Sainte-Adresse et son pain de sucre
Claude Monet, Sainte-Adresse, 1867, National Gallery of Art, Washington
L’exposition L’impressionnisme et la mer se termine dimanche à Giverny, au musée des impressionnismes. Encore quelques jours pour admirer les fantastiques couleurs que les artistes, de Boudin à Maufra, ont vues dans les flots de la mer.
Je suis retournée tout à l’heure regarder de près les Monet, avec leur étrange signature où le t final est comme une croix qui penche, un mât de navire. Et faire un gros plan du pain de sucre de Sainte-Adresse, que Monet a fait figurer sur cette toile de 1867, avec la chapelle Notre-Dame-des-Flots juste derrière. Ce sont là deux monuments caractéristiques de Sainte-Adresse, qu’il connaissait parfaitement.
Claude Monet, Sainte-Adresse (détail), 1867, National Gallery of Art, Washington
On distingue très bien le chemin crayeux qui y monte.
Et puis je me suis demandé s’il était possible de voir le pain de sucre aujourd’hui depuis la plage du Havre. La réponse est oui, si l’on a des yeux perçants, comme Monet.
L’éclat de juin à Giverny
En ce moment, le grand massif du bas du jardin de Monet a un aspect des plus impressionnistes, avec ses nombreuses touches de rouge coquelicot. A y regarder de plus près, on s’aperçoit que c’est une broderie qui compte non seulement les fameux coquelicots, mais aussi des dahlias de formes diverses aux coloris rouges et jaunes, des lis, des rudbeckias, des bidens, des pétunias, des roses d’Inde, etc, etc, etc.
Les delphiniums d’un bleu intense s’élancent près des rosiers en arbres.
Haut de 2 mètres environ, ces rosiers pleureurs au charme fou se parent de centaines de petites roses. Les plus tardives sont encore au début de leur floraison. Monet cultivait de tels rosiers, grâce aux soins experts de son chef-jardinier Félix Breuil.
Partout, les hémérocalles saluent le début de l’été, émergeant enfin en corolles orange au-dessus de leurs belles feuilles en ruban.
Deutzia
Ce joli arbuste bien en vue près de la boutique de la Fondation Monet intrigue les visiteurs. Qu’est-ce que cela peut bien être ? Du jasmin ? Un seringat ? Chacun y va de sa supposition.L’application PlantNet a la réponse : ces petites étoiles blanches sont celles d’un Deutzia gracilis.
Les conseils de plantation des pépinières recommandent de lui donner une exposition ensoleillée. A Giverny, il est à l’ombre du troisième atelier et de grands arbres, mais il fleurit néanmoins ces jours-ci, pour fêter l’arrivée de l’été.
Cauchemar à Bordighera
Rien de plus doux que les couleurs utilisées par Monet pour rendre la lumière qui baigne Bordighera, en Italie : des roses pâles, des bleus légers, des verts tendres. Ces teintes font aujourd’hui nos délices, mais quand Monet les pose sur la toile, il s’en effraie. On est si loin des couleurs académiques, « et pourtant c’est ainsi ».
Dans ses lettres, le peintre ne cesse de dire son étonnement des couleurs, en même temps que son émerveillement. A Duret, le 2 février 1884, il écrit :
Je suis installé dans un pays féerique. Je ne sais où donner de la tête, tout est superbe et je voudrais tout faire ; aussi j’use et gâche beaucoup de couleurs, car il y a des essais à faire. C’est toute une étude nouvelle pour moi que ce pays et je commence seulement à m’y reconnaître et à savoir où je vais, ce que je peux faire. C’est terriblement difficile. Il faudrait une palette de diamants et de pierreries. Quant au rose et au bleu, il y en a ici.
Claude Monet, Les Palmiers à Bordighera, 1884, Metropolitan Museum, New York
Le 3 février 1884, il confie à Alice :
Maintenant je sens bien le pays, j’ose mettre tous les tons de rose et bleu ; c’est de la féerie, c’est délicieux, et j’espère que cela vous plaira.
Pourtant, au fond de lui, il doute encore, à en faire des cauchemars, qu’il raconte à Alice le 6 février :
C’est une journée bien différente que j’ai passée aujourd’hui, journée sans travail aucun, mais ce matin, j’ai cru que j’allais être malade ; j’avais du reste passé une très mauvaise nuit ; contrairement à mon habitude, j’ai eu tout le temps des cauchemars, voyant tous mes tableaux faux de ton, puis les apportant à Paris, où tout le monde m’avouait n’y rien comprendre. J’étais désespéré ; Durand n’en voulait pas et je maudissais ce voyage.
Mais sa mauvaise nuit et son mal de tête avaient aussi une autre cause :
Ce soir à dîner, tout le monde m’a dit qu’hier j’avais très mauvaise mine, que je travaillais trop, que j’avais tort de rester trop au soleil, d’autres qu’il ne fallait pas rester dehors, passé une certaine heure, que le climat était traître et pernicieux aux gens bien portants ; bref, un tas de bêtises. J’étais évidemment fatigué, comme je le sentais depuis plusieurs jours, et voilà tout.
