Normandie Niemen
Pendant sa visite officielle en France, aujourd’hui, Vladimir Poutine s’est rendu en compagnie de Jacques Chirac au musée de l’air et de l’espace au Bourget. Les deux chefs d’Etat ont inauguré un monument en l’honneur du régiment Normandie Niemen.
Je vous parle de cette info, parce que ces glorieux aviateurs de la deuxième Guerre Mondiale ont leur musée aux Andelys.
Le mémorial Normandie Niemen rassemble des souvenirs de ces pilotes et mécaniciens qui ont répondu à l’appel du Général de Gaulle dès 1942 et ont combattu avec les Russes.
Le musée n’a pas de gros moyens, mais il intéressera ceux qui se passionnent pour l’histoire du dernier conflit mondial.
Auvers sur Oise
La lumière était belle aujourd’hui à Auvers-sur-Oise. Van Gogh l’aurait aimé, elle lui aurait rappelé la Provence et son soleil éclatant.
Auvers n’est qu’à environ une heure de route de Giverny, dans la banlieue nord ouest de Paris.
Comme Giverny fait vivre le souvenir de Claude Monet, Auvers-sur-Oise veille sur la mémoire de Vincent van Gogh. Pourtant le grand peintre hollandais n’y a séjourné que 70 jours, alors que Monet a vécu 43 ans à Giverny. Mais en quelques semaines, van Gogh a créé près d’une centaine d’oeuvres, dont 70 huiles, des aquarelles et une gravure. De cette fièvre de production sont nés de nombreux chefs-d’oeuvre.
Auvers a su habilement tirer parti des paysages peints par Vincent, qu’on retrouve à travers la ville et la campagne environnante sous forme de grands panneaux. Le paysage rustique ou urbain que l’on a sous les yeux y gagne soudain en intérêt. C’est émouvant de retrouver un pignon de maison, le tracé d’un chemin… A cet égard, la très belle église dont il a représenté le chevet est certainement l’endroit le plus fort.
On visite à Auvers de nombreux lieux de mémoire : la maison du docteur Gachet, que van Gogh a fréquenté, l’auberge Ravoux où il a logé et où il est mort, le cimetière où il est enterré au côté de son frère Théo, disparu six mois après lui.
L’auberge Ravoux, devenue la Maison van Gogh, a réussi une restauration exemplaire. La visite des mansardes où logeaient les peintres est réellement poignante. Des pièces minuscules et sombres, en soupente, éclairées d’un simple vasistas : comment des êtres voués à la couleur et à la lumière résistaient-ils au manque de clarté ?
Tout change quand on descend au rez-de-chaussée. L’auberge est toujours un petit restaurant, où l’on peut déguster une cuisine à l’ancienne dans un décor façon 19e siècle. De ses conditions de logement misérables à l’histoire de son suicide, le souvenir de van Gogh à Auvers est assez pesant. Pour respirer un air plus léger, il faut aller visiter « l’atelier de Daubigny », en fait toute la maison du maître du début du 19e siècle. C’est, je crois, l’endroit le plus charmant d’Auvers. La décoration de chaque pièce a été réalisée par Charles François Daubigny, son fils Karl, Corot et Daumier. Cette histoire d’amitié et d’affection transparaît dans leurs pinceaux en sujets pleins de grâce ou de romantisme.
Pédiluve
Les bâtiments qui figurent sur la droite de la photo sont des écuries. Elles se trouvent au château de Bizy à Vernon, dans l’Eure, et sont inspirées de celles de Chantilly et de Versailles.
Au 18e siècle, on logeait les chevaux aussi somptueusement que les princes, dans des demeures en pierres de taille rehaussées de hauts-reliefs.
Ce logement luxueux allait de pair avec des soins attentifs. Le bassin aux courbes gracieuses qui se trouve en plein milieu de la cour d’honneur, face au château, servait à baigner les chevaux. Ils descendaient le long de la petite rampe pavée, après quoi on devait les asperger et les frotter, car l’eau n’est pas profonde.
De beaux chevaux, c’était certainement un grand luxe, la marque de la noblesse.
