son abdomen sont caractéristiques et m’ont aidée à identifier cette Belle-Dame, posée sur du myosotis dans les jardins de Monet. J’ai été surprise de lire que c’est l’espèce diurne la plus répandue au monde, du fait de son comportement migrateur et de sa très vaste aire de répartition. La Belle-Dame se nomme aussi, en France, la Vanesse des chardons, plante qu’elle affectionne. Parmi les vanesses, on trouve des papillons très communs, le Paon du jour, la Petite Tortue ou le Vulcain.
Ciste

Le début mai voit refleurir les cistes, en anglais comme en latin cistus. Ils arborent à Giverny des pétales blancs chiffonnés marqués d’une étoile pourpre autour d’un coeur d’un lumineux jaune d’or. Ils existent aussi de couleur rose intense, et certaines variétés n’ont pas de macule. C’est un arbrisseau qui se plaît au soleil, où il peut devenir assez imposant. Plante méditerranéenne, le ciste supporte le manque d’eau, mais il y a peu de chance que ceux du jardin de Monet aient l’occasion d’en faire l’expérience.
Banc de jardin

Il n’est pas toujours facile de trouver de jolis bancs pour aménager son jardin. En voici un photographié à Chédigny, qui allie élégance et légèreté pour l’oeil. Il contraste avec ceux de Giverny. Chez Monet, tous les bancs sont en bois, parfois sur une armature métallique.

Celui-ci est manifestement l’oeuvre d’un ferronnier d’art.
L’anémone coronaire

Cette merveille est une anémone coronaire bicolore. Elle pousse au pied des rhodos dans le jardin d’eau, en compagnie de quelques-unes de ses soeurs. Sa beauté m’a saisie. Petite sphère de velours violet mise en valeur par une couronne d’étamines sombres et un cercle blanc, subtil dégradé du rouge vers le rose, empilement soyeux des pétales… Je suis revenue faire des photos après ma visite rien que pour elle.

La voici in situ. Ce n’est pas très gros, une anémone. Depuis que celles-ci fleurissent, personne ne m’a interrogée à leur sujet. A cet endroit, les visiteurs n’ont d’yeux que pour l’autre côté de l’allée, vers le bassin. Si je montre les jolies anémones, mes clients leur accordent un regard distrait. Oui, oui… Ils sont préoccupés par l’absence de nénuphars, en retard cette saison. Pourquoi ne pas s’intéresser à ce qu’il y a, plutôt que de se focaliser sur ce qui manque ?
Un peu plus loin, je sais qu’ils s’extasieront devant les premières pivoines, aux corolles larges comme des assiettes étalées à hauteur de vue. C’est mon tour de faire oui, n’est-ce pas ? Les pivoines me laissent froides, elles en font trop, elles volent la vedette à toutes les autres.
J’espère que le coup de chaleur annoncé va accélérer la montée en température du bassin et la croissance des nénuphars. Pour l’instant, seules quelques feuilles encore rouges flottent à la surface de l’eau. Le fond de l’étang a été curé cet hiver, ce qui revient à rendre la pièce d’eau plus profonde. La lame d’eau plus importante met plus longtemps à se réchauffer. De plus, de nombreux nénuphars ont été replantés, il leur faut un peu de temps pour démarrer. L’été devrait être plus beau que jamais dans le jardin d’eau de Monet.
Le chant des oiseaux