Le lendemain, il n’est pas encore remis :
Je me suis remis au travail ce matin, mais j’ai été tout mal à l’aise pendant toute la journée. Ce soir, je me sens mieux ; j’ai eu tout le temps mal à la tête et comme de la fièvre. Aussi ai-je travaillé avec plus de sobriété, car c’est évidemment dû à la surexcitation du travail.
En mars, près de deux mois après son arrivée, Monet finit par assumer pleinement les coloris qu’il emploie. Ainsi, le 10 mars, dans une lettre à Alice, il exulte :
Maintenant je le tiens ce pays féerique et c’est justement ce côté merveilleux que je tiens tant à rendre. Evidemment bien des gens crieront à l’invraisemblance, à la folie, mais tant pis, ils le disent bien quand je peins notre climat. Il fallait en venant ici que j’en rapporte le côté saisissant. Tout ce que je fais est flamme-de-punch ou gorge-de-pigeon et encore ne le fais-je que bien timidement. C’est du reste chaque jour plus beau. Les amandiers et les pêchers mêlés aux palmiers, aux citronniers toujours avec leurs fruits dans des harmonies délicieuses.
Les oliviers
Pendant son séjour à Bordighera, Monet a bénéficié d’une introduction pour peindre dans la propriété de M. Moreno, qui possédait non seulement un jardin paradisiaque, mais aussi des hectares d’oliviers ; ils avaient fait sa fortune.
En 1884, Monet n’a pas encore mis en place le principe de la série. Il cherche à varier les sujets, et, s’il représente beaucoup de palmiers, il se passionne aussi pour les oliviers. Leur feuillage gris-bleu, le contraste avec le sol ocre, le soleil qui perce à travers les branches, les troncs noueux, la vibration lumineuse elle-même qui émane de ces bois d’oliviers ne pouvaient que le fasciner.
Un déplacement de quelques mètres, et tout change, surtout si l’on passe d’un temps ensoleillé à un ciel couvert. « On peut se promener indéfiniment sous les palmiers, les orangers et les citronniers et aussi sous les admirables oliviers, mais quand on cherche les motifs, c’est très difficile, » soupire Monet.
Cependant les couleurs qu’il observe et qu’il retranscrit sur la toile l’étonnent. A Alice, le 7 février 1884 : « Je ne sais quel effet tout cela vous fera, mais c’est bien terrible et le bleu joue un grand rôle dans tout ce que je fais. Aujourd’hui je travaillais à un sous-bois d’oliviers par temps gris : tout est bleu et cependant c’est ainsi. »
On connaît la longévité de l’olivier. Celui-ci existe toujours dans une propriété privée de Bordighera, la fondation Pompeo Mariani.
Certaines oliveraies, heureusement, sont accessibles au public. En voici une autre près de Bordighera, par temps pluvieux, avec un sol presque trop vert.
Et voici deux vénérables oliviers dans le jardin de Renoir aux Collettes, à Cagnes-sur-Mer. Ils étaient déjà très âgés du vivant de Renoir.
Le Bordighera de Monet
Claude Monet, Les villas à Bordighera, 1884, musée d’Orsay, Paris
C’est toujours émouvant de retrouver, presque inchangé, un lieu peint par Monet. A Bordighera, la villa construite par Charles Garnier pour le banquier parisien d’origine allemande Bischoffsheim s’élève toujours sur la via romana.
La clôture et l’abondante végétation empêchent de capturer l’angle exact choisi par Monet. Mais l’élégante tour de style mauresque, avec tous ses détails, est encore plus belle que sur le tableau. Quand Monet la représente, en 1884, elle n’a pas dix ans.
Claude Monet, Villas à Bordighera, 1884, musée Barberini, Potsdam
La voici dans l’autre sens, émergeant d’un jardin luxuriant. Au fond, on aperçoit la ville haute (et ancienne) de Bordighera.
Pour qui veut marcher sur les pas de Monet et ne connaît pas la ville, il n’est pas facile de retrouver les endroits peints. Heureusement, un plan affiché dans la vitrine de l’office de tourisme s’avère providentiel.
Claude Monet, Vallée du Sasso, effet de soleil, 1884, musée Marmottan-Monet, Paris
Monet a représenté quatre fois cette étrange tour, dite tour sarrasine, qui date du 16e siècle.
Le Sasso n’est rien de plus qu’un fossé rempli d’eau. Un panneau à l’entrée de cet établissement horticole spécialisé dans les plantes grasses nous confirme que nous sommes au bon endroit : la tour s’appelle maintenant la « tour Monet ». Monet est grimpé sur la colline pour la peindre avec la montagne en arrière plan. Le lieu n’a plus le même charme, et je doute qu’il retiendrait son attention aujourd’hui.
Ailleurs, la magie opère. Le campanile de l’église, figuré par Monet sur de nombreuses toiles, se détache sur la mer. Par devant, une maison toute simple comme celles qu’on peut voir sur plusieurs tableaux.