Toutefois, le pédiluve de Bizy s’inscrit dans un réseau complexe de fontaines, bassins et cascades, aussi est-il permis de croire que le dessein architectural était d’abord de placer une pièce d’eau au centre de la cour, et le lavage des chevaux un simple prétexte.
Le concepteur des jeux d’eau a tiré profit de la pente du terrain pour créer un long cheminement aquatique. L’eau ruisselle de la Fontaine de Gribouille, dégringole la cascade, jaillit par la gueule des chevaux marins, puis en contrebas par celle des dauphins, avant de disparaître sous les écuries pour ressurgir dans le pédiluve. Ensuite, des tuyaux qui passent sous le château la conduisent jusqu’au parc. Du moins en théorie, car les fuites et les captages ont depuis longtemps asséché le réseau d’adduction qui parcourait la colline.
Winslow Homer
Pour beaucoup, c’est le plus grand peintre américain du 19e siècle : Winslow Homer est à découvrir au Musée d’Art Américain Giverny jusqu’au 8 octobre 2006.
L’exposition est centrée sur le thème de l’eau, aussi récurrent chez Homer que chez Monet.
Pendant une grande partie de sa carrière, Homer s’est attaché à représenter la mer, aimable et riante comme dans cette aquarelle des « Trois garçons au bord de la mer », ou au contraire dangereuse et menaçante. Ce sont des femmes de pêcheurs qui guettent le retour des bateaux, c’est le canot de sauvetage qu’on met à l’eau, c’est la côte hivernale, ou encore cette femme qui paraît évanouie dans les bras de l’homme qui la sauve, glissant avec elle le long d’un filin, au-dessus des flots en furie.
Une toile évoque irrésistiblement la Vague d’Hokusai : au milieu de vagues creusées par une forte houle, les bustes de pêcheurs apparaissent. On ne voit pas leur embarcation, cachée par une vague au premier plan. Dissimulé à notre regard, le bateau paraît bien prêt d’être englouti. L’impression de vulnérabilité transmise au spectateur contraste avec le regard impassible de ces hommes qui en ont vu d’autres.
Banc cygne
Oui, bien sûr, on peut trouver ça kitsch. Ou ravissant, selon les goûts. Le moins que l’on puisse dire est qu’on ne voit pas des bancs de ce genre partout !
Celui-ci se trouve sur la terrasse du Moulin de Fourges, un restaurant au bord de l’Epte près de Giverny. Les cygnes ont l’air sur le point de s’élancer pour retourner à l’eau.
A première vue, ils sont en fonte peinte. J’aimerais bien savoir quel est le siècle qui les a vu naître.
Ipomée
Des corolles bleu ciel qui se détachent sur un fin feuillage vert pâle, aux feuilles en forme de coeur : à la fin de l’été, les ipomées donnent joyeusement l’assaut à n’importe quel support. Ici, elles encadrent avec poésie la porte d’entrée de la maison de Monet à Giverny.
Les volubilis se retrouvent ailleurs dans le clos normand, la partie la plus fleurie du jardin. Les grandes armatures métalliques qui servent de support aux clématites, puis aux roses, et forment de spectaculaires rideaux de fleurs au printemps, connaissent une troisième floraison, plus discrète, avec le velours profond des volubilis qui s’enroulent sur les piliers. Les corolles se déclinent en violets et pourpres, poudrés de pollen pâle laissé par le passage des insectes sur les étamines.
Fleurs de fin d’été
Dans le jardin de fleurs de Claude Monet, à Giverny, les vivaces et les annuelles sont à l’apogée de leur croissance.
C’est la saison du gigantisme. Certains dahlias se hissent à deux mètres de haut, en compétition avec les soleils, dont le jaune illumine le jour le plus morne.
Les premiers asters fleurissent en masses de couleur, aux côtés des anémones du Japon. Les cosmos d’un rose tendre affichent la couleur exacte des murs de la maison.
Le dessin des plates-bandes disparaît sous la profusion de fleurs de toutes tailles, dans un enchevêtrement végétal qui noie les contours. On pourrait jouer à cache-cache dans les allées sans même avoir besoin de se baisser.
