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Capucine

Capucine Si la capucine arrivait sous le nez des botanistes européens aujourd’hui, je ne sais pas si elle s’appellerait encore la capucine. Tout au plus, à condition d’être en période de froidure comme ces jours-ci, pourrait-elle se retrouver nommée la capuchonne. Au mieux, ou plutôt au pire.
Qui se soucie encore de la taille des capuches des moines ? C’est pourtant un sujet qui a fait débat jadis, entre les partisans de la capuche ample et ceux qui préconisaient la capuche serrée. La fleur nouvelle évoquait la forme du couvre-chef des moines capucins, ça n’a fait ni une ni deux, avec des parrains pareils elle a été baptisée capucine illico.
Va encore pour la forme, mais la couleur ? Cet orange flamboyant n’a rien de l’humilité monacale mais plutôt un petit air diabolique. Passons.
Claude Monet adorait les capucines qu’il laissait courir librement dans l’allée principale de son jardin, un effet obtenu fortuitement qui l’enchantait, tout comme les visiteurs de Giverny d’aujourd’hui.
Les capucines sont tellement mignonnes qu’on en mangerait. Ce n’est un secret pour personne, la capucine se laisse croquer, fleurs, feuilles et graines comprises. Les pucerons l’adorent encore plus que les humains, mais s’ils sont allés voir ailleurs la capucine fera sensation dans la salade. Et elle transforme un banal sandwich en mets classieux.
Capucine est venue récemment s’ajouter à la longue liste des prénoms féminins détournés du jardin. Dans Capucine il y a puce, voilà bien de quoi faire craquer les parents. Puce, le petit mot tendre, pas les horribles pucerons susmentionnés !
Et puis dans l’ombre de Capucine on voit aussi se dessiner un joli petit chaperon rouge, que les jeunes loups croqueraient bien avec ou sans salades.

Frigidarium

Les thermes de Gisacum sous la neigePour ne pas laisser le cerveau des guides se ramollir pendant les longs mois d’hiver, un procédé astucieux a été mis au point : les journées de formation. Tandis que les neurones tournent à plein régime grâce à des intervenants éminents, on a l’avantage de visiter des lieux touristiques hors saison en compagnie des collègues. Ça bouillonne sous les crânes tandis qu’on se gèle les pieds en général, dans la chaleur de l’amitié.
J’étais déjà venue plusieurs fois à Gisacum, le jardin archéologique près d’Evreux où des thermes gallo-romains ont été mis à jour et en valeur. J’étais donc ravie de plonger dans la vie des Gallo-Romains avec des spécialistes de la question. Une sorte de stage d’immersion antique.
C’était un de ces derniers jours de froid polaire. Pour nous mettre dans le bain, les archéologues avaient pensé à une habile mise en condition. Nous avons commencé l’éductour dans une salle bien chauffée (caldarium), puis nous sommes passés au centre d’interprétation plus tiède (tepidarium), pour finir par la visite des thermes recouverts d’une neige immaculée (frigidarium).
Au coucher du soleil, la scène avait quelque chose d’irréel. Les vestiges vieux de mille huit cents ans dormaient sous leur couette, pétrifiés de gel. Mais les lapins de 2009 bien vivants avaient laissé leurs traces partout, sans se soucier de la mémoire des lieux. On pouvait les visualiser surgissant des haies, aux aguets, puis bondissant à travers les vestiaires, les hypocaustes et sur la palestre. Ces petites boules de poils chaudes avaient creusé des trous au pied des murs où nos ancêtres s’étaient adossés jadis, avant de disparaître dans le froid de la tombe.
Et tandis que l’espace temps se télescopait bizarrement, voilà que les températures s’affolaient.
« Ce mur est à 40 degrés, expliquait notre guide, c’est une pièce chaude et humide, une sorte de hammam ou de sauna où l’on vient pour transpirer. »
Nous ne demandions qu’à y croire, le visage enfoui dans nos écharpes d’où s’échappaient des nuages en réduction. « Les bains chauds sont là, » a-t-elle ajouté, montrant un coin de neige sur le côté de la salle. « En temps normal c’est plus clair, il y a des petits cailloux bleus pour les matérialiser. »
En temps normal.

