Quand visiter Giverny
Les jardins de Monet à Giverny pour soi tout seul ou presque : le rêve ! Avoir le champ libre pour les plus belles photos, se laisser envahir par la beauté du lieu…
Les conseils habituels pour éviter les pics d’affluence tombent parfois un peu à plat. Il est recommandé de venir plutôt en semaine et plutôt le matin, par exemple. Mais en mai-juin, c’est pile le moment choisi par les groupes scolaires pour investir l’endroit. Le créneau du déjeuner, d’habitude assez calme, est franchement animé.
En cette période de l’année, le bon plan est d’arriver en milieu d’après-midi. Vers 15h30, les groupes regagnent leurs autocars pour ne pas rentrer trop tard. Les jardins et la maison peu à peu se vident.
A 17h15, aujourd’hui, nous n’étions plus qu’une poignée à nous promener dans les allées. Il restait encore trois quarts d’heure d’ouverture.
Quels instants extraordinaires quand les fleurs ont l’air de ne fleurir que pour vous. Quand on se sent comme l’invité de Monet et qu’on s’attendrait presque à le voir surgir au détour d’une allée, avec son ventre proéminent et sa longue barbe blanche, prêt à faire les honneurs de son jardin.
PS. A partir du 1er avril 2009 la Fondation Monet ouvrira 7 jours sur 7. Tout porte à croire que le lundi, qui était jusqu’ici le jour de fermeture, sera le plus calme de la semaine.
Exposition Monet chez Wildenstein
La moitié des Monet environ se trouve dans des collections privées : un millier de toiles inconnues ou presque du public, rarement présentées dans des livres. La seule occasion d’admirer ces oeuvres appartenant à des particuliers est d’aller voir les expositions où, parfois, elles sont prêtées.
Les New-Yorkais ont cette chance en ce moment. Jusqu’au 15 juin, la galerie Wildenstein organise une exposition consacrée à Monet (Wildenstein & Co. 19 East 64th St New York, NY, Lundi – Samedi 10h-17h – Entrée 10$ – Senior/Etudiant 5$).
62 tableaux, la plupart sortis des coffres ou décrochés des murs de belles demeures, dressent un portrait insolite de l’oeuvre du peintre de Giverny.
Pour rassembler autant de trésors dans une galerie privée, il ne fallait pas moins que le nom et l’entregent de Guy Wildenstein. Son père Daniel Wildenstein a consacré une grande partie de sa vie à dresser le catalogue raisonné de l’oeuvre de Monet, suivant à la trace le devenir de chacune des 2000 toiles. Il a écrit une biographie du peintre qui fait autorité. Cette exposition est donc un double hommage, à Claude Monet et à Daniel Wildenstein, décédé il y a cinq ans.
La toile ci-dessus s’intitule « Adolphe Monet lisant dans un jardin ». Elle représente le père de Claude Monet et a appartenu à son frère Léon. C’est une oeuvre de jeunesse, peinte par Monet en 1866, à l’âge de 26 ans. On reconnaît à l’arrière plan le massif de pélargoniums et de rosiers conduits en arbres qui figure dans « Jardin en fleurs » exécuté le même été (musée d’Orsay). Monet a reproduit ce massif devant sa maison de Giverny.
Linnea
Si vous vous intéressez à Monet, il y a de bonnes chances pour que vous ayez lu ce livre. C’est sans doute le plus vendu parmi les centaines à parler du peintre, traduit en japonais et en bien d’autres langues. Il existe même en suédois et pour cause : il a été écrit par une Suédoise.
Le titre de l’édition française est « Le jardin de Monet » (par Christina Björk et Lena Anderson, Ed. Casterman).
L’héroïne de ce livre pour enfants s’appelle Pomme, rebaptisée Linnea dans les éditions étrangères, clin d’oeil au grand Linné, le savant suédois à qui nous devons la classification systématique du vivant dans une nomenclature binominale.
On ne devient pas best-seller par hasard. Il faut des qualités qui plaisent à un large public, et ce petit livre en est plein. La mise en page mêle reproductions d’oeuvres, photos d’archives, et des dessins à l’aquarelle qui pétillent de gaieté.
L’histoire est bien faite pour que les jeunes lecteurs s’identifient et se projettent : elle raconte le voyage d’une petite fille qui se rend à Paris et à Giverny sur les traces de Claude Monet.
Le texte (53 pages) regorge de détails, dans une volonté de le rendre à la fois vivant, précis et instructif. Il est supposé écrit par la petite fille mais s’adresse à de bons lecteurs, avec des locutions comme « sous l’impulsion de Monet » ou « c’est la lumière du soleil qui déterminait l’apparence des choses ». Cela au milieu de notations très justes comme « Il est étrange de voir en réalité des choses auxquelles on a longtemps rêvé. Elles sont presque toujours si différentes. »
Voilà, c’est un petit livre plein de charme, qui se décline aujourd’hui en vidéo, en cartes postales et en produits dérivés divers. J’ai même aperçu une petite fille déguisée en Linnéa ce printemps dans les jardins de Monet !
