Tour de France
Le Tour de France va passer tout près de Giverny demain, à une quinzaine de kilomètres au nord. Difficile de l’ignorer : la route de Vernon à Giverny sert de déviation à la circulation routière, elle porte les panneaux jaunes depuis plusieurs jours déjà.
L’étape Beauvais-Caen, une très longue étape de 225 km, emmène les coureurs de la Grande Boucle dans l’Eure, de Gisors à Cormeilles.
Le peloton traversera Les Andelys et franchira la Seine au pied de Château-Gaillard. Un sprint est même prévu dans l’artère principale de la ville. L’épreuve est dédiée à Christophe Marchix, un cycliste mortellement blessé à cet endroit en 1995.
L’espace d’un jour, les habitants des Andelys vont donc faire l’expérience d’une ville coupée en deux. Le passage qu’emprunteront les coureurs s’annonce aussi infranchissable que le mur de Berlin, de 9h15 à 15h. Les Andelysiens sont invités à prévoir leurs déplacements en conséquence. Et pas la peine de grogner en incriminant la mairie, les élus n’y sont pour rien, on ne leur a pas demandé leur avis. Sage précaution.
Banc de Monet
Cette photo de Claude Monet a été prise en 1926. C’est le printemps, Monet pose, assis sur un banc dans son jardin de Giverny, près du petit embarcadère aux arceaux fleuris de roses.
Le peintre a 86 ans, il lui reste six mois à vivre. A voir le cliché, on ne s’en douterait pas. Seule la barbe blanche trahit un âge avancé. L’attitude est décontractée, la mise élégante.
Au fond, le bassin aux nymphéas, que Monet a peint tant de fois. Au tout premier plan, l’extrémité du banc sur lequel Monet est assis. Parce que sa couleur claire tranche sur sa propre ombre, parce que ses lignes géométriques attirent l’oeil, parce que le regard de Monet se dérobe sous le grand chapeau, derrière les épaisses lunettes, le banc volerait presque la vedette au vieillard.
L’accoudoir surtout séduit, avec la simplicité de sa spirale.
Ce banc, le banc de Monet est toujours là aujourd’hui, au même endroit dans le jardin d’eau. Comme tout le mobilier de jardin de la Fondation Monet, il est soigneusement peint en vert.
Si le coeur vous en dit, vous pouvez vous aussi prendre la pose à l’endroit même où Monet était assis. N’oubliez pas votre chapeau.
Rose Mermaid
Une séduisante sirène sous la fenêtre de la chambre de Claude Monet, à Giverny : ce rosier à fleurs simples, jaune pâle, se nomme Mermaid (sirène en anglais). Il devait plaire beaucoup au maître des lieux pour avoir droit à cet emplacement privilégié.
Tout le long de la terrasse, des rosiers grimpants s’appuient sur des armatures métalliques placées le long de la balustrade, formant une guirlande fleurie à la maison.
Ce n’est pas vraiment une pergola, il manque les croisillons qui formeraient le toit de verdure. Mais vus du jardin, les rosiers grimpants qui courent devant la maison en donnent l’illusion.
Les murs en eux-mêmes sont recouverts de vigne vierge. Ils flambloieront à l’automne, quand les roses seront passées.
Giverny en bateau
Cézanne s’arrête à Vernon tous les mercredis. Cézanne, plus exactement MS Cézanne, c’est le nom d’un bateau de croisière sur la Seine, taille XXL.
Ils sont plusieurs à sillonner le fleuve tout au long de la belle saison, de mars à novembre.
Au départ de Paris, il faut une semaine pour rejoindre la Manche à Honfleur, de méandres en écluses. On peut aussi choisir de remonter le fleuve pour finir à Paris.
L’étape à Vernon est un des temps forts du voyage. D’autres escales sont prévues à Mantes-la-Jolie, au pied de Château-Gaillard aux Andelys, à Rouen…
Depuis le pont sur la Seine à Vernon, on a une vue plongeante sur le pont du Cézanne. Il est équipé d’un solarium avec des chaises longues, et d’un jeu d’échecs géant.
Les passants jettent avec un brin d’envie un coup d’oeil aux distractions proposées pendant la croisière. Ils n’en sauront pas plus de ce monde flottant qui permet de voyager de ville en ville sans changer d’hôtel.