Giverny sous la neige

Le jardin de Claude Monet sous la neigeIl neige. Vous me direz, l’évènement n’en est pas un : on doit friser les trois centimètres à peu près.
J’en entends déjà qui rigolent doucement du côté du Québec, comme cette dame charmante qui me racontait la saison dernière ses quatre mètres de neige, la lassitude que l’on éprouve à pelleter tous les matins devant sa porte et les problèmes rencontrés quand les parcs à neige sont pleins.
Des parcs à neige ! J’ouvrais des soucoupes. Voilà un équipement qui n’existe pas chez nous, où pourtant on s’y connaît en matière de parcs, des parcs à huîtres aux parcs à thèmes.
On a la neige modeste en Normandie. Et fugace.
Dès que le sol cesse d’être visible sous le tapis, il faut se précipiter pour faire des photos. On est chez Monet, et l’effet ne dure qu’un instant ! Voici donc son jardin sous la neige tel qu’il se présentait cet après-midi, alors que les flocons tombaient encore. Reconnaissez-vous le clos normand avec l’allée aux rosiers et la maison rose cachée derrière les ifs ? Un nuage a avalé la colline.
A voir le jardin aussi nu, aussi froid, cela paraît extraordinaire de penser qu’il redeviendra cet hymne aux fleurs et à la couleur dans quelques mois à peine.

L’enfer du décor

Château GaillardC’est l’époque des longues soirées d’hiver, avec son corollaire si particulier, la programmation télé des fêtes. Qu’est-ce qui est supposé nous scotcher devant le petit écran entre la bûche et les cotillons ? Une nouvelle mouture des Rois Maudits !
Le premier instant de stupéfaction épuisée passé, on se dit qu’avoir revisité la série culte ne manquait pas de culot. L’histoire, pardon l’Histoire étant connue, on peut, pour trouver quelque intérêt à cette (re)diffusion, s’intéresser à l’art du dépoussiérage.
Nouveaux acteurs (Les Depardieu en famille ! Jeanne Moreau ! Philippe Torreton ! ) et, plus incroyable, des nouveaux décors d’enfer.
On se croit dans la Guerre des Étoiles, pas moins. Des escaliers qui se déplient à l’infini, des lits futuristes, des éléments de fer forgé aux lignes jamais vues au Moyen-Âge… Le tout grandiose, magnifique, kitsch parfois, surprenant, drôle, ridicule, extrême et fascinant.
Le problème de la vraisemblance historique a été délibérément écarté. On n’allait pas faire du pastiche du 14ème siècle façon Viollet-le-Duc, une sorte de reconstitution médiévalisante. Le parti pris a été de créer un décor onirique où l’histoire peut se déployer à son aise.
Cela tient du carton pâte hollywoodien et du jeu vidéo, l’air de dire au téléspectateur, hé, n’allez pas prendre pour vérité historique cette saga ! On est dans le conte, le roman !
J’ai pouffé, bien sûr, devant la pseudo évocation de Château-Gaillard, où je guide assez souvent. On aurait pu filmer là-bas, mais, n’est-ce pas, à quoi bon ? Le décor imaginé a plus d’ampleur, plus de force que la crudité des lieux tels qu’ils sont.
Cet été j’évoquerai sans doute pour les francophones la détention de Marguerite de Bourgogne dans la forteresse. Tous les historiens ne sont pas d’accord sur le lieu exact de cette détention, ce qui est assez embarrassant, mais l’épisode figurant dans la série, cela le rend incontournable pour le guide, qui a modestement pour mission de divertir avant que d’enseigner.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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