Le buste de Monet
La ville de Rouen n’a pas manqué de dresser un mémorial « au peintre de la cathédrale » qui a su si bien magnifier le plus beau de ses monuments en en tirant une célèbre série. Curieusement, pourtant, le buste de Claude Monet ne s’élève pas à proximité du portail de Notre-Dame, mais sur une placette discrète, la place Saint-Amand.
Un seul arbre encore jeune orne la petite place, où l’effigie du peintre impressionniste a été posée de façon un peu ridicule au sommet d’une grande stèle, pour bien marquer à quel point son génie s’élève au-dessus du commun des mortels. Pour l’instant, l’arbre ne fait pas d’ombre à la statue : on ne voit qu’elle.
Monet, donc, toise de haut les passants, lui qui était de taille assez petite, et qui n’avait pas la folie des grandeurs.
J’ignore de qui est ce bronze fort expressif d’un Monet vieillissant, bizarrement appuyé par la barbe au socle de pierre. C’est son rapport à l’environnement qui me frappe.
Monet, qui n’a jamais habité de maison à colombages, se retrouve entouré du plus normand des paysages urbains, de hautes bâtisses à pans de bois peintes en tons pastels. Pour le chantre de la couleur, rien que de très naturel.
Cette mode rouennaise de peindre les façades aux couleurs de l’arc-en-ciel n’a pas atteint Vernon, qui possède encore plus de deux cents maisons à colombages, toutes lasurées en teintes naturelles.
Des reflets dans le Robec
Le beau temps revenu creusait des reflets bleus dans le Robec hier.
La Rue Eau-de-Robec est une des plus jolies de Rouen, avec ses hautes maisons à colombages de toutes les couleurs soulignées à leur pied du ruban du ruisseau.
Ce n’est plus vraiment le Robec, puisque le cours d’eau a été canalisé et poursuit sa course ailleurs, loin des regards, mais son évocation, une sorte de plan d’eau calme qui doit tout à l’eau de la ville.
Qu’importe ! La rue au nom qui fleure bon le viking est un bel endroit pour flâner, tandis que les yeux courent de haut en bas et de bas en haut, le long des façades rayées terminées par les greniers à étentes typiques des villes drapières, jusqu’à leur image inversée. C’est un jeu de zigzaguer de pont en pont dans la rue semi-piétonne, de franchir et refranchir un nombre infini de fois cette rivière pour rire.
Tout est si calme aujourd’hui dans la voie autrefois toute bruissante de vie, quand le vrai Robec faisait tourner une multitude de moulins, quand on travaillait dur dans cette rue, à moudre, tanner, filer, fouler, teindre, quand le cours d’eau poussait, rinçait, mouillait, trempait… Le temps s’est arrêté, figé sur une image de carte postale dans laquelle le Robec ne coule plus, en métaphore du temps suspendu.
Pour un peu on se laisserait glisser à nouveau un siècle en arrière, on pousserait la porte du musée de l’Education pour se faufiler entre les petits bancs, dans la salle de classe de jadis, où la leçon de morale inscrite au tableau noir attend d’être recopiée à la plume dans des cahiers recouverts de papier bleu.
Les mains de Marie
Le buffet d’orgues de la collégiale de Vernon est orné d’un bas-relief, juste au-dessus des claviers : sainte Cécile, patronne des musiciens, veille sur l’organiste, prête à conférer à son jeu une inspiration céleste.
La sainte emprunte les traits de Marie Maignart, ou si vous préférez, Marie Maignart est figurée en sainte Cécile. La belle trop tôt disparue est la donatrice de l’instrument.
L’allégorie n’a rien de bien étonnant. Son traitement, en revanche, se révèle des plus curieux.
La ravissante jeune femme se tient assise devant les orgues, mais elle en détourne le regard, un regard doux et triste qu’elle pose peut-être sur l’assemblée des fidèles, à moins qu’il ne soit tourné vers l’intérieur d’elle-même, signe de sa méditation. Était-elle déjà morte au moment où le sculpteur a gravé son visage dans le bois ?