Cette végétation a d’ailleurs donné bien du mal à Monet :
« Ce pays, comme je vous l’ai dit déjà, est extrêmement difficile à faire, très long, surtout parce que les grand motifs d’ensemble y sont rare. C’est trop touffu, et ce sont toujours des morceaux avec beaucoup de détails, des fouillis terribles à rendre, et moi justement suis l’homme des arbres isolés et des grands espaces. »
(Lettre à Alice, 11 février 1884)
Bordighera
En 1884, Claude Monet fait un voyage pour peindre à Bordighera, sur la Riviera italienne, à quelques kilomètres de la frontière française. La ville est connue pour sa palmeraie extraordinaire. Elle a fasciné le peintre lors de son voyage d’exploration avec Renoir en décembre 1883. Il a secrètement décidé d’y revenir dès les fêtes passées, seul, pour y travailler.
Lorsque Monet arrive au terme d’un harassant voyage, il « compte faire un séjour de trois semaines environ ». Les motifs variés, merveilleux, « difficiles à prendre », le climat et la magnifique lumière d’hiver de la côte méditerranéenne vont le retenir trois mois, de mi-janvier à mi-avril.
« Ici, je vais m’attacher aux palmiers et aux aspects un peu exotiques », annonce-t-il à Durand-Ruel, son marchand. Il reste encore quelque chose, à Bordighera, de la végétation foisonnante qui captivait le peintre, même si l’emprise des constructions s’est resserrée autour des espaces de verdure.
En avril 2019, j’ai eu envie de partir sur ses traces. Les Italiens rendent un hommage appuyé à Monet : un parc public situé sur un bout de l’ancien jardin Moreno peint par Claude porte son nom.
L’artiste a aussi sa rue à Bordighera :
Ainsi que son café !
Après s’être essuyé les pieds sur un tapis marqué de sa signature, (aurait-il apprécié ?) on s’assoit au milieu des reproductions de ses oeuvres peintes dans la région. Le menu propose du foie gras. Le café très serré, servi avec un verre d’eau, est italien pur jus.
Je me demande si Monet aimait le café italien, et le café tout court. Ou s’il était plutôt thé, comme les Anglais, après son séjour à Londres. En tout cas, il est descendu à la Pension Anglaise. Et il ne s’est pas plaint des petits-déjeuners.
Conches-en-Ouche ou la beauté du verre
La petite ville de Conches-en-Ouche se trouve à l’écart des circuits touristiques, ce qui lui vaut d’avoir préservé sa paisible atmosphère hors du temps. Elle est pourtant desservie par le train, à 12 minutes seulement de la préfecture de l’Eure, Evreux. De Giverny, compter une bonne heure en voiture pour parcourir les 55 kilomètres qui séparent les fleurs de Monet des merveilles conchoises.
Conches possède deux joyaux ayant un matériau pour point commun : l’église Sainte-Foy aux éblouissants vitraux du 16e siècle, et le musée du Verre.
Voici par exemple le vitrail de l’Annonciation de l’église Sainte-Foy. Pour une fois, l’ange Gabriel arrive par la droite. Il lance sa salutation à Marie, inscrite sur le phylactère qui s’enroule à la manière du ruban d’une gymnaste olympique. A cet instant, un rayon émane de Dieu le Père en direction de la Vierge.
A l’intérieur, la colombe de l’Esprit-Saint est suivie d’une petite forme humaine blanche : j’y vois l’âme de Jésus qui vient s’incarner. Ce grand mystère de l’Incarnation est symbolisé par le vase au premier plan. La Vierge est le vase sacré ; d’elle, pure comme un lis, naîtra le Christ.
Chaque détail est magnifique, comme ce paysage à l’arrière-plan, si renaissant.
Et voici Jean-Baptiste baptisant Jésus dans l’eau du Jourdain, au milieu d’une faune digne de saint François d’Assise. Il paraît que dans la verrière entière on compte 22 oiseaux !
Le musée du Verre est si riche qu’il mérite le détour à lui tout seul. Ses nouveaux locaux, inaugurés en 2022, servent d’écrin à une collection présentant l’évolution de l’art verrier depuis le 19e siècle. C’est fascinant, époustouflant.
Le Village de Giverny, un charme impressionniste
J’ai le grand plaisir de vous annoncer la parution de mon livre consacré au village de Giverny ! Il vient d’être publié aux éditions Orep et il est disponible sur commande sur le site internet de l’éditeur ou chez votre libraire préféré. On le trouve aussi dans les boutiques des musées de Giverny et de Vernon et chez les libraires de la région.
Le fil conducteur de cette présentation du village cher à Claude Monet est une question que chacun se pose plus ou moins : qu’est-ce qui fait le charme de Giverny ? Pourquoi Monet et tant d’autres artistes à sa suite y ont-ils séjourné et trouvé l’inspiration ? Pour y répondre, j’ai interrogé de nombreux Givernois, et j’ai été surprise par la variété de leurs réponses. J’ai aussi parcouru bien des fois chacune des rues et des sentes du village, essayant de capter un peu de l’essence de Giverny par la photo.
Le livre fait une large part aux jardins et à la peinture, naturellement, avec de nombreuses illustrations puisées dans les oeuvres de la colonie impressionniste. C’était aussi l’occasion de mettre ce lieu unique qu’est l’hôtel Baudy à l’honneur : il fait la couverture du livre.
