Chapiteau roman

Chapiteau roman, collégiale de VernonCe magnifique chapiteau roman se trouve dans la collégiale de Vernon. Il représente des lions accolés, complétés par un décor de palmettes.
On peut le dater de la première tranche de travaux de la collégiale, aux alentours de 1052.
Les bêtes au museau proéminent se succèdent en paraissant s’entrelacer, dans un rythme d’une grande élégance.
C’est toujours fascinant d’admirer le bestiaire roman, ce mélange de naïveté, de force, d’humour, de monstruosité et de grâce.
Souvent, comme ici, les chapiteaux sont à hauteur des yeux ou presque. L’architecture romane ne perche pas encore ses voûtes à des altitudes vertigineuses.
Et pourtant, on peut passer à côté des centaines de fois sans voir ces lions.
Je savais qu’ils existaient, mais ils avaient pour moi quelque chose de mythique : ils sont en permanence plongés dans l’obscurité, placés comme ils le sont à l’entrée du déambulatoire, plein Nord.
Et puis, vendredi, au cours d’une visite, parce que ce sont les jours les plus longs de l’année, ceux où le soleil avance hardiment vers le Nord-Est, j’ai découvert les lions, médusée, dans la lumière dorée d’un vitrail. On la devine tout à gauche sur la photo prise deux jours plus tard entre deux messes.
Tout comme le faisceau lumineux du soleil, la photo publiée met en lumière un détail. Nous sommes habitués à ne voir qu’une partie et à en extrapoler le tout. A partir de la photo d’un parasol, nous imaginons toute la plage.
Synecdoque qui peut être trompeuse. Car si vous alliez conclure de cette photo de chapiteau que la collégiale de Vernon est une magnifique église romane, vous risqueriez d’être déçu en découvrant l’édifice, principalement construit en style gothique.
Il faut bien chercher dans les coins sombres pour y trouver quelque chose de roman. Mais la recherche en vaut la peine.

Libres !

Affiche des otages Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière taguée libres !, mairie de VernonA l’écriture hésitante du tag placé n’importe comment sur les visages trop familiers de Stéphane Taponier et d’Hervé Ghesquière, on imagine que quelqu’un s’est penché depuis le balcon de l’hôtel de ville de Vernon pour bomber à l’envers le mot grisant : LIBRES !
En fait ce sont des enfants qui ont tagué l’affiche, au sol, avant qu’elle soit remise en place.
J’avais hâte, après l’annonce de la bonne nouvelle hier, de voir le changement s’opérer sur cette affiche trop vue. Ici, chez nous, dans notre petite ville de province.
A la libération d’Ingrid Bétancourt, la ville de Vernon s’était montrée très réactive. Cela n’a pas manqué cette fois-ci non plus. Le geste tenait de l’urgence : marquer la fin d’un calvaire.
Depuis dix-huit mois, comme mes collègues ailleurs en France, j’ai expliqué tant de fois le sens de cette affiche qui intrigue les visiteurs étrangers. Toujours, quelqu’ait été leur nationalité, les touristes se sont montrés désolés et compatissants. Ce matin enfin, sous un soleil radieux, est venu le moment de raconter le happy end. De lire ensemble le joli mot tremblé.
Les deux journalistes de France télévision avaient fini par faire partie de notre quotidien. A cause d’eux, partis pour nous informer, nous étions tous un peu otages. Un peu culpabilisés d’être libres, à chaque fin de journal télévisuel, à chaque passage devant la mairie. Grâce à leur libération, nous voilà libres aussi. La joie explose !
Si j’ai un voeu à faire, c’est que plus jamais une telle affiche ne vienne fleurir sur les mairies de France.
Non pas que j’imagine l’avènement soudain d’un monde où les prises d’otages n’existeraient plus. Comment ce moyen si commode de lever des fonds en faveur de mouvements de guerilla, procédé vieux comme le monde, pourrait-il disparaître ?
Ce n’est pas davantage de l’indifférence. En tant qu’ancienne journaliste – à ma modeste échelle -, en tant que femme, ou pour avoir vécu en Colombie, la détention d’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, de Florence Aubenas, d’Ingrid Bétancourt m’est insupportable.
C’est plutôt qu’il y a des questions qui dérangent.
« A quoi ça sert, cette affiche ? » me demandent les étrangers. Je ne sais que répondre. Les intéressés ne la voient pas. Les ravisseurs non plus. Il est peu probable qu’elle ait une action quelconque pour faire avancer la libération des otages.
Ou alors, pas forcément dans le bon sens :
« La médiatisation fait monter les enchères dans les négociations », avancent les touristes. J’ai bien peur qu’ils aient raison.
Le débat s’amorce. Les façades de nos monuments doivent-elles vraiment servir de panneau d’affichage ? Les causes à défendre sont légion. Y en aurait-il de meilleures que d’autres, qui auraient droit au devant de la scène ? Politiquement correctes ?
Le débat, pour moi, c’est celui-ci : jusqu’à quel point peut-on nous imposer l’irruption de l’horreur du monde dans notre quotidien ? Avons-nous le droit à l’oubli ? Avons-nous le choix de préférer célébrer la beauté et l’harmonie, et de croire que c’est une façon qui en vaut une autre de faire avancer le monde ?
Si nous n’avons pas ce choix d’éteindre la télé, de refuser le spectacle de l’horreur, c’est nous qui devenons, à notre tour, prisonniers. Otages des otages.

