O ! triste bruit !

Inscription ancienne sur l'église de Vernon

L’an Mil Six cents Cinquante huict
huict Degreds des poissons, la Seine,
brisant le pont : o ! triste bruit !
Estendit Ici son domaine.

Cette inscription se trouve sur un contrefort de l’église de Vernon, au sud-est (sur la droite de l’édifice). Un petit quatrain rimé, gravé dans la pierre en caractères semblables à ceux des livres anciens.

C’est l’hiver 1658. Depuis des jours et des jours, il pleut. Le sol est gorgé d’eau, les rivières aussi. La Seine charrie des débris de toutes sortes, des troncs d’arbres. Le niveau du fleuve n’en finit plus de monter. Les habitants de ses rives regardent l’eau progresser, impuissants, vers leurs maisons. Ils n’osent plus franchir le pont de bois, tant de fois rafistolé, qui tremble, bousculé par la force du courant.
Soudain, l’accident se produit. Le pont cède. Un tronc lancé à pleine vitesse a eu raison d’une pile trop fragile. Dans un craquement sinistre, le tablier s’écroule.
Etait-ce de nuit, de jour ? Y a-t-il eu des noyés ? L’inscription ne le dit pas. Mais le poète a ce soupir :  » O ! triste bruit ! « 
Beaucoup d’émotion perce dans ces trois petits mots. Que peut-on ressentir quand on habite au bord d’un large fleuve et que l’unique pont de sa ville cède ? On sait qu’il faudra des années pour le rebâtir, beaucoup d’efforts et d’argent. En attendant la date hypothétique de la construction d’un pont neuf, il y a de quoi se sentir découragé devant les difficultés nouvelles auxquelles il faudra faire face : faire traverser en bateau gens, bêtes et marchandises, avec le danger que cela représente.
Le désastre de la rupture du pont a tellement marqué les esprits que les Vernonnais qui l’ont vécu ont voulu en conserver la mémoire en s’adressant à la postérité. Ils ont choisi la manière la plus pérenne qui soit, l’inscription dans la pierre, sur le principal monument de la ville.
Je m’interroge sur la façon dont la date est indiquée : huit degrés des poissons. Je ne suis pas très calée en astrologie, mais j’imagine que cela représente l’avancement du soleil dans la constellation des Poissons.
Est-ce banal ou extraordinaire, à l’époque, d’exprimer la date ainsi ? Est-ce une volonté de se détacher du calendrier, et d’opter pour une méthode intemporelle, celle des astres ?
La destruction du pont est allée de pair avec une inondation record, comparable à la crue de 1910. La montée des eaux jusqu’à la collégiale ne se produit guère qu’une fois par siècle. Pour parer aux inondations futures et conserver l’usage de leur église même en cas de forte crue, – car rien n’est plus important que d’assister aux offices religieux – les fidèles ont alors décidé de réhausser le sol d’une soixantaine de centimètres. On peut encore le remarquer à la base des colonnes, qui se retrouve cachée en-dessous du dallage actuel.

Gargouille surprise

Gargouille de la collégiale de Vernon Le côté magique de la photographie au zoom, c’est de pouvoir approcher d’objets placés trop loin pour l’oeil. Voilà longtemps que je voulais tirer le portrait des gargouilles de la collégiale de Vernon. Le soleil de ce matin m’a incitée à le faire.
Autant la statuaire à l’intérieur des églises est rigoureusement codifiée, autant les sculpteurs ont débridé leur imagination pour inventer les monstres qui les cernent à l’extérieur.
Ils ouvrent des gueules, ils montrent les dents, ils aboient. Ils portent des cornes de boucs, des oreilles décollées façon Prince Charles. Ils ont des pattes griffues. Des ailes prêtes à se déployer pour hanter la nuit.
Tous ces détails ne sont pas parfaitement visibles depuis le sol, surtout pour les gargouilles perchées le plus haut. Le téléobjectif révèle les petits monstres purement décoratifs – ils ne crachent pas d’eau – qui les accompagnent parfois, sculptés à même le mur. C’est une joie de les découvrir au retour, agrandis sur l’écran.
Ma plus grosse surprise de ce matin, pourtant, crève les yeux quand on le sait.
La tête cachée sous la gargouille Avez-vous regardé attentivement la gargouille ci-dessus, en forme de griffon ? Les parties les plus blanches de la statue attirent l’attention vers la gueule, les oreilles, les ailes. Si bien que le dessous, qui reste dans l’ombre, passe inaperçu. Regardez bien. La gargouille est à cheval sur une tête. Un visage magnifique, le nez droit, la bouche entrouverte.

Qu’est-ce que cette tête vient faire là ?

Ma première idée a été qu’il s’agit d’un réemploi. Tout au long de l’histoire, on voit des pierres déjà taillées à des époques antérieures resservir à d’autres usages, généralement moins nobles. Celle-ci était peut-être trop abîmée pour être exploitée pour elle-même.
Mais à bien y regarder, une fois l’image agrandie et redressée, qu’en pensez-vous ? Ne dirait-on pas que ce personnage a les yeux clos ? Il paraît abandonné au rêve, n’est-ce pas ?
L’hypothèse qui s’impose alors, c’est qu’il fait partie de la gargouille. Le monstre jaillit directement de son cerveau, tel un rêve. Un cauchemar.
On peut sûrement y lire un message symbolique sur la noirceur des rêves qui peuvent naître dans les têtes les mieux faites.
Il y a aussi fort à parier pour que le tailleur de pierre qui a sculpté cette gargouille, et sans doute plusieurs autres, en ait rêvé la nuit. Et que c’est, malgré lui, ce que son oeuvre nous dit.