Marie a donc les yeux ailleurs, le corps détourné des orgues, et voici que l’artiste la représente la main sur le clavier, supposée jouer de l’instrument. N’est-ce pas bizarre qu’elle soit si peu à ce qu’elle fait ?
Mais un autre détail m’intrigue encore plus. Regardez la finesse du visage de Marie, et regardez ses mains. Deux grosses paluches maladroites, complètement ratées. Un boulot de débutant.
Cela ne peut pas être le même sculpteur, c’est impossible. Qu’a-t-il bien pu se passer ? Il arrivait que plusieurs artistes d’un atelier travaillent à la même oeuvre, mais les moins chevronnés se contentaient de détails de moindre importance, les fonds, les décors… On dirait qu’il y a eu ici un cas de force majeure, une urgence.
La seule explication que j’ai trouvée, c’est l’incapacité du sculpteur du visage, blessure ou décès. Je penche pour sa mort, car sinon, les mains auraient peut-être été mises en attente.
Dans la panique de la commande inachevée à honorer, quelqu’un d’autre a décidé de faire les mains. Son apprenti ? Un frère du défunt, dont ce n’était pas le métier ? Il a bricolé ce qu’il a pu.
J’imagine la tête du commanditaire, en découvrant ce gâchis.
Nymphéas gris
A la fin mars, dans ces jours où la saison hésite entre l’hiver, qu’elle n’est déjà plus, et le printemps, qu’elle n’est pas encore, les premières feuilles de nymphéas sortent des profondeurs du bassin, se hissent à travers l’épaisseur aqueuse, et viennent se poser à la surface de l’étang.
Elles ne sont encore que promesses de fleurs, espoir de ces corolles éclatantes qui enchanteront l’été. Pour l’instant, rien ne laisse augurer de leur développement futur.
Elles ont quelque chose de timide, comme tous les débuts. De la violette elles ont aussi la couleur, ou presque, vêtues d’un pourpre tirant sur le violine qui deviendra vert avec le temps.
Mais c’est à contre-jour que les premières feuilles de nymphéas révèlent toute leur grâce, quand la lumière du matin naissant les fait paraître gris argent.
Dans le reflet de ces ciels normands qui semblent laiteux même quand ils sont bleus, où les silhouettes des arbres encore nus ondulent avec calme, les nymphéas brillent, et cette intensité forme avec les tons froids et doux qui les entourent, une harmonie ineffable.
Sous les spotlights
Les arbres qui entourent l’étang de Monet à Giverny lui confèrent des qualités lumineuses particulières.
A l’inverse des plans d’eau aux abords dégagés, baignés d’une lumière uniforme, chez Monet les rayons du soleil doivent se frayer un chemin à travers les branches.
Quand la végétation est dense, les trous dans le feuillage deviennent rares. Les minces rayons qui s’y faufilent finissent par atteindre la surface de l’eau, où ils éclatent en taches claires.
Quelquefois, mais il faut être là au bon moment, le pinceau de soleil tombe pile sur une fleur de nénuphar, soudain magnifiée. La feuille ronde du nymphéa renforce l’illusion d’une poursuite de théâtre, qui place un comédien sous la lumière d’un projecteur, tandis que le reste de la scène est plongé dans l’ombre.
L’effet ne dure pas. Le soleil poursuit sa course dans le ciel, le faisceau de lumière avance inexorablement, comme le trait d’ombre d’un cadran solaire. Bientôt, il est trop tard. Il faudra revenir demain saisir l’instant, un peu plus tôt. Pourvu qu’il fasse beau. On regarde sa montre, comme Claude Monet, on prend rendez-vous avec la lumière.
Cette obscure clarté
Monet n’a pas beaucoup exploité les ressources du contre-jour dans ses séries de Nymphéas.