Les pinsons de Giverny

Pinson femelleUne des premières impressions que le visiteur perçoit en entrant dans les jardins de Monet à Giverny, c’est le chant des oiseaux. Les pinsons, très nombreux, n’y sont pas pour rien.
J’ai déjà eu l’occasion de vous présenter les mâles, peu farouches, et très faciles à reconnaître grâce à leur ventre rose et leur cagoule grise.
Voici me semble-t-il une femelle pinson, aux couleurs plus ternes.
Telle que vous la voyez, la pinsonne est prête à passer à table. Elle guette sa prochaine proie.
Voilà déjà plusieurs fois qu’elle s’est envolée pour attraper avec habileté une chenille qui rampait sur cette grande sauge, invisible de tous sauf d’elle.
Quand la pinsonne réussit sa capture, elle n’avale pas immédiatement la larve. Elle se pose d’abord, et paraît réfléchir un instant, tandis que la chenille dépasse de chaque côté de son bec en lui dessinant des moustaches.
Est-ce gracieux ? Est-ce horrible ? Tout à côté des visiteurs qui tournent autour du bassin et ne lui prêtent aucune attention, la pinsonne dessine son propre cercle beaucoup plus court, d’une branche à l’autre de la plante.
A chaque passage, une vie s’achève pour que la sienne se poursuive. A chaque coup de bec, elle soulage la plante, et tue un futur papillon.
Tout cela se passe en silence.
Il y a, sur cette scène du jardin de Monet, dans les branches, les buissons, entre les brins d’herbe, dans les profondeurs de l’étang, une rage des uns et des autres à se nourrir, dont la violence dépasse l’imagination.
Les gueules et les becs se referment dans des claquements imperceptibles, tandis que les pinsons sifflent gaiement. A tue-tête.

Le mot le plus important de la langue française

Sortie Les mots essentiels d’une langue étrangère, ceux qui peuvent vous sauver la vie, ne sont pas ceux que l’on apprend en premier.
J’ai guidé cette semaine un groupe de Slovènes tout juste débarqués à Roissy. Au détour d’une allée de Giverny, j’ai eu la surprise de les entendre dire les quelques mots de français qu’ils avaient mémorisés : « écoutez et répétez ! » Ils les prononçaient sans aucun accent tellement la formule leur était familière.
L’étude d’une langue étrangère fait appel à une sorte de métalangue scolaire. Les premiers mots que l’on apprend font référence à la situation d’apprentissage : leçon, exercice, livre, page… et ce fameux écoutez et répétez ! Rien de bien utile une fois qu’on a atterri à l’étranger.
En matière de contenu, toutes les méthodes commencent invariablement par les salutations et les présentations. Bonjour, je m’appelle Pierre… Hello, my name is Peter. Ça vous rappelle de vieux souvenirs ?
C’est précieux de savoir se nommer. Mais le mot le plus important à connaître, celui que je me suis hâtée d’enseigner à mes visiteurs Slovènes, c’est le mot SORTIE.
C’est un mot qui ne se devine pas. D’autres mots sont transparents dans toutes les langues, on reconnaît facilement, par exemple, les noms de nationalité comme Américains, ou les mots de formation savante comme stéréotype. Et une fois de plus, en écoutant l’interprète slovène, j’étais fascinée d’entendre mon commentaire sur les jardins de Monet se transformer en une langue incompréhensible et mélodieuse, ou flottaient par-ci par-là quelques mots repérables qui me permettaient de suivre le fil de la traduction.
Curieusement, sortie n’a rien d’un mot international. Pas l’ombre d’une syllabe commune avec Ausgang en allemand, salida en espagnol, ou le latin exit utilisé dans les pays anglophones qui le préfèrent, on se demande pourquoi, à leur plus idiomatique way out. Sans parler du slovène où sortie se dit dovoz, paraît-il.
Reste à savoir lire le mot, à l’associer à la graphie. Quand on lit comme on respire, depuis de longues années, on a oublié ce que c’est de ne pas savoir lire. C’est tellement évident.
Cette semaine encore, j’ai guidé un groupe de Japonais. L’accompagnatrice venait pour la première fois, et je la regardais prendre des notes sur le plan de Giverny qu’elle avait dessiné.
A côté du grand atelier, celui où se trouve la boutique de la fondation Monet, elle a écrit « sortie » en idéogrammes japonais. Ça aussi, c’était fascinant.

