La couleur des Nymphéas

Nénuphars roses à Giverny On trouvait vraiment de tout dans les Expositions Universelles du 19ème siècle. Monet s’est procuré beaucoup de nénuphars en fréquentant l’Exposition Universelle de Paris de 1889 et celle de 1900. C’est là qu’il a découvert les nombreux hybrides obtenus par Joseph Bory Latour Marliac, un pépiniériste de Temple sur Lot, près de Bordeaux.
Les contemporains de Monet ont décrit tous les merveilleux nénuphars qu’ils avaient vus à Giverny : certaines années, le peintre fou de fleurs parvenait à faire pousser des espèces exotiques, purement tropicales, de nymphéas roses. Il possédait d’étonnantes variétés bleues venues d’Amérique du sud, ou encore le Nymphea aurora, jaune au début de sa floraison, et qui virait au rouge ensuite. Il en avait aussi d’autres, d’origine égyptienne, au coeur blanc entouré de pétales roses. (in Monet the Gardener, Robert Gordon et Sydney Eddison, Ed. Universe)
Claude Monet recherchait la plus grande variété de couleurs possible. A la création de son bassin, le choix des premiers nénuphars avait été vite fait : il avait tout simplement commandé tous ceux qu’il avait trouvé dans le catalogue Vilmorin, une douzaine au total.
Monet plantait ses nénuphars dans des pots immergés dans la vase, ce qui lui permettait de retirer les espèces fragiles en hiver.
Aujourd’hui, on peut en voir des roses, des jaunes et des blancs de différentes sortes à Giverny, en ce moment dans tout l’éclat de leur floraison.

Bain de mer

Pourville près Dieppe, Claude Monet, 1882, collection particulière. Aujourd’hui, en l’honneur de l’été, allons au bord de la mer. Ce n’est pas très loin, Giverny est à seulement une heure trente du littoral de la Manche.
En partant de la vallée de la Seine, il faut choisir si l’on ira au sud-ouest de l’estuaire ou au nord-est, ou si vous préférez à gauche ou à droite de l’embouchure. La différence de paysage est assez marquée : au nord-est, c’est la Seine-Maritime, avec ses belles falaises d’Etretat, de Varengeville, de Dieppe, célébrées par Monet. Au sud-ouest, dans le Calvados, les plages de sable ont favorisé l’émergence de stations balnéaires, avant d’entrer dans l’Histoire comme plages du Débarquement.
Ici aussi, Monet a peint, mais surtout au début de sa carrière, à Honfleur et à Trouville. Avec ses parents, il habitait le Havre, de l’autre côté de l’estuaire.

Le tableau ci-dessus date de l’hiver 1882. Monet est parti pour une longue campagne de peinture à Dieppe, puis à Pourville, cinq kilomètres plus à l’ouest, où il reste deux mois. Les vagues déferlent le long de la côte. Le soleil couchant teinte la plage de Pourville de rose, mêlé au bleu du ciel qui se reflète sur le sable mouillé.

Mais alors, vous répétez toujours la même chose ?

Lysimaque et rosier lianeLes lysimaques, ces belles vivaces jaunes d’un mètre de haut, sont en fleurs à Giverny. J’avais oublié leur nom appris l’an dernier. A force de passer devant le massif, il m’est revenu tout seul. La vue de la plante a dû solliciter la bonne case dans la mémoire, je suppose. Au bout de quelques jours le nom de lysimaque s’est imposé aussi clairement qu’une étiquette.
Pour les guides, la mémoire est aussi essentielle que la voix. J’explore, en même temps que ce métier, le fonctionnement mystérieux du souvenir.

Parler sans notes devant un public a une façon particulière de solliciter la mémoire. C’est un peu s’élancer sans filet pour un numéro de trapèze volant, le risque physique en moins. On vient d’exécuter une figure, le temps d’une respiration et il faut enchaîner pendant que le public est attentif. Qu’est-ce qui vient après, déjà ? Des groupes de mots ou des images apparaissent, évoquant une anecdote, un point à expliquer. Des enchaînements logiques permettent de poursuivre sans effort. Une idée en appelle une autre. Des formulations heureuses trouvées lors de visites précédentes ressurgissent spontanément.