Peut-être la clarté réverbérée par la surface de l’eau était-elle trop éblouissante pour ses yeux fatigués.
Ou peut-être que, peintre de la couleur, il n’était pas attiré par ces lumières étranges, qui semblent avaler les teintes de l’arc-en-ciel pour livrer des surfaces épurées aux contrastes exacerbés.
Selon le ciel et l’heure, les feuilles arrondies des nénuphars deviennent à la fois toiles blanches et palettes, offrant leur douceur luisante aux rayons de lumière.
Leurs silhouettes pâles font des ombres chinoises à l’envers, qui se découpent sur l’écran sombre des feuillages.
Anticléricalisme
Est-il logique, dans une ville de carrières telle que Vernon, où l’on extrait la craie depuis mille ans des coteaux de Vernonnet, de ne pas utiliser la pierre locale pour construire la mairie ? Pour quelle raison être allé chercher le matériau à plus de cent kilomètres, dans l’Oise, et avoir bâti la maison commune vernonnaise en pierre de Saint-Maximin ?
Les archives municipales, où sont consignés les procès verbaux des conseils municipaux du 19e siècle, lèvent un coin du voile sur cette mystérieuse affaire. D’une belle écriture soignée qui court sur des pages sans jamais être interrompue d’une rature, l’employé de mairie rapporte les débats suscités par le projet de construction de l’hôtel de ville.
C’est l’année 1893, pour une construction qui va débuter en 1894. Les entreprises vernonnaises sont sollicitées pour fournir la pierre de la mairie. Mais l’affaire ne se fera pas : le mètre cube qui n’a qu’à franchir la Seine est proposé plus cher à la ville que la pierre de l’Oise, livrée à destination !
Un second argument vient clore le débat : le stock est insuffisant. Impossible de se lancer dans la construction sans être certain de pouvoir la mener à bien.
Voilà du moins les raisons officielles, et il en faut. Mais l’examen de la personnalité du maire de l’époque, Adolphe Barette, porte à croire qu’elles ne sont pas les seules, ni les plus essentielles.
Barette avait de bonnes raisons de ne pas vouloir faire affaire avec les carriers vernonnais : ils allaient à la messe ! Pour un maire aussi anticlérical que lui, c’était là un péché impardonnable.
Ses convictions ont poussé l’élu à trouver un prétexte pour retirer le marché à ses concitoyens, et à le confier à des carriers plus éloignés, mais qui pensaient selon son coeur : à Saint-Maximin, ils étaient réputés communistes.
Les pleins et les déliés si propres des procès verbaux municipaux masquent une authentique mauvaise foi.
Cartes de voeux
Les musées de Giverny ont fait preuve d’humour cette année pour présenter leurs voeux, une initiative plutôt inattendue dans un milieu traditionnellement très sérieux.
Le musée des Impressionnismes a misé sur le texte : « 2009, nouvel élan, 2010, année impressionnante ! » Les nouvelles expos le seront, sans aucun doute !
La Fondation Monet, de son côté, a déniché un dessin humoristique paru dans la presse américaine en 1971.
Barney Tobey a été pendant un demi-siècle un collaborateur régulier du journal « The New Yorker », pour lequel il a produit 1200 cartoons. Son style classique, son encre sépia et son humour gentil évoquent un peu Sempé.
« Oh ! Claude ! Pas encore un autre ! » s’exclame Alice en apercevant Monet installé au bord du bassin, en train de peindre un nième tableau représentant des Nymphéas.
Tobey était bien renseigné. Dans sa correspondance, Alice se plaint à sa fille que Monet peint inlassablement ses « éternels Nymphéas ».
La grande allée vêtue de blanc
Dans le jardin de Monet endormi sous ses draps blancs, tout n’est que promesse et espoir.
La vie, bien cachée, attend son heure.
Le long de la grande allée, les vivaces mijotent des départs en flèches, les bulbes sont prêts à lancer leur offensive de couleurs.