Dédicace

Vernon, Saint-Marcel & Giverny, Ariane Cauderlier, éditions givernales Déjà un mois que mon livre « Vernon, Saint-Marcel & Giverny » est en librairie, dans les trois villes concernées.
Si je n’en ai pas encore parlé ici, c’est que j’attendais d’avoir avancé le site internet du livre, et trouvé le bon conditionnement pour l’expédier à ceux qui voudraient le commander. Cela est loin d’être terminé, car la saison givernoise bat son plein et me prend tout mon temps.
Mais samedi, je vais faire une pause : une journée à dédicacer l’album, d’abord à la Compagnie des Livres de Vernon de 11h à 13h, (vous trouverez sur le blog de la librairie une présentation du livre par la libraire) puis à l’Espace Culture du centre commercial Leclerc de 14h à 17h.
Je me fais une fête de vous y rencontrer, vous les lecteurs vernonnais de givernews, et j’affûte d’avance mon stylo pour vous écrire plein de petits mots gentils sur la première page…

Les Nymphéas de Latour-Marliac

Nymphéa, GivernyChaque année au printemps, les nénuphars font leur retour. Ce sont des plantes à rhizomes, un peu comme ceux des iris, m'ont expliqué les jardiniers de Giverny.
C'est tout au fond de l'eau, dans la vase où est installé ce rhizome, que se concentre la vie de la plante. La partie visible, en surface, pousse, fleurit puis meurt à l'automne. En bas, la vie continue.
Depuis plus de trente ans, les nymphéas du bassin de Monet n'ont pas eu besoin d'être renouvelés. Ce sont toujours les mêmes que ceux rachetés à la pépinière Latour-Marliac au Temple-sur-Lot au moment de la restauration des jardins, à la fin des années '70, quatre-vingts ans après Monet.
De temps en temps, les jardiniers divisent les rhizomes, comme on le fait pour les iris. La plante, ragaillardie, repart de plus belle.
Tout irait pour le mieux, sans le concours des rats musqués. Ces champions du jardinage aléatoire s'obstinent à venir mettre leur grain de sel dans la vie tranquille de l'étang. Et que je te grignote une tige, et que je te déterre un nénuphar.
Les jardiniers sont obligés de replanter les rhizomes au petit bonheur. Si bien qu'on a un peu perdu la trace de leur nom, on ne sait plus vraiment quelle variété pousse où. On pourrait les retrouver, certes, en cherchant, en comparant les floraisons avec les catalogues. Mais pour quoi faire ? Le bassin de Monet est un vase clos. Pas de nouveau venu, toujours les mêmes bonnes vieilles variétés depuis toujours, plus authentique tu meurs.

Les amoureux des nymphéas Latour-Marliac seront heureux d'apprendre qu'on peut désormais se les procurer à Giverny même. Une petite pépinière, la Capucine, les propose dans sa boutique stratégiquement située entre la fondation Monet et le musée des impressionnismes. On y trouve aussi de grands pots pour les cultiver sans bassin, et des conseils de pros.

Sous l’érable du Japon

Erable du JaponC’est une expérience rare que de regarder le feuillage d’un érable du Japon par en-dessous. Le plus souvent, quand nous croisons un acer palmatum, il est en pot à la jardinerie, et si nous le plantons au jardin, il mettra un temps infini à pousser, comme si on avait l’éternité devant soi.
Savourons donc le privilège, à Giverny, de rencontrer un érable vénérable, en provenance directe du pays du soleil levant, qui a si bien l’art de fabriquer des centenaires. Et c’est au soleil levant, ou levé mais pas encore trop haut, qu’il faut le voir, quand les rayons lumineux encore doux font jouer les couleurs de son feuillage dentelé.
C’est fin, c’est délicat, d’un raffinement tout asiatique.
Dès le printemps, au milieu des jeunes feuilles, on voit déjà les samares, toutes petites, d’un rose tendre, des miniatures de graines ailées qui promettent l’automne.
Les visiteurs s’arrêtent invariablement. L’un après l’autre ils se prennent en photo sous l’arbre, la main posée sur le tronc de l’érable, aussi patiné par ce contact répété que les mains d’Aristide Briand.

Sauterelle

Sauterelle sur fleur de pavotVert sur rouge : si cette sauterelle se croit bien dissimulée sur sa fleur de pavot, c’est qu’elle n’a visiblement pas la même vision des couleurs que nous. Les sauterelles seraient-elles daltoniennes ? Ou feraient-elles davantage confiance à leurs antennes qu’à leurs yeux ?
Des antennes longues comme des cannes à pêche, qu’elles brandissent loin au-devant d’elles, des appendices fragiles susceptibles de se casser.
Être sauterelle, c’est aussi avoir une armure pour protéger tout ce qui est tendre à l’intérieur. Et des cuisses puissantes, capables de vous propulser très loin, dans la direction la plus inattendue. Ça ne vous donnerait pas envie d’essayer, d’être une sauterelle pour un jour ou deux ?

