Musée d’Art Américain Giverny : expos 2008

Musée d'Art Américain GivernyLe Musée d’Art Américain rouvrira ses portes le 1er avril prochain avec deux belles expositions : « le temps des loisirs », déjà présente l’année dernière, qui restera à l’affiche pendant toute la saison et « portrait of a lady » à voir jusqu’au 14 juillet 2008.
Le temps des loisirs propose un parcours à travers l’histoire de l’art américain à partir d’oeuvres de la Terra Foundation for American Art. Le thème retenu, les loisirs, est décliné depuis le 18ème siècle, lorsque le loisir se résumait à une brève interruption dans le travail, à la faveur du passage d’un musicien ambulant par exemple, jusqu’au 20ème siècle et à l’invention des loisirs de masse caractérisés par l’image de plages bondées. Dans l’intervalle, au 19ème siècle, les loisirs sont devenus l’apanage d’une bourgeoisie aisée qui marque par son oisiveté l’accession à un rang social élevé.
Cette évolution sociologique se révèle dans les sujets des tableaux sélectionnés, le parcours chronologique faisant apparaître en parallèle l’évolution de l’art pictural aux Etats-Unis sur une période de deux siècles.

Portrait grisL’exposition Portrait of a lady (portrait de dame) proposée en même temps ce printemps au MAAG se focalise sur une période de temps beaucoup plus courte : des années 1870 à la Première Guerre Mondiale, c’est-à-dire à peu de choses près la période où Giverny était une colonie d’artistes américains.
Les 35 peintres et photographes qui ont été sélectionnés pour cette exposition ont tous plusieurs points communs : ils sont Américains, leurs oeuvres appartiennent à des collections françaises, elles ont pour sujet principal une femme.
Il est assez étonnant de voir à quel point les musées français regorgent d’oeuvres d’artistes américains, achetées par l’Etat, données par les artistes eux-mêmes pour leur promotion ou léguées par des particuliers. Une étude financée par la Terra Foundation a permis de les recenser tous. Les portraits féminins y figurent en bonne place.
Sous les pinceaux américains, devant l’objectif, c’est une femme élégante et idéalisée qui apparaît, une beauté sublime et gracieuse qui contraste avec l’image plus sensuelle de la femme offerte à la même époque par les peintres français.

Ci-dessus : John White Alexander Portrait gris dit aussi La Femme en gris, vers 1893. Huile sur toile, 190 x 90 cm Paris, musée d’Orsay ©Photo RMN / Hervé Lewandowski

Bardeau

toit de bardeauAu château de la Roche-Guyon, le petit bâtiment qui abrite l’escalier d’honneur ressemble à une chapelle. L’escalier qui mène au donjon permet de l’observer depuis le dessus.
Un joli toit un peu rustique, n’est-ce pas ? Il est composé de petites planchettes de bois, des bardeaux.
Pourquoi ne pas l’avoir fait en tuiles ou en ardoises, matériaux plus « nobles » qui paraîtraient mieux convenir à un château ?
Parce qu’on n’en finirait pas d’avoir des tuiles ou des ardoises cassées. Placée au pied de la falaise, le bâtiment est exposé aux chutes de petits bouts de pierres. Avec son toit en bois, il ne risque rien. Les cailloux rebondissent sur le bardeau et finissent leur chute en roulant tranquillement dans la cour.
A la Roche-Guyon toutes les maisons construites à proximité de la falaise ont des toits de bardeaux.

Humour noir

porte blindée avec judas Un visiteur du château de la Roche-Guyon a remarqué la ressemblance entre les portes blindées munies de judas qui protègent l’accès du donjon et… les entrées bien gardées des boîtes de nuit ! Il lui a suffit de ramasser un bout de craie détaché de la falaise pour écrire sur la porte la précision qui manquait :

BOITE DE NUIT
TENUE CORRECTE EXIGEE

Concentrée sur l’aspect médiéval du château, je n’ai rien remarqué quand j’ai fait la visite et pris la photo. Ce n’est que face à l’écran que j’ai découvert cette légende au savoureux humour noir.
Après être passée à côté en gravissant puis en redescendant les quelque 250 marches qui mènent à la tour, c’était vraiment avoir l’esprit de l’escalier.

Sourire

Photo AFPÇa s’est passé hier à Zurich. Deux des tableaux volés la semaine dernière ont été retrouvés : le van Gogh et le Monet.
Il manque encore le Cézanne et le Degas, mais tout de même, quelle joie de récupérer ces deux-là.
Regardez le sourire radieux du porte-parole de la police de Zurich, M. Cortesi, pendant la conférence de presse. Il y a des jours qui comptent dans la vie d’un représentant des forces de l’ordre.
Et derrière lui, les deux oeuvres magiques aux formats identiques se répondent, le gros plan et le paysage.
Il se chuchote qu’ils ne seraient réapparus que contre compensation… Si c’est vrai, le secret est bien gardé dans un coffre suisse. C’est peut-être mieux de ne pas savoir.
Souhaitons un prochain épilogue aussi heureux pour les deux autres tableaux.