Dès que le gel desserrera son étreinte.
La neige, déjà, a fondu aujourd’hui, dévoilant une herbe roussie et humide qui s’ébroue.
Après le coup de froid, il suffira d’un peu de vent tiède pour réveiller la terre, et faire déteindre le rose et le vert de la maison de Monet sur tous les alentours.
Je dédie ce billet à tous les amoureux de Giverny qui vivent au Canada, un pays où l’on en sait long sur le froid et l’attente, sur l’infinie patience de l’hiver.
Sous le saule
Les branches du saule du bassin de Claude Monet pendent, sans tristesse aucune, au-dessus du bassin des Nymphéas enneigé. La petite île aux thalias se découpe à travers cette frange légère. Un oeil noir au milieu du blanc.
Sous le saule, les flocons sont tombés moins drus, et un petit coin de glace reste à nu, montrant des bulles d’air gelé dans son épaisseur. A moins qu’il y ait une mystérieuse petite source dans ce coin-là, qui réchaufferait imperceptiblement l’eau du bassin ?
On aimerait marcher sur cette surface ouatée, à la suite des animaux légers qui y ont laissé leurs traces.
Coucher de soleil
Le coucher de soleil nimbe l’horizon de rose derrière le jardin de Monet.
Des couleurs tendres dans la morsure du gel.
Les couleurs d’un rêve qui me trottait depuis longtemps.
C’est toujours un peu le hasard, on n’est pas sûr d’avoir du soleil, ni un ciel spectaculaire.
Il faut attendre, guetter le moment le plus beau.
Et pour tromper le froid, marcher seul autour du bassin glacé dans cette atmosphère surréaliste du jardin désert et blanc, dans la nuit qui vient.
Hiver à Giverny
En hiver, la maison de Monet se dresse toute simple sans sa parure de feuillage et de fleurs.
Il n’a pas neigé beaucoup à Giverny.
Plus au sud du département, à quelques dizaines de kilomètres seulement, il paraît qu’il est tombé une grosse épaisseur de flocons.
Ici, tout juste un peu de sucre glace.
La maison de Claude Monet en devient une confiserie géante, un énorme bonbon rose.
Norvégienne
Les deux barques du jardin de Monet sont prises par le gel.
A gauche, la norvégienne porte son nom mieux que jamais dans son écrin de neige, bloquée par l’embâcle.
A droite, le petit bateau que les jardiniers utilisent quand ils ont besoin d’un moteur lui tient compagnie.
La scène, sous les bambous enneigés, rappelle les estampes japonaises que le maître de Giverny collectionnait.
C’est dans une norvégienne semblable à celle-ci que ses belles-filles ont posé pour Monet.
Le bateau figure aussi, vide et tronqué, dans des compositions assymétriques inspirées de l’art japonais.
Sous la neige
Le bassin de Monet est pris par les glaces !
Une fine pellicule de neige est tombée hier sur l’étang gelé.
Les ombres s’étirent, bleues, sur cette toile vierge.
Tous les reflets ont disparus.
J’ai marché ce matin dans les allées crissantes, où seul un chat m’avait précédée.
Le soleil faisait briller la poudreuse comme du mica.
La féerie.
Qu’aurait fait Monet de ce paysage ?
François Décorchemont
Ce vitrail à l’aspect si juvénile est l’oeuvre d’un octogénaire. François Décorchemont, maître-verrier eurois, a 84 ans quand il compose cette verrière pour l’hôtel de ville de Vernon.
On est en 1964, et c’est peu dire que Décorchemont est en pleine possession de son art. Depuis plus de trente ans il a mis au point une technique extraordinaire, unique en son genre. Au lieu de découper les morceaux de verre, il les fond.
Le maître-verrier prépare tous les matériaux lui-même. Il se procure, chez Daum, des bouts de cristal qu’il pile, mélange avec des oxydes et fait fondre au four.