Les oiseaux s’en donnent à coeur joie en ce printemps ensoleillé. Si vous avez envie de savoir qui vous gratifie de ce concert naturel, des applications dédiées à l’identification des chants d’oiseaux sont là pour vous répondre. Il y en a plusieurs, et puisqu’il faut bien choisir, j’utilise Merlin. Comme un merle qui vous enchante.
Ce matin, j’ai ouvert ma fenêtre et tendu le smartphone vers la colline boisée. En une minute d’enregistrement, Merlin a détecté plusieurs espèces : un chant de chardonneret, tout près, magnifique, entremêlé de celui d’une fauvette à tête noire, de l’appel du pinson des arbres, quelques croassements de corneille, le roucoulement du pigeon ramier, et la voix du pouillot véloce.
A mesure que l’appli détecte un oiseau, son image et son nom apparaissent en surbrillance. Avec un peu d’entraînement et beaucoup d’oreille, on doit arriver à apprendre à les reconnaître sans l’aide de la technologie. Mais d’ici là… je parie que, si vous n’êtes pas déjà accro, vous allez le devenir.
L’appli, développée par l’université américaine de Cornwell, existe en de nombreuses langues. Elle est gratuite mais nécessite de se géolocaliser, de façon à faciliter l’identification des oiseaux et à alimenter la base d’observations.
La pensée géante de Suisse

La pensée, tout le monde connaît. Elle est à la fois hyper banale et incroyablement multiforme, un peu comme, disons, les tulipes, pour citer une fleur de saison. Voici, parmi les plus grandes des pensées, la géante de Suisse. Oh là là ! 8 cm de diamètre, entre 10 et 20 cm de haut ! De quoi rivaliser avec le mont Cervin !
Allez, je ne voudrais pas qu’elle se vexe. On l’adore justement pour sa petite taille qui fait merveille à Giverny en couvre-sol. La géante de Suisse porte le nom de pensée des jardins (elle n’existe pas dans la nature) ou pour les intimes de Viola x wittrockiana, une façon de dire qu’elle fait partie de la famille des violettes, qu’elle est issue d’hybridation, et de rendre hommage à monsieur Veit Brecher Wittrock, botaniste suédois du 19e siècle, spécialiste des violas, comme il se doit, mais aussi des algues.
Sa fiche m’indique qu’il était phycologue. J’entre ce mot dans le moteur de recherche, qui, toujours serviable, me délivre aussitôt une liste de psychologues à Vernon. C’est gentil, il ne fallait pas. Mais pris d’un doute, le dit moteur me propose d’essayer avec l’orthographe phycologue. Mais oui, mon gars ! Puisqu’on te le dit !
Selon wikipedia, on pourrait nommer la phycologie l‘algologie. Mais au lieu d’éclaircir le sens, ce terme serait plutôt source de confusion. Car le mot algologie est déjà pris en médecine : il désigne l’étude et le traitement de la douleur. Personnellement, l’expression étude des algues me va très bien, et j’espère ne pas avoir à m’intéresser de sitôt à l’algologie. La bobologie, ça suffit bien.
Un clin d’oeil à Giverny

La fondation Louis Vuitton présente jusqu’au 31 août 2025 une exposition consacrée à David Hockney. Parmi toutes les oeuvres extraordinaires rassemblées, celle-ci n’est pas la plus impressionnante, mais elle ne pouvait manquer de retenir mon attention. Hockney a travaillé de mémoire, mélangé les angles, pour recréer son Giverny rêvé. Il a pris soin de laisser toute la place au miroir de l’eau. C’est un homme qui sait voir ce qui compte vraiment.
Au vu des nénuphars débutants et des masses roses et rouges des azalées, il a visité les lieux à cette époque de l’année, la fin avril.
En sortant de l’exposition, j’ai regardé de plus près mon billet d’entrée. L’envers était orné d’une reproduction de ce tableau de Giverny, précisément, parmi toutes les images possibles. Clin d’oeil…
La basilique en point de repère

Claude Monet a fait figurer le clocher élancé d’une église dans son tableau Effets d’hiver à Argenteuil. C’est la basilique Saint-Denys. En 1875, elle est achevée depuis dix ans à peine.