Quand j’évoque mon métier, une phrase revient souvent chez mes interlocuteurs : « mais alors, vous répétez toujours la même chose ? » Bizarrement, ils ont tous un ton un peu horrifié pour dire cela.
Nous vivons dans un monde qui abuse de la répétition – les mêmes chansons, les mêmes informations, les mêmes publicités, les mêmes sketches, les mêmes conseils inlassablement répétés, nous la subissons sans penser à nous en plaindre, et pourtant redire la même chose deux fois de suite nous fait peur.
C’est étrange à quel point nous sommes programmés pour ne pas nous répéter. Combien cela nous met mal à l’aise de nous apercevoir que nous avons déjà dit cela tout à l’heure, même si c’était à d’autres personnes. J’imagine que cela doit avoir un sens profond vraiment important, évoquer le gâtisme du grand âge et de la proximité de la mort, peut-être, ces vieillards qui radotent à n’en plus finir…
S’il n’y avait ce malaise, je trouverais cela très confortable de répéter toujours la même chose. Peut-être qu’il finira par disparaître. J’imagine que les profs qui ont des classes de même niveau, ou les médecins en cas d’épidémie de grippe, finissent par s’habituer à ce ronron du rabâchage. Pour l’instant je louvoie. Certaines parties bien rôdées, bien ficelées, je n’y touche plus. Mais entre elles il y a une marge d’improvisation, du discours à construire au fur et à mesure. Cela me permet de ruser, de ne pas faire deux fois de suite la même visite. Et de ne pas répéter toujours la même chose.

Rodin et Monet

Les Bourgeois de Calais par RodinLe vernissage de l’exposition était fixé au 21 juin. C’était l’été 1889, celui de l’exposition universelle et de la Tour Eiffel. Monet et Rodin exposaient ensemble à la galerie Georges Petit.
Rien ne paraît plus naturel aujourd’hui que de voir réunis sur une même affiche ces deux monstres sacrés de la peinture et de la sculpture. Pourtant, en 1889, cela ne va pas de soi.
Monet et Rodin ont exactement le même âge : ils sont nés à deux jours d’écart, Rodin le 12 novembre 1840, Monet le 14. Ils s’estiment et ils s’admirent mutuellement. Mais leurs carrières parallèles ne se sont pas déroulées à la même vitesse. Rodin a démarré plus lentement, mais il a eu la chance de voir son talent reconnu très vite. Il est un artiste « arrivé », il reçoit des commandes officielles, il fait partie des jurys d’exposition.
En revanche, à 49 ans, Monet attend toujours son heure de gloire. Il est apprécié par un cénacle d’amateurs, soutenu par son marchand Paul Durand-Ruel, mais la critique et le public tardent à lui porter l’admiration qu’il mérite.
Rodin sert donc, un peu, de caution officielle à Monet dans la grande exposition projetée. Ce n’est pas une mince affaire. 36 Rodin voisineront avec 145 toiles de Monet. Oui, 145 ! Une énorme rétrospective de 25 ans de carrière qui restera sur les cimaises de la galerie Petit pendant trois mois !
Des semaines de préparation, des dizaines de lettres pour convaincre ses collectionneurs de prêter telle ou telle toile, et nous voici à la veille du grand jour. Rodin expose ses Bourgeois de Calais au complet pour la première fois.
Mais il attend la dernière minute pour les placer, et, aux yeux de Monet, le 21 juin, c’est une catastrophe :

Je suis venu ce matin à la galerie où j’ai pu constater ce que j’appréhendais, que mon panneau du fond, le meilleur de mon exposition, est absolument perdu, depuis le placement du groupe de Rodin. Le mal est fait… C’est désolant pour moi.

Les sculptures de Rodin le sculpteur reconnu font de l’ombre aux oeuvres de Monet, qui une fois de plus est en proie au doute. Arrivera-t-il à convaincre cette fois-ci ?
Monet a vu juste. La presse fait la part belle aux oeuvres de Rodin, mais se montre moins diserte et moins unanime sur les siennes. Il faudra attendre encore un an et le choc des Meules pour faire enfin taire les donneurs de leçons.

L’étang endormi

Giverny
Le bassin de Monet au petit matin, quand le soleil bas étire les ombres à la surface de l’eau.

Les nénuphars sortent de leurs songes, sous le ciel inversé les poissons glissent en silence.

Rien ne bruisse, rien ne s’ébroue que la lumière.

Pavot

PavotCa bourdonnait dans les pavots ce matin, au point que les fleurs en tremblaient. Dans le soleil radieux, des abeilles, des bourdons venaient à plusieurs visiter les grandes corolles, se rouler dans les étamines. A contre-jour leurs silhouettes mouvantes se dessinaient en ombres chinoises.
Le pavot a des pétales si fins et si froissés qu’on dirait du papier crépon, prêt à se transformer en jupons d’un jour pour le spectacle de fin d’année des petites classes. Roses ou rouges, tournent les robes des petites filles déguisées en fleurs…
Le pavot est l’as du pliage, il pourrait donner des cours aux aspirants parachutistes. Comme un magicien sortant des foulards de son gant, il fait jaillir de son bouton des surfaces insensées de pétales.
Les insectes ont bien fait de se dépêcher ce matin. J’ai repensé aux pavots ce soir en dépliant mon parapluie. Son tissu fin était tout froissé, on aurait dit un grand pavot rose, à l’envers.

