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Deux remords de Claude Monet

Deux remords de Claude Monet par Michel Bernard

La vie du maître de Giverny inspire les romanciers. J'ai lu "Deux remords de Claude Monet" sur la recommandation d'Aifelle, et comme elle j'ai beaucoup aimé ce roman tout en finesse porté par une très jolie écriture.

L'histoire commence par l'évocation du grand ami de jeunesse de Monet, Frédéric Bazille,

que le musée d'Orsay met actuellement à l'honneur. La façon dont papa Bazille va récupérer le corps de son fils mort au combat, est une histoire à la Victor Hugo, à la Zola. Puis on passe à Camille, et là, Michel Bernard fait preuve d'une intuition hors pair. 

 

Claude Monet, Camille ou la Femme à la robe verte, 1866

Claude Monet, Camille ou la Femme à la robe verte, 1866, Kunsthalle Bremen

Pour l'auteur, le tableau "Camille", plus connu sous le nom de la "Femme à la robe verte" est un chef-d'oeuvre parce que Claude est amoureux de Camille. Quand on y pense, cela semble si évident. On ne sait pas grand chose de la genèse de ce tableau. Voici donc ce que Bernard imagine :

La robe était exactement aux mesures d'une jeune modèle qui débutait timidement dans le métier. Peut-être était-ce cette heureuse circonstance qui l'avait conduit à solliciter la jolie brune à la taille mince rencontrée à la brasserie. Il lui avait demandé de marcher dans l'atelier, de prendre, toujours debout, diverses attitudes, jusqu'à ce qu'il soit content. Alors il avait dit brusquement : "Là… maintenant… ne bougez plus." Elle tenait la bride de son chapeau entre les doigts de la main droite. Il s'approcha, saisit sa main aussi délicatement qu'il put, et en rougissant la rapprocha du visage de la jeune fille. Il avait peint le tableau en moins d'une semaine. Jamais il n'avait atteint ce niveau de perfection dans la représentation des choses. Toutes les difficultés, la moire de l'étoffe, la caressante blondeur des parements de fourrure, le velouté de la peau, les cils, le pli à la commisure des lèvres, avaient été surmontées avec une étonnante facilité. Il ne tâtonnait pas, il trouvait.

On suit le couple tout au long de son parcours parsemé de tableaux, en particulier celui du bandeau du livre, la Capeline rouge, jusqu'à la dernière toile, celle de Camille sur son lit de mort. 

Claude Monet, Camille sur son lit de mort, 1879, musée d'Orsay

Claude Monet, Camille sur son lit de mort, 1879, musée d'Orsay

Au premier abord, la dominante gris-bleu, largement délayée de blanc, produisait l'effet d'un paysage hivernal, d'un fragment de ciel encombré, ou de l'eau courante sous une lumière voilée. Un peu plus d'attention, et le regard distinguait des esquisses de formes sous la première impression, comme figées sous la glace. Ici, peut-être, une brassée de fleurs coupées ; là, sûrement, oui, c'était bien cela, une tête emmaillotée dans un linge. Nez pincé, yeux clos, bouche entrouverte, ensevelie dans les couleurs froides, c'était Camille sur son lit de mort. Au bas du tableau, la signature avait été apposée par l'auteur d'une main ferme, avec un soin particulier, une application calligraphique : "Claude Monet". Sur la hampe du "t" s'épatait une tache précisément dessinée, comme un pavillon noir au bout de son nom. Elle avait la forme d'un coeur fiché sur un pieu. 

Cette dernière image est très jolie, et c'est vrai qu'on dirait un coeur, mais Michel Bernard romance. En fait Monet n'a jamais signé ce tableau qui n'était pas destiné à être vendu. Ce n'est qu'après la mort du peintre que son fils l'a authentifié en apposant le cachet d'atelier. Etait-ce Michel Monet lui-même qui officiait ? Si c'est bien le cas, il est touchant de penser que l'impression du tampon ait laissé cette marque symbolique de son amour pour sa mère, une maman qu'il a si peu connue. 

Michel Bernard, lui, signe un ouvrage plein de délicatesse qui plaira à celles et ceux qui aiment Claude Monet. C'est un roman, encore une fois, pas une biographie. Mais des remords, où donc ? Je ne crois pas que Monet était homme à en avoir. 


2 commentaires

  1. Je partage tes doutes sur d'éventuels remords ! d'habitude, je n'aime pas beaucoup les fictions autour d'artistes connus, mais là j'ai été captivée par ce que l'auteur en a fait, avec une fort belle écriture.

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Ariane.

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