Sur le plan du contenu, un peu comme pour mon livre Vernon, Saint-Marcel et Giverny, j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur le village. Le texte est une synthèse de ce que je sais sur le sujet. Pour que cela reste digeste, j’ai ajouté une touche d’humour et de poésie. J’espère que vous aimerez.
La roseraie presque secrète
Au coeur du jardin de Claude Monet s’étend une pelouse bordée de rosiers.
Leurs fleurs chatoyantes s’épanouissent tranquilles, presque à l’abri des regards.
Les rosiers ont été choisis avec amour, plantés selon les règles de l’art, ils sont bichonnés par les jardiniers de la fondation Monet. Mais peu de visiteurs y prêtent attention.
La roseraie s’étend sur les quatre côtés de la pelouse. Il faut prendre la peine de regarder par dessus les massifs hauts qui la bordent, effort récompensé, en plus des roses, par la vue des pivoines et des coquelicots plantés en carré au pied des rosiers tiges.
Il est vrai qu’à Giverny, les yeux ne savent pas où donner de la tête…
Les Iris jaunes de Monet
A la fin de sa vie, Claude Monet se livre à d’étonnantes recherches autour du motif de l’iris. Impossible de savoir exactement quand il commence à s’intéresser à leur forme ondulante, à leur beau contraste de couleur sur un fond bleu. Ils ne sont ni signés ni datés, mais portent simplement le tampon d’atelier apposé bien plus tard par Michel Monet, fils de l’artiste.
Dans son catalogue raisonné de Monet, Daniel Wildenstein avertit que « tout essai de datation, même approximative, demeure hypothétique. » Il place ces études bien avant ou juste après le succès de l’opération de la cataracte. Le trait est sûr, les couleurs vibrantes et, si on peut avoir des doutes sur la réalité de ce bleu, les jaunes et les verts sont bien ceux des iris des marais qui poussent toujours à Giverny dans le jardin de Monet.
Le plus étonnant, c’est l’angle sous lequel Monet peint ses fleurs. On a l’impression qu’elles sont sur un talus, qu’il est couché à leur pied, au fond de sa barque… Tout cela n’est qu’illusion, car Monet, à 84 ans, ne recherche pas un cadrage photographique original, comme nous le ferions peut-être. Il étudie une fois de plus les reflets à la surface de sa pièce d’eau.
Le motif et son traitement son très japonisant, tout en portant la marque de la patte de Monet. A droite, des touches en forme de 8 couché évoquent le balancement de la fleur dans le vent.
Cette disposition me fait penser à Femme à l’ombrelle, le magnifique portrait de Camille debout sur un talus exécuté par Monet en 1875, du temps d’Argenteuil. Là aussi, la silhouette se détache sur le bleu du ciel, parcouru de nuages poussés par le vent. On dirait que ce portrait n’a cessé de le hanter.
Les fleurs, peut-être sur un île et sur la berge à la fois, sont disposées tout en haut des flammes vertes de leur feuillage. Entre les tiges perce le bleu de l’eau.
Claude Monet, Champ d’iris jaunes à Giverny, 1887, musée Marmottan-Monet, Paris w1137
A l’époque de Monet, les iris jaunes poussaient spontanément dans les zones humides de Giverny, par champs entiers. Il est même possible que ce soit la vue de ces merveilleux champs de fleurs qui ait contribué au coup de coeur de Monet pour le village, qu’il découvre au printemps 1883. Mais ce n’est qu’après être allé peindre les champs de tulipes au environs de La Haye en 1886 qu’il songe à installer son chevalet de l’autre côté du chemin du Roy et de la voie ferrée pour représenter par trois fois les iris sauvages pendant leur éclatante floraison, au printemps 1887.
Monet par Renoir
Pierre-Auguste Renoir, Portrait de Claude Monet, fusain sur papier, vers 1890, collection particulière
A la longueur de la barbe, on voit qu’il ne s’agit pas ici d’un portrait de jeunesse. Les deux amis ont la cinquantaine, et il est bien touchant de les imaginer tous les deux, Monet posant une fois de plus pour son vieux complice, comme il le faisait du temps d’Argenteuil, et Renoir se régalant de le croquer. Je crois que cela leur faisait mutuellement plaisir. Renoir a bien entendu donné le dessin à Monet, qui l’a bien entendu conservé toute sa vie. Michel en a hérité et semble l’avoir gardé un certain temps lui aussi, mais pas assez pour qu’il soit au musée Marmottan-Monet à Paris, musée auquel il a légué toutes les oeuvres qu’il avait encore, en plus de la propriété de Giverny. Michel a vendu énormément de toiles au cours des quarante dernières années de sa vie, y compris des représentations de ses parents.
Le directeur de la fondation Monet s’est éteint
Je viens d’apprendre avec une profonde tristesse la disparition d’Hugues Gall, l’académicien à la tête de la fondation Claude Monet depuis 16 ans. Il s’est éteint il y a trois jours, dans la nuit du 24 au 25 mai, à l’âge de 84 ans.
Pour cet homme qui a exercé de hautes fonctions et qui disait que le président Sarkozy lui faisait l’amitié de le tutoyer, les articles nécrologiques abondent. Je ne vais pas en faire un de plus, mais je voudrais lui rendre hommage très simplement en racontant quel homme il fut dans son rapport avec moi, la petite blogueuse de Giverny.