La voici telle qu’elle se dresse toujours au centre d’Argenteuil. Jusqu’au 11 mai 2025, la précieuse relique qu’elle abrite depuis l’an 800, la Sainte Tunique, dernier vêtement porté par le Christ lors de sa Passion, est présentée à la vue et à la dévotion des pèlerins. Cette ostention n’a lieu en principe que tous les cinquante ans.
La tulipe de l’Ecluse

Voici une tulipe particulièrement élégante avec ses deux couleurs : dehors, elle est rouge-rosé, dedans, blanche avec une macule violette. Pourquoi de l’Ecluse ? Ce nom qui intrigue est un hommage au botaniste Charles de l’Ecluse, qui vivait au 16e siècle et se passionnait pour les tulipes.

Vue du dessus, la tulipe de l’Ecluse charme par sa géométrie parfaite. Les trois pétales extérieurs sont pointus, les trois pétales intérieurs arrondis.
La tulipe clusiana était jusque dans les années 1960 une plante adventice des vignes dans le sud de la France. Les pratiques modernes de la viticulture l’ont fait quasiment disparaître. Elle a toutefois ses ardents défenseurs.

Voici la tulipe de l’Ecluse mise en scène par les jardiniers de Giverny, en compagnie de pâquerettes pompons, de tiarelles, de pensées et d’oeillets de poète. Au passage, ces voisines donnent l’échelle : la tulipe de l’Ecluse n’est pas très grande, entre 20 et 40 cm. Elle n’est pas de celles qui s’imposent à la vue, tandis que d’autres tulipes n’hésitent pas à parler fort.
La violette à taches de rousseur

Aussi discrète que ses soeurs les violettes des bois, la violette sororia « Freckles » s’en distingue par ses petites taches toutes mignonnes réparties sur des pétales plutôt blancs. De temps en temps, une marque violette plus grande que les autres anime les sages petits points.
J’ai photographié cette minuscule vivace au pied des pommiers en cordon, tout en haut de l’allée couverte de structures métalliques.
Les tulipes, reines de la couleur

C’est « le » grand moment. Vues de loin, les tulipes du massif violet et du massif orange se fondent en une mosaïque de couleurs. Les arbres sont en fleurs, le printemps est en fête et nos coeurs aussi !
L’aurore

Ce petit papillon ne passe pas inaperçu en ce moment dans les jardins de Monet, où sa belle couleur orange attire l’oeil au-dessus des massifs printaniers. Selon le site zoom-nature, qui nous dit tout de son comportement, l’aurore a une prédilection pour les fleurs de la famille des brassicacées. Il sait aussi bien se faire remarquer grâce à ses couleurs vives que se dissimuler par mimétisme en repliant les ailes.
Les aurores sont sortis de leur chrysalide à la faveur des belles journées du début du printemps, et marquent le retour des beaux jours. En anglais, ils s’appellent orange-tip, c’est-à-dire extrémité orange.
Sur les pas de Monet à Giverny et Vernon

éditions Orep, 12,90 euros
Mon nouveau livre est paru ! Il est disponible en librairie ou sur le site des éditions OREP. Il s’intitule Sur les pas de Monet à Giverny et Vernon.
C’est un guide de balade, dans un format facile à glisser dans le sac. Je propose au lecteur de retrouver les endroits où Monet s’est placé pour peindre à Giverny et à Vernon, la ville voisine.
J’adore me trouver pile à l’endroit où un peintre s’est mis, comparer le paysage avec ce qu’il en a vu, et je crois que c’est un plaisir partagé par un grand nombre de personnes.
Pour réaliser ce livre, je suis allée faire des photos des lieux peints par Monet. J’ai cherché s’il existait des photos anciennes montrant à quoi ils ressemblaient à l’époque, et j’ai placé ces images à côté des tableaux. La comparaison est très intéressante, par les similitudes et les différences. Certains lieux n’ont pas changé, c’est stupéfiant.
Des plans de Giverny et de Vernon permettent de se repérer et d’aller par soi-même chercher l’angle précis.