La maison rose

La maison rose à Giverny Dimanche dernier, à l’occasion de l’anniversaire de ses quinze ans, le musée d’art américain de Giverny a ouvert exceptionnellement au public les jardins de trois maisons d’artistes.
La Maison Rose est l’une de ces demeures qui a vu passer des hôtes de marque pendant plusieurs décennies, des peintres américains, puis de nombreux artistes à partir de 1909, quand elle est devenue une auberge. La danseuse Isadora Duncan y a séjourné.
Blanche Hoschedé, la belle-fille de Monet, venait souvent peindre dans le jardin.
La maison appartient aujourd’hui à la Fondation Terra, qui y accueille des artistes en résidence d’été, ainsi que des chercheurs en histoire de l’art.
Les jardins sont une création contemporaine. Le paysagiste n’a pas cherché à restituer le jardin d’il y a cent ans, qui paraîtrait peut-être un peu ennuyeux aujourd’hui, à en juger d’après les cartes postales d’époque. Il a préféré imaginer des allées gazonnées autour de parterres à la végétation exubérante. Mon seul regret : qu’un massif de bambous devant l’ancienne porte du jardin le cache à la vue depuis la route. Ce serait si agréable de l’apercevoir en passant.
Dimanche dernier, il faisait bon se promener presque solitaire dans ces beaux jardins méconnus de Giverny, en découvrant d’autres aménagements, d’autres styles, d’autres idées, d’autres plantes que chez Monet.
Les portes se sont refermées, elles se rouvriront pour les groupes de visiteurs qui en feront la demande.

Les tilleuls de Hyde Park

Fleur de tilleul Certaines personnes sont plus que d’autres sensibles aux sons, elles vous font remarquer les appels du coucou même quand il faut tendre l’oreille pour les percevoir. D’autres portent toute leur attention sur les parfums qui embaument le jardin de Monet.
Ou plutôt qui devraient embaumer. Il pleut un peu souvent ces temps-ci pour que les senteurs les plus capiteuses se développent. La semaine dernière encore, l’air était plein de fragrances de chèvrefeuille, de rose et de tilleul. Le voilà lavé, tout propre et tout frais, mais les parfums fleuris sont partis.
Des visiteurs londoniens ont approché leur nez des tilleuls de Monet, pour constater un peu déçus que le pic de leur floraison est déjà passé. « La semaine dernière, ceux de Hyde Park étaient tous en fleurs, » m’ont-ils rapporté avec un peu de nostalgie.
L’espace d’un instant, je me suis promenée avec eux dans Hyde Park la semaine dernière, humant à pleins poumons la brise au parfum de tilleul. Un parfum qui franchissait allégrement le Channel, rejoignant celui des mille tilleuls de Vernon en pleine floraison au même moment, et sans doute aussi celui de beaucoup d’autres tilleuls ailleurs sur la planète.
Les amoureux séparés décident parfois de regarder la lune à la même heure, pour se sentir plus proche l’un de l’autre. J’aime bien l’idée que la semaine dernière, tandis que je humais avec délectation le parfum des tilleuls de Vernon et de Giverny, d’autres personnes se réjouissaient de cette même senteur dans Hyde Park ou ailleurs. Il me semble que cette expérience concomitante, si fugitive soit-elle, nous rapproche, tisse comme un lien secret entre nous, des êtres humains éloignés, différents, mais qui sentent et ressentent de la même façon.

Fleur bleue

Champ de lin en fleur Autant le colza est incontournable au printemps, avec son jaune acide omniprésent qui vous saute à la figure, autant le lin joue la discrétion. Pour peu que la pluie vous tienne à l’écart des chemins de campagne pendant une ou deux semaines, et vous ratez la courte mais si jolie période où il est en fleur.
Si le colza fait masse, le lin est mousseux et léger. Sa floraison saupoudre les champs d’une traînée de petites étoiles bleues tombées du ciel et accrochées au sommet de courtes tiges toutes fines.
Comment quelque chose de si délicat peut-il produire une fibre aussi solide ? Le processus de transformation est long et un peu mystérieux, comme celui qui fait naître les papillons, ou les bons petits plats en cuisine.
Beauté éphémère : vous apercevez un champ qui ressemble à celui-ci à deux heures de l’après-midi, vous le retrouvez tout vert à six heures du soir, toutes ses fleurettes fanées.
C’est une beauté qui s’offre et se refuse en même temps. Vue de près, la fleur de lin ne paie pas vraiment de mine, toute petite et toute simplette. Ce n’est qu’en portant le regard au loin qu’on la voit devenir cette nappe d’azur. De près, même pas de quoi être tenté de faire un bouquet.