Gilles de Gouberville, premier des diaristes

Le livre de raison de Gilles de Gouberville Les blogueurs ont un ancêtre normand. Ce personnage a vécu au 16ème siècle, en pleine Renaissance, de 1521 à 1578. Il s’appelle Gilles Picot de Gouberville.
C’est exceptionnel pour l’époque, le sieur de Gouberville tient, jour après jour, son « livre de raison ». Il vit dans son fief du nord du Cotentin, au Mesnil-au-Val, et prend un soin constant de ses affaires. Gouberville note minutieusement ses faits et gestes, ses dépenses, les ordres qu’il donne à ses gens. Voulez-vous plongez dans le quotidien d’un gentilhomme d’il y a cinq siècles ?

Le vendredi XXIXè, apprès desjeuner je m’en allé à Gouberville, Cantepye avecques moy. Nous y arrivasmes à mydi. Joret n’y estoyt poinct. Il estoyt à Gatteville faire férer une roe. Je l’envoyé quérir. Pendant lequel temps je me dormy. Puys regardasmes quelles bestes il maineroyt demain à la fère de la Pernelle. Je party à troys heures, le vicayre et Joret me convièrent jusques près la chasse du Mor. Nous parlasmes à Michel Le Fevbre et à son frère qui estoupoient à un clos qu’ils ont fait neuf. Avant que desjeuner céans au matin j’avoye achapté quatre maquereaulx qui coustèrent XXd.

J’aime bien Gouberville pour cette incroyable langue, à la fois compréhensible et étrange. Rien de fleuri dans tout cela, pas d’effet de style. il écrit pour lui, brut de décoffrage.
On se laisse emporter par le fil de cette vie, de cette plume assez sèche. Et puis soudain, on reste stupéfait face à une ligne de caractères… grecs. Comme nous autres blogueurs d’aujourd’hui pourrions être tentés de glisser quelques mots en anglais, Gouberville se laisse aller à employer la langue étrangère qu’il maîtrise. Le grec.
Voilà qui remet les siècles à leur place…
On peut encore voir aujourd’hui la tour de Barville, le dernier vestige du manoir du Mesnil-au-Val. Une association, le comité G. de G. s’attache à préserver ce bâtiment et à faire connaître le Journal.

Les entrées de la maison de Monet

Entrée principale de la maison de Monet à GivernyLa maison de Monet a trois portes d’entrée, toutes trois sur la même façade, côté jardin. Elles sont desservies par une étroite terrasse qui court le long de la maison.
Trois portes, cela peut paraître beaucoup. Pourtant, c’est le minimum requis : à chacune de ces portes correspond une affectation.
A gauche, la porte « professionnelle » mène au salon-atelier où Monet reçoit amateurs et marchands. Au centre, la porte « familiale » voit passer les habitants de la maison et les amis. A droite, la porte « de service » donne sur la cuisine.
C’est le cloisonnement de la société au 19e siècle qui l’exige. A Paris, les immeubles haussmanniens sont équipés d’escaliers séparés pour les domestiques et pour les locataires. Ne pas se croiser entre gens qui ne sont pas du même monde revêt une grande importance.
Monet est un bourgeois de son temps, rien d’étonnant donc à ce qu’il organise sa maison selon les principes de son époque. Mais je crois que la disposition des lieux est dictée encore davantage par une volonté de ne pas se gêner, dans une maisonnée qui compte huit enfants, ce qui suppose une intendance importante.
La maison que Monet loue en 1883 est nettement plus petite que celle que nous voyons aujourd’hui. Quand Monet décide de la faire agrandir, il en profite pour modifier l’organisation de l’espace et des circulations. Sa propre chambre est située au-dessus de l’atelier, avec son propre escalier et une entrée distincte, nommée l’épicerie, qui dessert aussi l’atelier. Grâce à cette nouvelle disposition des lieux, Claude Monet peut se lever avant l’aube sans déranger personne. L’espace destiné au travail est distinct de celui dévolu à la vie de famille.
Le salon-atelier possède même une quatrième porte en rez-de-jardin, en contrebas de la terrasse, qui permet d’accéder directement au clos fleuri. Elle est bien pratique pour sortir les fauteuils de rotin à l’ombre des tilleuls, à la belle saison.

Coup de vent

Vent dans les bambous13 degrés ce matin au lever du jour : il faut aimer la tempête pour s’en réjouir, et se ficher comme d’une guigne de la panique semée dans la nature.
Le vent a mugi toute la journée, torturant les arbres. J’avais peur, en traversant le parc, de prendre une branche sur la tête. Même une brindille doit faire mal, j’imagine. Les automobilistes sont attentifs à l’endroit où ils garent leur voiture.
Le vent retrousse les plumes des oiseaux. Comment font-ils pour voler dans la bourrasque ? Ils ont l’air imperturbable.
Sur la Seine, les mouettes, les cygnes, les canards posés sur l’eau se laissent porter par le courant, puis, à un repère connu d’eux seuls, ils décident qu’il est temps de prendre leur envol pour remonter un peu en amont. Les cygnes adorent se laisser porter en deçà du pont. Une question de territoire, je suppose. C’est un spectacle de les voir prendre leur élan en courant sur l’eau, puis voler, allongés comme un trait, à quelques mètres au-dessus du pont. Que c’est beau, un cygne en vol.
Il est temps que cette douceur hors de saison prenne fin. Qu’on aperçoive un flocon de neige. L’air est déjà peuplé de moucherons. Et le long du mur du jardin, les premiers iris sont prêts à fleurir. Si ! Je vous assure que c’est vrai. Trois mois d’avance. Je les gronde : « Espèces d’idiots ! qu’est-ce qui vous prend de fleurir maintenant ? Vous n’avez pas vu le calendrier ? On est en janvier. En janvier ! » Rien n’y fait. Ils n’en font qu’à leur tête.