Fleur des champs
On dirait des gouttes de pluie sur un carreau vert. A votre avis, quelle est cette plante largement cultivée aux environs de Giverny ?
Allez, je vous aide. La France en est le premier producteur mondial, la Haute-Normandie la première région de France pour cette culture, l’Eure le deuxième département au niveau national. Vous voyez, ça compte.
Si ça se mange ? Oui, mais ce n’est pas pour la consommation qu’on en fait pousser autant. Si ça fleurit ? Oui, par millions de petites fleurs bleues.
Si vous donnez votre langue au chat, approchez votre souris de l’image pour voir s’afficher la réponse : un champ de lin. Vous aviez trouvé ? Bravo !
Inspiration
Quel lien y a-t-il entre l’oeuvre de Claude Monet et les estampes japonaises qu’il collectionnait passionnément ?
A l’automne prochain, le musée Marmottan-Monet à Paris proposera une exposition des estampes de Giverny, en relation avec des tableaux du maître.
La mise en parallèle des gravures japonaises et des toiles de Monet donne des résultats saisissants. Un des sites les plus extraordinaires qu’on puisse trouver sur internet à ce propos est celui conçu à l’occasion de l’exposition ‘Monet and Japan’ en 2001 en Australie, à Canberra et à Perth.
Les concepteurs du site ont réalisé un travail colossal de mise en relation d’estampes ayant appartenu à Monet avec ses tableaux. Les corrélations se font selon de multiples critères, composition, forme, technique, sujet… Surfer dans cette base permet de comprendre comment Monet a su s’inspirer des gravures qu’il avait sous les yeux dans sa maison. Il a adapté les leçons de l’art japonais à son style propre. Il s’en dégage une impression de connexion profonde entre ce Japon où il n’est jamais allé et son monde occidental.
Voici un exemple tiré de la rubrique « asymétrie ». A gauche, la toile de Monet Meule, soleil couchant peinte en 1891. A droite, une estampe d’Hokusai, Beau temps par vent du sud, extraite de la série des trente-six vues du Mont Fuji.
Cette gravure, dite aussi Fuji rouge, se trouvait dans le petit salon de Monet.
La similitude de composition et de forme est évidente. Même les coloris se répondent, avec ce cône supérieur sombre, ce bas rouge vibrant, cette ombre bleue de la meule.
Dans les 36 vues du Mont Fuji, Hokusai s’attache à représenter le volcan mythique à travers les variations climatiques. C’est sans doute l’artiste japonais qui a guidé Monet sur la voie des séries. Le maître de l’impressionnisme possédait neuf des trente-six vues.
Les abeilles de Giverny
Certaines visiteuses du jardin de Monet à Giverny entrent sans payer. C’est normal, elles viennent pour travailler. Distinguez-vous l’abeille en plein boulot au coeur de ce pavot ?
Des amis apiculteurs ont installé des ruches dans un coin sauvage de mon jardin. Celui de Monet se trouvant à une distance qu’une abeille parcourt aisément, j’aime à croire que c’est peut-être l’une de mes pensionnaires qui est à l’oeuvre, et que dans le miel de mes amis il y a un peu du nectar des fleurs de Giverny.
Hier j’étais invitée à assister à l’inspection des ruches. L’apiculteur fait sa visite en plein après-midi, quand ces demoiselles sont presque toutes dehors. Malgré cette précaution, il en reste encore plusieurs centaines dans chaque ruche. C’est impressionnant de les entendre bourdonner, et je n’étais pas très fière quand elles se posaient sur mon voile de protection, à deux centimètres de mon visage !
Il faut sans doute un peu de pratique pour s’habituer à leur proximité et ouvrir les ruches à mains nues comme le fait l’apiculteur.
La phacélie
Dans la vallée de l’Eure, je tombe en arrêt devant un champ tout en fleur, d’un joli mauve. Qu’est-ce que c’est ?
Une amie bien informée me renseigne : il s’agit de phacélie, une plante qui a plus d’une corde à son arc. Une étude canadienne détaille tous ses atouts.
D’abord, c’est une merveilleuse plante mellifère. Les abeilles adorent son nectar bien sucré. La phacélie donne un miel sombre et très parfumé.