Matinée sur la Seine

Matinee sur la Seine, Claude Monet, 1897 />
  Mead Art Institute, Amherst College, MassachusettsToute sa vie Monet a vécu au bord de l'eau, celle de la Seine ou celle de la Manche. Cette passion pour l'élément liquide n'est pas étrangère au fait qu'il ait jeté son dévolu sur Giverny : le fleuve n'est qu'à un kilomètre environ de sa maison.
En 1896, il explore le procédé de la série depuis plusieurs années déjà quand il se lance dans un nouveau thème, celui des Matinées sur la Seine. Son but est d'étudier les variations de la lumière et de l'atmosphère sur la rivière aux premières heures de la journée.
Debout avant l'aube, après avoir pris son habituel bain froid, il déjeune copieusement puis part au bord de l'eau. Il s'installe à l'endroit où l'Epte se jette dans le fleuve, et où il possède une cabane qui lui permet de stocker ses toiles sur place.
Peu de tableaux sont achevés cette année là en raison du temps exécrable qui dure une bonne partie de l'été. Il les reprend en 1897. Il y en aura une vingtaine au total.

Tout est vaporeux dans celui du Mead Art Institute de l'Amherst College, dans le Massachusetts. Avec une courte palette de dégradés de mauves et de violets, Monet s'est attaché à rendre la brume du petit matin qui s'élève de la Seine. Monet peint qu'il ne voit pas, selon le mot de Proust.
Comme tous les tableaux de la série, la toile présente une symétrie selon une horizontale qui la coupe en son milieu. Tôt le matin ou en soirée, la Seine est souvent lisse comme un miroir, le vent qui la ride ne se lève qu'avec le soleil. Monet se passionne pour les reflets des arbres, pour la coulée claire qui sépare ceux de la berge de ceux de l'île aujourd'hui disparue. La composition comme le sujet préfigurent les vues du bassin aux nymphéas. Les premières datent de l'année suivante, 1898.
L'une de ces Matinées sur la Seine, celle du musée de Boston, est exposée jusqu'au 1er juillet au Musée d'Art Américain de Giverny.

Daniel Terra, fondateur du Musée d’Art Américain Giverny

Entrée du musée d'art américain de GivernyLa vie de Daniel Terra est un roman. Le fondateur du Musée d’Art Américain Giverny incarne le rêve américain, cet espoir que la possibilité de réussir et de devenir millionnaire est offerte à tous.
Daniel Terra est né en 1911. Il a commencé comme marchand de journaux dans la rue à Philadelphie, en Pennsylvanie, puis il a été danseur et chanteur, tout en poursuivant des études de chimie à l’université. Après la crise de 1929, il se lance dans la recherche en chimie et parvient à mettre au point un procédé de séchage rapide de l’encre d’imprimerie. Succès foudroyant qui coïncide avec le lancement de Life, un magazine consacré aux actualités.
En 1940, à 29 ans, Daniel Terra crée sa propre société de produits chimiques pour les arts graphiques. Vingt ans plus tard, Lawter Chemicals est cotée en bourse. Aujourd’hui, elle est présente dans 17 pays à travers la planète.
Voilà Daniel Terra riche à millions. Il consacre une partie de cette fortune à sa passion, la peinture. Daniel Terra se met à collectionner les oeuvres d’artistes américains, de 1750 jusqu’aux années 1950. Au total, un millier d’oeuvres parmi lesquelles bon nombre de toiles magnifiques signées des plus grands noms de l’art américain, Morse, Cassatt, Robinson, Homer ou Hopper, pour n’en citer que quelques-uns.
Daniel Terra milite aussi en politique aux côtés de Reagan. En 1980, le Président nouvellement élu le remercie de son soutien en créant un titre sur mesure pour lui : « Ambassadeur extraordinaire des Etats-Unis chargé des Affaires culturelles ».
Daniel Terra voyage alors beaucoup, se faisant le défenseur de l’art américain.
En même temps, il lance une fondation et travaille à la création de musées pour montrer ses collections, de chaque côté de l’Atlantique. Le musée Terra de Chicago voit le jour en 1987, celui de Giverny en 1992.
Daniel Terra a eu le temps de voir le musée givernois prendre son essor. Il est mort en 1996. Il aurait sûrement aimé la grande exposition de cette année qui célèbre plus que jamais l’influence de l’école impressionniste française sur plusieurs générations d’artistes américains.

Henry Moore et les silex

Nymphéas, Claude Monet 1908, 81 cm, Dallas Museum of Arts J’ai guidé une guide cette semaine, une expérience étonnante qui s’est avérée merveilleuse. Mrs. H. venait du Texas où elle travaille au musée des Beaux-Arts de Dallas.
Le Dallas Museum of Art est un grand musée généraliste qui balaie 5000 ans d’art à travers la planète. Il possède quatre Monet, dont ce magnifique Nymphéas rond, le petit frère du tondo du musée de Vernon. Avant d’arriver à Dallas, ce tableau-ci, comme celui de Vernon, a été offert par Claude Monet, cette fois au profit de la Fraternité des Artistes. Fichu caractère, mais généreux.