Passage secret

passage secretOn croirait se trouver dans les entrailles d’un monstre.
A la Roche-Guyon, le château situé au bord de la Seine est relié à son donjon en haut de la falaise par un passage secret. Un incroyable escalier s’enfonce dans l’épaisseur du roc.
Les bâtisseurs ont réalisé un exploit, mais un exploit relatif : la pierre est assez tendre à la Roche-Guyon, c’est un genre de craie entrecoupée de rangées de silex. Depuis toujours on a exploité cette possibilité de la creuser facilement. Le village était à l’origine entièrement troglodytique, il compte encore beaucoup de cavités, qu’on nomme ici des boves.
La visite du château de la Roche-Guyon est passionnante, il y a tant à voir qu’on ne peut tout parcourir en une fois. Pourtant, il faut garder un peu de place pour le dessert.
La montée au donjon, c’est vraiment quelque chose d’extraordinaire. Elle demande un peu de condition physique : plus de 150 marches très hautes, 40 cm pour certaines. Mais quelle sensation étonnante de se trouver dans ce boyau tout blanc de craie, bouché au 18ème siècle et redécouvert au 20ème ! Et quelle récompense au sommet, avec la vue qui se déploie sur le village, la boucle de la Seine et se perd à l’horizon dans la brume…
Il n’y a plus de guetteurs au château de la Roche-Guyon. Mais un gardien surveille le donjon et les visiteurs qui s’y trouvent. Autant dire qu’il s’avale quelques milliers de marches toutes les semaines, à la montée et pire, à la descente.
Ce métier, ça vous fait des mollets de cycliste et un coeur d’alpiniste.

Tour Saint-Martin

La Tour Saint-Martin à Mantes-la-Jolie, FranceIl y a des tours d’enceintes moyenâgeuses qui font les faraudes sous les feux de la rampe tous les soirs, enfilées comme des perles le long d’un rempart caressé par les projecteurs. Des monuments choyés, bichonnés et pomponnés, habilement restaurés par des entreprises hautement qualifiées.
Et puis il y a les tours oubliées au fond des cours, toutes monuments historiques qu’elles soient.
C’est une surprise délicate pour le promeneur de découvrir par hasard l’une de ces vieilles dames endormie dans son coin. Elle a l’air de s’être trompée d’époque. Elle se demande peut-être ce qu’elle fait là, dans ce parking réservé à la clientèle. Pour le passant, c’est l’irruption d’un témoin d’un autre âge dans notre monde actuel, une impression qui peut être plus forte que devant un monument soigneusement mis en valeur qui a toujours un petit côté déco.

A Mantes-la-Jolie, la tour Saint-Martin défie le temps dans une arrière-cour à l’écart des flux touristiques. Elle semble à l’abandon, mais elle n’est pas ignorée pour autant, un panneau explicatif renseigne le promeneur qui aurait l’idée de diriger ses pas de ce côté, peut-être en suivant l’itinéraire de la promenade Saint-Maclou proposée par la ville.
Autrefois la tour faisait partie des remparts qui protégeaient les habitants de Mantes, elle gardait la Porte aux Saints voisine et le prieuré Saint-Martin qui lui a donné son nom. Elle date du 15ème siècle.
Pourquoi, quand on a démantelé l’enceinte, a-t-on conservé cette tour ? Mystère !
Le palimpseste n’a pas été tout à fait gratté, il reste des traces déchiffrables qui nous rappellent que nous ne sommes pas les premiers à marcher à cet endroit.
Si cela pouvait nous aider à nous souvenir que nous ne serons pas les derniers non plus…

Vol de tableau

Coquelicots près de Vétheuil, Claude MonetLa fondation Bührle l’appelle les Coquelicots près de Vétheuil. Ce tableau de Claude Monet a été volé dimanche.
J’avais déjà parlé de Champ de Coquelicots près de Vétheuil, et la nouvelle de sa disparition me choque et me peine.

Il y avait paraît-il quinze personnes encore présentes dans les salles du musée au moment où les gangsters ont fait irruption avec leurs visages masqués et leurs armes braquées. Cela a dû être un moment épouvantable à vivre. Un cauchemar éveillé.
Prenons-nous des risques à visiter les musées, comme nous en prenons tous les jours sans y penser en allant à la banque ou à la station service ? Toute l’année j’ai répété aux visiteurs qui regrettaient de ne voir que des reproductions chez Monet que cela valait mieux pour notre sécurité à tous. Pour le grand banditisme, nos vies ne valent pas cher face à une concentration de chefs d’oeuvre.

Si je suis peinée, c’est que voici une oeuvre soustraite à l’admiration du public. Elle vient de basculer de l’autre côté du miroir, seules quelques personnes peuvent la voir. Les toiles de maître dont la cote grimpe trop haut attisent les convoitises. Que va devenir celle-ci ? Les voleurs sauront-ils en prendre soin ? La reverra-t-on ? Finira-t-elle par être relâchée moyennant rançon, à la façon d’un otage ?
En attendant et jusqu’à nouvel ordre, le musée zurichois est fermé. Le site de la fondation Bührle reste néanmoins ouvert, avec sa visite virtuelle des salles.
Je me suis promenée de pièce en pièce à la recherche des Coquelicots de Monet. La toile se trouvait dans le salon de musique de cette villa du 19ème siècle, avec à ses côtés les trois autres oeuvres volées.
Ce n’est pas très étonnant que les voleurs se soient servis dans la même pièce. Mais voir « revivre » ces oeuvres dans leur accrochage d’avant le vol a quelque chose d’émouvant et navrant. Le panoramique permet de faire le tour de la salle, photographiée alors qu’elle était intacte. On voit le Monet, le Degas, le van Gogh, le Cézanne, tous côte à côte ou presque dans cette petite pièce.
On admire, on déplore, et tout à coup une pensée insidieuse, odieuse, fait surface. Les braqueurs ont-ils surfé sur ces mêmes images pour préparer leur coup ? Cette affaire relancera-t-elle le débat autour de l’opportunité de proposer des visites virtuelles ?