Hugues Gall, élu à l’Académie des Beaux-Arts en tant que directeur des opéras de Paris, a pris sa retraite de ce poste en 2008 pour se consacrer à la maison de Monet à Giverny, après le décès des époux van der Kemp. Il était alors âgé de 68 ans. Grand admirateur de Monet depuis toujours, il était très heureux de ce nouveau défi. Comme il habitait Paris, son premier réflexe a été de chercher Giverny sur internet. C’est ainsi qu’il est tombé sur Giverny News. Le 28 mars 2008, il m’écrivait ce commentaire :
Madame,
élu depuis deux jours par mes pairs de l’Académie des Beaux-Arts, à la succession de la regrettée Florence Van der Kemp, je suis donc le nouveau directeur de la Fondation Claude Monet-Giverny.
Je me suis depuis quelques jours familiarisé avec ce lieu magique et avec ses alentours en parcourant votre site si bien fait, si joliment écrit !
Je tiens à vous dire mes félicitations et mon souhait de vous rencontrer « in loco » lors d’un prochain passage de ma part à Giverny.
avec mes sentiments les meilleurs
Hugues R.Gall
Membre de l’Institut
Conseiller d’Etat
En lisant ces mots, j’ai poussé de tels cris que les enfants sont descendus pour voir si je riais ou si je pleurais. Ces quelques lignes et les rencontres qui ont suivi ont changé ma vie. Hugues Gall voulait s’entretenir avec toutes les personnes en lien avec Giverny, recueillir leurs idées et sonder leurs réactions aux siennes, par exemple sur l’ouverture le lundi ou la hausse des billets d’entrée. Je me souviens aussi de sa curiosité et de son émerveillement face à la beauté du jardin de Monet, où il se glissait tôt le matin avec l’impression d’être Alice au pays des merveilles.
Grâce à sa bienveillance, j’ai pu faire des photos dans le jardin quand il est fermé au public, assister à des conférences de presse, découvrir les coulisses de la fondation Monet, des appartements privés des directeurs jusqu’au grenier et à la cave… Surtout, j’ai eu la chance d’approcher un homme prodigieux, d’une infinie culture, pétillant d’humour. Sa spécialité était de faire aux gens des éloges si exagérés qu’on sentait bien l’ironie poindre derrière. Personne n’était dupe, c’était jouer à je sais que tu sais que j’exagère, un jeu qui malgré vous vous mettait le sourire aux lèvres. Ses discours mêlaient le factuel et l’intime, par exemple lors du baptême du square van der Kemp. Il n’oubliait jamais d’exprimer sa reconnaissance, non seulement pour Monet, créateur du lieu, pour les van der Kemp qui l’avaient restauré, les nombreux mécènes qui avaient financé les travaux, mais aussi, peut-être même surtout, pour Michel Monet, qui avait légué la propriété à l’académie des beaux-arts. Plus encore que toutes les autres, c’était cette générosité-là qui le frappait. Sans ce geste de Michel, il n’y aurait rien eu, ou du moins la responsabilité de faire vivre Giverny ne serait pas échue à un académicien comme lui.
J’ai donc pris le thé en tête à tête avec Hugues Gall, du thé vert à la menthe venu du Maroc, je l’ai écouté me parler de Mahler, je l’ai guidé plusieurs fois avec ses amis dans les jardins, y compris les éminents membres du comité de la Légion d’honneur, qu’il a présidé pendant un temps. Je n’ai jamais réussi à être vraiment détendue en sa présence, car il était manifeste que nous n’étions pas du même monde. Mais je crois qu’il m’aimait bien.
Au début, il lisait le blog tous les soirs avant d’aller se coucher, m’avait-il confié. En écrivant, j’avais l’impression de lui raconter une histoire avant de dormir, situation assez paradoxale eu égard à la différence d’âge et de statut. Puis, quand il a eu mis en place les changements qu’il souhaitait, je crois qu’il a consacré moins de temps à Giverny, car c’était un homme très occupé. Les photos dans l’atelier de Monet ont été prises le 23 mars 2011, alors que la pièce venait d’être redécorée et les répliques des tableaux accrochées au mur. Je n’étais pas femme à braquer un appareil photo sur quiconque, et encore moins sur lui, mais il m’avait expressément engagée à les faire. J’en ai pris d’autres en plein air, lors du dévoilement de la plaque du square le 1er septembre 2014. Dix ans déjà ! Le covid est venu, chassant hélas l’habitude de se serrer la main. La dernière fois que je l’ai croisé dans les jardins, il marchait à petits pas, et quand je l’ai salué, je ne suis pas sûre qu’il m’ait reconnue. Souvent, nous perdons deux fois les gens que nous aimons.
Les adresses de Mallarmé
Le poète Stéphane Mallarmé s’était fait une spécialité de tourner les adresses de ses lettres aux amis sous forme de quatrains rimés. Voici l’enveloppe remise par le facteur à Berthe Morisot-Manet et sa fille Julie. Berthe a eu droit également au quatrain suivant :
Sans t’étendre dans l’herbe verte,
Naïf distributeur, mets-y
Du tien, cours chez Madame Berthe
Manet, par Meulan, à Mézy.