Plus les visiteurs sont réceptifs, plus c’est un bonheur de les guider. Chacun arrive à Giverny avec ses propres attentes. Et en conséquence, se trouve satisfait, comblé ou éventuellement déçu. Imaginons ce que c’est de commenter un tableau des Nymphéas jour après jour, et de voir enfin le bassin en vrai…
Je crois que c’est un des aspects de mon métier que je préfère, être à côté des gens qui vivent l’émerveillement, partager ces instants magiques. Quand en plus ils sont avides d’explications, d’analyses, d’éclairages, le bonheur est total.

Parfois les explications données rebondissent, produisant par ricochet des effets inattendus. Chez Monet, les murs du clos normand et le souterrain qui permet de passer d’un jardin à l’autre sont faits de moellons de calcaire et de silex. Le calcaire se taille bien, tandis que le silex n’accepte que d’éclater sous l’effet d’un percuteur, comme c’était déjà le cas au paléolithique. Dans les champs ou dans les carrières de calcaire, on trouve beaucoup de silex. Entiers, ils ont des formes arrondies un peu bizarres, on dirait des têtes d’os. Comme nos ancêtres ne perdaient rien, les moellons de silex sont largement utilisés dans les murs anciens de la région.Mur en silex et calcaire, Clos Normand de Monet
J’aime bien montrer les petits morceaux de silex insérés dans le calcaire de la pierre de Vernon. « Ah bon, c’est du silex ? » s’est étonnée Mrs. H. Elle avait remarqué une bordure de plate-bande faite en rognons de silex dans les rues du village, sans savoir de quelle pierre il s’agissait. « Nous avons à Dallas une sculpture de l’artiste minimaliste Henry Moore qui s’appelle Vertèbres Numéro 3. Il raconte qu’il s’est inspiré d’une pierre pour créer cette sculpture, mais je ne voyais pas quelle pierre pouvait avoir cette forme-là. C’était donc du silex ! « 

Fichu caractère

Monet dans l'allée aux capucinesParfois, une question préoccupe les visiteurs. On dirait qu’ils se sont promis de la poser et qu’ils ont peur d’oublier, à peine a-t-on mis le pied dans le jardin qu’ils interrogent, comme anxieux de la réponse. Et des réponses, il n’y en a pas toujours.
– Vous trouvez que le génie autorise à avoir un fichu caractère ?
Fichue question.
Je n’aime pas insister sur les aspects les moins glorieux de la personnalité de Monet. Mais il avait la réputation d’être difficile à vivre : entièrement accaparé par son art et son jardin, il était d’humeur variable. Ses lettres le montrent tantôt enthousiaste, débordant d’énergie et d’activité, tantôt doutant, mécontent de lui ou du temps, parfois en proie à la colère, capable d’envoyer tout promener et de détruire des dizaines de toiles.
Les témoignages de ses contemporains le décrivent comme un tyran domestique. Il ne supportait pas le moindre retard dans le service des repas, était d’un exigence extrême sur leur qualité, et régentait tout dans la maison.
En ce qui concerne ses rapports avec les membres de la famille, Claude Monet n’était sans doute guère empathique. Il a fait peu de cas des sentiments de Blanche et de Breck, par exemple, et n’a pas hésité à mettre fin à leur romance.
Mais Blanche ne lui en a pas voulu, elle lui est resté dévouée jusqu’à sa mort, avec une patience d’ange. C’est elle qui affirme qu’il aimait les enfants. On sait aussi qu’il chantait de temps en temps, qu’il pouvait être d’un caractère enjoué. Il a donné de nombreuses toiles à des fins caritatives, il a aussi consacré beaucoup de son temps à défendre des causes, à organiser des souscriptions. Personne n’est tout noir ou tout blanc, mais d’un gris plus ou moins clair.
– Vous trouvez que le génie autorise à avoir un fichu caractère ?
Mais qui peut répondre à cela ? Qui sommes-nous pour juger et trancher ? Chacun fait ce qu’il peut. Comment savoir ce qu’on ressent quand on a le génie de Monet, quand on doit livrer une lutte avec soi-même pour faire naître les chefs-d’oeuvres en gestation ?
Question ultime, cette lutte surhumaine excuse-t-elle la tyrannie, l’impatience, l’intolérance ?
Ce n’est pas à nous de le savoir, ni d’en donner la réponse.