Les abeilles ne sont pas les seules séduites par la phacélie. Toutes sortes d’insectes la visitent, elle permet donc d’attirer les prédateurs des pucerons pour protéger d’autres cultures comme le chou ou la betterave. C’est aussi un bon engrais vert, qui permet de reconstituer les réserves du sol quand on l’enfouit avec le labour d’automne.
Enfin, les éleveurs peuvent s’en servir de fourrage pour les bêtes.
Ce que l’étude canadienne ne précise pas, c’est l’utilisation picturale et, pourquoi pas, touristique qu’on peut faire de la phacélie, à l’instar des champs de lavande en Provence.
Les Nympheas de Monet
A Giverny, ça y est ! Les nymphéas sont en fleur dans le bassin du jardin d’eau de Claude Monet.
Les ilôts de nénuphars qui flottent à la surface du bassin s’ornent de couronnes de pétales roses, jaunes et blanches. A l’image de Claude Monet, on peut se perdre dans la contemplation des sortilèges du bassin.
Le nom de nymphéa choisi par Monet pour désigner tous ses nénuphars ne s’applique selon le Petit Robert qu’au seul nénuphar blanc. Toutefois, la diphtongue en éa sonne de façon plus légère et gracieuse que la terminaison en « ar », une désinence souvent péjorative. Pour nos oreilles contemporaines, les « éa » sont même furieusement à la mode pour les petites filles, d’Océane à Léa. A quand des petites Nymphéa ?
Le Robert nous informe que le nénuphar blanc s’appelle aussi lune d’eau. Quel pouvoir évocateur dans cette appellation ! Je me demande si Monet la connaissait.
Pour les Allemands, les nénuphars sont des roses de lac (Seerosen), pour les Anglais des lys d’eau (water lilies). Voilà de quoi rêver en les regardant flotter sur l’étang.
Une autre comparaison onirique est celle que propose Charles F. Stuckey dans sa monographie consacrée aux Nymphéas de Monet (Gründ). Le mot nymphéa dérivant de nymphe, il suggère une interprétation allégorique des tableaux de Monet. On pourrait y voir une analogie avec certaines oeuvres de ses contemporains, les Grandes Baigneuses de Renoir, les Grandes Baigneuses de Cézanne, ainsi qu’un tableau de grand format de Berthe Morisot représentant deux nymphes flottant dans une mer de nuages, d’après Boucher.
Le plus amusant, c’est l’explication qu’il donne pour justifier cette analyse. Monet se serait rabattu sur une représentation allégorique du corps féminin par absence de modèle.
D’après les enfants de Paul Durand-Ruel, le marchand de Monet, le peintre souhaitait abandonner l’étude du paysage pour celle de la figure. Il voulait même engager une jeune Parisienne, mais Alice, apprenant cela, aurait opposé son veto : « Si une femme entre ici, je sors de la maison ». La pieuse Alice ne badinait pas avec la morale !
La Grande Allée fin juin
En cette fin juin, les roses grimpantes apportent leur touche de poésie à la grande allée du jardin de Monet à Giverny. Des plates-bandes plantées serré, émergent les têtes ébouriffées des bleuets, les corolles somptueuses des lys et des pavots.
Avez-vous remarqué la bordure vert tendre ? Les capucines se sont étoffées, mais elles ne portent pas encore de fleurs.
Fleurs en gros plan
Il y a une jubilation à utiliser la fonction macro de son appareil photo. La nature prend soudain une apparence, une structure, une présence différentes.
J’ai fait l’expérience dans les jardins de Monet à Giverny. Cette fleur se présentait sous la forme d’une grosse boule perchée tout au bout d’une tige droite comme un i. Vue de près, elle se transforme en un bouquet dense d’étoiles blanches au coeur vert.
La fonction macro est dotée d’un pouvoir magique, elle nous apprend à voir. Sa loupe nous ouvre la porte d’un deuxième territoire de beauté inclus dans celui qui apparaît d’abord à notre regard. Comme Alice ou Gulliver, en nous approchant, nous changeons de dimension.
Les prodiges de mon appareil photo s’arrêtent là. Il n’est pas doué pour restituer les effets de lumière, l’atmosphère qui baigne le paysage à un instant donné.
Pour cela, il vaut mieux s’adresser à Monsieur Monet.
Rose orange
Dans les jardins de Monet à Giverny, ce buisson de roses se taille un beau succès. Impossible de passer à proximité sans entendre des exclamations d’admiration dans toutes les langues. C’est la star, tout le monde le prend en photo.