Le vieux Louviers

Vieilles maisons à pans de bois Rue Ternaux à LouviersMalgré de douloureux bombardements lors de la seconde Guerre Mondiale, Louviers a conservé une bonne partie de ses vieux quartiers. Une courte promenade permet de s’en donner une idée.
Prenez comme point de départ l’église Notre-Dame, facile à repérer. Derrière elle s’ouvre la rue du Quai, récemment remise en beauté. Elle est bordée de chaque côté de maisons assez hautes, certaines à pans de bois.
Sur la droite, une des plus anciennes est datée de 1431. C’est le manoir de Bigards, qui donne son nom à un jardin public. Entrez dans le jardin et prenez le temps d’admirer ce beau bâtiment en colombages et briques, orné de niches et de lucarnes.
Le parc est animé par le passage des eaux vives de l’Eure, qui circulent entre vannages et lavoir, en clapotant au pied de plusieurs petits ponts. Si vous vous retournez vers le manoir, c’est toute l’histoire de Louviers qui se trouve résumée en une image, la bâtisse du 15e siècle, l’eau qui danse, et au fond une des dernières cheminées d’usine encore debout.
En traversant le parc, on arrive rue Ternaux, du nom d’une ancienne manufacture de draps installée sur les bords de l’Eure. La rue Ternaux a gardé ses pavés polis et de vénérables maisons. Sur l’une d’entre elles, les colombages sont recouverts d’essentes pour les protéger de la pluie.
Au bout de la rue Ternaux, on débouche sur les vestiges du cloître des Pénitents. Les bâtiments conventuels abritent aujourd’hui l’école de musique. Il ne vous reste plus qu’à remonter vers l’église toute proche en passant devant la Poste et son bas-relief monumental.

Heurtoir

heurtoir de porte à Louviers, Eure, FranceC’est un geste oublié : on soulève la lourde poignée du heurtoir, et on la laisse retomber sur la porte. Le bruit sourd du métal contre le bois signale la présence d’un visiteur aux habitants de la maison.
Il existe toutes sortes de heurtoirs, les plus classiques étant peut-être la main refermée qui tient une boule dans sa paume, ou la tête de lion avec un gros anneau passé dans le nez. Mais il me semble que c’est le dix-huitième siècle qui a porté l’art du heurtoir à son apogée.
Sur les portes cochères de style Louis XV, il trône bien en vue. La poignée, à la fois sobre et élégante, paraît pourtant massive en contraste avec la dentelle de ferronnerie qui l’agrémente.
La ville de Louviers a été une très florissante cité drapière dès le Moyen-Age. Elle avait l’avantage d’être située sur les bords de l’Eure, à un endroit où la rivière n’en finit pas de se diviser. On compte, dit-on, vingt-et-un bras et canaux dans cette « Venise industrielle » de Normandie. L’énergie hydraulique a servi à faire tourner les moulins à foulon, et plus tard à mécaniser la production.
On produit à Louviers des draps de lin et de laine. Quand Colbert y installe une manufacture royale en 1681, l’activité de filature prend un essor sans précédent. Sous le règne de Louis XV, seize fabricants se partagent le marché et emploient des milliers d’ouvriers.
C’est alors que s’élèvent dans le centre ville des bâtiments tous plus beaux les uns que les autres, à l’architecture soignée, à la décoration raffinée. Les heurtoirs en sont encore un des éléments les plus frappants pour le passant. Il n’est pas besoin de lever les yeux pour les remarquer, à la fois tous différents mais d’une évidente unité de style.

Le Mont Saint-Michel entre dans la campagne

Le Mont Saint-Michel, patrimoine mondialVoilà le Mont Saint-Michel propulsé dans la campagne électorale. Ce matin, Nicolas Sarkozy s’y est rendu pour sa première visite en tant que candidat officiel de l’UMP à l’élection présidentielle. Parce que c’est le « symbole du patrimoine français », de « la France éternelle », « des atouts de la France ».
Ce n’est pas la première fois que le Mont profile sa silhouette dans une campagne électorale. Il avait eu la visite de Jacques Chirac en 2002. Va-t-il devenir un passage obligé ?
Pourquoi le taire ? Cela m’agace. Ce n’est pas une question de candidat. Mais l’idée d’une utilisation, d’une récupération du Mont à des fins politiques, ne passe pas. Qu’avait Sarkozy de si essentiel à dire ce matin qui ne put être dit ailleurs ?
Certes, le Mont a toujours été partie prenante de l’Histoire de France. Certes, il s’est plié à tout, avec bonne grâce, après les nuées de pèlerins il a accepté les soldats, les prisonniers, les ouvriers, les touristes. Mais c’est un lieu qui mérite mieux que de servir d’estrade. De décor hors du commun, comme la Grande Muraille de Chine, pour offrir un fond aux caméras.
C’est un endroit pour entrer en soi-même, pour se créer un espace de solitude au milieu de la foule, pour méditer. Exactement l’inverse d’une déclaration politique devant des dizaines de journalistes.

Gratte-pied

Gratte-pieds ou décrottoirOn l’appelle un gratte-pieds, ou encore un décrottoir : ce petit accessoire en métal permet à qui a marché dans la boue de racler ses chaussures. Son usage a été très populaire par le passé, mais les gratte-pieds tendent à disparaître aujourd’hui où les rues sont toutes goudronnées, et où un simple paillasson suffit.
Cet objet humble n’a guère de raison d’attirer l’attention, placé comme il est au ras du sol. Et pourtant celui-ci étonne par son emplacement même : il se trouve à l’entrée d’une église.
A Vétheuil, l’église a deux accès, un porche en façade et un porche latéral, plus proche du centre du village, auquel mène un escalier. Deux gratte-pieds ont été installés, de chaque côté de ces quelques marches.
Il suffit de les regarder pour imaginer le geste des fidèles, les jours de pluie. L’un après l’autre, ils devaient défiler pour retirer la boue de leurs sabots ou de leurs bottes, dans un geste de respect pour l’église. Un acte symbolique qui rappelle celui des musulmans retirant leurs chaussures à l’entrée des mosquées.