Le prix du beurre

La tour de Beurre, cathédrale de Rouen On avait eu la fracture sociale, puis l’insécurité, voici maintenant que le pouvoir d’achat est le préoccupation essentielle des Français. C’est du moins l’avis des médias qui excellent dans l’art de faire du neuf avec du vieux.
Le coût de la vie, n’est-ce pas une vieille rengaine ? Il y a déjà quelques années, je me souviens que la question du prix du beurre animait les repas de famille. C’était devenu un jeu de lancer le sujet et de voir combien de temps le débat allait durer.
Aujourd’hui leur porte-monnaie raplapla contraint les Français à se serrer la ceinture, et voyez comme les choses sont bien faites, on vient d’entrer en Carême mercredi dernier.
On n’a plus qu’une très vague idée de ce que ce mot recouvrait de privations pour les chrétiens d’avant le concile de Vatican II, jusque dans les années 1960, et de l’habileté qu’il fallait pour préparer un repas sans viande ni graisse animale ni oeuf ni lait.
Il y avait pourtant un moyen jadis, c’était de faire un don important à l’église, ce qui vous valait l’indulgence du clergé et vous autorisait à consommer des aliments interdits pendant le Carême. A Rouen on dit que c’est grâce à la gourmandise des bourgeois que la tour sud de la cathédrale a pu être bâtie. Ils désiraient tant continuer à savourer le bon beurre normand qu’ils payaient sans sourciller. La tour, en pierre un peu plus jaune que le reste de l’édifice, a gardé le nom de tour de Beurre.
Je me demande à combien pouvait bien leur revenir la plaquette de beurre alourdie de cette « taxe ». Cela devait en faire un produit affreusement luxueux pendant 40 jours.
Il faut croire que leur pouvoir d’achat ne devait pas trop préoccuper les riches Rouennais…

La rose du Paradis

Rosace cathédrale d'Evreux Une rose à chaque porte, c’est le raffinement des plus belles églises du Moyen-Age. A la cathédrale d’Evreux, le portail ouest et chaque bras du transept est orné de sa rosace.
La règle veut que les églises soient pointées vers l’Est, comme de grandes boussoles qui désigneraient la Terre Sainte. Elles ont la forme d’une croix. La partie la plus sacrée, le choeur, se trouve à l’Est. La plus profane, celle par où entrent les fidèles, à l’ouest.
Le transept, la branche « horizontale » de la croix formée par le plan de l’église, se retrouve orienté Nord-Sud, le Nord à gauche et le sud à droite quand on se place au pied de la croix, face à la porte ouest de l’église. (Il va de soi que cette règle d’orientation des églises souffre de nombreuses exceptions, c’est ce qui fait leur charme.)
Les bâtisseurs ont aimé représenter le Jugement dernier du côté où le soleil se couche, comme un symbole de la fin du monde. C’est une scène que l’on retrouve souvent au dessus de l’entrée, au tympan, ou alors dans la rose qui orne la façade ouest. A Evreux le Jugement dernier avec ses damnés et ses démons est carrément au Nord, c’est le thème de la rose Nord du transept.
En face de l’Enfer, la rosace qui lui fait pendant côté Sud a reçu le nom de rose du Paradis. Elle date de la fin du 15ème siècle, elle a été construite sous le règne de Louis XI. Il y a un quart de siècle, on pouvait encore admirer les couleurs pastels de ses magnifiques vitraux qui représentaient le couronnement de la Vierge. Malheureusement, les verrières ont été détruites en 1983 par un orage de grêle. Il ne reste que le réseau de pierre, d’une élégance parfaite.

Rempart

Rempart gallo-romain d'EvreuxAu musée d’Evreux, dans la salle consacrée à l’Antiquité, le mur lui-même est une pièce d’archéologie. C’est un morceau parfaitement conservé du rempart gallo-romain qui entourait le castrum, la partie fortifiée de la ville au 3ème siècle.
La ville d’Evreux a conscience de posséder là quelque chose d’unique en Normandie. Elle chérit son rempart gallo-romain, mis en valeur chaque fois que c’était possible, et qui a fait l’objet d’une publication qu’on peut se procurer au musée, le « Guide du rempart gallo-romain » d’Eric Follain.

Nous nous trouvons là de l’autre côté du mur qui borde le miroir d’eau, dont les deux faces nous sont ainsi données à voir de façon spectaculaire.
Ici, c’est l’intérieur de l’enceinte. Alors que la paroi extérieure est verticale, l’intérieur présente des retraits à mesure que l’on monte, le haut de la muraille étant moins large que le bas.
Le plus curieux ce sont ces énormes blocs de réemploi provenant de bâtiments détruits. On devine des tronçons de colonnes, des chapiteaux… Ils ont l’air posés un peu n’importe comment mais ce n’est qu’une apparence. « Le massif de fondation est installé avec le plus grand soin », note Eric Follain. Les blocs sont retaillés quand c’est nécessaire. L’aspect esthétique importe peu, car on ne les verra pas.
En effet les gallo-romains ont l’habitude d’appuyer un énorme talus de terre au mur d’enceinte, côté interne. Le sommet du talus sert de chemin de ronde à la garde, sa masse renforce la solidité du rempart.
Les blocs de pierre, les moellons de calcaires, les rangées de tuiles se sont bien conservés sous toute cette terre. On a même retrouvé les trous qui correspondaient aux boulins, ces pieux fichés dans la muraille qui servaient à supporter les échafaudages.
Les archéologues qui ont étudié le mur du musée d’Evreux ont pu observer les dépôts de poussières laissés par le piétinement des maçons et se convaincre que le travail avançait au rythme d’une hauteur de moellon par jour. Arriver à cette précision, pouvoir se rapprocher si près des gens qui ont bâti ce mur, voilà qui fait ressentir le frisson de l’Histoire…