Quatre-feuilles
A quelques kilomètres de Giverny sur le plateau qui domine la vallée de la Seine, le village d’Heubécourt possède une ravissante église gothique. Elle est construite en pierre de Vernon, du calcaire blanc parsemé ça et là de rognons de silex. Aujourd’hui, les scies à diamants permettent de trancher ces silex très durs. Mais au Moyen-Âge, les tailleurs de pierre ont préféré les laisser intacts, de crainte de faire un trou dans la pierre. C’est assez amusant de voir les silex noirs faire saillie un peu partout sur la façade blanche.
L’église d’Heubécourt présente la particularité d’être en forme de lettre Tau, sans l’habituelle abside arrondie, mais avec deux chapelles en pignon.
Un détail permet de la dater du premier coup d’oeil. Regardez bien le haut des fenêtres en ogive. On distingue les quatres lobes de l’ornement architectural préféré du 14e siècle, le quatre-feuilles.
Encorbellement
Vernon a conservé quelques maisons du Moyen-Âge telles que celle-ci, voisine de la collégiale Notre-Dame. Dénommée la maison du Temps Jadis, elle date du 15e siècle et abrite l’Office de Tourisme.
Un mode de construction courant voulait que chaque étage déborde au-dessus de l’étage inférieur, selon la technique de l’encorbellement.
Les avantages des maisons à encorbellement sont bien connus : gagner quelques mètres carrés de surface habitable supplémentaire à chaque niveau, optimiser la place à l’intérieur de l’enceinte de la ville, protéger les façades à pans de bois de la pluie…
On souligne moins souvent le double avantage architectural de ce mode de construction. Le premier est de permettre de bâtir avec des poteaux relativement courts, d’un étage seulement. Ces pièces de bois sont plus faciles à trouver et à mettre en oeuvre que des poteaux de la hauteur totale de la maison.
Le second intérêt est le principe du contrepoids. Grâce au débordement, le haut de la maison s’appuie sur le bout des poutres qui traversent les étages inférieurs, évitant l’affaissement de ces pièces de bois.
On voit bien ici que l’encorbellement était de taille réduite, ce qui devait en limiter les inconvénients. Quand il était très prononcé, le soleil et la pluie ne pénétraient plus dans les rues, qui devenaient insalubres. De plus, la proximité des étages supérieurs facilitait la propagation du feu.
Mais il semble que ce soit davantage l’eau que le feu qui ait détruit les maisons du Moyen-Âge. En effet, comme elles avaient pignon sur rue, les murs gouttereaux étaient mitoyens. De ce fait, l’eau s’écoulait mal et elle a fini par pourrir les pans de bois.
Les girolles de Mallarmé
Quel meilleur signe de la familiarité entre deux hommes que l’échange de recettes ? Consignée dans les carnets de cuisine de Claude Monet, on retrouve cette preuve de son amitié avec Stéphane Mallarmé. L’homme de lettres de deux ans son cadet avait sa façon d’accommoder la girolle. Le peintre avait dû la trouver alléchante, puisqu’il l’a notée.
Il s’agit de faire revenir 1 kilo de ces champignons avec du saindoux et 125 gr de lardons. Le temps de cuisson a de quoi laisser pantois : 1h30 ! « pour que l’eau contenue dans les girolles soit réduite », justifie le poète. Certes, mais que restera-t-il de nos précieuses girolles après ce mijotage prolongé ?
La touche finale est des plus classiques, une gousse d’ail et du persil haché à ajouter cinq minutes avant la fin. Mallarmé se montre tout à fait optimiste sur la bonne résistance des girolles à la cuisson, car il est persuadé qu’il y aura des restes. « Les girolles sont aussi bonnes, presque meilleures, réchauffées au bain-marie. » Bon appétit !
Valériane
A la Roche-Guyon, près de Giverny, voilà longtemps que plus personne ne passe par ce portail. Une touffe de valériane lui donne un air champêtre, qui sied bien à ce modèle ancien en bois.