Le cristal coloré ainsi obtenu est à son tour broyé pour faire de petits fragments rangés par couleurs dans des pots.
Décorchemont façonne alors un moule en terre réfractaire en suivant le carton du vitrail qu’il a préparé. Dans chaque alvéole il verse les brisures colorées, qui vont fondre à la chaleur et prendre la forme du moule.
Une fois refroidis, les morceaux de vitrail sont démoulés et mis en place, maintenus par un cadre de fer. Nouvelle innovation, les joints sont faits au ciment et non au plomb.
L’originalité de cette technique permet à Décorchemont d’obtenir des effets inédits dans ses morceaux de verre, dont les couleurs peuvent être mouchetées, marbrées, au gré de son inspiration, en mêlant deux tons dans les creusets.
Regardez les riches teintes de la cape rouge, ou encore l’aspect pommelé des chausses de ce personnage !
Décorchemont pratique aussi, je ne sais comment, des hachures et des stries dans la pâte de verre. On les retrouve partout, dans l’eau, sur la tunique du personnage bleu, sur celle de saint Louis, dans les magnifiques troncs d’arbres… Elles donnent mouvement et vie à la scène.
Contrairement aux maîtres-verriers du Moyen Âge qui peignaient les détails, Décorchemont ne redessine rien sur ses vitraux, pas même les traits du visage : il les obtient en opacifiant au ciment les creux qu’il a ménagés sous forme de reliefs dans son moule. Il en résulte une stylisation des personnages qui leur donne beaucoup de lisibilité et qui m’évoque la ligne claire de la bande dessinée.
Cette simplicité n’est qu’apparente. Car Décorchemont, pour son oeuvre religieux, a étudié à fond le symbolisme médiéval, la Légende dorée, les textes sacrés. Il est logique que cette connaissance des valeurs cachées des motifs se retrouve aussi dans son oeuvre profane.
C’est le cas ici, malgré la présence de saint Louis. La verrière installée dans l’escalier d’honneur de la mairie représente l’origine des armes de la ville, octroyées par Louis IX à Vernon un jour où, après une longue chevauchée, des Vernonnais lui offrirent des bottes de cresson pour se rafraîchir.
Le blason de Vernon porte trois bottes de cresson, elles sont ici toutes les trois, l’une dans les mains du roi, l’autre dans celles du personnage à la cape, la troisième en train d’être cueillie par l’homme en bleu.
Décorchemont a profité de cette scène au bord de l’eau pour rappeler l’origine du lys royal. Le roi porte un manteau semé de fleurs de lys, qui sont la représentation héraldique de l’iris jaune. Les iris sauvages ont l’air de quitter la berge où ils poussent pour partir à l’assaut de son vêtement.
Enfin, en 1964, difficile de ne pas voir dans les nénuphars du premier plan un discret hommage au maître de Giverny.
Saint Louis goûtant le cresson à la fontaine de Tilly, verrière de François Décorchemont, 1964, hôtel de ville de Vernon.
Meules en hiver
Avec beaucoup d’à-propos, le musée de Vernon a choisi ces « Meules en hiver » de Blanche Hoschedé – Monet pour illustrer sa carte de voeux.
La toile vient d’entrer en 2009 dans les collections du musée. La vue est prise à Giverny, où Blanche a peint plusieurs fois le motif rendu célèbre par son beau-père. Une autre de ses meules, magnifique, est exposée dans la chambre de Claude Monet à Giverny.
Comme toujours la photo est loin d’avoir la luminosité de l’original, où, par contraste avec les tons terreux des meules de blé, Blanche exprime toute la maîtrise de son art dans la vibration du ciel et du sol enneigé.
Cette belle oeuvre est l’un des fleurons de l’exposition qui débutera le 15 janvier 2010 au musée de Vernon, et qui présente les acquisitions rendues possible grâce à l’association des Amis du musée (jusqu’au 28 février).