Evidemment, 140 ans plus tard, l’exercice a parfois été un défi. Quand les perspectives ont disparu, quand on ne peut pas savoir exactement où le peintre se trouvait, j’indique des points de vue qui évoquent le paysage de Monet, à quelques pas de là. On est dans l’ambiance, à défaut d’être à l’endroit précis.
J’ai aussi rassemblé dans ce petit guide tout ce qui peut intéresser les fans de Monet : des avant-après de sa maison et de ses ateliers, sa statue, les oeuvres présentées dans les musées de Vernon et de Giverny, sa tombe, la gare où il prenait le train, la mairie de son mariage, la maison bleue qui lui appartenait… J’ai hâte de voir des visiteurs se promener, guide à la main, sur les pas de Monet !
Je signerai ce livre (et les 5 autres !) ce samedi 12 avril 2025 de 10h à 12h à l’Espace Culture de Saint-Marcel et le samedi 17 mai de 10h à 12h à La compagnie des livres de Vernon. Si vous êtes dans le coin, je serai contente de vous rencontrer !
Giverny début avril




Quelle joie de fêter le retour des couleurs sous ce beau soleil.
Les dindons du musée de Vernon

Cette toile vibrante peinte sur le vif dans une basse-cour est due à Marcel Couchaux, peintre normand et infatigable observateur de la vie à la campagne dans le pays de Bray. Ce néo-impressionniste attachait une grande importance au traitement de la lumière et de la couleur, en une pâte épaisse sans cesse retravaillée. Ses dindons vaquent à leurs importantes occupations sans se soucier du peintre, ni du spectateur. Le musée de Vernon a consacré une exposition monographique à Couchaux en 2019.

musée Blanche-Hoschedé-Monet, Vernon
Dans ce paysage pris dans la vallée de la Seine, à Freneuse, près d’Elbeuf, les dindons, tout petits, sont réduits à l’anecdote. C’est le printemps, les vergers sont en fleurs, mais l’air encore frais oblige la jeune gardeuse de dindons à se blottir sous sa capeline. Elle s’appelle Maria. Le peintre la connaît bien. Bouchor, qui a séjourné pendant des années dans l’ancien presbytère en colombages que l’on aperçoit à droite du tableau, l’a peinte à de multiples reprises.
Bouchor était membre du jury du Salon, formé à l’école des Beaux-Arts, et sa peinture reflète son goût pour la tradition. Ce tableau, laissant une grande place à un très beau ciel, montre sa connaissance et son amour de la campagne normande. Et les dindons ? Ils ne sont pas blancs comme ceux de Couchaux ou de Monet, mais noirs. Les revoici un peu agrandis :

Le gros plan révèle une touche visible qui s’affranchit des canons académiques.
Et pour finir, pour le plaisir, les Dindons de Monet qu’on peut admirer au musée d’Orsay à Paris. Notre oeil les voit blancs, mais Monet, pour décrire leur plumage, use de bleu, de jaune, de vert, d’orange, de rose…