On n’est pas plus accommodante que la valériane, qui n’a besoin ni de terre ni d’arrosage, et semble d’autant plus heureuse qu’elle colonise des endroits inaccessibles ou inhospitaliers. Quelle autre plante voudrait de ce coin compacté par le passage des roues ?
Quand on la bichonne, la valériane ne se sent plus d’aise et récompense le jardinier par des plants de près d’un mètre de haut. Chouchoutée ou pas, elle fleurit généreusement deux fois, au printemps et à la fin de l’été, en rose, rouge ou blanc.
11 septembre
Il y a des instants où personne ne peut plus ignorer l’histoire en marche. Le brouhaha habituel du monde comme il va devient soudain un hurlement, tirant les jardiniers de leur jardin, les peintres de leur atelier. Ce sont des secondes où quelque chose bascule.
Chacun se souvient de la façon dont la tragédie du 11 septembre s’est imposée à lui. Cette radieuse journée de fin d’été, comme aujourd’hui, il y a cinq ans. Et puis, au détour des gestes du quotidien, cette violence impensable qui nous a percés au coeur.
Est-ce que nous mesurions, avant, la force de la haine ? Est-ce que nous soupçonnions qu’elle pouvait aller jusqu’à cette rage de tuer et de mourir, en mettant la mort en scène comme un spectacle à sensation ?
Ici, en France, beaucoup d’aspects de ce drame nous restent étrangers. L’architecture en est un. Nous ne comprenons pas ces tours inhumainement hautes, d’où l’on ne peut pas descendre à pied. Mais Madrid, depuis, nous a montré que l’absence de tours ne nous mettait pas à l’abri de l’assassinat collectif.
Giverny est terre américaine depuis plusieurs générations. Le musée d’art américain perpétue la présence des quelque cent artistes qui ont séjourné dans la colonie au tournant du 20e siècle. Tout le monde côtoie des Américains. Le 11 septembre nous a bouleversés comme un évènement personnel. Je me souviens des drapeaux en berne, des cloches sonnant le glas, de la prière collective à l’église, des minutes de silence…
Tout à l’heure j’ai levé les yeux vers le ciel pour regarder les avions voler, paisibles, droit vers l’ouest. Les nuages avaient la forme d’ailes d’anges.
La Grande Allée début septembre
Plus question de cheminer dans la grande allée du jardin de Monet à Giverny. La marée montante des capucines a envahi tout le passage, formant un tapis vert piqué d’orange et de jaune.
A la fin de l’été, les fleurs atteignent des tailles extrêmes, dans un foisonnement luxuriant de verdure et de couleurs vives. Les soleils, les rudbéckias, les dahlias dominent le clos normand, en attendant les floraisons automnales.
Balade en forêt
La forêt est aux portes de Giverny et de Vernon. De chaque côté de la vallée de la Seine, les collines sont couvertes de belles futaies de chênes, de châtaigniers et autres feuillus.
Une des promenades les mieux aménagées se trouve dans la forêt de Bizy, juste au-dessus de Vernon. De grandes allées cavalières parcourent ce qui fut le domaine du château.
A l’horloge de la forêt, c’est encore l’été. Tous les arbres ont des feuilles vertes. Mais au sol, l’automne pointe le bout de son nez. Les conditions climatiques des derniers jours ont fait jaillir de terre des milliers de champignons, transformant le bois en forêt enchantée.
Soyons clair : un champignon de forêt ne se mange pas, il se regarde. De mon point de vue, on peut tout aussi bien laisser les paniers et les guides d’identification à la maison. On n’a presque aucune chance de tomber par hasard sur un coin où poussent cèpes, girolles et pieds de mouton, et tous les riques de se tromper. Pour se régaler de champignons, il vaut mieux aller au marché.
Les bâtisseurs d’église
Toutes ces églises gigantesques qui dominent les toits de nos bourgs conduisent toujours aux mêmes étonnements, aux mêmes questions : pourquoi si grand, si magnifique ? Que ressentaient ces gens qui nous ont précédé et qui se sont lancés dans ces travaux de titan ?
Les églises et les cathédrales ont englouti des vies de travail et d’économies. Le don, le plus souvent, est resté anonyme. Mais parfois, les donateurs se sont fait représenter dans les tableaux ou les vitraux qu’ils ont offerts. Et leur siècle vient soudain percuter celui de la scène biblique.