Microcosmos
Malgré les apparences nous voyons mieux d’un peu loin que de près. Ce qui est petit, au ras du sol nous échappe. Il faut faire un effort pour se baisser, descendre nos yeux d’un bon mètre et regarder.
Si nous étions des insectes rampants, nous verrions le monde plus près des choses, comme à travers un zoom énorme. Ces mousses aux formes étranges nous seraient familières. Nous nous serions déjà retrouvés nez à nez avec l’araignée qui a tendu ces fils minuscules de l’une à l’autre, à deux centimètres de hauteur.
Il y a quelques années le film Microcosmos a connu un succès mérité. Au prix d’un travail considérable, ses auteurs ont réussi à faire entrer les spectateurs dans la peau des petites bêtes des prés, acteurs principaux du film. Vous vous rappelez ? C’était fascinant, et même hypnotique.
Tellement hypnotique qu’à chaque fois que j’ai vu Microcosmos, je me suis endormie, malgré tous mes efforts pour résister au sommeil. Les images étaient accompagnées de chants envoûtants qui me faisaient l’effet d’une berceuse, il faut croire. Je me suis endormie au cinéma, et ensuite chaque fois que j’ai tenté de visionner la cassette. Je voudrais bien savoir si cela vous a fait le même effet. Si cela s’avère, c’est sûrement qu’il y avait de la mouche tsé-tsé en image subliminale, entre deux plans de scarabées.
Je peux m’asseoir sur votre banc ?
Les bancs des espaces publics sont des lieux de convivialité singuliers. La conversation s’y engage avec plus de facilité qu’ailleurs. On dirait que le fait de partager le même siège crée un début de lien, un prétexte.
C’est le lieu des contacts éphémères promis à une absence de lendemains. Le lieu des premières impressions. De rencontres qu’on trouve parfois trop brèves, mais qui laissent le souvenir de quelque chose, un humour, une présence humaine, des encouragements…
Hier j’étais tranquillement en train d’attendre des clients qui avaient du retard quand un monsieur et une dame sont venus s’asseoir près de moi.
« Nous sommes la Sainte Trinité », déclare solennellement le monsieur en anglais. Je le regarde avec des yeux ronds, et je vois que les siens rient. Je rentre dans son jeu.
– Ah bon, et qui de nous trois est Dieu ?
– On m’a appris à l’école que Dieu est un vieux barbu, ça ne peut être que moi, poursuit-il toujours imperturbable.
– Tu n’as pas beaucoup de barbe, remarque son épouse.
– Monet aurait fait un très bon Dieu d’après votre description.
Etc, etc, jusqu’à ce qu’ils se lèvent quelques minutes plus tard. Je viens de dire, je ne sais plus pourquoi, que nul n’est parfait.
– Nul n’est parfait sauf ? interroge l’Anglais.
– Sauf vous, naturellement, puisque vous êtes Dieu.
Il s’en va très satisfait.
Un autre jour, je suis assise près d’une dame qui déguste un petit suisse. Des jeunes arrivent peu à peu.
– Qui veut goûter ? leur demande-t-elle en allemand. Elle leur explique l’histoire de l’invention du petit suisse, comment on les fait, le goût que cela a.
J’écoute avec attention son excellente diction allemande, me demandant de quelle nationalité elle est pour avoir une telle connaissance des petits suisses et une telle désinvolture dans la façon de les consommer, dans leur pot et sans sucre.
Tout à coup elle s’adresse à moi, avec un accent français de Française qui me confond. J’apprends qu’elle est le professeur de ces jeunes en voyage scolaire, arrivés dans la région depuis la veille. Ils viennent de la ville où j’ai séjourné quand j’étais étudiante.
Le fait lui paraît assez marquant pour en informer ses élèves.
– Approchez ! que je vous raconte une histoire ! Vous voyez cette dame, ici, est-ce que nous nous connaissions avant ?
Je confirme que non.
– Nous avons engagé la conversation, et en parlant, voilà qu’elle me dit qu’elle a vécu à V.
Elle les laisse s’étonner de ce que le monde est petit. Son message est plutôt un encouragement à oser parler aux gens assis à côté de vous sur les bancs. Et pour moi, un message d’encouragement à me remettre à l’allemand. Dans la langue de Goethe, encouragement se dit Ermunterung. Je le savais, mais il a fallu qu’elle me le souffle.
Trois bottes de cresson
Cela ne se devine pas si on ne le sait pas : les armes de la ville de Vernon représentent trois bottes de cresson, surmontées de trois fleurs de lis.
L’histoire de ce blason remonte à Louis IX, autrement dit Saint-Louis.
Le roi de France est venu une vingtaine de fois à Vernon, entre mai 1227, date du premier séjour connu, et les 9, 10 et 11 mai 1268, son dernier passage dans la ville.