Les premiers essais de Nymphéas

Cette grande toile sobrement encadrée est l’une des oeuvres phares de l’exposition Nahmad au musée des impressionnismes Giverny. Alors qu’elle figure au catalogue raisonné dans les pages consacrées aux tableaux de 1914-1917, des études récentes la datent de 1897, ce qui fait d’elle l’une des premières tentatives de Monet de peindre des nymphéas pour eux-mêmes.
Sans doute assis sur la berge, le peintre représente un tout petit coin de son bassin. Je crois qu’il se trouve près de la petite île et que les « hautes herbes » en question sont des feuilles d’iris. Monet insiste sur le contraste entre les feuilles éclairées et leur ombre. La disposition en surplomb, la forme tortueuse des feuilles me fait penser à l’estampe d’Hokusai La Grande Vague de Kanagawa que possédait Monet. « L’ombre des plantes occupe la plus grande partie de la toile, projetant un espace inquiétant sur les fleurs à peine esquissées », commente le rédacteur du cartel.
Face à la toile, j’ai été frappée par la couleur des nénuphars. Monet les a peints verts, comme il les voyait, alors qu’ils devaient être blancs ou jaunes. En bon observateur, il décrit les feuilles qui flottent plus ou moins vertes ou violettes selon leur âge.
La petite zone laissée inachevée à droite du tableau est fascinante, laissant entrevoir à quoi il ressemblait après une ou deux séances seulement. C’est comme si le peintre nous proposait de soulever le coin du tableau pour découvrir un autre stade de l’oeuvre par dessous. Tout au long de sa vie, Monet n’a cessé de s’interroger sur la peinture, et l’une des questions les plus récurrentes était celle du moment où il faut arrêter d’ajouter de la couleur au tableau. Sa correspondance avec Durand-Ruel révèle qu’il n’acceptait de se séparer d’une oeuvre que s’il en était à peu près satisfait. Mais il lui est aussi arrivé de gâcher des toiles, à ses yeux, en s’entêtant dessus.
Celle-ci est restée dans sa propre collection toute sa vie, comme l’atteste le cachet d’atelier apposé par son fils Michel après sa mort. Cette petite zone incomplète, c’est le pinceau qui reste en suspens, c’est la modestie de Monet affirmant que le tableau est inachevé. Selon lui, achevé voudrait dire parfait, or la perfection n’est pas à la portée de l’humain.
Ce tableau faisait-il partie des « tentatives anciennes » retrouvées dans sa cave par Monet, des années plus tard, que Clemenceau jugeait « bien sages », et qui lui ont donné l’envie de se lancer dans les Grandes Décorations ? Le cadrage ignorant les berges, centré sur l’eau et les plantes aquatiques, pourrait le faire penser.
Un parfum de printemps

Tous les cerisiers du Japon sont en fleurs à Giverny, un spectacle qui nous enchante tous les ans, encore plus beau sur fond de ciel bleu.

Dans le jardin du musée des impressionnismes, ouvert depuis le 28 mars, le temps des tulipes a déjà commencé. Les myosotis pointent leur nez bleu entre les tiges élancées de leurs voisines.

Ces adorables tulipes naines bicolores ne sont pas plus hautes que les jacinthes. Sous les rayons du soleil, ces dernières dégagent un parfum puissant, qui se mêle à celui des narcisses. Que c’est bon de respirer à nouveau l’odeur des fleurs !

Dans la prairie du musée, l’herbe se remet à pousser. Les pâquerettes font des galaxies blanches sur le tapis vert. Une meule de foin, bien conçue par les jardiniers, a résisté tout l’hiver. Par ce temps printanier, Monet n’aurait pas résisté à l’appel du plein air.
La collection Nahmad s’expose à Giverny

Jusqu’au 29 juin 2025, le musée des impressionnismes Giverny présente une sélection d’oeuvres issues de la collection des frères Nahmad, l’une des plus importantes au monde. En un demi-siècle, Joe, l’aîné, Ezra et David, seul encore en vie, ont amassé près de 5000 toiles entrant ou sortant de leur collection au gré de leurs achats et reventes.
Ces banquiers originaires de Syrie et du Liban sont devenus marchands d’art par passion, sans études artistiques, se fiant à leur goût. Ils ont manifesté un grand talent pour repérer les peintres en devenir.
C’est l’époque moderne, disons le XXe siècle, qui avait leur préférence. Mais la spécificité du musée de Giverny, l’impressionnisme, a conduit le commissaire, Cyrille Sciama, à piocher dans l’immense collection plutôt des peintures antérieures à 1925, annonçant la modernité, de Delacroix et Corot aux impressionnistes Monet, Sisley, Pissarro, Renoir, Degas.
En parallèle, on peut admirer dans l’exposition de nombreuses oeuvres symbolistes de Gustave Moreau et Odilon Redon, ainsi que des toiles italiennes du XIXe siècle. En effet, les Nahmad se sont installés à Milan dans les années 1960, et c’est là qu’a vraiment débuté leur activité de marchands.
L’exposition se termine par quelques trop rares toiles puisées dans le coeur de leur collection : de purs trésors de Modigliani, Matisse, Picasso nous régalent de couleurs, et on en vient à regretter qu’ils ne soient représentés que par un tableau chacun : la famille Nahmad possède 300 oeuvres de Picasso !
Les hérissons du musée de Vernon