A Gisors, l’église Saint Gervais Saint Protais est particulièrement riche en témoignages de ce genre. Elle est réputée pour le pilier et le vitrail offerts par la confrérie des tanneurs. Mais c’est une oeuvre bien plus discrète qui m’a arrêtée ce matin.
La fresque se trouve dans une chapelle sur la droite de la nef en remontant vers le choeur. Elle a été peinte au 16e siècle. Le Christ transfiguré, entouré des prophètes, apparaît aux apôtres. Et dans le coin de droite, voici la donatrice.
Elle a la pose de circonstance, agenouillée les mains jointes devant un livre de prières. Un long chapelet est accroché à sa ceinture.
Je ne sais pas si la généreuse dévote s’est trouvée ressemblante. Je ne sais pas d’ailleurs si elle s’en souciait. Ce qui frappe, c’est son regard. Il ignore la fresque de la Transfiguration. Les yeux sont tournés vers la gauche, comme si la pieuse femme tentait de percer un mystère. Et cette bouche pincée sans l’ombre d’un sourire. Cette Gisorsienne de la Renaissance à l’habit élégant mais austère incarne la crainte de Dieu.
Perilla nankinensis
La pérille de nankin est une plante condimentaire qui nous vient tout droit du Japon. Elle est à la cuisine nippone ce que le persil est à la nôtre, mais ce sont plutôt ses qualités décoratives qui l’ont fait adopter depuis peu par les jardiniers européens dans les massifs.
Au potager du château de la Roche-Guyon, elle est plantée si serrée qu’elle forme une masse dense verte et pourpre.
Ses feuilles finement dentées et sa taille rappellent l’ortie, tandis que sa couleur évoque les salades rouges. Au Japon, on consomme les feuilles crues ou séchées, en tempura, avec du tofu, des sushis… On utilise aussi les graines et l’huile qui en est extraite.
Le week-end prochain (du 8 au 10 septembre 2006), on pourra en cueillir et y goûter à l’occasion de la « Fête du jardin gourmand dans le verger-potager du château de La Roche-Guyon ». Les massifs de sauge sclarée, de cerfeuil musqué, de pérille de nankin et d’agastache vont venir parfumer des salades à accompagner d’un petit vin d’aspérule. La jardinière Noémie Vialard vous donnera les recettes et de bons conseils pour cultiver les aromatiques en pot.
Le potager du château de la Roche-Guyon est ouvert tous les jours de 10 h à 17 h jusqu’au 5 novembre.
La Roche-Guyon
A cinq minutes de Giverny en direction de l’Ile de France, se trouve La Roche-Guyon, l’un des « Plus beaux villages de France ».
Le bourg est joliment niché le long de la Seine, au pied d’une colline boisée. Ses maisons anciennes s’alignent le long de rues aux noms évocateurs et de ruelles bordées de jardins. Le village a séduit des peintres tels que Georges Braque, Paul Cézanne, Auguste Renoir, Camille Pissarro, et bien sûr Claude Monet du temps où il habitait à Vétheuil.
La Roche-Guyon concentre de nombreux centres d’intérêt touristiques, à commencer par le château. Malgré les apparences, le donjon médiéval et la demeure classique qui s’élève à ses pieds font partie du même ensemble. Un escalier secret taillé dans l’épaisseur de la falaise relie la tour au château seigneurial.
Devant le logis, un vaste potager en accès libre s’étend jusqu’au fleuve. Il a été restitué dans son aspect du 18e siècle. Ses trente-deux parcelles triangulaires sont bordées d’arbres fruitiers, poiriers, pommiers, pruniers et pêchers. Les plates-bandes colorées mêlent des légumes décoratifs, des fleurs et des graminées. D’autres sont cette année consacrées aux plantes condimentaires ; sous le soleil, elles répandent de savoureux parfums.