Le pont de Normandie

Le pont de NormandieLe pont de Normandie a emprunté leur silhouette aux grands voiliers. Ses haubans s’étirent en lignes parallèles comme les cordages des trois mâts qui se glissent sous son tablier à chaque Armada, le grand rassemblement de voiliers anciens qui a lieu tous les quatre ans à Rouen.
Ici, entre Honfleur et le Havre, la Seine se confond déjà presque avec la mer. Le pont de Normandie est le dernier qui la franchit avant son embouchure. Il a fallu sept ans pour le construire, et le moins que l’on puisse dire est que cela n’a pas été simple d’aller chercher un appui pour les deux pylônes, l’un sur la rive, l’autre les pieds dans l’eau.
C’est le pont de la démesure. Au moment de sa construction, en 1995, il était le plus grand du monde dans sa catégorie, les ponts à haubans. De bout en bout, il fait deux bons kilomètres (2141m exactement), dont 856 mètres entre les deux pylônes.
Dans ce paysage ouvert, il est difficile d’apprécier les distances. Les pylônes, par exemple, mesurent 214 mètres de haut, à comparer avec les 324 mètres de la tour Eiffel. Détail significatif : la rotondité de la Terre est perceptible entre le haut et le bas des pylônes, leurs sommets sont distants de 4 cm supplémentaires par rapport à leurs bases.
Au milieu du pont, on surplombe la Seine de 60 mètres, la hauteur du premier étage du monument parisien. La comparaison ne s’arrête pas là : comme lui, le pont bénéficie, la nuit, d’une mise en lumière superbe.

Pierre Amédée Defontaine

fontaine derrière la mairie de Vernon, EureOn aurait pu tout oublier de l’existence de Pierre Amédée Defontaine, comme de tant d’autres personnages vernonnais du 19e siècle. Mais ce contemporain de Monet a pris soin de passer à la postérité. Bien sûr, comparée à l’aura du génie de Giverny, la mémoire de Defontaine se fait discrète. Loin des trompettes de la renommée, elle fredonne sa petite chanson en minces filets d’eau.
Dès 1858, Defontaine est constructeur fondeur de son état, à une époque où la fonte connaît son heure de gloire.
Engagé dans la vie politique, le voici d’abord conseiller municipal, puis adjoint au maire de Vernon. C’est je crois ce même intérêt pour la chose publique, cet amour de sa ville qui le poussent à faire un don important à la commune, en 1899. Et quand on s’appelle Defontaine… ce ne peut être qu’une fontaine. Une monumentale fontaine de fonte, qu’on peut toujours voir dans le square derrière la mairie.
Elle se compose de deux vasques concentriques. Dominant celle du haut, une accorte jeune femme semble remplir la fontaine en y versant l’eau de sa cruche. Au-dessous, l’eau jaillit de la bouche de quatre têtes de faunes et de celle de dauphins. Sur une plaque moussue, on peut encore lire « A la ville de Vernon A. Defontaine ancien adjoint ».

Le Gros-Horloge de Rouen

Le Gros-Horloge de RouenLe Gros-Horloge, c’est le centre du centre ville de Rouen. Il enjambe depuis cinq siècles la rue piétonne que les Rouennais nomment avec un brin de désinvolture la « Rue du Gros », entre la cathédrale et la place du Vieux-Marché.
Tout surprend dans ce monument emblématique : le masculin de son nom, l’or de ses deux cadrans, le passage sous l’arche magnifiquement sculpté de statues représentant le Bon Pasteur…
Le Gros-Horloge se donne des airs d’horloge astronomique, en affichant tout en haut dans un petit oeil de boeuf les phases de la lune, et en bas, un semainier où les jours sont symbolisés par les dieux romains, Mars pour le mardi et Jupiter pour le jeudi, par exemple. Mais, s’il rythme la vie des Rouennais depuis 1389 -le mécanisme est toujours en état de marche – le Gros-Horloge se contente d’une seule aiguille pour donner l’heure.
Le Gros-Horloge est sorti il y a quelques semaines des échafaudages, après de longs et coûteux travaux. On peut à nouveau le visiter, et découvrir l’histoire qui lie l’arche Renaissance au beffroi gothique voisin et à la fontaine d’angle, de style Louis XV. On n’oubliera pas d’admirer deux cloches remarquables du 13e siècle.

Conseils de jardinage

NidL’hiver s’est trompé de saison, ces jours-ci. Le thermomètre dépasse les 10 degrés, et cette douceur inattendue réveille les jardiniers amateurs, qui se sentent pleins d’une ardeur printanière.
Que pourrait-on bien faire au jardin en ce moment ? Il suffit de surfer sur les très nombreux sites consacrés au jardinage, par exemple celui-ci, celui-là ou encore ce dernier pour se donner des idées. Pour résumer : nettoyer, protéger du froid à venir, élaguer, affûter les outils et mettre de l’ordre dans la cabane.
J’ajoute : admirer la première jonquille, la plus intrépide, qui fleurit déjà, respirer l’air frais lavé par la pluie, faire un bouquet des branches de noisetier couvertes de chatons, remettre les gants et gagner – temporairement – la bataille contre les orties, se promener dans les allées oubliées depuis des semaines et noter les changements depuis l’automne, s’émerveiller devant le tissage d’un nid vide que l’hiver a révélé…
Quelques oiseaux, timides, chantent. On a envie d’en faire autant.