Pour Renoir, cela donne :
Villa des Arts, près l’avenue
De Clichy peint Monsieur Renoir
Qui devant une épaule nue
Broie autre chose que du noir.
Et voici celle au peintre Paul Helleu, familier de Monet :
Au cinquante-cinq, avenue
Bugeaud, ce gracieux Helleu
Peint d’une couleur inconnue
Entre le délice et le bleu.
Enfin, l’adresse qui a beaucoup ému Claude Monet :
Monsieur Monet, que l’hiver ni
L’été sa vision ne leurre
Habite, en peignant, Giverny
Sis auprès de Vernon dans l’Eure.
Voici sa réponse :
Giverny, 22 septembre 1890
Mon cher Mallarmé, excusez-moi du retard à vous répondre, elle m’est bien parvenue votre aimable lettre, malgré sa si gentille adresse (car un intelligent facteur aurait bien pu la garder) ; c’est charmant à vous et je vous remercie bien.
Selon Mallarmé, aucune des lettres ainsi adressées ne s’est perdue. Elles devaient bien distraire les facteurs ! De nos jours, l’art postal a pris le relais.
Lumière du matin
Quand on regarde les tableaux de la série des Cathédrales de Rouen peints par Monet, on est surpris par les incroyables couleurs que l’artiste perçoit sur la façade et sur les tours du monument. Mais la lumière du lever du soleil, un matin d’hiver, lui donne raison. Les pierres éclairées flamboient de jaune et d’orange. Evidemment, la cathédrale est orientée, elle pointe vers l’est. A cette heure-ci, Monet devait la voir dans un fameux contre-jour, le portail occidental plongé dans l’ombre. C’est au coucher du soleil que la façade ouest qu’il peignait prenait les couleurs les plus chaudes.
Deux poids, deux mesures
Le rapport de Claude Monet à l’argent n’est pas exempt de contradictions, ce qui n’a rien d’étonnant. Si l’on est honnête, n’est-ce pas le cas pour tout le monde ? Certaines dépenses nous paraissent toujours trop chères, tandis que d’autres qui nous font davantage plaisir passent comme une lettre à la poste.
Le lettre suivante est bien révélatrice à cet égard :
Je n’ai pas encore reçu de lettre de Durand, mais, ce soir, il me télégraphie qu’il m’a fait un envoi aujourd’hui et qu’il va acheter pour moi un Manet. Pourvu qu’il ne vous ait pas fait attendre. Je recevrai donc sa lettre après-demain, mardi. Aussitôt et selon ce que je pourrai, je vous ferai un envoi pour la pension. Faites donc des économies sur ce que vous avez, car le plus que je pourrai faire sera 200 francs, et il faut absolument payer la pension. Songez que vous n’avez jamais eu autant que depuis mon départ : 300 francs chaque semaine. Je sais que vous faites pour le mieux, mais il faut surtout faire pour ce que l’on a, et c’est énorme ce que j’ai reçu de Durand depuis peu de temps. Chaque semaine c’est une chose de payée, un trou de bouché, mais on en voit toujours à l’horizon, et je ne puis parvenir à donner à des créanciers qui me réclament depuis si longtemps. Vous me dites de ravoir mon tableau d’Argenteuil, je le voudrais bien, mais il ne s’agit pas que de vouloir ; j’ai de nouveau promis à Caillebotte de lui adresser cette semaine pour Fournaise et je ne puis y manquer.
Lettre 404 de Claude Monet à Alice Hoschedé, 3 février 1884, Bordighera
Voilà donc Monet qui prêche l’économie à sa compagne restée à Giverny avec neuf bouches à nourrir et des domestiques à payer, mais qui s’offre un Manet ! A première vue, cela paraît un peu, quoi ? gonflé ? égoïste ? machiste ? A y regarder de plus près, pas tant que cela : si on multiplie 300 francs-or par 20, on obtient 6000 euros par semaine, 25000 euros par mois. Avec ça, Monet pense qu’Alice doit s’en sortir, et cela ne semble pas devoir être la quadrature du cercle, en effet. Cela ne l’empêchera pas de regimber devant ces exhortations à l’économie, qui nous paraissent en effet un peu déplacées aujourd’hui. Mais on est au XIXe siècle.
Quant à l’achat du Manet, c’est l’occasion qui fait le larron : Monet veut profiter de la vente de l’atelier d’Edouard Manet, disparu le 30 avril 1883, pour s’offrir un souvenir de son ami. Il demande à Durand-Ruel d’acheter pour lui « une esquisse, quelque chose d’artistique ». Mais il y met une condition : « si c’est dans mes prix ». Toutefois, il n’est pas facile de choisir pour quelqu’un d’autre. Monet se déclare déçu de la Femme à la fourrure de profil que le marchand lui vend 250 francs. Il possédera par la suite quatre autres Manet, dont son propre portrait à l’encre de Chine, offert en souvenir par le frère du défunt.