Le souvenir de Camille
5 septembre 1879 : Camille Doncieux s’éteint à Vétheuil, après un long combat contre la maladie. L’épouse de Claude Monet, celle qui a posé si souvent pour lui et ses amis peintres, Manet, Renoir, meurt toute jeune, à 32 ans. Elle laisse deux petits garçons, Jean, douze ans, et Michel, encore bébé.
On peut toujours voir sa tombe au cimetière de Vétheuil, tout près de l’église, à flanc de colline. Passée la porte en pierre, il suffit d’aller tout droit vers les pins et la vue sur la Seine qui donnent à l’endroit un air de cimetière marin.
La tombe de Camille Doncieux fait le coin tout au fond à gauche. C’est l’une des plus anciennes, entourée d’autres plus récentes.
Camille repose entre le souvenir et l’oubli, derrière les grilles ouvragées qui lui font une sorte de lit-cage.
Monet l’aimait. Il l’avait choisie malgré l’hostilité de sa famille. On a du mal à comprendre pourquoi il ne s’est guère préoccupé de la tombe de la « pauvre Camille », pendant le presque demi-siècle où il lui a survécu.
Rentrée des classes
Pendant tout l’été, cela paraissait un peu incongru de ralentir aux abords des écoles désertes. Depuis ce matin, brise-vitesse et panneaux ont retrouvé toute leur raison d’être.
Celui-ci doit avoir une cinquantaine d’années. Il a presque disparu de nos routes, pour être remplacé par une version plus schématique.
C’est Maman qui conduit sa fille à l’école. On les voit de profil, elles ont les cheveux courts, on peut détailler leurs vêtements. La mère porte une jupe et un manteau, des bottes, et un grand sac à main à la Bernadette. Sa fille, en jupette et souliers à talons plats, tient un livre dans la main gauche.
L’enfant est devant, prête à traverser, mais sa mère la retient par le bras. Attention, ma fille, tu n’as pas vu la voiture ? Elles ont les pieds bien plantés sur le sol matérialisé par un trait.
Dans la nouvelle version du panneau, il ne faut plus compter sur les piétons pour laisser passer les véhicules. Le conducteur fera bien de se méfier, car ils s’élancent quasiment sous ses roues tant ils sont pressés. La petite écolière est toujours là, symbole de fragilité à protéger, mais sa mère a disparu. A sa place, le papa ou peut-être le grand frère, si l’on en juge par la taille : sur le panneau signalant le passage protégé, le piéton semble nettement plus grand.
Ils courent, les deux enfants, ils sont en retard, et la petite doit faire d’énormes enjambées pour suivre son grand frère qui lui tient la main.
Deux époques, deux visions du monde. Dans les années cinquante, on propose une image de bonne élève. Le monde paraît stable, l’école un lieu où étancher la soif d’apprendre. Dans la version contemporaine, on a surtout cherché à optimiser l’effet produit sur l’automobiliste, pour le pousser à ralentir. L’insouciance des enfants est mise en avant, la référence à l’école a disparu. Le panneau a vu son emploi élargi à d’autres établissements, comme les centres de loisirs.
Eglise de Vétheuil
L'église de Vétheuil est une vraie star de la peinture. Monet, à lui tout seul, l'a représentée une soixantaine de fois, et il n'est pas le seul artiste à l'avoir prise pour modèle.
Notre-Dame de Vétheuil était un lieu de pèlerinage marial. Ses bâtisseurs l'ont installée de façon à attirer tous les regards. Depuis un promontoire à flanc de colline, elle domine une boucle de la Seine.
L'histoire de sa construction explique sa forme inhabituelle. Il y eut d'abord une église primitive, qu'on a décidé d'agrandir quand elle s'est révélée trop petite. Cette fois, on allait lui donner des dimensions généreuses ! La construction a commencé par le choeur, sur la droite de la photo. C'est la fin du 12e siècle, les bâtisseurs cherchent des solutions pour faire évoluer l'art roman. A Vétheuil, ils imaginent des contreforts qui deviendront bientôt les arcs boutants de l'art gothique.
Le clocher ne correspond plus à la taille de l'édifice projeté. Plutôt que de le démolir pour en construire un autre, l'architecte a tout simplement bâti le nouveau autour de l'ancien !