C’est sa couleur qui remporte tous les suffrages. Ce rose un peu saumonné, un peu orange. Original, non ?
Si vous voulez retrouver ce rosier lors de votre prochaine visite, vous ne pouvez pas le rater, il se trouve entre la maison de Claude Monet et la boutique.
Les Japonais à Giverny
Costume bleu marine et talkie-walkie : c’est la panoplie des gardiens de la maison de Claude Monet à Giverny. Postés à l’entrée de la maison, ils veillent à ce que chacun respecte le sens de la visite. On voudrait commencer par le plus beau, la salle à manger et la cuisine, à droite de l’entrée, ils vous aiguillent poliment mais fermement vers la gauche.
Conversation surprise ce matin entre deux gardiens :
– « Comment tu dis s’il vous plaît en japonais ?
– Kudasai.
– Koshira c’est quoi ?
– Par ici.
– Kudasai alors, tu es sûr ? Parce que c’est bien gentil mais si tu leur dis kudasai et qu’on dit pas comme ça, ils peuvent se dire ils pourraient être plus polis ! »
Voilà les questions qu’on se pose quand on est gardien à Giverny. Car les touristes venus du Japon sont nombreux. Il n’y a qu’eux pour s’arrêter longuement devant toutes les estampes, émerveillés de leur beauté et de leur profusion (je suppose !). Dans le jardin, ils flashent sur les azalées, sur des plantes étranges qu’on n’aurait pas remarquées sans eux.
J’aime les Japonais à Giverny. Ils arrivent le plus souvent en groupe. La plupart ne parlent pas un mot d’européen. On voudrait se parler mais on n’essaie même pas, on se sourit. C’est frustrant de ne pas pouvoir communiquer. J’aimerais tant savoir ce qu’ils pensent de ce japonisme à l’européenne, sauce 19e siècle. Sont-ils surpris ? Amusés ? Flattés ? Agacés ?
Ami lecteur japonais, je serais très honorée d’un commentaire de ta part dans ce modeste blog.
Sayonara !
L’atelier de Monet
Si je vous dis 3-0, qu’est-ce que ça vous évoque ? Tous les Français de plus de 6 ans répondront sans hésiter « France-Brésil 98 ! » Deux coupes du monde plus tard, on voudrait tant revivre ces instants de liesse…
Mais non, le football n’a pas grand chose à faire dans un blog consacré à Claude Monet et Giverny.
3, c’est le nombre d’ateliers dont disposait Monet dans sa maison de Giverny. Et 0, c’est le nombre d’atelier qu’il prétendait avoir…
Son biographe, Daniel Wildenstein, parle d’une « mystification ». Elle remonte à 1880, quand un journaliste de la Vie Moderne, Emile Taboureux, vient interviewer Monet à Vétheuil. Lorsqu’il demande à voir l’atelier du peintre, il s’attire la réponse offensée de Monet :
« Mais je n’ai jamais eu d’atelier, moi, et je ne comprends pas qu’on s’enferme dans une chambre. Pour dessiner, oui ; pour peindre, non. » Et il s’écrie, désignant le paysage d’un grand geste : » Voilà mon atelier, à moi ! »
Evidemment, Claude Monet veut faire passer l’idée qu’il peint ce que son oeil voit, d’après nature. Mais comment un peintre pourrait-il se passer d’atelier ? Il faut entreposer les toiles commencées, et elles sont nombreuses quand Monet travaille à des séries. Il faut aussi pouvoir retoucher les tableaux, les harmoniser, finir les bords. Enfin, même s’il est avant tout paysagiste, il arrive à Monet de peindre des portraits et des natures mortes, en atelier.
Dès son arrivée à Giverny, Monet s’attribue une grange accolée à la maison pour en faire son atelier. Quelques années plus tard, c’est la construction du deuxième atelier au bout de l’allée des tilleuls, tandis que le premier est transformé en salon-galerie. Et pour finir, le projet des Grandes Décorations de l’Orangerie exige de faire bâtir un troisième atelier, encore plus grand que les précédents, avec une immense verrière zénithale.
Le peintre sans atelier en avait donc trois, et non des moindres… Mais malgré ces inévitables concessions, Monet reste bien entendu avant tout un peintre de plein air, peignant sur le motif dans le froid, la pluie ou le vent, pour représenter fidèlement l’impression visuelle de l’instant.