Monet amoureux
Les lettres de Claude Monet à sa compagne Alice Hoschedé regorgent de toutes sortes de détails, qui n’ont pas tous retenu l’attention des historiens de l’art. Il en est ainsi de leurs envois mutuels de fleurs sauvages. Le 16 mars 1884, Monet, qui séjourne en Italie à Bordighera, revient d’avoir exploré la côte Ligure jusqu’à Andora, à 45 km de son hôtel. Il écrit à Alice :
Merci de votre violette qui m’a apporté un peu de vous. Voici des fleurs des champs cueillies pour vous à Andore.
Ne sont-ils pas mignons tous les deux ? Ce ne sont plus des ados : Monet a 43 ans, Alice en a 40. Ils ne se croient pas trop vieux pour cela, ils ne pensent pas que ce sont des enfantillages : ils sont amoureux. Depuis toujours, les fleurs servent à conter fleurette, en messagères du coeur.
C’est une habitude qu’ils ont prise chaque fois que Monet s’éloigne un peu longtemps et que la saison s’y prête. L’année précédente, Alice avait déjà fait parvenir des fleurs à son chéri parti peindre à Etretat :
Je vous remercie bien de vos fleurs et de votre bonne pensée.
Lettre de Claude Monet à Alice Hoschedé, 14 février 1883, Etretat.
Message elliptique, et comme on aimerait savoir de quoi il retourne exactement ! S’agit-il cette fois de fleurs de culture, ou toujours de fleurs sauvages ? Je viens de vérifier si la saint Valentin se fêtait au XIXe siècle, il semble que oui. J’ai pourtant des doutes car Monet n’en fait pas mention les autres années.
Quelquefois les fleurs sont glissées dans une lettre déjà terminée, et font l’objet d’un post-scriptum :
Si mes petites fleurs arrivent pas trop fanées, elles sont très jolies, il y en a partout dans les champs.
Lettre de Claude Monet à Alice Hoschedé, 3 février 1884, Bordighera
J’aime les imaginer tous les deux en train de s’écrire, de tremper la plume d’oie dans l’encrier, de tracer les mots sur le papier. Puis, quand il ne leur vient plus rien à ajouter, qu’ils ont raconté tout ce qu’ils avaient à dire pour la journée, finir avec un message tendre, et avant de cacheter la lettre, y glisser une fleurette que l’autre tiendra bientôt dans la main, et qui lui dira Je vous aime.
Comme du temps de Monet
Devant la maison de Claude Monet, le printemps est marqué par un tapis de myosotis bleus piqués de tulipes roses, auxquels succèdent des pélargoniums rouges et roses. La transformation s’opère en une paire d’heures à la mi-mai. Pour être aussi rondement menée et ne pas impacter la fréquentation de la maison, elle requiert la participation de toute l’équipe de jardiniers.
C’est l’endroit du jardin qui se rapproche le plus de son aspect à l’époque de Monet. Selon le témoignage de Gilbert Vahé, chef-jardinier de la restauration du jardin, l’indication concernant les tulipes roses et les myosotis lui a été donnée par M. Vilmorin lui-même, qui avait rencontré Claude Monet.
Quant à la plantation des pélargoniums, elle est connue par plusieurs photos, dont certaines en couleurs.
Le bassin du Commerce
Claude Monet, qui a grandi dans le port du Havre, avait une fascination pour les bateaux. Au fil de sa vie, il en a peint énormément. Il ne fait pas de doute qu’il s’y connaissait en navires et qu’il s’attachait à les représenter avec exactitude, lui qui admirait ceux de Boudin « si bien gréés ». En 1874, alors qu’il habite Argenteuil avec Camille et le petit Jean, il revient séjourner au Havre. Est-ce pour s’embarquer à destination des Pays-Bas ? Les tableaux qui suivent ceux du port du Havre sont peints à Amsterdam.
Il est probable que l’artiste ne s’est pas attardé dans la cité de son enfance. Seules quatre toiles du Havre exécutées à cette occasion nous sont parvenues, dont trois peintes depuis la fenêtre de son hôtel sur le Grand Quai. Celle-ci fait exception. Le plan d’eau décrit est identifiable par le bâtiment à coupole, l’ancien théâtre : Monet se trouve devant le bassin du Commerce, orienté est-ouest, le théâtre se trouvant à l’extrémité ouest de ce long bassin. Je suppose qu’il a pris place sur le pont de la Bourse.
Quelques décennies plus tard, au tournant du siècle, la nature des bateaux amarrés dans ce bassin a changée, mais le théâtre est encore là.
De nos jours, un pont superbe de légèreté enjambe toujours le bassin du Commerce face à l’ancienne bourse de la Reconstruction. Le quai a gardé ses pierres. Au fond, le centre culturel le Volcan dessiné par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer a remplacé le théâtre. Et le bassin est pour ainsi dire vide de bateaux.
Après l’averse
Après la pluie, le jardin de Giverny s’égoutte. Les perles d’eau roulent au creux des fleurs et sur leurs pétales. Parfois elles s’attardent, en suspens, semblant résister à la gravité. Elles hésitent, en attente.
Elles ont le pouvoir de couvrir les corolles de paillettes scintillantes de lumière.
Elles s’infiltrent et se répandent, elles sont partout.