Le printemps des nymphéas

Nympheas, GivernyEffet de la précocité du printemps cette année, les nymphéas sont déjà en fleurs à Giverny. Le plan d’eau de Monet présente son aspect de l’été, avec ses radeaux piquetés de nénuphars colorés.
La glycine au-dessus du pont, en revanche, est fanée depuis deux bonnes semaines. Les visiteurs venus d’outre-Atlantique s’étonnent. Quand fleurira-t-elle ? demandent-ils. Ils sont surpris qu’il soit déjà trop tard pour la voir cette année.
L’hiver a été long et froid aux États-Unis, racontent-ils. Ceux qui viennent des Etats du Nord ont l’impression depuis leur arrivée de se promener dans une région d’une douceur exceptionnelle, une sorte de Riviera normande.
« On va rentrer et il y aura encore de la neige, on en a eu 12 mètres cette année », grognent-ils, tandis que nous clignons des yeux sous le soleil éblouissant et que nous cherchons l’ombre.
Voilà des visiteurs qui vont emporter une idée très spéciale de la Normandie !

Forêt de Bizy

La forêt de Bizy à VernonA tous ceux qui aiment :

la solitude dans la nature,
marcher où bon leur semble,
déjeuner sur l’herbe,
apprendre le nom des plantes,
courir ou laisser les enfants le faire,
pouvoir emmener le chien,
se garer sans se casser la tête,

bref, un vrai moment de liberté et de détente au vert, à dix minutes de Giverny, la forêt de Bizy offre tout cela.
Vous me direz, il y a moins de fleurs, c’est vrai, mais observez qu’il y a beaucoup plus d’arbres !
La ville de Vernon vient d’inaugurer un sentier de découverte sensorielle qui invite à toucher les feuilles et jouer du xylophone, qui explique comment dessiner la forêt, et présente les différentes essences d’arbres qui la composent.
Après le bain de foule de Giverny, une petite balade en forêt, ça ressource…

La roseraie de Monet

Roseraie à GivernyC’est un des coins du jardin de Monet les plus agréables en ce moment : la petite roseraie située à gauche de la maison du peintre est en pleine floraison, en même temps que les rhododendrons et les seringats. Des cascades de fleurs blanches ou roses dégringolent des arbustes et des buissons, mêlant leurs fragrances printanières.
Au bout de la roseraie, le premier atelier de Monet ouvre sa verrière sur ce spectacle, qui s’offrait à l’identique à la mi-juin l’année dernière.
Peu de visiteurs viennent faire un tour dans cette petite allée à l’écart, où un banc amical permet d’admirer à loisir les fleurs et les arbres en espaliers.
Le clos normand s’entoure ici d’un mur très haut, car le jardin de Monet est en contrebas de la rue en raison de la pente de la colline.
Bien protégés des vents, exposés plein sud, les rosiers trouvent ici des conditions idéales pour s’épanouir.

Un peu too much

Printemps à Giverny« C’est presque un peu trop ». La personne qui fait ce commentaire à côté de moi ne parle pas des allées noires de monde, mais des massifs du jardin de Monet. Ils débordent d’iris, de juliennes des jardins, de pivoines, de roses.
Trop de fleurs ? Voilà un ressenti qui mérite qu’on s’y arrête. Un sentiment d’excès, tempéré par ce presque, et cet un peu. Comme s’il y avait une limite à ne pas franchir dans l’abondance des fleurs, et que le jardin de Giverny en ce moment s’en rapprochait, ayant dépassé le juste bien, mais pas encore atteint la démesure totale.
C’est presque un peu trop, cela appelle l’idée d’un équilibre. L’oeil doit trouver à se reposer entre les massifs. Et non pas s’affoler, sans repère, dans l’exubérance végétale du printemps.
Le regard supporte sans fatigue ce qu’il analyse sans effort. Les grandes zones unies de pelouse ou d’eau, les masses vertes de feuillages, la répétition d’une même fleur façon champ de tulipe ou de colza. Mais la vue se perd dans les zones où la couleur est morcelée en fragments. Notre petit logiciel interne d’analyse d’image boucle, patine, et se montre tout à coup moins performant.
Le regard, instinctivement, cherche un motif plus académique, plus lisse. Le jardin impressionniste de Monet, où chaque fleur est un coup de pinceau et où les massifs chatoient de touches colorées juxtaposées, se heurte à la même incompréhension qu’à ses débuts sa peinture.

Les pieds sur terre

Nymphéas
Voilà une semaine que les premiers nymphéas sont ouverts, des nymphéas blancs du côté sud-est du bassin : depuis le 7 mai, record de précocité de ces dernières années.
Qu’ils aient des fleurs ou non, on ne se lasse pas de photographier les nymphéas. Il suffit de mettre ses pas dans ceux de Monet pour être d’accord avec lui. Les vues générales du bassin, « c’est bien beau », mais quand le regard s’abaisse et qu’il rencontre les nénuphars, le jeu graphique et coloré devient infini.
A suivre les compositions géométriques qu’ils dessinent, on flotte entre le réel de leurs feuilles et le virtuel des reflets, l’infini du ciel et la proximité du plan d’eau.
L’esprit s’évade, la tête dans les nuages, tandis que le concret des feuilles qui flottent permet de garder, à l’image des nymphéas attachés au fond de l’eau, les pieds sur terre.