Monet et la musique
La musique, c’est bien beau, à condition que cela ne vous fasse pas coucher trop tard.
Je ne sais pas si Monet aurait traîné longtemps dans les rues ce soir. Il était du genre à se lever dès potron-minet pour être sur le motif avant le premier rayon du soleil. Pas facile à concilier avec des concerts tardifs, surtout lorque l’on n’est plus tout jeune et que les habitudes sont bien ancrées.
Alice raconte que pendant leur voyage à Venise, ils ont été enchantés du récital donné par la soeur de leur hôtesse, une cantatrice un peu fantasque, mais que ce concert les a fait coucher fort tard : minuit, alors qu’en général ils sont au lit avant 10 heures !
Une autre cantatrice a chanté pour Monet, l’Américaine Marguerite Namara. En 1922, elle insiste, elle veut venir à Giverny et chanter pour le maître. Une photo a immortalisé l’évènement, où l’on voit un Monet tout blanchi assis dans le grand atelier au milieu des panneaux des Grandes Décorations, tandis qu’une jeune femme joue du piano. Monet a conservé dans ses papiers la photo dédicacée que la belle Marguerite Namara lui a offerte. « A vous… Très grand et cher maitre in the happiest recollection of my life… to have met you and to have chantait pour vous ».
Plus généralement, les Monet vont au concert à Paris, où ils séjournent pendant plusieurs jours et dorment à l’hôtel.
Ils aiment aussi écouter des enregistrements sur un phonographe à cylindre dans le salon-atelier, ou encore écouter Marthe, une des filles d’Alice, jouer du piano. Monet avait paraît-il une belle voix, et quand il était en forme, il poussait volontiers la chansonnette…
Champ de coquelicots près de Vétheuil
les jardins de Monet à Giverny.
Tilleul
Parce qu’il est accommodant, on fait subir toutes sortes de misères au tilleul.
Dans les jardins de Monet, une petite allée ombragée passe presque inaperçue, sur la gauche de la maison. Elle fait pourtant ce qu’elle peut pour se faire remarquer, avec son « couvert de tilleuls carrément taillés » comme dit Balzac.
Alors que le reste du jardin est tout en souplesse, ces quelques tilleuls réduits à des troncs surmontés de cubes paraissent curieusement raides. Cela vous a un petit côté prouesse jardinière qui ne devait pas déplaire au maître des lieux.
C’est là que la famille de Claude Monet et d’Alice Hoschedé aimait s’installer en plein air. L’ombre du tilleul est réputée une des plus agréables qui soit.
A la floraison, le tilleul répand une odeur délicate, beaucoup plus discrète que le chèvrefeuille et la rose ancienne qui fleurissent en même temps.
Aux alentours de la fête de la musique, tous les tilleuls de Vernon sont en fleur. Il y en a plus de mille, dont 560 pour la seule avenue des Capucins, majestueuse voie qui relie le château de Bizy à la Seine. Elle est bordée de quatre rangées de tilleuls séculaires.
Vernon doit ses tilleuls au châtelain de Bizy, qui consentit à voir ses avenues passer dans le domaine public, à condition que la ville en entretienne les arbres.
Les tilleuls, voilà le luxe de la ville de Vernon. Car eux aussi sont taillés, deux fois par an, selon une forme qui rappelle le F et que l’on nomme paraît-il en berceau. Quand les feuilles poussent, les frondaisons se transforment en un véritable toit de verdure que les rayons du soleil ne traversent pas.
L’appel du 18 juin
Des messieurs en costumes sombres et porteurs de drapeaux étaient réunis ce matin en plein centre de Vernon, sur la Place de Gaulle.
L’endroit ne sert qu’une fois par an à la commémoration patriotique. D’habitude, les célébrations se passent plutôt dans les carrés militaires des cimetières, devant les monuments aux morts ou à la mairie. Mais il y a quelques années, chaque commune de France a reçu un exemplaire de l’appel du 18 juin du Général de Gaulle, et a été priée de l’afficher bien en vue.