Hellébore

Ellébore, Rose de NoëlY a-t-il des roses de Noël (c’est-à-dire des hellébores, ou ellébores, selon votre humeur) dans le jardin de Claude Monet ? On peut en douter, car pourquoi cultiverait-on des plantes qui fleurissent pendant la période de fermeture ? On est pourtant surpris quand le printemps est précoce de découvrir le jour même de l’ouverture, le 1er avril, des crocus et d’autres bulbes déjà passés. Alors pourquoi pas ?
Difficile de résister à la grâce de l’hellébore, qui a l’élégance de fleurir en plein hiver, à partir de la mi-janvier, en ouvrant une corolle qui ne ressemble pas beaucoup à une rose, mais à l’idée même qu’on se fait d’une fleur.
J’ai photographié celui-ci à la devanture d’un fleuriste. Je n’en ai pas dans mon jardin. Pas encore.
L’été dernier, Birgit est arrivée de l’est de l’Allemagne les bras chargés de boutures. Elle les a plantées un peu partout dans mon jardin, en espérant que certaines finiraient par se plaire quelque part. Il paraît que c’est ainsi qu’il faut procéder avec les ellébores.
Chaque fois que je regarde les petites feuilles vertes des roses de Noël, je pense à Birgit.
Je couve les jeunes plants du regard. Certains ont poussé beaucoup, d’autres pas du tout. Combien de temps faudra-t-il avant les premières fleurs ?
Birgit m’a expliqué qu’elle avait trouvé les pieds mères de ses hellébores il y a des années dans les Vosges, sur un tas de déchets verts. Avec une logique qui me ravit, elle s’était jurée que ces hellébores reviendraient un jour en France. C’est moi qui en ai été l’heureuse bénéficiaire.
Les jardins se font comme cela. Dans celui de Jacques Prévert, dans la Manche, à Omonville-la-Petite, la plupart des végétaux ont été apportés et plantés par des amis. Je ne me souviens plus si c’était du vivant de Jacques ou à titre posthume. Peu importe. Monet aussi pratiquait beaucoup le don de végétaux avec ses amis comme Clemenceau et Caillebotte. Les fleurs sont encore plus belles quand elles enracinent l’amitié, et qu’on peut voir en elles le sourire de celui qui vous les a données.

L’arboretum de la Roche-Guyon

L'arboretum de la Roche-GuyonVoilà un joli but de promenade en toutes saisons : à quelques kilomètres de Giverny, il faut suivre la pittoresque route des Crêtes qui surplombe la vallée de la Seine en offrant de superbes panoramas entre les villages de la Roche-Guyon et de Vétheuil. A mi-parcours environ, une allée cavalière s’ouvre sur la gauche, avec l’indication de l’arboretum à 1200 mètres.
C’est parti pour un quart d’heure de marche à travers la forêt. Tout au bout de l’allée, à flanc de coteau, vous arrivez à un parc de treize hectares plantés d’arbres encore jeunes. L’entrée est gratuite et toujours ouverte.
Le fil conducteur de ce parc, ce sont les forêts de l’Ile de France. L’arboretum figure la carte de la Région, avec ses vallées et ses départements. Chacun d’eux est représenté par une essence d’arbres qui pousse spontanément dans ses forêts, chêne, hêtre, érable, frêne, tilleul…
On peut compter autant d’arbres qu’il y a de communes dans le département francilien. Les platanes symbolisent Paris. Des arbres plus rares enrichissent la collection.
L’endroit le plus magique de l’arboretum se situe tout en bas sur la droite. Des dizaines de sequoïas – un de mes arbres préférés – bordent une petite allée sinueuse. Entre eux poussent une collection de bambous tous différents, puis une collection de houx. Même en ce moment, tout est vert. Les sequoïas n’ont pas encore atteint leur maturité, certes, mais ils sont déjà de belle taille. Cela promet une allée grandiose pour nos petits-enfants.

Vue aérienne de la maison de Monet

Vue aérienne de la maison de Monet à Giverny - photo Francis CormonC’est le Yann Arthus-Bertrand de chez nous : Francis Cormon photographie la région de Vernon depuis les airs, suspendu à son paramoteur – une aile de parapente équipée d’un moteur à hélice.
Le site où il présente ses photos aériennes donnerait envie de voler à n’importe qui. De photo en photo, on a l’impression de planer dans les airs, le paysage déroulé comme un tapis sous les pieds.
La beauté des prises de vue est saisissante. Que la région est magnifique vue du ciel ! Et comme cela doit être difficile de combiner les impératifs du pilotage, les aléas de la météo et les contraintes de la photo pour arriver à un tel résultat !
Certains détails apparaissent mieux vus d’en haut : ainsi, le jardin de Monet expose la rigueur du tracé géométrique de son clos normand, moins apparent du sol, quand il est masqué par l’exhubérance des massifs.
Surtout, on découvre des endroits cachés, des ilôts secrets, des châteaux dissimulés au fond de parcs, des chapelles perdues au milieu des champs. On voit la forteresse de Château-Gaillard émerger d’une mer de brouillard dans une mise en scène spontanée et grandiose. On se promène au coeur de Vernon comme dans un plan en relief, et la gare de Pacy-sur-Eure ressemble trait pour trait à un modèle réduit.
Enfin, le paramoteur permet de se rapprocher à quelques mètres du sol. Et ce qu’il donne à voir alors, c’est la beauté simple du paysage rural, les sillons rectilignes, les alignements de meules, les couleurs éclatantes des champs de lin, de colza ou de coquelicots. De témoignage géographique, la photo devient art graphique, avec pour matériau la trace du travail des hommes. Je me demande si ce ne sont pas ces photos-là que je préfère.