Lever de soleil sous la glycine

Le pont de Monet à GivernySept heures du matin.
Entre l’aube et l’aurore, le bassin de Monet souffle son haleine fraîche et humide en exhalaisons de brumes.
Leurs lentes évolutions donnent vie à la surface.
Des volutes vaporeux s’élèvent.
Leurs formes évanescentes vacillent, vont et viennent au gré d’un souffle de vent.

A sept heures vingt, le soleil surgit derrière la colline, lance ses rayons roses, s’empare des brumes, les empoigne, les fait danser.
Leur valse s’accélère, l’or du ciel les embrase, tout flamboie dans le grand chaudron du bassin de Giverny.

Isatis tinctoria

Isatis tinctoria, pastel des teinturiersCette plante mousseuse couleur fleur de moutarde qui donne du volume aux massifs jaunes de Giverny a un sérieux passif : c’est l’isatis tinctoria, le pastel des teinturiers.
Le pastel, c’est bleu pâle, tendrement délavé, de la couleur du ciel normand en été quand il y met du sien. Une fleur jaune qui donne du bleu ? Voilà un paradoxe que Monet n’aurait pas dénié.
C’est des feuilles de l’isatis que l’on extrait, si l’on y met de la persévérance et du savoir-faire, la teinture qui a fait la fortune de plusieurs régions de France au Moyen Âge, en particulier le Lauragais, dans le Midi toulousain. C’était alors la seule façon d’obtenir du bleu.
Comment nos ancêtres ont-ils fait cette découverte ? Elle force l’admiration, car elle ne peut être fortuite tant la méthode de fabrication est complexe. J’imagine que les plus inventifs de nos aïeux ont multiplié les expériences avec toutes sortes de produits trouvés dans la nature, à la recherche de celui qui allait permettre de teindre les étoffes. Un jour, les efforts de l’un d’eux ont payé, il a découvert une méthode pour extraire l’indigotine du pastel.
Porter des vêtements colorés, vivre dans un monde où les objets ont de multiples teintes, tout cela nous paraît si normal que nous n’y pensons même pas. Il nous faut forcer notre imaginaire à se figurer un monde où seule la nature déploie des couleurs, tandis que les objets de l’activité humaine présentent des teintes monotones. On comprend alors cette fièvre du bleu qui a conditionné l’activité de toute une région, et bâti des fortunes encore visibles dans les beaux hôtels particuliers renaissants de Toulouse.

Le petit pont de bois

Petit pont cintré, jardin de Monet
A l’extrémité du bassin de Claude Monet, un petit pont arqué fait écho à la passerelle qui enjambe l’étang à l’autre bout. Ici, pas de pergola ni de glycines. Le petit pont se remarque à peine, si peu cintré, si discret au milieu du vert.
Son reflet dessine un oeil ouvert, ou encore une bouche en train de happer tout ce qui flotte à la surface, à la façon d’une carpe.
C’est l’endroit idéal pour admirer la nappe d’eau piquetée de feuilles de nénuphars.
Le pont, situé en milieu humide et emprunté par des millions de visiteurs, a eu besoin de réparations cet hiver. Le tablier a été refait en belles planches toutes neuves.
Les visiteurs attentifs en font parfois la remarque. Le bois pas encore patiné leur rappelle qu’on est ici tout à la fois dans l’authentique et dans la réplique. Giverny ne cesse de se recréer, encore et encore.
Mais ce qui préoccupe encore davantage les visiteurs, c’est de savoir quel est le pont que Monet a réellement peint. Deux ponts à la japonaise, c’en est un de trop. Lequel est « le bon » ? Il ne se passe pas de jour sans que quelqu’un pose la question.

Les carpes du parc

CarpeLes carpes sont à l’étang de Monet ce que les baleines sont à l’océan. Elles ont des cétacés la couleur grise et l’ondulation à la fois souple et lourde. On les guette, à défaut du souffle jaillissant de leurs évents, les visiteurs repèrent leurs bulles. Les carpes créent l’évènement dès qu’elles s’approchent du bord.
Peu leur chaut : il en faut beaucoup pour émouvoir une carpe. Elles laissent les enfants s’écrier, les adultes montrer du doigt. Elles poursuivent leur objectif. Est-ce une pensée intérieure, même fruste, qui les guide dans leurs évolutions aquatiques ? Ou est-ce le seul hasard qui prévaut à leurs déplacements ?
Elles s’agitaient ce matin, en train de frayer sans doute, bondissant avec une énergie inhabituelle hors de l’eau où elles ondoyaient deux par deux.
Parfois on les surprend, avec leur tête étrange, profilée comme le cockpit d’un avion, les yeux renfoncés, la lippe boudeuse. Elles se glissent entre les nénuphars, en gros sous-marin qui peine à être furtif. Elles sont ici chez elles, comme leurs cousines de papier sur les estampes d’Hiroshige que Monet aimait, et qui on pris leurs quartiers sur les murs bleus de sa maison.
Les carpes voient notre monde par en-dessous. Nous sommes de l’autre côté de la surface, inaccessibles et lointains. Bruyants.
Elles, elles ont fait voeu de silence, tandis qu’elles tournent autour des tiges de Nymphéas.
Certains jours, où j’ai dû parler plus que de raison, je dois avouer que je les envie.