Pommier en cordon

Pommier en cordon dans le jardin de MonetTout en haut du jardin de Monet, un carré de pelouse est entouré de pommiers taillés en cordon. Cela n’a rien d’extraordinaire en Normandie, on en voit dans beaucoup de jardins. Pourtant ces pommiers « en espalier » suscitent une grande curiosité chez les visiteurs du jardin. Ils se demandent ce que c’est, si c’est mangeable, et sont toujours très étonnés d’apprendre qu’il s’agit tout bonnement de pommes.
Les pommiers de Monet produisent de belles pommes à l’automne. Je ne sais pas si quelqu’un les mange, en tout cas j’aimerais bien les goûter.
Ce midi, un de mes clients croquait une pomme quand je l’ai rejoint à l’heure de notre rendez-vous. Je venais de finir la mienne. Amusée par la coïncidence, je lui ai cité le dicton anglais, « Une pomme par jour tient le médecin à distance ». « Moui, a-t-il répondu sans l’ombre d’un sourire, on le dit, mais je n’aime pas beaucoup ce dicton, étant médecin moi-même. » J’ai éclaté de rire de ma gaffe, et la visite a été très sympa.

Erable du Japon

Erable du Japon Bonsaï de MonetJ’en apprends avec les personnes que je conduis à travers les jardins de Monet. Il y a quelques jours, des visiteurs m’ont expliqué que cet arbre à feuillage rouge qui pousse au bord du bassin était un bonsaï d’un âge vénérable. Cela coûterait une petite fortune d’en acheter un de cette taille, ont-ils précisé en connaisseurs. Je n’ai pas retenu le nom qu’ils lui donnaient.
D’autres visiteurs ont ensuite parlé d’érable du Japon, un nom beaucoup plus facile à retenir. Il en existe paraît-il de très nombreuses variétés, près de 400, chez Monet il y en a deux, un vert et un rouge, tous deux au feuillage très découpé et très fin.
Et puis ce matin ma cliente croyait se souvenir que le sien s’appelait un Osaka Zuki. Ce n’est peut-être pas exactement le même, mais cette fois, nous avons trouvé un bout de papier et un stylo pour noter ce nom qui sent bon le Japon.
Au printemps, quand les azalées sont en fleurs, n’a-t-on pas l’Impression d’être au pays du Soleil Levant ?

Les allées fermées

allée aux iris, jardin de Monet à GivernyDans le jardin fleuri de Monet, seulement trois allées sont accessibles au public. Les autres, plus petites, sont fermées.
La raison en tombe sous le sens. Quand on ouvre une allée au public, il faut au moins que deux personnes puissent s’y croiser, qu’on puisse faire passer un fauteuil roulant. Ce serait transformer profondément la physionomie du jardin que d’agrandir les petites allées. Monet les a voulues étroites, comme de fines lignes à travers les fleurs. A distance, elles disparaissent, il ne reste plus que l’impression d’une mer de tiges et de pétales jusqu’à l’autre bout du jardin.

.

Fourmi

Fourmi en équilibre sur une pivoineC’est dingue, la vie des petites bêtes. Les ressources énormes qu’elles ont – marcher au plafond, grimper sur des parois lisses et verticales, se faufiler dans le moindre interstice – et les obstacles insensés auxquels elles sont confrontées. Pensez-vous qu’on puisse se perdre à l’intérieur d’une pivoine comme sur un échangeur d’autoroute, que ses pétales denses vous fassent l’effet d’un labyrinthe ?
Mais qu’est-ce qu’elle est venue faire ici, cette fourmi ? Quel est son but, vers où court-elle au péril de la chute ?
Je l’envie un peu de pouvoir trottiner à même ces surfaces merveilleuses qui évoquent les fleurs en sucre des pâtissiers, mais là, franchement, elle me donne le vertige.

Henri IV

Henri IVDeux villes proches de Vernon sont liées à l’histoire du roi de France Henri IV : Rosny sur Seine, près de Mantes la Jolie, est la ville natale de son ministre des Finances Sully. Et surtout, dans la vallée d’Eure, Ivry a vu se livrer une bataille décisive, qui a valu a la petite cité de devenir Ivry-la-Bataille.
C’est à Ivry que le courageux roi aurait prononcé son célèbre « ralliez-vous à mon panache blanc » qui a inversé le cours de la bataille.
C’est peut-être parce qu’Ivry commence par IV que cette victoire a ouvert à Henri IV la voie vers Paris…

Art Nouveau

Balcon style Art Nouveau à Vernon, France Comme la plupart des villes d’Europe, Vernon recèle son lot de maisons construites au tournant du 20ème siècle, une époque de croissance économique. Les classes moyennes de la Belle Epoque qui se faisaient bâtir des demeures plus ou moins luxueuses ont fait les beaux jours de l’Art Nouveau.
Le style Art Nouveau est un des plus faciles à reconnaître, avec ses lignes courbes « en coup de fouet » et ses décors de végétaux ou d’animaux. Ces éléments ne sont pas toujours présents, mais quand ils le sont, on est sûr que le bâtiment a environ cent ans.
Octave Mirbeau, grand ami de Monet, a la dent dure quand il décrit l’Art Nouveau :

« Tout tourne, se bistourne, se chantourne, se maltourne ; tout roule, s’enroule, se déroule, et brusquement s’écroule. »

Le style Art Nouveau a été si populaire, si présent dans tous les domaines – décoration, architecture, affiches… – que ses contemporains ont fini par ressentir la surdose.
Aujourd’hui, l’Art Nouveau délasse plutôt qu’il ne lasse. Son évocation de la nature, ses figures féminines idéalisées, ses formes sinueuses si gracieuses ont retrouvé leur attrait. Guetter les éléments typiques de ce style en se promenant dans les rues donne l’occasion de poser un oeil neuf sur sa ville. Pour vous mettre en appétit, voici un balcon dont vous apprécierez toute la finesse en cliquant sur l’image.