Les Galettes

Les Galettes, Claude Monet, 1882, 65 x 81 cm, collection particulière - Analyse, description, explication.On sait tout de ces galettes : le nom et le visage de celui qui les a cuisinées, de son épouse, et même de leur chien !
De février à avril 1882, Monet séjourne à Pourville, sur les côtes de la Manche, non loin de Dieppe. Il loge dans le modeste hôtel – restaurant – casino du village balnéaire.
L'établissement s'appelle "A la Renommée des Bonnes Galettes". Il est tenu par Paul Antoine Graff. Ce chef né en Alsace a peut-être émigré en Normandie après la défaite de 1871, qui donne l'Alsace à l'Allemagne.
Monet n'a pas un sou. En cette saison hivernale, il est le seul pensionnaire de l'hôtel. L'hébergement ne coûte que 6 francs par jour, contre 20 francs dans un hôtel de Dieppe, mais comment payer ?
Les Graff sont de braves gens, ils acceptent de se laisser peindre par Monet en échange de sa pension. Le peintre exécute deux grands portraits, l'un du Père Paul, l'autre de la Mère Paul en compagnie de sa petite chienne griffon Follette ; enfin, ce sont les galettes que le peintre croque sur la toile.
Deux belles galettes dorées à souhait refroidissent sur des claies d'osier. On les devine riches en beurre, car c'est comme ça qu'on l'aime, comme dit la chanson. Des coups de couteau rayonnants tracés dans la pâte leurs donnent l'aspect de deux grosses fleurs.
Les galettes sont disposées sur une table recouverte d'une nappe blanche. A côté, une carafe qui contient peut-être du cidre, de la couleur exacte des galettes. De l'autre côté, un couteau.
C'est ce couteau noir, à la lame effilée, qui dérange. Tout est doux dans le tableau, les formes arrondies, les teintes lumineuses et dorées, sauf ce terrible couteau pointu.
Au lieu d'être posé sur le bord d'une galette, comme une invitation à la couper, le couteau pointe vers le spectateur. Vers le peintre. Vers sa signature.
Dès lors, on peut s'interroger sur la composition de l'oeuvre. Monet cadre serré, coupant même le haut de la carafe. La scène en acquiert une indéniable intensité dramatique.
Quelques précisions biographiques peuvent contribuer à une interprétation symbolique du tableau. Au moment où Monet peint les Galettes, il se trouve seul sur la côte normande. Alice, qui est encore la femme d'Ernest Hoschedé, est restée seule à Poissy avec les huit enfants : les deux fils de Monet et Camille et les six enfants qu'elle a eus avec Ernest.
La toile devient le champ de projection des conflits qui déchirent Monet. Il aime Alice, mais il en est séparé. A Poissy, ils logent ensemble, mais il l'appelle Madame. Un parfum de scandale flotte depuis le décès de Camille et le départ d'Ernest. Et si Alice venait à renoncer à vivre avec lui ? Et si elle retournait auprès d'Ernest ?

"J'étais sous le coup de vos mauvaises nouvelles du matin… j'ai eu une terrible angoisse", écrit-il à Alice le 18 mars.

Le couple de galettes semble représenter le sien. Le couteau, c'est cette menace qui pèse sur son coeur, et qui pourrait bien le briser.
Monet, comme la carafe, en perd la tête. Comme elle, si près du bord de la table, il semble happé par la dangereuse proximité des falaises.

 

Illuminations de Noël

Fontaine aux sapins bleusAprès Noël,
quand la fête est finie,
quand les sapins desséchés gisent sur les trottoirs,
quand les voitures télécommandées tournent dans les parkings,
quand le foie gras et les chocolats sont bradés à prix coûtant,
quand on range la sono,
quand on a balayé les cotillons,

après Noël,
les illuminations des rues se poursuivent chaque soir.

Lumières de Noël à Vernon Un dais de lumière couvre la rue piétonne,
des sapins bleus garnissent la fontaine d’où coulent des gouttes brillantes,
Des milliers d’ampoules électriques formant rideaux et draperies
clignotent et scintillent
comme si de rien n’était.
Elles brillent pour personne dans les rues vides,
incongrues,
anachroniques,
juste pour faire joli et réchauffer la nuit.

Crashs aériens

Monument à la mémoire des soldats britanniques tombés à GivernyOn inaugure aujourd’hui à Paris le monument aux victimes du crash aérien de Charm el Cheik, survenu il y a tout juste trois ans. 143 touristes français rentraient de vacances en Egypte quand leur avion s’est abîmé dans la mer Rouge. Ma soeur était à bord.
J’y pense encore souvent. Je rencontre beaucoup de touristes, et il suffit qu’ils expriment de l’appréhension à l’idée de prendre l’avion pour que toute l’angoisse revienne. Changeons de sujet.

Un nouveau monument vient d’être érigé à Giverny. Il a été judicieusement placé derrière l’église, à côté de la tombe des Monet et de celle de la famille van der Kemp. C’et un endroit propice au recueillement.
Deux blocs de pierre brute encadrent une pale d’hélice.
Elle appartenait à un avion de la Royal Air Force, un bombardier Lancaster qui s’est écrasé dans la plaine des Ajoux, à Giverny, le 7 juin 1944. Sept jeunes soldats britanniques ont péri. Ils reposent dans le cimetière de l’autre côté de l’église. Leur tombe se repère facilement au drapeau qui flotte au-dessus.
Les débris de l’avion sont restés pendant des années enfouis au milieu du champ où il était tombé. On dirait bien qu’on en distingue encore l’emplacement sur la photo satellite de Giverny.
Et puis, il y a quelques années, une association est venue faire des fouilles. Aucune mention n’est faite de ce groupe de passionnés sur la stèle qui accompagne le monument. Ils ont préféré s’effacer devant le sacrifice de l’équipage du Lancaster, je suppose.
Je me souviens de l’émotion qu’avait suscitée la mise au jour des restes de l’avion. Soixante ans plus tard, la terre où gisait le moteur sentait encore l’huile…

C’est donc une pièce de cet avion qu’il nous est donné de voir sur le monument. Une pale à la courbure aérodynamique, la partie la plus belle de l’avion, celle qui le fait avancer.
Les paradoxes s’accumulent autour de cette pale d’hélice. Paradoxe d’un engin fait pour voler qui s’écrase. Paradoxe d’un équipage composé de courageux soldats venus libérer l’Europe, mais qui transportait des bombes. Paradoxe de jeunes gens plein d’avenir qui ont trouvé la mort à Giverny. Paradoxe de la paix qui a suivi leur sacrifice et celui de tant d’autres, et qui unit aujourd’hui les ennemis d’hier.