Voici l’anecdote :
Saint-Louis, venu à Vernon par un temps de grande chaleur, témoigna à son arrivée dans la ville le désir de prendre quelques aliments à la fois substantiels et rafraîchissants. On lui offrit une salade de cresson, plante abondante dans le pays. Le roi en fut si satisfait qu’il accorda de suite à Vernon de placer dans son écu, d’abord trois fleurs de lis comme étant ville royale, puis en reconnaissance de sa bonne et chaude hospitalité, trois bottes de cresson de sinople liées d’or, deux et un.
Dans l’escalier d’honneur de la mairie de Vernon, un vitrail illustre cet épisode. Il a été réalisé par François Décorchemont en 1964.
Aujourd’hui, on ne récolte plus de cresson à Vernon, mais on en cultive pas très loin, dans les cressonnières de la vallée d’Eure. Le producteur vient tous les samedis au marché de Vernon. Je crois même que pour trois bottes, il vous fait un prix et vous offre en prime ses meilleures recettes.
Glycine mauve, glycine blanche
Comme tous les visiteurs s’y arrêtent pour admirer le point de vue sur l’étang aux nymphéas et se prendre en photo (Monet le faisait déjà), le pont japonais du jardin d’eau de Giverny est souvent noir de monde. Mais il suffit de lever les yeux et on ne voit plus que les glycines, encore plus belles quand leurs longues inflorescences sont traversées par la lumière du soleil.
Si vous trouvez cette image un peu petite, allez voir en grand la glycine mauve et la glycine blanche de Monet à Giverny.
La qualité des estampes de Monet
Aujourd’hui, il y avait dans le groupe que je guidais à Giverny un collectionneur d’estampes japonaises.
Cela se voit vite : à la place du regard intéressé, admiratif, recueilli ou curieux qu’ont généralement les visiteurs, celui-ci éprouvait une réelle jubilation devant l’impressionnante collection de gravures rassemblée par Monet.
Il m’a désigné l’estampe d’Hiroshige « Ohashi, averse soudaine à Atake » comme l’une des plus célèbres, m’a montré celles qu’il possédait et s’est extasié sur la qualité de la collection Monet.
De l’avis de ce connaisseur, Monet achetait ce qu’il y avait de mieux, non seulement les meilleurs artistes japonais mais aussi les meilleurs tirages.
Les estampes sont des impressions à l’encre à partir d’une gravure sur bois. On peut effectuer une centaine de tirages de chaque bois gravé, mais la finesse des contours diminue à la longue. Monet choisissait des tirages de tête, les toutes premières feuilles tirées des gravures, qui gardent la trace des veines du bois. C’est aussi émouvant que les empreintes digitales d’un sculpteur dans la glaise ou que les grains de sable collés dans la peinture de Camille sur la plage de Trouville par Monet.
L’état de conservation de la collection d’estampes japonaises de Monet est remarquable. Celles à dominante bleue ont bien traversé les décennies, et même si quelques-unes comme « Chrysanthèmes et abeille » d’Hokusai ont vu leur rouge pâlir, elles restent fort belles.
Fresque au plafond
La peinture de fresques au plafond de pièces de réception est indubitablement un élément de prestige. A la mairie de Vernon, la salle des mariages de l’hôtel de ville se pare de plusieurs fresques régionalistes contemporaines de l’époque où Monet fréquentait la petite cité.
Assister à un mariage civil donne l’occasion de les observer, mais l’idéal est encore de venir donner son sang les jours de collecte. On dispose alors d’un excellent point de vue, allongé pendant un quart d’heure à ne rien faire.
Cela laisse le temps d’observer ce médaillon où le peintre a représenté une accorte paysanne au milieu des vergers en fleurs. Le plus curieux est sa façon de porter un gros pichet sur l’épaule, le dos un peu cambré, la main gauche retenant le pot avec un lien qui semble être en cuir. Sous d’autres latitudes, on porterait ce fardeau sur la tête, mais la coiffe de dentelle de la Normande l’en empêche.
J’aime bien me demander ce qu’il y a dans son pot, j’imagine du cidre qu’elle emporte quelque part, peut-être pour désaltérer les paysans aux champs ?
Et puis j’aime bien le contraste entre cette scène idéalisée de la vie à la campagne, un genre très goûté à l’époque, et les pâtisseries pompeuses qui l’entourent. Voilà, c’était le top du top du bon goût à la fin du 19e siècle.
[11 mai 2007 : j’ai trouvé les références de cette peinture. Elle s’intitule Le Cidre et fait la paire avec Le Vin de l’autre côté du plafond. Ce n’est pas une fresque mais une huile sur toile marouflée au plafond. Elle a été réalisée en 1908- 1909 par Charles Denet. ]
Le V de la victoire
« La victoire de la Liberté », c’est le nom de cette sculpture de Dali qu’on peut voir au château de Vascoeuil. Cette statue de la Liberté qui lève les deux bras m’a parue parfaite pour illustrer l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, lui qui tourne si volontiers son regard vers les Etats-Unis. Si cela avait été Ségolène Royal, la rose rouge était prête aussi. Il me reste des réflexes de journaliste, l’anticipation et la neutralité.