Comment font-elles pour ne pas rouler sur cette surface incurvée ? Le bord du pétale, déjà un peu bruni, révèle que la fleur n’est pas née de la dernière pluie.
Les gouttes apportent un surcroît de charme à des fleurs qui en ont déjà beaucoup, comme les digitales.
Elles sont aussi capables de transformer les plus banales des feuilles d’hémérocalles en autoroutes, sur lesquelles la circulation se fait intense.
Grâce de la glycine
Sur le pont japonais de Claude Monet, la glycine bleue à longues inflorescences et la glycine blanche fleurissent en même temps, cette année à la mi-mai. Après les masses mauves de la glycine la plus précoce, celle plantée par Monet, vient cette période de délicatesse où les grappes de fleurs forment des guirlandes, des rideaux. Le parfum en est toujours aussi suave. S’y ajoute maintenant celui des azalées jaunes et des premières roses.
Ce matin j’ai été stupéfaite par la floribondité de ces rosiers grimpants. Je ne crois pas les avoir jamais vus couverts d’autant de fleurs. Les roses, les jaunes et les orange se mêlent, en un accord qui aurait enchanté Monet. La grâce des rosiers…
Rue Blanche-Hoschedé-Monet
A Giverny, l’actuelle rue Blanche-Hoschedé-Monet se nommait autrefois rue de la Côte. Elle part de la rue Claude-Monet entre les deux musées, grimpe derrière le musée des impressionnismes pour arriver à la mairie, puis redescend vers la rue Claude-Monet. On parcourt donc l’hypoténuse et le petit côté d’un triangle sans que la rue change de nom, ce qui est assez inattendu. C’était autrefois la rue principale du village, avant que les deux parties de l’actuelle rue Claude-Monet ne soient reliées par un tronçon à travers le clos Morin, le grand côté du triangle.
En ce moment, la rue BHM est encore plus jolie que d’habitude grâce à ses bordures d’iris bleu pâle, ses rosiers grimpants, ses euphorbes d’un jaune tirant sur le vert, et la glycine rose que l’on aperçoit en haut du mur de la ferme.
Cette fameuse ferme de la côte figure sur plusieurs tableaux de la colonie impressionniste de Giverny. C’est d’elle que dépendait le clos Morin aux célèbres meules de blé.
Si le fermier n’avait pas mis tout son coeur et son talent à construire de belles meules, l’histoire de l’art en eût été changée…
Au jardin d’eau
Dans le jardin d’eau de Claude Monet, le soleil du petit matin éclaire la berge sud, qui ne tardera pas à se trouver à l’ombre des grands arbres. Les azalées ont fini de fleurir, mais les différents feuillages apportent leurs couleurs et leurs contrastes. Le vert anis du gleditsia, le pourpre des cotinus ressortent devant les masses vertes des trois étages de plantations, arbres, arbustes et fleurs, doublées par leur reflet.
Quand il n’y a personne, mon plaisir est de prendre les allées à contre-sens. Le jardin prend un autre aspect, la lumière et les reflets ne sont pas les mêmes.
Avançons un peu. Cette fois, le hêtre pourpre se dévoile dans toute sa majesté. Au premier plan, les iris des marais sont en fleurs. Selon la légende, c’est Clovis qui le premier en fit « la fleur de lys » royale, peut-être en raison du symbole de la Trinité. Mais j’aime bien l’histoire qui veut que Clovis
encore païen mais vaillant soldat encerclé par une terrible armée de Goths sur les bords du Rhin, aurait dû son salut à ses connaissances botaniques. Remarquant que des touffes d’iris jaunes s’étendaient loin dans le fleuve, il en déduisit que là se trouvait un gué et y fit échapper son armée.
(Source : Fleurs sauvages de l’Yonne)
Près du petit pont la glycine embaume, tandis que les digitales commencent tout juste à s’ouvrir.
Derrière le petit pont, un chemin le plus souvent ignoré du public fait une boucle qui enjambe le Ru par un petit pont droit. Au bord du ruisseau, un gunnera se prépare à devenir énorme. Son étrange fleur pointe déjà à son pied.
Revenons au bord du bassin pour admirer les iris de Sibérie, si jolis, qui offrent une apaisante harmonie mauve et verte sur fond bleu.
Bouclons la boucle. Depuis le hêtre pourpre, la colline de Giverny s’invite dans le paysage du jardin de Claude Monet. D’ici, le bassin est curieusement invisible. Seul le pont laisse présumer la présence de l’eau.
Dans le jardin de Claude Monet
Les très nombreux visiteurs de ce week-end de l’Ascension à rallonge profitent d’un temps radieux à Giverny. Les fleurs aussi semblent heureuses du soleil retrouvé.
Tandis que les ultimes tulipes sorbet fleurissent sous les ifs, c’est le temps des alliums, ces derniers bulbes du printemps qui tendent leurs têtes rondes blanches ou violettes dans les massifs.
Les stars de mai, les iris barbus, alias iris des jardins, alias iris germanica débutent leur floraison toujours aussi spectaculaire.
Mai, c’est aussi le temps de la belle verdure qui fait si bien ressortir les couleurs des premières roses.
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