La pale a retrouvé tout son éclat d’origine, elle brille avec un beau reflet argenté.
Si on la regarde attentivement, on remarque pourtant que la partie basse de l’hélice n’et pas aussi rutilante que le haut. En s’agenouillant, on voit des traces noires. Des impacts creusés dans le métal. L’histoire de la chute de l’avion se révèle.
On peut mettre les doigts dans ces traces, toucher du doigt l’horreur de la guerre. Après soixante ans de paix sur notre sol, ceux qui n’en ont pas la mémoire savent-ils vraiment ce qu’est la guerre, avec son cortège de sang et de larmes ? Au fond de nous, les jeunes générations, nous sommes incrédules. Comme saint Thomas, nous avons besoin de toucher du doigt les stigmates pour croire. Nous persuader de l’épouvantable.

Trivial Pursuit Normandie

Jeu de société Trivial Pursuit (TM), édition NormandieLes soirées sont longues, les enfants en vacances : c’est le moment de ressortir les jeux de société, et pourquoi pas le Trivial Pursuit si vous en avez un ; sinon, je vous souffle l’idée-cadeau pour Noël 2007.
Il existe une version normande du célèbre jeu de questions. Hasbro la recommande à partir de 15 ans, mais on peut faire des équipes adulte-enfant : comme il faut la plupart du temps répondre au hasard, les plus jeunes peuvent très bien participer, et n’ont pas plus de chances de se tromper que les grands…
L’édition Normandie balaie les cinq départements de la région, en proposant 3000 questions et leurs réponses. Disons-le : la plupart du temps, elles supposent une telle érudition que cela en est agaçant.
« – Les centrales nucléaires normandes sont-elles de la filière graphite-gaz, zirconium bi-fluoré (!) ou de la filière des réacteurs à eau sous pression ?(Réponse : eau sous pression)
– Dans quelle ville de Basse Normandie peut-on visiter le parc Saint-Martin, qui est un parc animalier ? (R: Montaigu la Brisette)
– A quel réalisateur italien doit-on Malena, lauréat du Grand Prix du Festival du film romantique de Cabourg en 2001 : Tornatore, Bertolucci ou Moretti ? (R: Tornatore)
– Sur quel trimaran Francis Joyon établit-il le record de la traversée de l’Atlantique en solitaire dans le sens Est-Ouest en juin 2000 ? (R: Eure-et-Loir).
 » Etc…
A ce compte, on met une demi-heure à décrocher la première part de camembert, et la partie s’éternise.
Cela a dû être un travail considérable de formuler toutes ces questions, et d’éviter les erreurs. J’en ai toutefois relevé une dans cette question :  » Quel édifice de Giverny devint le lieu de rencontre d’artistes peintres américains vers 1890 : l’hôtel Baudry, Caudry, Daudry ou Faudry ? » On a beau relire, la bonne réponse, l’hôtel Baudy, ne figure pas dans la liste. L’erreur est humaine, même parmi les grosses têtes qui torturent celles des autres, petite revanche !
Et puis tout à coup la chance vous sourit, allez savoir pourquoi. Vous tombez sur une question d’une déconcertante facilité, dont tout le monde connaît la réponse.
« A quel peintre doit-on Le Bassin aux Nymphéas, harmonie verte ? »
Et celle-ci, ma préférée : « A quel jeu de société peut-on l’emporter en étant le premier à gagner, selon le langage populaire, six parts d’un célèbre fromage normand ? »

Carte de voeux

Carte postale ancienne de Bonne annéeBonne et heureuse année 2007 ! Je vous souhaite qu’elle soit riche en découvertes, en rencontres, en apprentissages couronnés de réussite… Et voici, pour mieux vous le dire, des brassées de fleurs.
Je chinais dans une ville d’eau, bien loin de la Normandie, quand j’ai eu la surprise de reconnaître la collégiale de Vernon et la maison du Temps Jadis à l’arrière-plan de cette carte postale.
Je ne sais pas si la photo a été prise en plein air, ou au contraire en studio avec une photo géante dans le fond, comme cela se pratiquait à l’époque. Si c’est le cas, c’est habilement fait.
Je n’ai pas idée de la date non plus. L’habillement, le chapeau laissent à penser qu’elle n’est pas très ancienne, les années 40 ou 50 peut-être ? Le texte écrit à l’encre au dos de la carte, d’une orthographe incertaine, ne fournit pas beaucoup d’indications : « Recevez de nous deux nos Meilleur souhait de bonne année à vous tous et bon baisez. Eva Roger. »
Chiche qu’en 2007, on va faire plus original !