Je suis frappée par la ferveur des partisans de l’un ou l’autre camp. Au-delà des divergences d’opinion, ils sont semblables, anxieux du résultat, massés avec les mêmes drapeaux, les mêmes ballons, le même slogan « les jeunes avec xxx ». Tout cet affect investi, toutes ces énergies tendues vers le même but, la victoire électorale, et ce mot sacré, le changement.
La France change de Président, le nouveau est du même bord que l’ancien, est-ce vraiment la victoire du changement ? Sommes-nous à l’aube de temps nouveaux ? Ils ont tous l’air de tellement le croire, tous ces jeunes qui jubilent de voir leur candidat élu. Je les envie. J’envie même ceux qui pleurent ce soir, qui pensent que tout aurait été tellement mieux avec Ségolène. De cohabitation en alternance, j’ai perdu leur fraîcheur de sentiment.
Il reste au candidat à entrer dans la fonction. Le virtuel va se confronter au réel, les projets sont appelés à devenir des actions. Les illusions d’un monde meilleur vont se heurter à la difficulté de gouverner la France.
Dans cinq ans on fera le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy. On saura alors quelles auront été ses victoires et ses échecs, puisqu’il y aura des deux, forcément. On saura si la Liberté avait de bonnes raisons de lever les deux bras, ou si elle aurait mieux fait de les garder baissés.
On saura si sa promesse à propos d’Ingrid Bétancourt, par exemple, aura été suivie d’effet.
Cabane dans les bois
En matière de cabane, à chacun ses ambitions. Il y a ceux qui ne la conçoivent que perchée en haut d’un arbre avec terrasse panoramique et hamac intégré, et ceux pour qui quelques branches de bois mort assemblées en dix minutes suffisent. Si les premières font rêver, les secondes ont le parfum et la fragilité de l’enfance.
Je furetais à la recherche des fleurs de printemps dans la forêt de la Roche-Guyon, à l’ouest de Paris, quand je suis tombée nez à nez avec celle-ci.
Depuis combien de temps est-elle là ? Ses bâtisseurs reviendront-ils la voir et la perfectionner ? La retrouveront-ils intacte ?
Il en va des cabanes comme des châteaux de sable : elles disparaissent inéluctablement, on ne sait pas trop comment. Le temps qu’elles durent, elles concrétisent les instants pleins d’entrain qui leur ont donné naissance.
La présence d’un ou plusieurs enfants est indispensable à la réalisation d’une cabane de branchages. Sans eux, la magie du jeu n’opère pas. Mais s’ils sont là, il suffit de lancer « et si on faisait une cabane ? » pour voir des étoiles s’allumer dans leurs yeux.
On choisit d’abord l’emplacement. Un arbre qu’on va entourer, ou une vieille cépée, ces rejets de bois qui repoussent à partir de la souche d’un arbre coupé. Dans ce cas il ne reste plus qu’à combler les vides entre les troncs.
Les matériaux sont partout, à profusion. Il n’y a qu’à se baisser pour trouver des branches tombées. Vous rappelez-vous ? S’il a plu elles sentent le champignon, elles abritent des bêtes, c’est un peu dégoûtant. On regrette de ne pas avoir de gants mais on ramasse quand même, on tire les plus longues, regardez ce que j’ai trouvé ! Manque de chance, ce sont les plus enquiquinantes à placer, elles dépassent de partout. Les trop petites ne servent à rien, il en faut de la bonne longueur.
Chacun y met beaucoup d’ardeur, et puis tout à coup ça y est, tous les murs sont construits, on peut s’arrêter. L’instant est solennel : on entre dedans.
Il n’y a que les plus petits qui tiennent debout, qui ont une relative impression d’espace. Pour tous les autres, c’est minuscule. On s’accroupit. On savoure.
Tout autour, les branches placées les unes à côté des autres forment une claire-voie. Elles marquent la limite du dedans et du dehors. Il ne faudrait pas qu’il pleuve, ni qu’il gèle, ni qu’une bête sauvage s’approche. La protection est illusoire, tout au plus un camouflage. On s’est fabriqué une cachette au fond des bois. On s’y trouve bien tant que le soleil brille.
Peu à peu l’excitation donnée par le projet s’estompe. L’inconfort d’être assis sur la terre battue l’emporte. On ressort. On rajoute une branche ici ou là, à court d’idée.
On se prend en photo devant, tout fier. C’est fini. Il est temps de rentrer.
Cytise et acacia
On se croirait chez les champignons : cytise et acacia se ressemblent comme deux gouttes d’eau, à la couleur près. Mais l’une est terriblement toxique, et l’autre délicieusement comestible.
C’est celui-ci, la jaune, la cytise, qui n’est que poison dans toutes les parties de la plante. Et pourtant quelle allure, cette floraison d’un jaune acide !
Son cousin de couleur blanche a les mêmes feuilles et les mêmes inflorescences en grappes. Mais lui, on peut manger ses fleurs parfumées, en tirer du miel, ou donner les feuilles en fourrage au bétail.