Ebroïcien

Fresque gallo-romaine, EvreuxIl a le visage un peu penché de quelqu’un d’attentif, un regard plein d’intelligence, la bouche sur le point de parler. Cet homme aux cheveux gris vivait il y a dix-huit siècles, vers 250 ou 275 après J.C. dans une ville qui ne s’appelait pas encore Evreux mais Mediolanum.
Cet émouvant fragment de fresque gallo-romaine a été retrouvé en 1989 en plein centre ville, dans la très commerçante rue de la Harpe. C’est en dégageant une descente de cave que F. Gerber a découvert ces éléments de visage.
Ce « premier portrait d’un Ebroïcien » comme dit le cartel est entré au musée d’Evreux trois ans plus tard.
Quand ils ont envahi la Gaule les Romains ont amené avec eux toute leur civilisation : leurs dieux, leurs monuments, leurs routes, etc, mais aussi leurs techniques et leurs arts. C’est ainsi que les villas de Mediolanum se trouvaient décorées d’enduits peints à la mode de Rome, et les sols recouverts de mosaïques.
Ce raffinement n’a pas résisté aux vagues successives d’invasions qui ont ravagé la région. Les Barbares brûlaient tout sur leur passage. Pour s’en défendre les habitants de Mediolanum ont édifié le rempart gallo-romain dont il subsiste d’importants vestiges. Ils ont aussi pris la précaution d’enterrer leurs richesses, emportant parfois leur secret dans la tombe. Un énorme trésor datant du 4ème siècle ne devait refaire surface qu’en 1890.

Musée Flaubert, les enfants du secret

Musée Flaubert, expo les enfants du secretPour sa dernière exposition le musée Flaubert de Rouen s’est penché sur le drame des bébés abandonnés au 19ème siècle.
Pas forcément très réjouissant comme expo, mais c’était la triste réalité d’il n’y a pas si longtemps, à l’époque de Monet et Camille.
Quel rapport, me direz-vous, entre l’illustre écrivain rouennais Gustave Flaubert et les enfants trouvés ? C’est que papa Flaubert, qui répondait au doux prénom d’Achille-Cléophas, était le chirurgien chef de l’Hôtel-Dieu. Il habitait dans le pavillon où est installé le musée, qui est à la fois maison natale de Gustave Flaubert et musée de l’histoire de la médecine.
Les concepteurs de l’exposition qui se tient jusqu’au 14 juin 2008, Les enfants du secret, ont puisé dans les archives de l’hôpital pour faire revivre le destin tragique de ces petits êtres qui ont eu le tort de naître d’une mère qui ne pouvait les élever. A cause d’une étreinte souvent illégitime, à cause aussi de la trop grande pauvreté, ces malheureuses étaient obligées d’abandonner leur enfant.
On a conservé soigneusement les lettres qu’on trouvait souvent dans les langes des nouveaux-nés. Les mères ou parfois les pères qui les écrivaient avaient l’espoir de venir bientôt reprendre leur bébé, sitôt qu’ils auraient retrouvé du travail.
Certains de ces billets sont découpés de crans aux ciseaux de façon à s’emboîter dans l’autre bout du papier que la mère conservait. Ailleurs ce sont des rubans, des médailles qui servent de signes de reconnaissance. On appelle ces objets des remarques. Pour ces coeurs plein d’amour, c’était un moyen de croire que la séparation n’était pas définitive.
Le déchirement d’avoir à abandonner son enfant, c’est juste inimaginable. Comment se mettre à leur place ? Pour les comprendre il faudrait avoir connu la misère, le dénuement complet décrit par Zola.
En vérité ces retrouvailles chimériques se produisaient bien rarement. La plupart des enfants mouraient dans la première année.
A Rouen l’abandon d’enfant était une réalité tristement banale, jusqu’à plusieurs centaines par an. Une sorte de tambour était installée dans le mur de l’hôpital, la mère y déposait le bébé, faisait pivoter le tour et sonnait une cloche pour qu’on vienne rapidement chercher son enfant.
Plus tard on a eu l’idée de proposer du secours aux jeunes mamans sans ressources, ce qui a fait chuter le nombre d’abandons.

Le jardin de Claude Monet

Le jardin de Claude MonetQue c’est long, l’hiver. La douceur du printemps nous manque, la lumière plus vive, les jours plus longs, et les fleurs.
Pour tromper l’attente, comme d’autres feuillettent leurs photos de vacances, je regarde celles prises l’année dernière dans le jardin de Claude Monet, cet endroit merveilleux où je travaille, et qui est fermé pour deux mois encore, jusqu’au 31 mars.
Les groupes les plus prévoyants font déjà leurs réservations pour venir visiter Giverny à la prochaine saison. Pendant que nous prenons rendez-vous je me transpose mentalement à la date qu’ils m’indiquent, et c’est par anticipation une joie d’imaginer avril ou juin, la beauté du jardin, le bonheur de le faire découvrir, de se promener à nouveau dans la plus belle oeuvre de Monet…
Ceux qui me téléphonent doivent me trouver bien enthousiaste. Me manque aussi tout simplement de faire ce travail que j’aime, ces rencontres autour d’un sujet qui me tient à coeur.