La mère de Claude Monet

Les parents de Claude Monet vers 1855Claude Monet parlait rarement de sa mère, morte quand il avait seize ans. Louise Justine Aubrée Monet est longtemps restée mystérieuse, jusqu’à ce qu’on découvre récemment une nouvelle source biographique, les mémoires de Théophile Béguin Billecocq, comte et ministre, qui fréquenta la famille Monet dès 1853. Le jeune Claude était alors un enfant de douze ans.
Théophile livre un portrait détaillé de Madame Monet mère en femme du monde accomplie : intelligente, enjouée, elle savait entretenir la conversation « avec l’aisance des jeunes femmes qui ont été élevées à Paris ». Elle appréciait les poètes romantiques et écrivait des vers depuis son enfance, des vers plutôt bons selon lui, ce qui ne gâtait rien.
La mère de Claude Monet dessinait avec talent et peignait à l’aquarelle dans de petits carnets de croquis qu’elle ne montrait qu’à ses intimes. Elle jouait la comédie « avec grâce » et adorait recevoir dans son salon les notables du Havre, les riches étrangers de passage et la bonne société parisienne en vacances sur la côte.
Elle aimait aussi lire, en particulier Balzac et Lamartine. Surtout, elle aimait la musique, elle chantait avec une belle voix de soprano et organisait de petits concerts chez elle, se faisant accompagner au piano ou au violon.
Sa mort prématurée est une perte immense pour le jeune Claude, qui trouvait chez elle le soutien artistique qui lui manquait chez son père. Théophile raconte que l’adolescent, aimable et drôle en général, pouvait tomber parfois dans une mélancolie profonde qui le quittait aussi soudainement qu’elle était venue. On en devine la cause…

Les Campanules Sylvie

Grande CampanuleLa pluie et le vent ont couché mes campanules Sylvie, qui poussaient si droites l’année dernière. La campanule Sylvie, nomenclature toute personnelle forgée sur l’anémone sylvie, ou anémone des bois : c’est mon amie Sylvie qui m’a donné des pieds de grandes campanules bleu ciel, il y a plusieurs années.
Je regarde tristement les longues tiges des campanules fleurir la tête basse. Sylvie s’en va le mois prochain.
Et je me demande combien de temps il faut pour que le soleil sèche la pluie. Pour y gagner, à cause de la couleur des blés, pour que les étoiles au ciel se mettent à rire, pour que les campanules redressent la tête et finissent par tintinnabuler.

Les crocodiles du bassin

Le bassin de MonetLa fin d’année est propice aux voyages scolaires. Au grand dam de certaines personnes en âge d’être grand-mères, les groupes d’élèves se succèdent en ce moment à Giverny.
« Pourquoi est-ce qu’on les emmène là ? Qu’est-ce que ça leur apporte ? » grognent parfois les visiteuses dérangées dans leurs contemplations botaniques.
Mais si on tend l’oreille à l’expression spontanée de cette marmaille remuante, c’est un régal.
Comme je me trouvais à l’accueil des groupes en même temps qu’une classe de maternelle, j’ai engagé la conversation avec les enfants les plus proches de moi.
– Vous savez ce que vous venez voir ?
– On vient voir Claude Monet ! claironne une blondinette.
– Vous allez voir sa maison et son jardin, mais pas Claude Monet, parce que ça fait très longtemps qu’il est mort !
L’information du décès du maître des lieux la saisit. Elle fait passer le scoop en se retournant vers les autres enfants :
– Hé ! Claude Monet, il est mort ! Depuis longtemps !
– Il est mort depuis quatre-vingt un ans ! dis-je en insistant sur ce gros chiffre. Même ses enfants sont morts.
Elle se retourne à nouveau.
– Même ses enfants sont morts ! répète-t-elle pour les autres avec la même stupéfaction.
Mon badge avec la photo et le logo tricolore les intrigue.
– Pourquoi tu as ça ?
Je résume :
– Mon métier, c’est d’expliquer tout sur Monet.
-Aaah ! font-il pensifs. Ils ignoraient l’existence de ce métier. Miss porte-voix s’empresse de le faire savoir aux copains. « La dame elle explique tout sur Monet ! »
Un autre enfant s’est approché d’un gardien qui porte une magnifique cravate à motif de nymphéas.
– C’est comme dans le livre ! s’exclame-t-il en montrant du doigt. La maîtresse constate, amusée, que le motif est bien celui du tableau qu’ils connaissent. Maintenant ils sont trois petits garçons autour du gardien en train de toucher sa cravate pour mieux la voir.
– Et ils sont où les poissons ?
– Ils sont dans l’eau sous les nénuphars, on ne les voit pas, répond patiemment le gardien.
Un de ses collègues est plus farceur :
– Faites attention, il y a des crocodiles dans le bassin !
Regards étonnés et un peu inquiets.
– Des crocrodiles ? Ah bon ! Je savais pas qu’y avait des crocrodiles !
Voilà un groupe qui ne jouera pas à pousser des ouh ! de fantômes dans le passage souterrain. Ils vont scruter le bassin de Monet comme un nouveau Loch Ness, à la recherche d’une longue mâchoire aux dents pointues, d’une paire d’yeux proéminents et d’un corps couvert d’écailles.