En France, on l’appelle acacia, mais c’est un robinier. L’arbre est une légumineuse, ce qui lui vaut de porter en guise de fruits des gousses qui rappellent les haricots, et la capacité de fixer l’azote de l’air.
C’est vraiment une histoire incroyable que celle du robinier – ou de l’acacia, comme vous voulez. On en voit partout, n’est-ce-pas ? Il aime s’installer le premier sur des terrains vierges qu’il colonise. Ce trait de caractère, il le tient de ses origines nord américaines. Le robinier est arrivé en Europe il y a quatre siècles seulement. On peut dire que depuis, il a fait des petits.
A Paris, le plus vieil arbre de la ville est un robinier planté en 1604 à Saint-Julien-Le-Pauvre, qui résiste vaillamment à la pollution. Parmi les doyens, le plus visité est sans doute celui du square Viviani, en face de Notre-Dame de l’autre côté de la Seine. Il est le fils du premier robinier introduit en France. Date de naissance : 1620.
Si on voit des acacias partout, c’est que l’arbre a été beaucoup planté. Il possède de nombreuses qualités, dont celle de donner un bois qui ne pourrit pas sans le moindre traitement, et qui s’utilise pour fabriquer des clôtures.
En Alsace, on s’en servait pour en faire des piquets de vigne. On en trouve encore des bois entiers, et les beignets d’acacia font partie des gourmandises printanières traditionnelles de la cuisine régionale.
Chambre de van Gogh
La chambre que Vincent van Gogh a occupée pendant deux mois à l’auberge Ravoux est un des endroits les plus émouvants d’Auvers-sur-Oise. Comme dans d’autres lieux de mémoire, c’est étrange de se tenir là en se disant que la pièce a été habitée par le peintre qu’on admire tant aujourd’hui, qu’il y a travaillé, dormi, rêvé, souffert, et qu’il y est mort.
C’est une chambrette mansardée, éclairée par un simple vasistas. La pièce n’est plus guère meublée. L’imagination n’a, pour s’exercer, que le volume petit et bizarre, la lumière chiche et la couleur des murs.
Rien à voir avec les pièces aux teintes lumineuses, régulièrement repeintes, de la maison de Monet à Giverny. On ne fait pas dans la décoration ici, l’harmonie subtile des bleus et des jaunes, des roses et des verts. On est à l’étage des chambres de bonnes, des galetas, des greniers.
Et dans cette pièce en location, le peintre n’a pas eu l’occasion de faire déborder sur les murs les couleurs qu’il avait dans la tête, comme Monet dans sa maison givernoise.
Les dindons
Sur la droite de la maison de Monet à Giverny, à quelques pas de la cuisine, on peut voir de petites pelouses en terrasse entourées d’un grillage. C’est l’enclos des dindons. J’ai pris cette photo il y a quelques années, aujourd’hui l’enclos est vide. (8 mai 07 : les dindons sont de retour !)
Monet et Alice y élevaient des dindons blancs, en souvenir des dindons du château de Montgeron.
Le musée d’Orsay à Paris présente le grand tableau Les Dindons que Monet a peint dans le parc du château. Les volatiles qui se promènent en liberté sur les pelouses apparaissent en contre-plongée, leur plumage blanc rehaussé d’étonnantes teintes roses. Le château, minuscule, se devine à l’arrière-plan.
Les riches aimaient à cette époque s’entourer de dindons, espèce d’apparat à l’égal des paons. Alice et Ernest Hoschedé en avaient donc dans le parc de leur château.
C’est l’un des motifs retenus par Claude Monet quand il entreprend de grands panneaux décoratifs destinés aux belles pièces du château, une commande d’Ernest Hoschedé, grand amateur de peinture impressionniste. Il y travaille peut-être quand lui et Alice tombent amoureux l’un de l’autre.
Ce « premier temps de leurs amours », ils le chérissent tous les deux. Amours impossibles, puisqu’ils sont mariés chacun de leur côté. Amours blanches, aussi pures que les plumes de leurs oiseaux fétiches. Il faudra des circonstances inattendues pour qu’elles se concrétisent. Mais tout au long des années de vie commune et de mariage, les dindons seront là pour en rappeler discrètement le souvenir.
La grande allée du jardin de Monet
Le meilleur moment pour apprécier les jardins de Monet à Giverny, c’est le matin dès l’ouverture, dans la lumière vaporeuse de la vallée de la Seine, ou comme ici, le soir après une journée de soleil, quand les ombres s’allongent et que les jardins se vident. Le ciel perd alors sa teinte laiteuse pour devenir franchement bleu.
Les toutes premières roses grimpantes sont en fleurs sur les arceaux qui enjambent la grande allée, de même que les premiers iris dans l’allée latérale.
La floraison des tulipes touche à sa fin, mais déjà d’autres fleurs se tiennent en embuscade, deux ou trois semaines plus tôt que prévu. Le muguet est bien au rendez-vous du premier mai, mais le manque d’eau l’a empêché de bien pousser.
Dimanche l’orage a fait des siennes. Il a plu pour la première fois depuis un mois, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, mais hélas en plein après-midi, et avec quelques grêlons très désagréables pour les visiteurs.