Tour lanterne

Tour lanterne cathédrale d'Evreux Cathédrale d’Evreux, transept sud

Vous avez sous les yeux une merveilleuse invention des bâtisseurs de cathédrales normands, une trouvaille architecturale qui s’est répandue dans toute la Normandie. Evreux en offre un bel exemple mais ce n’est pas là qu’on l’a imaginée, elle existait depuis trois cents ans déjà.
Repérons-nous : à gauche on aperçoit le toit de la nef, à droite celui du choeur. Face à nous la rose rayonnante du transept, bras sud.
Juste au-dessus, soutenant la flèche, la voici, l’idée géniale : la tour lanterne, bâtie en 1465. Elle s’élève à la croisée du transept, à l’endroit où se rejoignent les deux branches de la croix que dessine l’église.
Les maîtres-maçons du Moyen-Âge ont imaginé d’ouvrir un puits de lumière à cet endroit plus sombre qu’ailleurs. Ils ont couronné la croisée d’un transept d’une tour percée de fenêtres qui vont chercher le jour très très haut, à 45 mètres du sol, et donnent un éclairage doux à l’entrée du choeur.
C’était une belle idée, et qui ne manquait pas d’audace : monter une tour au-dessus du vide, tout son poids soutenu par les quatre piliers des angles ! Mais les architectes connaissaient leur affaire. A Evreux, Rouen et ailleurs ils n’ont pas hésité à ajouter une flèche bien pesante au sommet de la tour lanterne, histoire de voir si on pouvait toucher les nuages.

Cocherel et Aristide Briand

Aristide BriandC’était une époque où les hommes politiques aimaient disposer d’une maison de campagne en Normandie, pas trop loin de Paris.
Clemenceau avait son château de Bernouville, près de Gisors. Aristide Briand a jeté son dévolu sur Cocherel.
On ne sait plus trop bien aujourd’hui qui était Aristide Briand. Pourtant il a fait preuve d’une grande longévité politique : de 1906, où il est ministre de Clemenceau, jusqu’en 1931 sous Laval, il a été, c’est un record, 20 fois ministre et 11 fois chef du gouvernement.
Accessoirement il a aussi assuré sept mandats de député. Mais ce n’est pas pour cela qu’il y a tant d’avenues qui portent son nom, c’est à cause de son engagement pacifiste dans l’entre-deux guerres qui lui a valu le prix Nobel de la Paix.
Il y croyait, à la paix, il a beaucoup oeuvré à rapprocher l’Allemagne et la France, appuyé par son homologue allemand Stresemann qui a partagé le Nobel avec lui. Briand pensait que la diplomatie devait régler les conflits. Il rêvait des États-Unis d’Europe.
On lui a beaucoup reproché ses positions, en ce temps-là. Aujourd’hui peut-on en vouloir à ce visionnaire d’être arrivé trop tôt ? De n’avoir pas su prendre la mesure d’Hitler ?

Mais revenons à Cocherel : Briand découvre le village en 1908. Il séjourne d’abord à l’auberge, puis achète une première maison normande au toit de chaume, puis une ferme, puis deux, puis trois… A sa mort en 1932 il était propriétaire de 700 hectares à Cocherel et aux environs ! Il venait se ressourcer, retrouver ses maîtresses, pêcher et jouer à l’agriculteur. C’est à Cocherel qu’il repose, à côté de la chapelle qui date dit-on du 7ème siècle.

A la sortie de Cocherel en direction d’Hardencourt, on peut voir la statue en bronze de l’habitant le plus célèbre du village, exécutée par Émile Guillaume en 1934. Une belle patine recouvre l’oeuvre, mais elle a disparu du dessus des doigts, preuve que l’apôtre de la paix ne manque pas de visiteurs qui viennent lui serrer la main.
Aristide Briand est assis « en méditation » non loin de l’Eure. Dans ce lieu rendu célèbre par une bataille sanglante, il est juste qu’une colombe se soit posée.

Bataille de Cocherel

Stèle de la Bataille de CocherelLes coïncidences n’affectent pas que les humains. Elles peuvent s’inviter dans le destin de localités discrètes. Voyez Cocherel, par exemple.
Ce modeste village de la vallée d’Eure était voué à couler des jours paisibles au bord de sa rivière. Or à plusieurs reprises des évènements importants l’ont fait entrer dans l’Histoire.
Je vous ai déjà parlé de cette première découverte fortuite d’une tombe préhistorique, la plus ancienne trace des réactions de nos ancêtres face aux restes d’un peuplement datant du fond des âges. Cela se passait en 1685. Revenons un peu plus tôt, très exactement le XVI mai MCCCLXIV.
Le 16 mai 1364, si vous préférez, Cocherel est le théâtre d’une bataille sans précédent.
Une stèle placée sur le bord de la route rappelle l’évènement, sept bons siècles plus tard. C’était du temps où les Anglais, et avec eux pas mal de nobles de notre pays, faisaient la guerre au roi de France. Par chance pour ce dernier, il avait à la tête de son armée un capitaine aussi rusé que vaillant : Bertrand du Guesclin.
Donc, ce matin là, l’armée commandée par du Guesclin campe au bord de l’Eure à Cocherel. Devant eux le fond plat de la vallée, et au loin les collines qui en marquent le bord. C’est là que les troupes anglaises les attendent, en bonne position au-dessus de la vallée.
Pas question d’attaquer dans ces conditions, ce serait du suicide. Du Guesclin a alors une idée. Il demande à son armée de se replier. Les Anglais s’interrogent. Est-ce une ruse, ou les Français prennent-ils la fuite ? La cavalerie, bouillonnante, décide de se lancer à leur poursuite. Les chevaux encaparaçonnés portant les chevaliers en armures dévalent la colline. Pour se trouver nez-à-nez avec les troupes de du Guesclin, qui bien entendu ont fait demi-tour.
Le combat fait rage pendant des heures. Les pertes sont lourdes dans chaque camp, mais Bertrand du Guesclin avait demandé à deux cents cavaliers bretons de se tenir à l’écart. Il fait entrer ces forces fraîches dans la bataille en fin de journée, et c’est la déroute dans l’armée anglaise dont le chef est fait prisonnier.
Cette victoire décisive marque un tournant dans la guerre de Cent ans, elle permet au jeune roi Charles V tout juste sacré à Reims de partir à la reconquête de son royaume.