Dépôt du centre national des arts plastiques
Bien connu pour sa collection de toiles impressionnistes et nabies, le musée de Vernon est aussi un merveilleux musée d’art animalier. A ce titre, c’est un endroit parfait pour initier les tout-petits à l’art, mais il n’est pas indispensable d’avoir ce prétexte pour aller visiter le deuxième étage du musée, car ses collections de sculptures et de tableaux d’animaux captivent à tout âge.
Je suis fan, par exemple, de ce hérisson en bronze doré, finement exécuté par Eugénie Grégoire, une plasticienne sur laquelle le net reste muet. Selon Stéphane Allavena, conservateur du patrimoine chargé de la mission de récolement au centre national des arts plastiques, « Eugénie Grégoire transforme son Hérisson en un objet décoratif aux lignes élégantes inspiré par l’Art Déco. »
Les piquants du hérisson se font douces aspérités, tandis que la forme de sphère et la finition dorée anoblissent l’animal.

Dépôt du Fonds national d’art contemporain (FNAC)
Marguerite Turgel a choisi une position plus inhabituelle pour son hérisson, couché sur le dos. Les yeux, les pattes et le museau apparaissent au milieu d’un nid de piquants qui semblent doux comme de la fourrure. Il y a quelque chose de très tendre dans cette attitude, qui nous évoque le visage d’un enfant émergeant des couvertures. Mais ce n’est pas une façon de se tenir très naturelle au hérisson, plutôt l’image de ce que découvre un prédateur qui retourne l’animal pour le dévorer. Brrr… Cela n’a toutefois guère de chances d’arriver : le cartel du musée précise que seulement 9% des hérissons périssent en raison de leurs prédateurs naturels. Leur pire ennemi, c’est l’homme avec ses véhicules, ses pesticides, ses piscines et ses débroussailleuses.
Une autre photo, prise par Yves Chénot, ici.
Les barques du musée de Vernon

musée Blanche-Hoschedé-Monet, Vernon
Le musée de Vernon possède plusieurs toiles de Pierre Maubert, peintre local « prolifique », nous dit le cartel associé à ce tableau. Ses oeuvres, plaisantes à regarder, n’ont pas atteint la notoriété que confèrent une technique hallucinante associée à une audace avant-gardiste prodigieuse, mais, en toute modestie, elles égaient les murs et offrent un témoignage sur une époque révolue. Celle-ci nous renseigne sur le type de barques qui était en usage dans le val de Seine au début du siècle, à une époque où Monet peignait ses Nymphéas.
A côté de la barque pimpante verte et orange qui paraît prête à servir, une autre, immergée, se devine sous le saule. Moins bien entretenue, elle a sans doute pris l’eau par des interstices entre ses planches disjointes, et va demander des soins avant d’être à nouveau en état. Cet aspect noyé, le saule qui paraît sur le point de tomber dans l’eau, introduisent des éléments inquiétants dans ce paysage à priori si riant.

musée Blanche-Hoschedé-Monet, Vernon
En contraste avec le soleil qui baigne le tableau de Pierre Maubert et fait chanter les verts, Gabriel Rogier nous propose une vue de la Seine par temps couvert. Malgré la date annoncée, avril, et les feuilles aux arbres, on se croirait en hiver, dans une atmosphère qui décline les tons de gris et de bruns. Rogier s’est placé assez près du fleuve pour être presque à la même hauteur que la barque, qui occupe le centre du tableau.