Aujourd’hui, le soleil est revenu, imperturbable, on se croirait en Provence. Bon d’accord, avec quelques degrés de moins sûrement. Tout de même, quand on arrive dans la fraîcheur du jardin d’eau ombragé de grands arbres, on s’aperçoit qu’il faisait chaud au milieu des massifs du clos normand. Le marchand de glaces à la sortie ne perd pas son temps.
Monet et les caricatures
Caricature d’un homme à la tabatière, par Claude Oscar Monet vers 1858, fusain et craie blanche, Sterling and Francine Clark Institute, Williamstown, Massachusetts
Claude Monet s’est beaucoup vanté d’avoir commencé sa carrière en tant que caricaturiste. Il est vrai que les premiers dessins qu’il ait vendus sont des portraits-charges.
La caricature connaît une véritable vogue au 19e siècle. Les journaux de tous bords sont friands d’illustrations, et certains dessinateurs humoristiques comme Honoré Daumier parviennent à se faire un nom dans ce domaine. Le jeune Monet a certainement vu beaucoup de caricatures dans les journaux qu’on lisait chez lui, le Figaro, le Gaulois et le Journal amusant. Il s’est amusé à en copier certaines.
Qu’il ait eu envie de s’essayer à son tour à ce genre n’a rien d’étonnant. D’autres peintres de sa génération en ont fait autant. Cela est attesté pour plusieurs de ses amis, Courbet et Pissarro notamment.
Selon ses dires, Claude Monet s’ennuyait ferme en classe, il a donc commencé par des dessins peu flatteurs de ses professeurs qui ont eu un succès certain auprès de ses camarades.
« J’enguirlandais la marge de mes livres, je décorais le papier bleu de mes cahiers d’ornements ultra-fantaisistes, et j’y représentais, de la façon la plus irrévérencieuse, en les déformant le plus possible, la face ou le profil de mes maîtres. Je devins vite à ce jeu d’une belle force. A quinze ans, j’étais connu de tout le Havre comme caricaturiste. » Thiébault-Sisson, le Temps, 26.11.1900
De fil en aiguille, il se met à caricaturer des notables du Havre et à vendre ces portraits, d’abord 10 puis 20 francs, une somme qui lui paraît considérable. Sa petite affaire marche si bien qu’il réussit à économiser 2000 francs, ce qui laisse supposer une production conséquente.
Les caricatures de Monet sont en vente, encadrées, dans la boutique du papetier Gravier où elles voisinent avec les huiles d’Eugène Boudin. C’est dans cette boutique que les deux peintres finissent par se rencontrer, une rencontre décisive pour Monet. Car Boudin va l’inciter à peindre, en plein air, des paysages, tels que son oeil les voit.
Les caricatures ont permis à Monet de se constituer un pécule, mais elles lui ont coûté la bourse municipale. La ville du Havre octroyait 1200 francs annuels à un artiste pour aller étudier à Paris. Boudin avait justement profité quelques années plus tôt de cette largesse. Mais quand papa Monet la sollicite pour Claude, il s’attire une réponse mielleuse du conseil municipal :
Monnet (Oscar) (…) présente avec sa demande un tableau de nature morte qui ferait mal juger de son talent s’il n’était pas si complètement révélé par ces spirituelles esquisses que nous connaissons tous. Dans la voie où l’ont entraîné jusqu’ici de remarquables dispositions naturelles, dans la caricature puisqu’il faut l’appeler par son nom, Oscar Monnet a déjà trouvé la popularité si lente à venir aux oeuvres sérieuses. Mais n’y a-t-il pas dans ces précoces succès, dans la direction jusqu’ici donnée à ce crayon si facile, un danger, celui de tenir le jeune artiste en dehors des études plus sérieuses mais plus ingrates qui seules ont droit aux libéralités municipales ? L’avenir nous répondra. » (Archives municipales du Havre).
L’avenir a répondu. En octroyant la bourse au sculpteur Aimable-Edmond Peau et à l’architecte Anthime-Marin Delarocque, les édiles du Havre n’ont pas misé sur le bon cheval.
Pensée du jour
Dans les jardins de Giverny, j’ai copiné avec un petit bonhomme de deux ou trois ans.
En lui montrant une belle tulipe écarlate, je lui demande :
– De quelle couleur est cette fleur ?
– Ouge !
– Bravo ! Et celle-ci ?
– Aune !
Ce petit a l’air très au point sur les couleurs. Je continue en lui montrant une pensée d’un bel orange. Et, tandis que j’attends le nom du fruit :
– Papapillon ! s’écrie-t-il, le doigt tendu vers la jolie pensée.
Tulipes multiples
On n’arrête pas le progrès : voici que les tulipes se mettent à avoir non pas une fleur au bout de la tige, mais trois, quatre, cinq, tout un bouquet.
J’ai photographié celles-ci dans le jardin du Musée d’Art Américain de Giverny. Les jardiniers ont sélectionné des fleurs bicolores de différentes teintes. L’effet obtenu avec ces tulipes multiples est celui d’une masse colorée beaucoup plus dense qu’avec des tulipes traditionnelles.