Il y a une logique qui m’échappe

exposition ange étrange Quelquefois la vie a l’air de vous envoyer des signaux. Il suffit d’une coïncidence et vous voilà parti à chercher ce que cela peut bien vouloir dire. Pourquoi ceci, maintenant ? Quel est le lien secret qui relie des évènements distincts, ce lien qui passe par vous ?

C’est étrange, dit l’ange.

Aussitôt informée j’ai couru à Rosny sur Seine voir la nouvelle exposition à l’Hospice Saint-Charles. Le thème de l’ange décliné par un collectif de peintres qui se disent Réalistes Magiques, il y avait de quoi piquer la curiosité.
L’exposition s’intitule L’ange exquis, être ange, étrange. 33 artistes réunis autour du Français Lukas Kandl ont travaillé sur de grandes toiles de même format sur le principe des cadavres exquis. Vous vous rappelez ce jeu imaginé par les surréalistes, où chacun inventait un bout de phrase sans savoir ce que les autres avaient écrit avant ? Là les peintres participent à une oeuvre collective, une sorte de série autour de l’ange, en ignorant ce que font les autres artistes du collectif.
Le résultat est spectaculaire. Ca explose de couleurs. Ca fourmille de détails, dans une virtuosité picturale qui épate les signataires du livre d’or.
Et en même temps c’est une peinture qui dérange, dans sa façon de recycler des éléments connus pour en faire, quoi ? On ne comprend pas très bien en général. Est-ce qu’il faut chercher du sens dans la toile d’Ugo Levita ci-dessus ? Y a-t-il des clés, un message, comme dans les rêves, qu’il faudrait savoir décoder ?
Ce qu’il ne faut certainement pas chercher dans les tableaux présentés, c’est la vision religieuse de l’ange. Il est ici plus magique que sacré, prétexte au surnaturel, et voisine avec des licornes, des lions et des chiens ailés, tout un bestiaire de monstres qui transporte l’imaginaire hors du référentiel habituel.
Rien d’étonnant à cette disparition du religieux pour qui s’inscrit dans la logique de Jacques Prévert l’athée. Prévert fut l’un des premiers surréalistes à jouer aux cadavres exquis. L’exposition a placé son poème en exergue :

Être ange
c’est étrange
dit l’ange
Être âne
c’est étrâne
dit l’âne
Cela ne veut rien dire
dit l’ange en haussant les ailes
Pourtant
si étrange veut dire quelque chose
étrâne est plus étrange qu’étrange
dit l’âne
Étrange est
dit l’ange en tapant des pieds
Étranger vous-même
dit l’âne
Et il s’envole.

Un petit bijou, n’est-ce pas ? On ne se lasse pas de le relire, emporté par ce délicat humour de l’absurde. Je ne sais pas si comme moi vous êtes tombé dans la marmite de Prévert étant petit, mais j’ai l’impression d’en avoir lu tant et tant que je suis surprise quand je découvre un de ses poèmes que je ne connaissais pas. C’est ce qui s’est passé cette semaine grâce à mon écolier. Et voilà que le même poème que j’ai ignoré pendant des années se manifeste deux fois en deux jours !
C’est étrâne, peut-être…

Peintre en bâtiment

entreprise monetChez les Monet on est peintre de père en fils depuis plusieurs générations.
Je veux parler des Monet qui ont une entreprise de peinture à Mantes-la-Jolie, parce que, comme vous le savez, dans la famille de Claude papa était commerçant (avitailleur pour les bateaux qui prenaient la mer au Havre), et les fils de Claude se sont bien gardés de manifester un penchant quelconque pour la peinture.
Le Monet qui est à la tête de l’entreprise de ravalement mantaise se prénomme Michel. Oui, comme le fils de Claude. Je me demande quel était le prénom de son papa.
Je me demande aussi, étant donné que l’entreprise existe depuis 1892, si notre Monet était au courant de son existence. Si, plus probablement, les Monet de Mantes connaissaient ses toiles et sa réputation. Et si c’est un pur hasard que leur ancêtre du 19ème siècle se soit mis à la peinture en bâtiment.

La maison des Quatrans de Caen

La maison des Quatrans de Caen Au pied du château de Caen, la maison des Quatrans tourne le dos au quartier auquel elle a donné son nom. Elle boude, et il y a de quoi, quand on est un bel hôtel particulier du 14ème siècle, être un peu vexé qu’on puisse vous confondre avec un ensemble de barres d’immeubles construites dans les années 1950, le quartier des Quatrans.
Dans le temps la maison des Quatrans avaient plein de copines dans sa rue, la rue de Geôle (brr !). Les hôtels particuliers tous plus beaux les uns que les autres s’alignaient au coude à coude. Et puis il y eut les bombardements de la deuxième guerre mondiale. La maison des Quatrans a vu un grand nombre de ses soeurs tomber au champ d’honneur. Elle, elle a tremblé, elle a été blessée, mais elle s’en est sortie.
Aussitôt, ni une ni deux, on l’a décorée non pas de la croix de guerre mais d’un joli classement Monument Historique. Cela protège d’un certain nombre d’avatars mais pas de toutes les misères. Après la chance d’en réchapper, la maison des Quatrans a eu la malchance de tomber sur une entreprise désastreuse qui au lieu de lui réparer son escalier l’a définitivement détruit. C’est ballot.
Cahin caha elle s’est pourtant remise, ses dizaines de fenêtres on retrouvé leurs dimensions d’origine dans le colombage repeint de frais, et elle a fière allure, n’est-ce pas ?
Sa façade est en bois parce que c’est plus joli que la pierre. C’est du moins ce que pensait son premier propriétaire, Thomas Quatrans. A Caen on a tellement de pierre (de Caen) qu’on n’a pas besoin de construire en bois, sauf dans un but décoratif. D’ailleurs les côtés et l’arrière de la maison sont en pierre. Mais côté rue, le tabellion du roi trouvait le bois plus sympa. A voir sa maison, on ne peut qu’être d’accord avec lui, non ?