Et puis, pendant trois cents ans, le chantier s'arrête. Enfin, au 16e siècle, les seigneurs de Vétheuil se remettent à l'ouvrage. Ils terminent leur église dans le goût de la Renaissance, avec une profusion de frontons et de coquilles.
Toutes ces caractéristiques en font une église originale et pleine d'intérêt. Mais l'intérieur mérite à lui tout seul la visite pour son très riche mobilier, composé surtout de sculptures du Moyen-Age et de la Renaissance. La plus émouvante est la statue de la Vierge à l'Enfant, Notre-Dame de Grâce de Vétheuil, vénérée par les pèlerins dès le 14e siècle.
Style rocaille
Regardez ce chêne, comment il a l’air de donner la main à la balustrade qu’on lui a accolée. La barrière est en faux bois de ciment, le tronc est un vrai chêne en bois d’arbre.
Voilà quelque cent ans, le maçon a installé son garde-corps au ras de l’arbre qui, en grossissant, a fini par s’y souder, parachevant l’illusion.
La photo est prise au moulin d’Andé, un moulin sur la Seine entre Giverny et Rouen.
Ce centre de rencontres culturelles très réputé sur les plans littéraire, musical, cinématographique, dispose d’une salle de spectacles située au sommet de la colline. De là-haut, le panorama s’étend, magnifique, sur la vallée de la Seine. Le belvédère est bordé par cette balustrade en faux bois, qui voisine avec un ravissant kiosque dont les poteaux figurent des arbres tous différents.
Le style rocaille a été abondamment décliné dans toute cette partie du domaine, des rambardes de pont aux fausses souches. Le plus spectaculaire et original, ce sont les énormes murs de soutènement à flanc de coteau qui imitent des rochers de montagne.
Quand j’étais ado, je détestais le faux bois en ciment. Je le trouvais ridicule et kitsch. Les temps changent, aujourd’hui je suis pleine de tendresse et d’indulgence pour le style rocaille. Son côté désuet me paraît charmant. C’est peut-être simplement qu’assez de temps a passé, comme pour toute mode, adulée, rejetée puis redécouverte.
A Paris, le faux bois règne en maître aux Buttes Chaumont, il se déroule en interminables escaliers à Montmartre. Nos arrières grands-parents ont tellement adoré ça qu’on en trouve encore partout.
Parfois, l’ouvrage un peu écorché laisse voir, sous l’écorce factice, l’armature de fer, comme un magicien qui dévoilerait un truc. Il s’en dégage quelque chose de pathétique. Le plus souvent, c’est la fantaisie qui domine, ce gigantesque élan vers le végétal qui a porté tout le courant art nouveau à la fin du 19e siècle.
C’est presque étonnant qu’il n’y ait pas le moindre soupçon de faux bois dans les jardins de Monet à Giverny, contemporains de l’époque où des forêts de ciment s’abattaient sur les parcs et les jardinets. Avec son oeil perçant, le peintre ne devait pas aimer ces imitations plus ou moins réussies.
Georges Braque
C’est plus qu’un testament artistique. A la fin de sa vie, le peintre Georges Braque a demandé au joaillier H.M. Heger de Loewenfeld de réaliser pour lui des bijoux à partir de ses oeuvres les plus importantes.
Il s’agissait de faire passer des images qui hantaient Braque dans la matière précieuse en trois dimensions, afin de le libérer de ces obsessions.
La peinture ne lui suffisait pas pour s’en défaire. Ce n’est pas assez » de faire voir ce que l’on peint, il faut aussi le faire toucher « . De la collaboration du peintre et du joaillier pendant deux ans sont nés des bijoux extraordinaires.
Le Château de Vascoeuil, dans l’Eure, présente jusqu’au 17 septembre 2006 les oeuvres de Braque qui ont subi ces « Métamorphoses Artistiques » (c’est le nom de l’exposition).
Somptueux bijoux, sculptures précieuses, Gobelins, tapis, porcelaine de Limoges, cape griffée Yves Saint Laurent… Toujours Braque a d’abord synthétisé une de ses oeuvres à la gouache avant de la laisser s’incarner entre les mains d’autres créateurs.