Elles sont associées ici avec des pensées orange et des giroflées jaunes.
Gisacum
C’est sans doute la ville gallo-romaine la plus étrange qui soit : à 6 km d’Evreux, le site de Gisacum n’a pas fini d’étonner les archéologues. Dans tout le monde romain, il n’a pas son équivalent.
Le plan de l’énorme ville sanctuaire, qui s’étend sur le territoire de cinq communes, est déjà une énigme. Gisacum ne comporte qu’une seule rue de 5 km de long, mais elle prend la forme d’un hexagone ! Toutes les maisons sont tournées vers le centre de la figure, où s’élevait un complexe religieux qui comprenait de très grands temples de 25 mètres de haut, un théâtre de 7500 places, un forum et des thermes. Oui, des thermes sur ce plateau crayeux sans la moindre rivière ! Les Gallo-Romains n’ont pas hésité à construire un aqueduc d’au moins 25 km de long pour acheminer l’eau jusqu’aux bassins de Gisacum. Il semble même que les habitants disposaient quasiment de l’eau courante, une branche de l’aqueduc suit le tracé de la rue.
La sécheresse de 1976 a eu pour effet de jaunir les cultures qui recouvrent les vestiges gallo-romains, révélant à la photographie aérienne l’emplacement des murs antiques.
Des campagnes de fouilles ont été effectuées. Elles ont conduit à la mise en valeur du site. Le Conseil Général de l’Eure en a fait un jardin archéologique assorti d’un centre d’interprétation qui permet de mieux comprendre son originalité. L’entrée est gratuite, on peut librement se promener dans les vestiges des thermes. Des voix enregistrées restituent l’animation qui pouvait y régner. En fermant les yeux, on s’y croirait.
Glycine ancienne
Dans le jardin d’eau de Monet à Giverny, deux glycines ornent le pont japonais qui enjambe la rivière. A l’autre extrémité du bassin, une glycine ancienne leur fait pendant.
Elle revient de loin. Très exactement du fond du bassin.
Le pied de glycine avait fini par tomber dans l’étang, qui s’est peu à peu comblé après la mort du maître des lieux.
Au moment de la restauration du jardin, à la fin des années 1970, on a réussi à sauver la glycine plantée par Monet en la tirant du bassin avec une grue.
Son tronc a disparu, il n’en reste plus que l’écorce. Et pourtant, malgré son grand âge, elle fleurit toujours généreusement à chaque printemps.
Tulipes et myosotis
Un somptueux parterre de tulipes roses et de myosotis bleu ciel est en pleine floraison devant la maison de Monet à Giverny.
Cet effet spectaculaire est à la portée des jardiniers débutants : les myosotis tout comme les tulipes mettent beaucoup de bonne volonté à fleurir. La seule difficulté est d’arriver à ce que les deux floraisons se produisent en même temps. A moins d’une grande habitude, c’est une question de chance, un petit coup de poker au moment où l’on achète les bulbes à l’automne.
Le mousseux du myosotis s’associe bien avec les tiges nettes des tulipes. Il couvre le sol, si bien qu’il n’est pas nécessaire de planter les bulbes de tulipes très serrés. On plante d’abord les pieds de myosotis, puis on intercale les tulipes deci-delà.
Le myosotis existe aussi en blanc et en rose. Cela permet d’imaginer des variations avec d’autres teintes de tulipes ou des narcisses.
Le myosotis – ne m’oubliez pas en langage de fleurs – a la rage de se ressemer tout seul. Si vous l’accueillez une fois dans votre jardin, il se rappellera à votre bon souvenir l’année d’après, quand il repointera son nez un peu plus loin, inventant des scènes pleines de douceur auxquelles on n’aurait pas pensé.
Pommier du Japon
Autrefois, à l’arrivée de Monet à Giverny, le jardin de sa maison était un verger. Monet n’a pas tardé à faire arracher les arbres fruitiers pour les remplacer par des pommiers et des cerisiers du Japon moins communs et plus japonisants.
Au printemps, leur floraison évoque cette lointaine vocation de verger qu’avait le jardin avant qu’il ne devienne jardin de peintre, quand il n’était encore que le jardin d’un cultivateur aisé du village, monsieur Singeot.
En cette fin du 19ème siècle, à la campagne, chaque petit bout de terrain devait produire. Un jardin d’agrément, un parc fleuri, étaient des luxes de bourgeois et de riches bien loin des préoccupations paysannes.
Les premiers peintres américains qui sont venus travailler à Giverny donnent une idée de ces jardins potagers pleins de citrouilles, de ces vergers de pommiers, de cerisiers et de pruniers. Ils peignent une sorte de témoignage sur le monde rural qui n’est pas du tout le propos de Monet.
Violette
Dans les forêts de Normandie, les violettes ont jailli en touffes colorées qui se mêlent aux anémones des bois.
En faire un bouquet demande une bonne dose de patience, mais il en faut bien plus encore si on veut en cueillir pour les croquer. C’est irrésistiblement joli dans une salade verte ou une salade de fruits.