Le printemps des fleuristes

Fleurs de printempsDes couleurs qui claquent et des parfums à faire tourner la tête : impossible d’ignorer que c’est déjà le printemps chez les fleuristes.
Les narcisses hauts sur pattes, les primevères toutes rouges de s’être hâtées de fleurir dans la serre, les jacinthes aux têtes surdimensionnées de premier de la classe prennent un bol d’air frais en compagnie des fidèles cyclamens.
Derrière la vitre des compositions plus fragiles les regardent avec envie.
Malgré la douceur printanière des derniers jours il faudra encore attendre avant de voir fleurir toutes ces belles dans les jardins. Mais que cela fait du bien de se repaître un instant de couleurs quand le ciel reste invariablement couvert et que l’hiver répand du gris partout…

La Manneporte, reflets sur l’eau

Claude Monet, La Manneporte, reflets sur l'eau, 1885-86, 65x81 cm, dépôt du Musée d'Orsay au Musée des Beaux Arts de CaenClaude Monet, La Manneporte, reflets sur l’eau, 1885-86, 65×81 cm, dépôt du Musée d’Orsay au Musée des Beaux Arts de Caen

A l’automne 1885 Claude Monet effectue un long séjour sur les côtes de la Manche, à Etretat. Il s’intéresse à une foule de motifs et de perspectives différents, subjugué par la beauté spectaculaire des lieux :

Pour rendre tout cela,… il faudrait deux mains et des centaines de toiles

écrit-il à Alice à son arrivée.
Cette vue de la plus découpée des arches de pierre, Monet est allé la chercher en marchant deux kilomètres le long du chemin des douaniers au sommet de la falaise. Une bonne trotte quand il faut transporter tout le matériel de peinture. Selon Maupassant, il se faisait aider par des enfants qui portaient ses toiles jusqu’au motif.

Monet a peint deux tableaux depuis cet endroit dans un éclairage différent. On peut voir celui ci-dessus au musée des Beaux-Arts de Caen, où le musée d’Orsay l’a mis en dépôt. L’autre tableau de ce même motif se trouve à Philadelphie en Pennsylvanie.

Deux caractéristiques frappent le spectateur de La Manneporte, reflets sur l’eau : son coloris bleu et rose très lumineux, très Monet, et son aspect inachevé qui gênait tellement ses contemporains.
Monet a signé le tableau, c’est qu’il le considérait suffisamment terminé pour le vendre. Mais on est bien loin des surfaces léchées qui étaient la règle à l’époque. Les coups de pinceaux apparaissent, vigoureux.
Cependant, malgré cette touche bien marquée, les couleurs semblent se fondre les unes dans les autres, sous l’effet d’un soleil qui noie le paysage dans la lumière.
Monet a ignoré les ombres, les contrastes pour répandre partout cette lumière vaporeuse du bord de mer normand.
Il n’a pas cherché à donner une représentation réaliste des lieux mais plutôt à rendre l’impression de lumière vibrante perçue par la rétine.
La roche n’apparaît pas comme un masse solide, elle semble posée sur la mer, tandis que son reflet éclaté par les vagues s’étire jusqu’au bas du tableau.
Le miroir dansant de l’eau n’a pas fini de fasciner Claude Monet.

Rosace

RosaceQuand on sort du château de Caen on se trouve face à la rose de l’église Saint Pierre située en contre-bas. La rosace apparaît au ras du mur d’enceinte, et sa rondeur et sa légèreté qui contrastent avec l’aspect massif du mur donnent un peu l’impression du soleil qui se lève.
Le cercle est roi sur cette rose, encore davantage qu’à la collégiale de Vernon. Sous un arc en plein cintre un grand cercle en contient sept qui eux-mêmes en renferment chacun trois. Enfin les angles de la base carrée sont occupés par deux cercles plus petits.
Dans chacun des petits cercles on trouve un quatre-feuilles, un motif typique du quatorzième siècle. Associée à des trilobes, cette profusion de quadrilobes compose comme un tapis de fleurettes qui donne à cette rose un aspect très printanier.
De l’intérieur l’effet est purement magnifique.