Vernon avait une Place de Gaulle, place centrale où se tient le marché deux fois par semaine. Le lieu a paru tout indiqué. Le mémorial patriotique a pris place à côté de la boulangerie et du coiffeur, dans un des endroits les plus passagers de la ville. Certaines années, suivant les hasards du calendrier, les anciens combattants se retrouvent à quelques mètres des marchands de légumes, dans un irrévérencieux téléscopage du passé le plus glorieux et du présent le plus prosaïque. Mais cette année, le 18 juin tombe un dimanche et la place était libre.
Giverny n’a pas de place de Gaulle. S’il était besoin de donner des noms à de nouvelles rues, le village a bien assez de peintres à honorer. L’appel figure au mur de la mairie, où cette photo a été prise.
Meules de foin
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L’air embaume le foin coupé autour de Giverny. Le temps chaud de juin favorise le séchage de l’herbe. Le calendrier des travaux agricoles reste immuable, même si l’opération est entièrement mécanisée aujourd’hui et que les meules façonnées à la fourche ont disparu.
Ces deux toiles ont été peintes par Monet au même endroit à un an d’intervalle, en 1884 et 1885.
La première, Meules à Giverny (numéro w0902 du catalogue raisonné) fait partie d’une mini série de trois tableaux sur le même thème, avec des variations de lumière : au soleil, par soleil voilé, le soir.
Monet reprend le même sujet l’année suivante dans Les Meules à Giverny (w0993), pour une nouvelle déclinaison en trois tableaux. On remarque que le temps a passé aux changements dans la végétation. Les peupliers du fond, élagués en 1884, ont repoussé.
Mais le détail le plus intéressant, c’est l’apparition de personnages dans la gauche du tableau. On dirait que Monet a trouvé que quelque chose manquait dans les toiles des 1884. Les arbres ne suffisent pas à donner l’échelle pour permettre à l’oeil d’évaluer la taille réelle des meules. Cette fois, les silhouettes minuscules de plusieurs membres de sa famille (Alice, Germaine, Jean-Pierre et Michel), font ressortir le gigantisme des tas de foin. D’autant plus que Monet triche un peu en plaçant les personnages à mi-chemin entre les deux meules, et non pas au premier plan.
Les jardins de Miserey
Qu’est-ce qui nous attend dans l’au-delà ? L’enfer, le purgatoire ou le paradis ? Au soir de leur vie, les propriétaires du château de Miserey, dans l’Eure, ont créé un jardin unique en son genre sur ce thème d’inspiration religieuse.
L’enfer et ses souffrances sont symbolisés par des plantes qui brûlent et qui piquent. Sous la conduite de la maîtresse des lieux, on découvre une collection stupéfiante de ce que la Création compte de ronces, d’épineux et de plantes urticantes, agrémentée de feuillages couleurs de feu. Quelques roses aussi, mais dangereusement bardées d’aiguillons.
Quelle douceur ensuite dans l’autre moitié du jardin, qui symbolise l’eden ! Là les roses n’ont pas d’épine, les fleurs aux pétales blancs ou en forme d’étoiles embaument. Est-ce une illusion ? Certaines sentent la pomme. Le serpent se tient dressé, sous la forme d’un buis taillé. Des pavots, des tabacs et des soucis l’entourent…
Entre ces deux parties, le purgatoire fait transition sous la forme d’une haie d’ifs.
Miserey se trouve à une petite demi-heure de route de Giverny en direction d’Evreux. La visite guidée, vivement recommandée, a lieu tous les dimanches après-midi à 15h30 jusqu’au 15 août, puis le jardin ferme pour trois semaines.
Boîte aux lettres
Une idée à prendre si une boîte aux lettres de la Poste orne votre mur : elle devient très romantique encadrée par un rosier rouge grimpant. On imagine aussitôt des lettres enflammées et parfumées…
Cette boîte est la plus proche de la maison de Monet à Giverny. Etait-elle déjà là quand Alice entretenait une correspondance quotidienne avec Claude, pendant ses longues campagnes de peinture ?
Aujourd’hui les lettres postées dans cette boîte ne portent pas le cachet de Giverny, elles sont oblitérées au bureau voisin de Gasny, dont la flamme est à l’effigie de Claude Monet.
Photos des jardins de Monet
Quel est donc ce sortilège ? Une fièvre photographique saisit les visiteurs de Giverny.
Aux endroits stratégiques, il est presque impossible de résister, on se sent obligé de faire la même photo que tout le monde. Au bout du bassin, la vue sur le pont japonais de l’autre côté provoque parfois de mini bouchons.