En parallèle, une exposition de photos de Jean Calan, « Sources », promet de belles images ((jusqu’au 28 février aussi).
Et le 29 janvier, une troisième expo s’ouvrira, « Contre vents et marées ou l’histoire des souffleries du LRBA ». (jusqu’au 14 mars).
Tout cela permettra de patienter jusqu’au printemps. Le musée de Vernon participe au Festival Normandie Impressionniste avec une expo sur le thème de « La Seine au fil des peintres, de Boudin à Vallotton », du 9 avril au 25 juillet.
En fin de saison, on reverra des photos anciennes grâce à « Une campagne photographique dans l’Eure au temps de l’impressionnisme, échos contemporains avec Georges Rousse ». (du 7 août au 7 novembre 2010). Voilà beaucoup de bonnes raisons de venir et revenir dans ce merveilleux petit musée de Vernon !
Tous mes voeux !
Pour commencer l’année, voici une charmante dame à l’ombrelle sur le pont japonais de Monet !
Tous mes voeux de bonheur à tous, et tout particulièrement aux jeunes mariés.
Le 31 décembre n’est pas une date très habituelle pour convoler chez nous, mais dans l’autre hémisphère, c’est le plein été.
On a donc double raison de se souhaiter le bonheur, non seulement pour l’année qui commence mais pour toute la vie !
Si on aime les lieux symboliques, les jardins de Monet sont un bel endroit pour se dire et se redire qu’on s’aime.
Et quand l’amour est là, il transforme l’hiver en été et les parapluies en ombrelles.
C’est ce que je vous souhaite à tous, pour 2010 et pour toute la vie.
Saint-Sylvestre
J’étais dans les jardins de Monet ce matin.
Le ciel était couvert, il tombait un petit crachin froid et un vent faible soufflait, brouillant la surface de l’étang où plus un seul nénuphar ne flotte.
Ce ne sont pas les meilleures conditions pour faire de bonnes images, mais c’était beau quand même, parce que les bambous demeurent verts, que le saule paraît presque chaud avec ses longs cheveux blonds, qu’il reste des feuilles pourpres accrochées aux branches, et que le bassin frissonne sa présence.
Au moment de franchir le pont entre les deux années, je vous souhaite qu’il soit peint couleur espérance. Que l’année nouvelle, comme le petit chemin que voici, vous conduise vers des jardins que vous ne voyez pas encore, et qui vous dévoileront leurs beautés à mesure que vous avancerez. Que votre cadre de vie soit accueillant et protecteur. Et que vous soyez chaque matin émerveillé de voir la lumière danser dans l’air et sur l’eau.
A tous, une très belle année 2010 !
Attraction universelle
C’est une chance d’habiter un bel endroit, on voit plus de monde. La famille et les amis se laissent plus facilement convaincre de faire l’effort de venir.
Giverny a cet avantage d’exercer une attraction universelle ; il suffit d’une photo, d’un reportage : les jardins de Monet suscitent l’envie de les voir.
Cette petite dame qui marche comme on danse vers l’entrée du musée des impressionnismes de Giverny, c’est ma soeur. Elle et son mari sont passionnés d’art, et bien qu’ils habitent loin, j’ai eu la joie de les guider à l’automne dans les jardins de Monet.
Je feuillette l’album virtuel. Ce n’est pas moi qui tenait l’appareil photo ce jour-là, je suis surprise de me voir pour une fois dans ces jardins que je photographie si souvent, à leurs côtés.
Ma soeur aînée est petite et légère, blonde comme les blés, elle a gardé un air enfantin qui fait fondre tout le monde. Rien ne permet de deviner que nous sommes soeurs.
Je m’attarde sur la photo où elle m’éblouit de son sourire, devant la grande allée du clos normand en pleine splendeur automnale. Toute la joie de cette visite me revient, cette joie qu’on éprouve à découvrir et à faire découvrir, encore plus grande quand on la partage avec des êtres chers.