Complémentaires

Tulipes rouges au jardin d'eau de MonetLes dernières tulipes sont en fleurs à Giverny.
Du côté du jardin d’eau, quelques-unes percent les pelouses qui bordent le bassin.
Au milieu de l’harmonie de tons de verts qui règne autour de l’étang, leur rouge éclate, plus radiant que jamais.
C’est l’effet des couleurs complémentaires, qui se font vibrer réciproquement jusqu’à la stridence.
On pense à Camille Corot, qui disait qu’il faut toujours un accent rouge dans un tableau.
Les petites tulipes aux pieds des grands arbres verts jouent ce rôle de réveiller les tons apaisants des feuillages.

Sous presse

Vernon en cours d'impressionC’est une expérience qu’on ne vit pas tous les jours : hier, j’ai passé la journée chez l’imprimeur pour assister à l’impression d’un livre qui sera publié début mai. Comme vous le voyez, il s’intitule Vernon. Et peut-être cette vue de la Seine et de la collégiale au soleil couchant vous dit-elle quelque chose ?
Vous avez deviné ? Comme les auteurs-compositeurs interprètes, me voilà devenue tout à la fois auteur, photographe, et éditeur d’un livre. C’est un peu effrayant de s’initier à tant de métiers à la fois. J’ai pris mon temps. Voilà cinq ans que je planche sur le sujet.
Arriver au bout de ce projet est une grande joie. Toutefois, je n’étais pas tout à fait seule à le porter. Comme tout ce que l’on réalise dans la vie, il est toujours question de la confiance que l’on a en soi, et de celle que vous insufflent les autres. Tout au long du parcours, les encouragements m’ont aidée à continuer, précieux soutien des proches, soutien inattendu de personnes que je ne connais pas encore. Je voudrais particulièrement remercier les lecteurs de Givernews qui ont eu la gentillesse de me faire part de leurs appréciations. Sans qu’ils s’en doutent, tous ces petits mots à propos du blog ont été des moteurs pour poursuivre ailleurs le travail et aller de l’avant.
D’autres personnes m’ont aussi apporté leur aide directement, surtout en relisant avec attention le manuscrit, qui s’est beaucoup amélioré grâce à leurs remarques.
Enfin, le talent de la graphiste Natalie Bessard a fait des merveilles, elle a su faire cohabiter les textes et les photos en harmonie. Je suis vraiment contente du résultat.
Comme son nom l’indique, le livre porte sur la ville de Vernon, ainsi que sur ses deux petites voisines, Saint-Marcel et Giverny. Il compte près de trois cents photos qui tentent de restituer l’âme de Vernon, paysages du bord de Seine, monuments, maisons, forêt…
J’aime beaucoup ma ville, comme vous la vôtre sans doute. Les lecteurs du blog retrouveront mon enthousiasme habituel, dans des textes que j’ai essayé de rendre aussi légers et faciles à lire que possible. En fait de textes, ce sont surtout des légendes de photos. Le livre se parcourt rapidement, mais n’en est pas moins précis et bien documenté. En cinq ans, j’ai eu le temps de lire à peu près tout ce qui a été publié sur Vernon.
Dans quinze jours, l’ouvrage sera relié d’une couverture cartonnée, et livré. Si vous souhaitez le commander et n’habitez pas Vernon, vous pouvez m’écrire un commentaire que je ne publierai pas, ou encore m’adresser un courrier à mon adresse postale qui figure tout en bas de ce blog. Le prix de vente est de 27 euros. Et comme il se doit dans les faire-part de naissance, voici les mensurations du nouveau-né : 128 pages couleur, 25×28 cm. Le poids ? 1080 grammes, un beau bébé !

Pointillisme de printemps

CornouillerVoici ce que l’on découvre le matin en débouchant dans le jardin d’eau de Monet.
Tout fait touche de peinture dans la lumière matinale : les feuilles vert tendre, les pensées aux couleurs de porcelaine, les tulipes mauves, et les fleurs des cornouillers. On aperçoit à peine, tout au fond près du pont japonais, le cornouiller rose, mais devant, le blanc, un cornus kousa milky way, étale ses branches presque jusqu’au sol.
Milky way, la voie lactée : son nom lui va bien, lui qui se couvre de milliers de fleurs blanches au printemps. Je suis sûre que le soir, il doit luire doucement dans l’obscurité.