Tout un monde de têtes grecques, de poissons, et surtout d’oiseaux a pris vie. Braque a atteint son but, « libérer l’oiseau, symbole de l’espace et du temps » et se sentir libéré. Il s’est éteint le 31 août 1963.
Monet et la pollution de Londres
Des scientifiques anglais se penchent sur les tableaux de Londres par Monet pour y chercher des indications sur… la pollution de la capitale britannique au siècle dernier !
En étudiant la façon dont il a rendu la dispersion de la lumière, ces chercheurs en Géographie, Sciences de la Terre et de l’Environnement de l’université de Birmingham espèrent trouver des informations sur les particules qui composaient le fog, l’épais brouillard londonien qui plaisait tant à Monet. Le phénomène a atteint son apogée dans les années 1880 puis a progressivement diminué.
Monet peignait exactement ce qu’il voyait, et entretenait une correspondance quotidienne avec sa femme dans laquelle il était beaucoup question du temps qu’il faisait. Les chercheurs disposent donc d’indications précises sur lesquelles s’appuyer. Car on ne sait pas grand chose sur les causes réelles de ces brumes tenaces qui privaient les habitants de Londres de soleil pendant tout l’hiver.
Monet a fait trois séjours à Londres, en 1899, 1900 et 1901, au cours desquels il a exécuté plusieurs séries de vues de la Tamise, représentant une centaine de toiles.
Celle-ci, intitulée Le Parlement, trouée de soleil dans le brouillard, (1900-1901) se trouve au Musée d’Orsay à Paris.
Les Nymphéas de Monet
28 août 2006 / 2 commentaires sur Les Nymphéas de Monet
Le plaisir d’une promenade dans les jardins de Giverny, c’est d’y découvrir les motifs qui ont inspiré le maître des lieux.
Dans la toile de Monet, pas de berge, pas de bord. Les branches du saule tombent on ne sait d’où – pas de tronc non plus. Elles ressemblent à un rideau de théâtre autour d’une scène, à des cheveux encadrant un visage. Elles donnent la verticale, comme un léger fil à plomb.
Quand on passe sous le grand saule près du pont japonais, par exemple, on ne peut s’empêcher de penser à ce tableau célèbre du musée Marmottan à Paris, peint à la fin de la guerre 1914-1918.
Monet, reclus chez lui, ne puise plus son inspiration que dans son jardin.
Il est atteint d’une double cataracte qui l’empêche d’apprécier les couleurs à leur juste valeur et rend les contours imprécis. Monet peint alors de mémoire et en fonction de l’ordre dans lequel il dispose les couleurs sur sa palette. C’est peut-être ce qui explique cette profonde différence de coloris entre son tableau, où le bleu ciel domine, et ce que notre oeil voit aujourd’hui, une teinte qui tire sur le vert glauque. Mais peut-être doit-on cette différence à la croissance des arbres depuis près d’un siècle. Parvenus à maturité, ils se reflètent davantage dans le bassin. Pour paraître bleue, l’eau doit réfléchir le ciel, et non les arbres.
Entre les branches du saule, en plein milieu du tableau, le reflet de jolis nuages blancs. Le cadrage est serré, mais l’impression d’espace énorme, à cause de ces nuages, qui ouvrent une profondeur infinie, comme un trou dans la toile. En même temps que ces immensités, le reflet du ciel matérialise l’horizontale de la surface de l’eau, concrétisée par les deux radeaux de nymphéas qui y flottent et créent un effet de perspective. Quelques petites touches de rose et de jaune donnent toute son intensité au bleu, dans une harmonie pleine de douceur.
Enfin, au premier plan, des touches plus sombres sous les feuilles de nénuphar évoquent la profondeur du bassin, comme si on plongeait le regard dans l’eau.
C’est la gageure de cette oeuvre, représenter dans l’espace à deux dimensions de la toile tous ces différents plans et volumes dans lesquels l’oeil se perd.
Comme en photographie, pour être réussie l’image picturale doit capter longtemps le regard, le laisser errer d’un point à un autre pour y chercher des réponses.