Bien sûr, dans les projets de se rendre visite, il y a d’abord la perspective des retrouvailles. La jolie balade qu’on fait en plus, qui vient combler un désir de voir, c’est du bonus, le supplément d’attractivité qui emporte la décision de se mettre en route, qui vainc l’inertie.
Je ne saurais m’en offusquer. Ma soeur cadette vient de trouver comment me faire venir chez elle. Résidant pour quelques mois à Angoulême, elle m’a proposé d’aller ensemble au festival de la bande dessinée…
Un embryon de collection
Le musée des Impressionnismes de Giverny vient de franchir un cap, sept mois seulement après son ouverture le 1er mai dernier : il vient d’obtenir ses premières oeuvres, un tout petit début de collection.
Trois toiles ont été mises en dépôt, et un dessin acheté.
L’oeuvre la plus importante est la magnifique Grande Vallée IX de Joan Mitchell, exposée cet été sur ses cimaises, qui appartient au FRAC de Haute-Normandie. Elle est laissée à Giverny pour une durée d’un an, et plus, espérons-le, si affinités.
D’autre part la commune de Giverny met en dépôt au musée des Impressionnismes deux toiles, Lupins et pavots de Blanche Hoschedé-Monet et l’abbé Toussaint de Frédérick MacMonnies ; on a pu voir déjà au musée de Vernon ce grand portrait du curé de Giverny au temps de Monet. Ces deux dernières oeuvres font partie des collections du MDIG pour dix ans au moins.
Enfin, le musée a acquis un dessin à la mine de plomb sur papier de Pierre Bonnard, une oeuvre symbolique de l’amitié entre les deux peintres voisins puisqu’elle représente Marthe Bonnard en compagnie de Claude Monet dans la salle à manger de ce dernier à Giverny.
Le donjon de la Roche-Guyon
Voilà une semaine que le val de Seine est sous la neige, quelques centimètres à peine, mais assez pour métamorphoser le paysage.
Au-dessus de la Roche-Guyon, la route des Crêtes suit le bord de la falaise taillée par le fleuve, offrant de beaux points de vue sur les lointains bleutés.
Un peu en contrebas, on aperçoit le château fort de la Roche-Guyon. Bien que démantelé et ruiné, il a toujours fière allure dans ce site somptueux.
Cela paraît bizarre qu’il n’ait pas été construit tout en haut du coteau. Mais autrefois, sa tour était beaucoup plus haute. Elle s’élevait telle une immense cheminée et dépassait la crête de la colline, permettant de garder un oeil sur l’autre vallée juste derrière, celle de l’Epte. Cette fameuse rivière frontière de la Normandie. On est ici en Ile-de-France.
Des gravures montrent ce donjon démesuré, et c’était bien moche, vraiment, mais on n’était pas là pour faire joli. A la manière d’un périscope, la tour sortait juste ce qu’il fallait de l’ondulation de la colline, et les guetteurs guettaient.
J’ignore si, comme soeur Anne, ils ne voyaient rien venir. L’essentiel se passait quand même de l’autre côté, avec le contrôle de la Seine, et cette grosse chaîne qui stoppait les bateaux. Ceux-ci sentaient peser sur eux toute la menace du château fort, et s’acquittaient du péage sans discuter.
Billet de mille
Ce billet est le millième que j’écris pour givernews.com. Si vous cliquez sur le titre, vous verrez le numéro s’afficher.
J’avais d’abord penser à titrer M, comme mille en chiffre romain. Mais j’ai craint de décevoir les admirateurs de Matthieu Chédid, voire de prêter à confusion, même s’il paraît que c’est un porte-bonheur avec des points de suspension.
Le billet numéro mille, c’est une échéance qu’on voit arriver à l’avance. Une jolie occasion de célébrer, qui ne se reproduira plus : je ne crois pas que je persévérerai jusqu’au 10 000ème post, qui nous amènerait aux années 2040 environ. Ce n’est pas que je craigne de manquer d’inspiration, le sujet est inépuisable, mais il est probable que tôt ou tard il soit temps de passer à autre chose.