Bonnard en Normandie au Musée des Impressionnismes

Exposition Bonnard en Normandie au Musée des ImpressionnismesPierre Bonnard émerveille ou déconcerte. On peut à nouveau en faire l’expérience en visitant la belle exposition que lui consacre le Musée des Impressionnismes de Giverny jusqu’au 3 juillet 2011.
La sélection de 80 oeuvres présentée, accompagnée de photos et d’archives, se concentre sur une partie du travail de Bonnard qui n’est pas la plus étudiée : celle réalisée en Normandie, principalement à Vernon, de 1910 à 1938.
Le rayonnement de Monet à Giverny est tel qu’il éclipse celui de Bonnard, qui résida à cinq kilomètres. C’est dans un hameau de la rive droite de la Seine que le peintre discret a élu domicile. Le lieu s’appelle Ma Campagne, du nom de l’auberge voisine. La maison de Bonnard, baptisée La Roulotte par son propriétaire précédent, peintre lui-aussi, s’accroche au coteau et domine la Seine.
Outre le voisinage de son ami Monet, c’est la situation de la maison, certainement, qui a séduit Bonnard. Lui qui aimait séjourner dans plusieurs maisons différentes, au point que ses amis l’appellaient Cadet Roussel, choisissait toujours des lieux à l’écart des choses. Bonnard ne descendait pas à Deauville mais à Trouville, il préférait le Cannet à Cannes, il a évité l’agitation de la colonie picturale de Giverny pour s’installer à Vernonnet. Et toujours, ses maisons dominaient le paysage, offrant une vue magnifique.
Peintre nomade, Bonnard dessinait ou peignait dans des chambres, sans atelier. Pour travailler, il punaisait la toile sans cadre au mur. Au bout de quelques semaines, quand il pliait bagages pour aller séjourner ailleurs, les toiles en cours étaient roulées et accrochées au toit de la voiture, pour les poursuivre ailleurs, interminablement.
Car Bonnard n’est pas, dans sa période normande, un impressionniste, peignant sur le motif l’effet fugitif de la lumière. Au contraire, Bonnard absorbe le motif, le mâchouille dans son imaginaire, l’élabore, et le restitue magnifié, transfiguré de son art minutieux et savant.
Ainsi, les impressions lumineuses ressenties sur la Côte d’Azur se déposent sur le paysage de la vallée de la Seine, lui donnant des bleus intenses inattendus, des vibrations de violet et d’orange qui évoquent le soleil du Midi.
Enchanté ou dérouté, le spectateur scrute la toile. La peinture de Bonnard demande qu’on prenne le temps, elle ne se livre pas au premier coup d’oeil. Au bout d’un moment, la vie d’abord dissimulée sourd du tableau. Tiens ! Un petit chien était caché derrière la table ! Oh ! Un personnage apparaît sur le balcon ! Pierre Bonnard mettait beaucoup de temps à peindre ses toiles. On peut bien en prendre un peu à les regarder.

Les plus beaux villages de l’Eure

Le village du Bec-HellouinLes moines ont toujours su admirablement choisir les endroits où ils construisaient leurs monastères. La belle abbaye du Bec-Hellouin est nichée dans une petite vallée verdoyante, celle du Bec, et elle est accompagnée d’un petit bijou de village normand.
Le département de l’Eure possède deux villages labellisés « plus beaux villages de France » : Lyons-la-Forêt et le Bec-Hellouin.
Deux villages, ce n’est pas énorme, mais la vocation touristique de l’Eure n’est pas aussi prononcée que celle des départements qui concentrent le plus de villages labellisés, comme, disons, la Dordogne, où ils sont les uns à côté des autres.
Tout près de Giverny, dans le Val d’Oise, la Roche-Guyon est le seul village labellisé de toute l’Ile-de-France, une région pas vraiment en pointe pour le tourisme rural.
Ce n’est pas une distinction qui tombe du ciel, mais le fruit d’une démarche de la municipalité. Pour entrer dans le club assez fermé des Plus Beaux Villages, qui ne compte actuellement que 155 membres en France, il faut d’abord le demander. Et satisfaire à une série de critères, dont certains éliminatoires. Il est ainsi impératif de rester sous la barre des 2000 habitants, et d’avoir au moins deux monuments classés.
27 autres critères sont examinés par le jury avant l’attribution du label. Si le résultat est concluant, le gain en terme d’image sera très important. Le coût lui aussi n’est pas négligeable, puisque le village doit payer une cotisation annuelle de plusieurs euros par habitant.

Fraîcheur printanière

GivernyC’est officiel : de l’avis des jardiniers de Giverny, le printemps a trois semaines d’avance. L’an dernier, il était à l’heure, et il nous avait livré ses floraisons en temps voulu. Cette année, le revoici qui s’emballe.
La faute à la neige et au froid qui sont arrivés tôt, eux aussi. Noël enfoui sous un manteau blanc, c’est un spectacle rare sur les bords de l’Epte. Les plantes ont pris leurs quartiers d’hiver de bonne heure.
Mais l’hiver a remballé ses affaires presque aussitôt. Janvier et février n’ont pas été glaciaux, et un mois de mars bien doux a sonné l’heure du renouveau. Les plantes avaient leur compte d’hiver. Elles se sont ruées dans le printemps sans hésiter.
Les premières fleurs de la saison se sont montrées en mars, dans des jardins de Monet fermés, et les jolies journées de cette semaine ont vu monter en puissance les fleurs qu’on attendrait fin avril, tulipes, fritillaires, myosotis et azalées.
C’est le moment de venir à Giverny, pendant que le printemps y déverse tous ses charmes. La lumière éclatante sur la végétation toute fraîche est irrésistible.
Les matins sont merveilleux. Les après-midis, presque trop chauds. Oserons-nous nous en plaindre ?
On a des envies de pique-nique au bord de l’eau, dans les prairies toutes jaunes de pissenlits. Les arbres en fleurs sèment des pétales partout, en jolie neige d’avril. Ce matin, j’ai vu les premières hirondelles.