Vaclav Radimsky (Kölin 1867 – Pasinka 1946) Barques sur un fleuve, 1906
musée Blanche-Hoschedé-Monet, Vernon
Enfin, le célèbre peintre impressionniste tchèque Vaclav Radimsky nous offre toute une collection de barques alignées le long de la berge. On peut observer les similitudes et les différences entre les embarcations. Radimsky était un proche de Cézanne et bien connu de Monet, puisqu’il a séjourné à Giverny en 1894 avant de s’installer dans les environs de Vernon, au Goulet, jusqu’à la Première Guerre mondiale.
L’atelier de Nadar

On peut encore voir à Paris, au 35 boulevard des Capucines, l’immeuble où se trouvaient les salons et l’atelier du photographe Nadar, de 1860 à 1874. C’est en traversant la rue qu’on le voit le mieux, et la ressemblance avec la célèbre photo de l’atelier est indéniable :

On note que le photographe qui a pris ce cliché officiait depuis un étage élevé de l’immeuble d’en face, et non depuis la rue comme moi. On remarque aussi que le bâtiment a été surélevé de deux étages, et que les fiacres ont fait place à des véhicules automobiles.

Nadar occupait ces deux étages-ci, avant de déménager et de prêter ses locaux aux artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc, pour qu’ils y organisent en 1874 ce que la postérité nommera « la première exposition impressionniste ».

Un petit panneau apposé sur la façade rappelle l’évènement, mais malgré le bruit fait l’an dernier autour des 150 ans de la naissance de l’impressionnisme, je n’ai pas vu de communication officielle aux alentours de l’immeuble.
Terrasse à Sainte-Adresse

Comme son nom l’indique, le tableau de Monet intitulé « Terrasse à Sainte-Adresse » a été peint depuis une terrasse privée qui surplombe la Manche, sur la commune de Sainte-Adresse, près du Havre. Le lieu n’existe plus tel qu’il apparaît sur la toile, mais à vrai dire, la vue n’est guère différente depuis la promenade qui longe le bord de mer, à quelques détails près. A gauche sur la photo, on aperçoit l’entrée du port du Havre. Monet, qui bénéficiait d’un point de vue plus élevé et d’un temps clair, a fait figurer la colline qui marque l’estuaire de la Seine au sud. Selon Géraldine Lefebvre, directrice du Musée André-Malraux du Havre, qui a identifié les lieux avec précision, on reconnaît au second plan « la colline de Beuzeval qui domine l’entrée de la Dive sur la côte bas-normande (..) appelée également falaise des Vaches noires. »
La terrasse bordée de croisillons « appartient à une modeste maison à pans de bois. » Ce chalet destiné à la villégiature en bord de mer était celui d’une famille amie, les Bodson de Noirefontaine.
Depuis leur villa du Coteau, située dans un vallon boisé perpendiculaire à la côte, les Monet-Lecadre ne pouvaient pas observer les régates. Claude Monet, son père Adolphe, sa tante Jeanne Lecadre, sa cousine Marguerite et l’époux de celle-ci, Eugène Lecadre, ont accepté l’invitation de leurs amis, absents du tableau. Peut-être les Bodson de Noirefontaine n’étaient-ils tout simplement pas là, ce « 21 juillet 1867 en fin de matinée ».
Les couleurs de la mer

Les jours de beau temps, la mer n’est pas juste bleue, quand on la regarde avec les yeux de Monet. Elle se colore de vert, de violet, et de bien d’autres teintes, du bleu lavande au bleu outremer.
Le petit point clair dans l’eau, c’est une personne qui se baigne, début mars.

Dans le port du Havre, j’ai pu observer ce phoque, qui ne m’a pas moins surprise.
Notre-Dame-des-Flots

La chapelle Notre-Dame-des-Flots domine l’estuaire de la Seine et le port du Havre. Elle se dresse dans le haut de Sainte-Adresse, tout près du Pain de Sucre, tournée vers la Manche. Le coucher du soleil baigne sa façade occidentale : comme la plupart des églises, elle est orientée.

