Nativité

La collégiale de Vernon possède encore quelques verrières anciennes, démontées en 1939 et conservées à l’abri, puis remontées après la Libération. Il n’y en a plus beaucoup, à cause surtout de la guerre de 1870, au cours de laquelle Vernon a été la cible d’obus prussiens.
Cette verrière-ci date du 15e siècle, mais elle a été fortement restaurée en 1875 dans le même style, difficile donc de distinguer ce qui est très ancien du plus récent.
Nativité, Verrière de la Passion et de la Vie Glorieuse du Christ, collégiale de Vernon, EureAu 15e siècle, l’art du vitrail est déjà vieux de plusieurs centaines d’années. En France, il explose au 13e, avec des vitraux comme ceux de Chartres, faits de petites saynètes rouges et bleues, qui se lisent comme une BD mais de bas en haut. On raconte ainsi des histoires saintes entières, pleines de rebondissements.
Ces vitraux procurent une lumière très tamisée aux églises. Au 14e, ils passent de mode. On veut de la clarté. Entre temps les architectes ont pris de l’audace, ils ouvrent des baies plus grandes, que les maîtres-verriers décorent d’immenses verrières occupées aux trois quarts par des grisailles. Au milieu, un alignement de personnages hiératiques de pleine couleur, placés sous des dais d’architecture.
Un siècle plus tard, les dais sont toujours là, mais les saints raides comme des statues ont fait place à de vrais tableaux inspirés de la peinture de chevalet. La perspective viendra au siècle suivant, avec l’arrivée de la Renaissance au 16e, les scènes historiées vont envahir toute la verrière et devenir très compliquées parfois.
Restons donc au 15e. Vous avez reconnu en un battement de cil le sujet de ce vitrail, j’en suis sûre. L’enfant couché sur la paille serait déjà une indication suffisante, confirmée par la présence du couple de parents en adoration. C’est la naissance du Christ, la Nativité.
Ce qu’il y a de bien, avec ces thèmes mille fois représentés, dont on connaît tous les détails par coeur, c’est qu’on peut s’intéresser aux variations dans le traitement du sujet. S’amuser, par exemple, des petits personnages qui animent les niches des côtés, aussi vivants que des gargouilles de Walt Disney, et qui ne perdent pas une miette du spectacle extraordinaire qu’ils ont sous les yeux. Admirer la douceur des visages de ce vitrail, l’expression des gestes. Mais très vite, les questions affluent.
Voyez saint Joseph, par exemple, figuré en homme assez âgé pour être le grand-père du petit plutôt que son, euh, beau-père ? L’artiste lui a curieusement mis les cheveux sur la moitié droite de la tête. A gauche, il est chauve. Et où est passée son auréole ?
Celle de sa femme est énorme, et toute bleue comme son manteau. Tiens ! Pas de rouge pour cette figuration de la parturiente ?
Pendant qu’on en est aux questions vestimentaires, regardez l’enfant Jésus. Là c’est carrément de la liberté artistique, puisqu’il devrait être emmailloté ! On en a froid pour lui, surtout vu l’endroit où le maître-verrier a placé les bêtes supposées lui assurer son chauffage à air pulsé !
C’est peut-être l’aspect le plus fascinant de cette verrière, cet arrière-plan, avec ce boeuf qui nous lance un regard de biais. Et l’âne, surtout ! Bouche ouverte toutes dents dehors, tête tendue vers le ciel, on dirait, cinq siècles plus tôt, le cheval du Guernica de Picasso.


2 commentaires

  1. Magnifique.
    Il y a, dans la Vienne un musée du vitrail à Curzay, au sud de la Vienne.
    Pour ceux qui y passent ou y viennent en vacances, c’est à voir…(oubliez le Futuroscope, tous cs grands trucs clinquants!).

  2. Si vous aimez les vitraux, à voir dans la Vienne le musée du vitrail à Curzay, au sud du département.
    Petit mais sympathique, c’est autre chose que ce futuroscope, pige à touristes…

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