Sans appareil photo à disposition, la visite des jardins ne prendrait guère plus d’une demi-heure. Mais il est prudent de prévoir deux à trois fois plus de temps si l’on envisage de faire « quelques photos ».
Tout attire l’objectif : des fleurs encore plus belles que dans les catalogues, des allées débordantes de couleurs, des perspectives, des reflets… Chacun se sent soudainement une âme d’artiste. Ceux qui maîtrisent la peinture sortent leurs aquarelles, les autres travaillent lumière et cadrage avec leur appareil photo.
La conscience de vivre un instant aussi extraordinaire que fugace saisit le visiteur. Sans y penser, il s’attache à retenir une impression. Monet aussi voulait rendre l’instantanéité, comme s’il ressentait une urgence face au temps qui passe.
Femme à l’ombrelle
Dans les jardins de Giverny, un jour de grand soleil. Au fil des allées, on aperçoit quelques parapluies ouverts. Un petit coup d'oeil : c'est toujours une dame japonaise qui se protège ainsi des ardeurs du soleil. Ce geste ne lui paraît pas, comme à nous, vaguement ridicule, mais au contraire parfaitement adapté à la situation.
Les Japonaises n'ont pas perdu comme nous l'habitude féminine de l'ombrelle. Camille apparaît plus gracieuse que jamais quand Monet la peint en 1875 avec cet accessoire si prisé alors.
Le visage très doux, esquissé de quelques coups de pinceaux, se devine derrière un léger voile qui flotte au vent, tandis que la silhouette de Camille se détache à contre-jour dans une atmosphère bleutée.
Sa femme, son fils, une journée de beau temps dans la nature : Monet semble avoir résumé tout son bonheur d'Argenteuil, mis en valeur par le cadrage en contre-plongée.
Estampes japonaises
Une des surprises que la maison de Monet réserve au visiteur, c’est la décoration des murs. Là où il s’attendrait à un accrochage de toiles du peintre, il découvre une extraordinaire collection d’estampes japonaises.
Extraordinaire par son ampleur, 231 gravures, et par le goût très sûr de Monet. Son choix s’est porté sur les meilleurs artistes, Utamaro, Hokusai, Hiroshige, dont les oeuvres constituent plus de la moitié de la collection.
Monet n’était pas le seul à aimer les estampes japonaises en France, puisqu’un marchand parisien, Tadamasa Hayashi, en a importé très précisément 156487 en onze ans.
La collection de van Gogh est exposée au musée Vincent van Gogh d’Amsterdam. Celle d’Auguste Rodin se trouve au musée Rodin à Paris.
Comme on l’aperçoit sur cette photo prise dans la salle à manger de Giverny, Monet a opté pour un accrochage très serré. Les murs sont recouverts d’estampes, dont les teintes bleutées ressortent à merveille sur le jaune des murs.
Les gravures japonaises ont envahi plusieurs pièces de la maison : salle à manger et salon bleu, escalier, chambre d’Alice, cabinets de toilette… Deux exceptions notoires, l’atelier-salon, où Monet s’entourait de ses propres oeuvres de différentes époques, et sa chambre à coucher, où il aimait avoir autour de lui les toiles et les esquisses offertes par ses amis, Pissarro, Sisley, Boudin, Renoir, Berthe Morisot, Manet, Cézanne, Delacroix…
Une partie de cette collection personnelle impressionniste est conservée aujourd’hui au musée Marmottan-Monet à Paris. L’hiver prochain, on pourra y voir exposées les estampes de Giverny, au côté des oeuvres de Monet et de ses amis. D’intéressants rapprochements en perspective.
Escourgeon
On dirait un juron du capitaine Haddock : « Bachibouzouk ! Moule à gaufres ! Escourgeon ! »
Pourtant l’escourgeon n’a rien d’une quelconque sorte de courge. C’est l’autre nom de l’orge d’hiver, qui mûrit en ce moment aux alentours de Giverny.
On en fait de l’aliment pour le bétail, il entre aussi dans la composition de la bière.
L’escourgeon n’est pas sans rappeler d’autres céréales, notamment le froment. Il s’en distingue par ses longues barbes qui accrochent merveilleusement la lumière. En plein soleil, un champ d’escourgeon est capable de miroiter comme de l’eau.
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