Ce n’est pas un édifice très ancien. La chapelle a été bâtie au milieu du 19e siècle, en deux ans, et consacrée en 1859, le 11 septembre. Un an plus tôt, la Vierge apparaissait à Bernadette Soubirous. La levée de fonds a sans doute bénéficié de la ferveur mariale suscitée par les apparitions de Lourdes.
Oscar Claude Monet avait 18 ans. S’est-il glissé dans la foule venue assister à la cérémonie ? Sa famille était-elle présente ? Ils avaient pu voir le sanctuaire se construire quasiment sous leurs yeux, à quelques centaines de mètres de chez eux. Mais les Monet n’étaient pas portés sur la religion, et peut-être ont-ils volontairement snobé l’évènement.

Si toutefois, un jour, le jeune peintre a eu la curiosité d’entrer dans la chapelle, il a pu en apprécier la sobre élégance néo-gothique. Une statue de la Vierge placée au-dessus de l’autel accueille les fidèles. Les nombreux vitraux dans le style du 13e siècle donnent un aspect coloré à l’édifice.

Maquettes de bateaux et tableaux rappellent la vocation du lieu : confier les marins à la protection de la Vierge. Et cela, qu’ils soient vivants ou trépassés.

Les ex-voto, gravés dans le marbre blanc, tapissent les murs. Le jour de l’inauguration, ils devaient être rares. Depuis, ils ont envahi tout l’espace disponible.

Gratitude, espérance, foi se mêlent, rendant les murs vibrants de ces marques de dévotion.

Effet d’hiver à Argenteuil
23 avril 2025 / Un commentaire sur Effet d’hiver à Argenteuil
Voici l’un des cinq tableaux de Monet que l’on peut voir en ce moment à Giverny, au musée des impressionnismes, dans le cadre de l’exposition tirée de la collection Nahmad. Cela fait seulement trois ans que l’oeuvre a été achetée par la famille Nahmad. Elle appartenait auparavant à un collectionneur français de Tahiti, Paul Yeou Chichong, un self-made-man au parcours étonnant, né à Papeete d’un père chinois. Premier polynésien à intégrer HEC, il en sort diplômé en 1959, retourne à Tahiti et commence une brillante carrière. Il investit une partie de ses bénéfices en tableaux, jusqu’à amasser 350 toiles, dont de nombreux chefs-d’oeuvres signés des plus grands. Il aime en particulier les toiles de Gauguin, bien sûr, il a un penchant pour les natures mortes de poissons, mais aussi, plus curieusement, pour les paysages de neige. J’imagine qu’ils paraissent très exotiques quand on vit un été permanent.
Mais son rêve de voir l’Etat créer un musée à Tahiti pour y présenter ses tableaux ne semble pas avoir pu se concrétiser. En mai 2022, sa collection a été proposée aux enchérisseurs par Sotheby’s.
Les experts de la maison de vente se sont livrés à une étude approfondie du tableau de Monet. En décembre 1874, il avait enfin neigé abondamment, après plusieurs années sans flocons ou presque. On devine l’excitation de Monet et sa joie de peindre de beaux effets d’hiver. Il n’a pas eu à les chercher très loin : à quelques pas de chez lui, le voici face à un stock de blocs de pierre chapeautés de neige. Il est possible que ce soit l’aspect ton sur ton du blanc du calcaire et de celui de la neige qui ait arrêté son regard. Argenteuil est alors une ville en pleine expansion où l’on construit beaucoup.
Au-delà de ce motif un peu anecdotique, c’est l’intérêt porté par le peintre aux tons mouvants du ciel qui fascine. Les nuées sont animées d’une vie propre, leurs nuances délicates sont si travaillées que pas un centimètre carré du tableau ne paraît vide.