Alors M, comme Merci. Vous êtes bien plus de Mille chaque jour à venir prendre des nouvelles de Giverny, et c’est le meilleur des encouragements.
Et puis M, en condensé de la ligne éditoriale de ce blog. M comme Monet, M comme Magnifique et Merveilleux. Après avoir égrené surtout les mauvaises nouvelles du monde pendant une décennie, je voulais me concentrer sur du positif. C’est un bonheur de parler de la prodigieuse beauté de Giverny, de la grâce des fleurs, de cet homme hors du commun qu’était Claude Monet, d’art et d’harmonie.
Et en même temps cela ne va pas toujours de soi. Je ne serais pas française si je ne pratiquais pas un peu la lettre R aussi, râler, ronchonner et rouspéter. C’est culturel, on apprend la révolte avec notre premier biberon.
Sauf que vous ne venez pas ici pour des billets de mauvaise humeur, mais pour de petites notes aux couleurs changeantes. Je ne crois pas qu’un blog soit un exutoire, c’est un Média. C’est-à-dire un Multiplicateur de ce qu’on lui confie. Il faut faire attention à la nature des graines que l’on jette au vent.
M, le chanteur, a mille fois raison quand il le résume ainsi :
Je dis aime
Et je le sème
Sur ma planète
Je dis M
Comme un emblème
La haine je la jette
Soleil froid
Un soleil qui éclaire à peine s’élève au-dessus de Giverny.
Ce soleil froid, c’est l’artiste des belles lumières d’hiver.
Des tons rosés, grisés, dorés…
Où va-t-il chercher tant de douceur ?
C’est un duvet, un velours…
Le soleil d’été frappait, celui-ci effleure.
Mais il est bien trop discret pour ravir la nature aux bras du gel.
Une petite boucle dans le ciel glacé, et déjà le voilà parti, fatigué plus tôt chaque jour.
Perchés sur le rebord de l’année, les arbres endormis guettent le signal.
Il faut encore attendre.
Car bientôt les jours vont à nouveau s’étirer, mais les plantes savent ce paradoxe, que les jours qui rallongent sont aussi les plus froids.
L’échappée belle
Anna Gavalda publie un nouveau livre. C’est une grande nouvelle. Ou si vous préférez, un roman court.
La dame aux cinq A n’a pas besoin de moi pour qu’il devienne un best seller, et en plus, il n’y a pas un mot dedans sur Giverny ni sur Monet.
Non, si j’en parle, c’est parce qu’elle y fait un portrait très savoureux d’un guide d’opérette. Voilà déjà celui des visiteurs :
Quand nous sommes arrivés, la dernière visite venait de commencer. (…) Il y avait là quelques touristes égarés, des femmes à la cuisse molle, un couple d’instituteurs recueillis en Mephisto, des familles équitables, des gamins ronchons et une poignée de Bataves. Tous s’étaient retournés en nous entendant arriver.
Vincent, lui, ne nous avait pas vus. Il était de dos et commentait ses mâchicoulis avec une fougue que nous ne lui connaissions pas.
Vous vous êtes reconnu quelque part ? Devant tant d’ironie condescendante, ce n’est pas gagné.
La suite est très habile. Ses frère et soeurs regardent Vincent jouer les guides et épater son auditoire, alors qu’eux savent qu’il a « inventé tout ce pipeau ».
Une telle collection d’idées reçues sur notre métier, que n’importe qui peut se bombarder guide, qu’on raconte n’importe quoi, et de préférence du croustillant, du sordide, du surnaturel, du ronflant, et que le public « sous le charme » gobe et en redemande, un tel ramassis de clichés devrait me faire grincer des dents.
Mais je ne peux pas. C’est quand même très drôle, j’ai la bouche ouverte.
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