Au gui l’an neuf

Boule de guiUn des moments les plus ludiques du 31 décembre, c’est d’aller chercher une boule de gui dans les arbres. Je devrais dire marauder, car il faut se glisser sous les barbelés, armé de son sécateur, mais j’ai la bénédiction du propriétaire du terrain. S’agissant d’un parasite comme le gui, cela ne peut faire que du bien aux arbres d’en être débarassés, même si les prélèvements de la Saint-Sylvestre sont loin de se montrer efficaces. Pour tout dire, ils sont insignifiants, on a même l’impression que d’année en année, le gui prend ses aises.
Le gui ne pousse pas que dans les chênes de la forêt des Carnutes, mais aussi sur toutes sortes d’autres arbres, en particulier les pommiers et les peupliers. Je ne vous apprendrai rien en disant que ce sont les oiseaux qui le disséminent par leurs fientes, dans lesquelles on retrouve les baies non digérées et prêtes à germer un peu plus loin.
Le gui s’installe ensuite très solidement, et il n’est pas facile à couper. Mais ce n’est pas le pire : le plus difficile, c’est d’en trouver un brin accessible, et non pas rivalisant d’altitude avec les nids de pie.
Je me refuse toutefois à traverser les prés avec un escabeau, il ne faut pas exagérer. Jusqu’ici, cela n’a jamais été indispensable. Déjà, l’appareil photo sous les barbelés, c’était moyen. Le temps est si couvert aujourd’hui qu’il a fallu le flash en plein après-midi, c’t’une honte.
Voilà, la branche de gui est accrochée sous la poutre, à côté du carillon soigneusement remonté pour sonner les douze coups tout à l’heure. C’est moins précis que l’horloge atomique, mais on s’en fiche, non ?
Promis, à minuit sonnante, je me mets sous le gui et je vous embrasse tous par la pensée. Bonne année !

Jeu d’échecs géant

Jeu d'échecs géant à VernonDans le jardin des Arts, à Vernon, un jeu d’échecs géant a été installé au pied de la tour des Archives.
C’est un choix très inspiré. Outre qu’il apporte un agrément supplémentaire à ce square de centre ville, ce champ de bataille symbolique rappelle que Vernon a été ville frontière autrefois.
La tour des Archives, c’est ce qu’il reste du château médiéval de Vernon, un donjon circulaire aux pierres soigneusement taillées. Ces tours rondes qui ont défié le temps portent la marque de fabrique de Philippe-Auguste. Le roi de France, fin stratège, en a fait bâtir plusieurs du même modèle aux marches de son domaine, à la fin du 12e siècle.
Il y a huit cents ans, le royaume de France était borné par l’Epte, qui coule à Giverny. De l’autre côté de la rivière, sur la rive Ouest, s’étendait le duché de Normandie. Autrement dit le fief du roi d’Angleterre, Richard Coeur de Lion, beaucoup plus puissant que le roi de France. Et donc potentiellement menaçant.
Les rives de l’Epte sont l’espace de confrontation de ces deux puissances, et de ces deux caractères. Le rusé Philippe-Auguste, l’impétueux Richard. Deux rois se défient.
De chaque côté, on bâtit tour sur tour. Aux Andelys, sur un éperon qui domine la Seine, le duc-roi fait construire la forteresse de château-Gaillard.
La partie d’échecs dure plusieurs années. Elle est faite d’intimidation et de joutes verbales. « Je prendrai ce château, fut-il de fer ! » s’écrie le roi de France. « Je le défendrai, fut-il de beurre !  » fanfaronne celui d’Angleterre. Les forces sont en équilibre.
Mais après la mort de Richard, son frère Jean Sans Terre ne sait pas opposer la même résistance à l’avancée des pions et des cavaliers. Au lieu d’affronter le danger, il biaise, tel un fou.
Quelques mois de siège, un assaut, château-Gaillard tombe au printemps 1204. Echec et mat. Toute la Normandie devient française la même année.

Vitrines peintes

vitrine de Noël peinte à Vernon, NormandieLes rues des villes ne sont jamais aussi belles que pendant les jours les plus courts de l’année, quand elles ont l’air de se préparer au grand soir, ornées de fards et de bijoux.
Chaque vitrine raconte les fêtes à sa manière, avec son style propre, contemporain, naturel ou romantique. Les plus bavardes sont les grandes baies des brasseries, qui ne dérogent jamais à la tradition des fenêtres peintes.
Même dans une petite ville comme Vernon, on peut en voir beaucoup, car les limonadiers ne sont pas les seuls à faire décorer leurs vitrines par des artistes. Des charcutiers-traiteurs et des coiffeurs s’y mettent aussi, et cela donne beaucoup de gaieté aux rues dans la grisaille de l’hiver.
On voit des pères Noël faire du ski, des fées patiner, des villages enneigés au milieu des sapins, dans une débauche de blanc de Meudon, et aussi des branches de houx, des bougies, des montagnes de paquets cadeaux… Des thèmes de carte postale, sans autre prétention que de faire plaisir aux passants.
Noël est une date incontournable, mais on peut voir des vitrines peintes à d’autres moments de l’année, par exemple à la Saint-Valentin ou pour les grands rendez-vous du football. Elles ont le charme de l’éphémère, des dessins à la craie sur les trottoirs, de ce qui passe et s’envole, et qui pourtant revient chaque année, comme les oiseaux.

Merci

CadeauxIl faut que je cherche loin dans ma mémoire pour trouver le souvenir d’un Noël aussi riche en émotion. Comment vous dire ? J’ai le coeur plein d’allégresse et de gratitude, encore émerveillée de tant de joie.
Ils avaient du rire dans les yeux, de voir comment ils avaient fait mouche.
Ca fait toujours un peu chavirer, de se sentir aimé, n’est-ce pas ? J’ai senti tant de messages dans leurs cadeaux, de la tendresse, et aussi de la fierté, de la confiance, des encouragements… Un appui très fort pour aller de l’avant dans tous les projets de l’an neuf.
J’ai un peu changé de cap cette année. Au lieu d’égrener les misères du monde, j’en raconte la beauté. Quelle joie de sentir que me proches approuvent cela. Il n’y a plus qu’à tenir bon la barre et le vent, avec des forces décuplées.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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