Ficaires et pensées

Ficaires et pensées bleues à GivernyCe petit massif du jardin d’eau est un vrai concentré de l’esprit de Claude Monet comme jardinier. Des pensées de différents bleus ont été plantées au milieu de ficaires qui ont dû arriver là spontanément.
La ficaire est presque aussi envahissante que le bouton d’or avec qui elle cousine, mais on lui pardonne ses manières de conquistador à cause de ses jolies feuilles vertes qui tapissent bien les sols frais, et surtout par tendresse pour ses petits soleils qui s’ouvrent dès qu’il y en a (du soleil ; quand il fait gris, elle boude, et elle n’est pas la seule).
Monet aimait accueillir des fleurs sauvages dans son jardin, et on y voit en ce moment, outre les ficaires, des primevères dodues d’un jaune doux. Le peintre appréciait aussi l’accord du bleu et du jaune, tel qu’il éclate dans sa salle-à-manger.

Le jardin de Monet est drôlement fleuri pour un 1er avril, avec au moins quinze jours d’avance sur l’année dernière. Les prunus et les cerisiers du Japon sont déjà passés, par exemple, tandis que les pelouses débordent de narcisses et de tulipes.
Et naturellement, on peut compter sur les pensées. Il y en a partout, en tapis colorés aux teintes changeantes, une vraie exposition de tous les tons qu’elles peuvent prendre. Les jardiniers en ont planté des milliers et des milliers, dans tous les recoins imaginables.

C’était la rentrée aujourd’hui à Giverny, avec tous les sentiments mêlés qu’on éprouve d’habitude en septembre, regrets que les vacances soient finies, joie de revoir les copains ou les collègues, difficultés à se remettre en route, plaisir de retrouver son travail, curiosité autour des nouveautés…
Différents tons de bleu, et différents tons de jaune.

Chapelle Saint-Martin

Chapelle Saint-Martin de Château sur EptePeut-être cette photo vous dit-elle vaguement quelque chose. J’avais été intriguée, il y a plus d’un an, par cette chapelle tronquée, et vous avais fait part de mes conjectures.
Samedi dernier, j’ai découvert le fin mot de l’histoire de cette église, à l’occasion d’une journée de formation en compagnie d’un archéologue. Une histoire encore plus étonnante que ce que j’avais pu imaginer.
Cette chapelle s’élève à Château-sur-Epte et se nomme chapelle Saint-Martin. Une dédicace à Saint-Martin indique en général un édifice très ancien. C’est le cas ici.
Remontons à la fin du 11e siècle, vers 1096. Guillaume le Roux, fils de Guillaume le Conquérant et duc de Normandie, a décidé de construire un château-fort pour défendre la frontière de son domaine avec le royaume de France. Au sommet du coteau qui domine l’Epte, à 1,5km de la voie romaine, il fait élever une motte castrale surmontée d’une tour. La forteresse prend le nom de Château-sur-Epte. Elle se dresse à huit cents mètres d’un village regroupé autour d’une église paroissiale, notre chapelle Saint-Martin, une église complète plus grande qu’aujourd’hui.
Le duc est tué dans un accident de chasse, et c’est son frère Henri Ier Beauclerc qui lui succède. Le nouveau duc décide que la forteresse de Château sur Epte doit être entourée d’un village, lui-même fortifié. Comment remplir ce bourg castral ? C’est simple : d’une main ferme qui manie la carotte autant que le bâton, le duc va obliger les habitants de la paroisse Saint-Martin à déménager.
Voilà donc tout le village de Château-sur-Epte qui se translate de huit cents mètres. Le duc est content, il va pouvoir contrôler la production des artisans, les ventes sur les marchés, et percevoir des taxes qui serviront à entretenir le château.
Les habitants, de leur côté, sont peut-être moins enthousiastes. Car leur église n’a pas suivi le mouvement, elle est restée à son ancien emplacement. Et les fidèles de multiplier les aller-retour entre le bourg et la chapelle, maintenant perdue au milieu des champs.
Les navettes ont duré aussi longtemps que la chapelle est restée église paroissiale, jusqu’au 19e siècle. Puis elle a été abandonnée et elle est devenue une carrière de pierres. Il n’en reste plus que l’abside et une partie du choeur, tout le reste a été démoli.
Pour étayer son hypothèse concernant le déplacement du village, notre archéologue nous a raconté qu’autour de la chapelle on trouve fréquemment, à l’époque des labours, des fragments de céramiques datant du 10e au 12e siècle, et jamais au-delà. C’est le signe de la présence d’un village à cet endroit, puis de sa disparition.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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