La violette a la saveur douce des bonbons de Toulouse – la ville rose a fait de cette fleur parme son emblème.
Tout est délicat chez la violette, son parfum, sa teinte passée, la courbure de sa tige et même son maquillage raffiné. Regardez bien ! Son coeur est un oeil bordé de longs cils et de fard à paupière.
Il faut s’approcher tout près pour découvrir ces coquetteries, si contradictoires avec l’idée qu’on se fait d’un fleur qui symbolise la modestie…
Violette rime avec Colette. Quand j’étais collégienne en classe de sixième, nous avions eu en dictée ce texte de l’écrivaine :
« Violettes blanches et violettes bleues, et violettes d’un blanc-bleu veiné de nacre rose. Ô violettes de mon enfance ! Vous montez devant moi, toutes, vous treillagez le ciel laiteux d’avril, et la palpitation de vos petits visages innombrables m’enivre. »
Je cite de mémoire, c’est peut-être un peu transformé. Mais la nostalgie émerveillée de Colette fait tellement écho à la mienne ! Merveille du retour du printemps, merveille de l’écriture poétique et de l’observation juste de cette grande dame.
Chaque année quand reviennent les violettes je me récite ces mots avec gourmandise, et le regret d’avoir oublié, si je l’ai jamais su, de quel ouvrage sont tirées ces lignes. Et puis il y a quelques mois, j’ai trouvé dans le grenier une vieille édition des Vrilles de la vigne de Colette. Cachées dans les pages jaunies qui sentaient le vieux papier, elles étaient là, les violettes… Depuis, le livre est retourné dormir dans son carton. Vous me pardonnerez de ne pas aller le réveiller.
Les azalées du jardin d’eau
Tout est si beau en ce moment dans le jardin de Monet que j’ai bien du mal à choisir une photo.
Partout, les couleurs éclatent. Autour du bassin, les azalées sont en pleine floraison, dans un feu d’artifice de roses, d’oranges et de blanc qui tranchent sur les tonalités vertes des premiers feuillages.
Les azalées ont été choisies par Monet pour évoquer le Japon dans le jardin d’eau, en compagnie d’autres plantes exotiques telles que les bambous et les nénuphars, les fameux Nymphéas.
Le vin du val de Seine
Je le dis pour ceux qui n’habitent pas la moitié nord de la France : il fait si chaud en Normandie en ce moment qu’on se croirait en été. Les petits matins sont frais, certes, pas plus de 3 ou 4 degrés au réveil, mais le soleil ne tarde pas à réchauffer l’atmosphère et l’après-midi, on cherche l’ombre, on se promène avec sa bouteille d’eau et même on prend des coups de soleil.
Chez Monet, cela fait presque drôle de voir les fleurs de la fraîcheur printanière s’épanouir sous ces chaleurs. Elles ont l’air de s’excuser d’être des tulipes plutôt que des dahlias, elles fleurissent à toute vitesse, comme pressées de laisser la place aux autres.
Il fait un temps éblouissant, le soleil brille de tous ses feux sur des floraisons qu’on a admirées plus d’une fois en grelottant sous des parapluies. Et c’est comme ça depuis l’ouverture le 1er avril. Trois semaines de temps radieux ! Voilà qui augurerait d’un bon millésime pour le vin de Giverny !
C’est à peine une plaisanterie. Il fut un temps où l’on cultivait de la vigne en Normandie, dans toute la vallée de la Seine.
Dans la région de Vernon et de Giverny, on l’appelait le cailloutin, allusion aux pentes des collines calcaires bourrées de cailloux où poussait la vigne.
Attention ! Je n’ai pas dit que le vin était fameux. Pourquoi s’obstiner à produire du vin quand on a toute les chances, sauf année exceptionnelle, qu’il devienne une piquette ? Probablement parce que c’était culturel depuis les Romains, d’une part, et qu’on avait besoin de vin pour dire la messe, d’autre part.
Jusqu’au début du 20ème siècle, on a donc vu les collines de Vernon, de Giverny et de Saint-Marcel couvertes de ceps. Toutes les vignes ont disparu depuis – après la crise du phylloxéra à la fin du 19ème siècle, on a été découragé d’en replanter – mais il en reste des traces : à la mairie de Vernon, une fresque au plafond de la salle des mariages évoque la viticulture ; dans le quartier de Bizy, on trouve une rue des Vignes, à Giverny, une rue du Pressoir.
D’accord, c’était peut-être un pressoir à pommes. Parce qu’on faisait aussi du cidre dans la région, et lui, il est si bon qu’on continue à en faire, et il récolte des médailles au Salon de l’Agriculture !
Je pensais à ces productions alcoolisées locales en découvrant la nouvelle décoration que la ville de Saint-Marcel a choisie pour ses ronds-points. Broyeur, pressoir et tonnelet, tout cela vous a un petit côté automnal et festif plutôt sympa bien qu’un peu décalé en cette saison… même exceptionnellement douce.
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