Christophe Conan

Exposition Conan musée de Vernon« J’en ai marre de dire aux gens de ne pas toucher, on a beau faire, tout le monde touche ! » Le surveillant de l’exposition Christophe Conan au musée de Vernon soupire. Et moi je souris. Parce que bien sûr, j’ai eu envie de toucher l’incroyable rhinocéros en métal qui a tellement l’air d’être en cuir. Et que bien sûr, je me suis abstenue malgré la tentation, par respect pour l’oeuvre et le travail de l’artiste.
A Rouen, le musée le Secq des Tournelles présente un panorama de ce qui s’est fait en fer, des objets d’une grande qualité plastique mais qui avaient une fonction. On est dans le royaume des arts appliqués. A Vernon, dans de nombreuses oeuvres de l’expo Conan, c’est aussi du fer qui est employé, cette fois dans la seule intention d’exprimer. C’est le domaine de l’art.
Christophe Conan est un artiste animalier, c’est à ce titre qu’il expose au musée de Vernon, musée qui possède de belles collections sur le thème de l’animal.
On dirait que Conan n’en finit pas de s’étonner de l’étrangeté des animaux, la carapace épaisse du rhinocéros, les formes bizarres des poulpes, des calamars, des méduses… Il découpe le métal rouillé avec virtuosité pour donner à voir un banc de poissons de roche soudés si discrètement les uns aux autres qu’ils semblent défier la pesanteur. Il s’interroge avec humour sur les mécanismes qui régissent les mouvements des chiens. Ses cabots suggèrent que les meilleurs amis de l’homme sont équipés intérieurement de pièces articulées qui actionnent la queue, la patte ou la mâchoire.
Et nous, face à la complexité du monde animal, comment nous comportons-nous ? Nous essayons de classer, d’étiqueter, de mettre en boîte. Comme dans un muséum d’histoire naturelle l’artiste place ses oursins chacun dans une petite vitrine numérotée. Avec des vis, du fil de fer et des bouts de papier il invente des quantité de frelons qu’il range dans des casiers.
Il peint aussi, en sculpteur, avec des granulosités, des reliefs, et toujours cet air de ne pas se prendre trop au sérieux. Le spectateur se sent de connivence.

Arbre sec

Arbre secA Rouen, le musée de la ferronnerie a choisi une enseigne de marchand drapier comme emblème. Exposée dans le musée, elle date de 1600 environ et vient de Paris où elle a donné son nom à une rue du premier arrondissement située près du quai de la Mégisserie et de Saint-Germain l’Auxerrois, la rue de l’Arbre Sec.
Cet arbre fait référence à une légende. Les pèlerins qui voyageaient en Terre Sainte allaient se recueillir devant un arbre creux et desséché. On leur racontait que ce chêne datait du commencement du monde. Planté sur la tombe de Loth, il était, disait l’histoire, resté vert jusqu’à la Crucifixion. A cet instant tous les arbres de l’univers se desséchèrent.
Voilà qui avait de quoi marquer l’esprit des pèlerins ! L’arbre sec devenu célèbre en Occident évoquait l’Orient et ses luxueuses étoffes, c’est sans doute la raison qui l’a fait choisir par le commerçant.

Je me suis demandé pourquoi à son tour le musée avait sélectionné cette oeuvre et non une autre pour le représenter. Les collections renferment tellement de pièces merveilleuses, comment choisir ?
N’ayant trouvé trace nulle part d’explication à ce sujet, voici donc mon interprétation toute personnelle.
Le donateur de la collection de ferronnerie à la ville de Rouen s’appelait Henri Le Secq des Tournelles. Une bonne raison du choix est l’homophonie : Le Secq, l’Arbre Sec.
Mais peut-être que cela ne s’arrête pas là. L’arbre symbolise la famille en généalogie. Si l’on suppose qu’Henri n’a pas eu d’enfant, il était bel et bien un arbre sec. Et il est assez troublant d’apprendre que c’est en faisant des recherches généalogiques à Rouen qu’il a choisi de prendre la capitale normande comme légataire de sa collection, cette trace concrète et magnifique de son passage sur la terre.

Arts du fer

Musée le Secq des Tournelles à RouenC’est le plus époustouflant musée qu’on puisse imaginer. A priori pas de ceux que le visiteur de Rouen placerait en tête de liste : un musée de la ferronnerie, voilà qui n’est pas spécialement inspirant, pas vrai ? Et même si l’on vous précise pour vous appâter que c’est une collection de 15 000 pièces unique au monde, quelque chose vous dit que vous allez en mourir d’ennui.
Pour une fois n’écoutez pas cette petite voix intérieure et foncez au musée Le Secq des Tournelles ! Car cette église aujourd’hui dédiée à la célébration des arts du fer vous réserve des tonnes d’émotions muséales, une déferlante de stupéfaction, d’admiration, de plongeon dans le passé humble ou prestigieux, et une sympathie certaine pour les deux passionnés qui lui ont consacré leur vie.
Tout a commencé au 19ème siècle quand Jean-Louis Le Secq des Tournelles s’est mis à collectionner les objets en fer les plus étonnants et les plus hétéroclites, des grilles de châteaux aux couteaux de cuisine, des serrures sophistiquées aux cabochons de souliers.
Papa LSdT ne s’est pas contenté d’amasser des trésors, il a aussi transmis la manie de la collectionnite à son fils Henri. C’est devenu sa vie, au fiston, pendant plus d’un demi-siècle.
Difficile d’imaginer les merveilles accumulées au fil des décennies par ces deux amoureux du fer. Les enseignes les plus ouvragées surplombent des coffres bardés de renforts, dont les mécanismes paraissent réglés au micron. Les briquets succèdent aux lits à baldaquin, les dés à coudre aux balustrades.
La présentation thématique et chronologique conduit le visiteur éberlué à la découverte d’une multitude d’ustensiles dont l’usage si familier à nos aïeux s’est perdu, ou qu’on préfère aujourd’hui dans un autre matériau. On a oublié tout ce qui se faisait en fer autrefois, tous ces objets qui avaient leur place dans la rue, à l’église, dans toutes les pièces de la maison, dans l’âtre, sur les tables, jusque dans la parure…
La maestria avec laquelle les artisans d’alors ont travaillé le fer, la finesse de certaines pièces émerveille. Saurait-on encore les fabriquer de nos jours ?
Au cours de la visite on ne peut s’empêcher de se sentir gagné par la fascination des Le Secq des Tournelles pour ce matériau aux mille métamorphoses. Et d’avoir envie de les remercier de nous avoir fait partager leur érudition et leur dévorante passion en léguant leur collection à la ville de Rouen en 1921.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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