Les toits de Vernon

Les toits de Vernon, Eure Ce matin les hirondelles volaient assez haut dans le ciel, faisant mentir les prévisions pessimistes de Météo France. Ce sont elles qui ont eu raison, il n’est pas tombé une goutte aujourd’hui.
De là-haut, elles doivent avoir une vue sur les toits de Vernon proche de celle qu’on a depuis le sommet de la Tour des Archives.
Ce qui frappe tout d’abord le promeneur essouflé d’avoir gravi cent marches et qui contemple le paysage en attendant que son coeur reprenne un rythme normal, c’est la silhouette élancée de l’église émergeant des maisons qui l’entourent. On dirait une poule au milieu de tout plein de poussins.
Le quartier entre la tour et l’église a été peu affecté par les bombardements de la dernière guerre. Il a conservé son tracé du Moyen-Age, avec ses rues étroites et ses toitures enchevêtrées.
L’ardoise et la tuile se disputent les faveurs des couvertures à Vernon. Je crois qu’un comptage effectué en vue de définir quel matériau il faut employer pour les nouvelles constructions dans les secteurs protégés a conclu à un partage à 50-50. Les architectes et les particuliers ont donc le choix, petite tuile plate brun rouge ou ardoise.
On n’a pas toujours prêté autant d’attention à l’harmonie générale. Il y a quelques décennies, la tendance était plutôt de privilégier les matériaux modernes si pratiques. Quantités de toits se sont vu couverts de tuiles de Beauvais, une tuile mécanique à la jolie teinte chaude mais au rendu raide et uniforme. Avec le temps, elles finissent tout de même par se patiner et par avoir leur charme.
De tous ces toits émergent des forêts de cheminées devenues passablement superflues depuis qu’on ne se chauffe plus au bois ou au charbon. Les ramoneurs les ont désertées, il reste les petites fenêtres aménagées dans les combles qui leur permettaient d’accéder au toit pour ramoner le haut des cheminées.
Sous les toits, à la faveur d’une discontinuité de la rue, on aperçoit aussi quelques pignons de maisons à colombages. Leur dessin bicolore rappelle que nous sommes déjà en Normandie. Vernon a une vocation de ville frontière. Sous Philippe-Auguste, au 12ème siècle, c’était la dernière ville française en bord de Seine. La limite s’est un peu déplacée. Aujourd’hui c’est la première ville normande le long du fleuve.

Entretien du bassin

Nympheas blancs dans l'étang de Monet L’entretien du bassin aux Nymphéas de Monet est une tâche quotidienne. Il faut constamment supprimer les herbes aquatiques qui flottent à la surface ainsi que les pollens de peupliers qui se déposent sur l’eau au début du printemps.
A l’époque de Monet, un jardinier était dévolu à l’entretien de l’étang. Parmi ses attributions figurait une tâche assez singulière : chaque matin, il devait laver les nymphéas.
Un contemporain a décrit cette occupation routinière du jardinier, qui circulait en barque entre les nénuphars et plongeait les boutons dans l’eau avant qu’ils ne s’ouvrent dans la matinée.
Monet n’aimait pas que quelque chose vienne s’interposer entre son motif et son oeil. La route qui longe le jardin d’eau n’a cessé de devenir de plus en plus passagère. Les véhicules à moteur soulevaient des nuages de poussière qui venait se déposer sur les fleurs aquatiques.
Avec la détermination qui lui était coutumière, Monet a résolu le problème. En proposant de régler la moitié de la dépense, il a obtenu du conseil municipal de Giverny de faire asphalter la portion de chaussée qui traverse sa propriété. C’est le jardinier du bassin qui a dû être content.

Histoire de couple

La grande allée du jardin de Monet J’aime bien raconter l’histoire de la grande allée. Tout le monde s’y projette volontiers, et elle suscite souvent des commentaires ou au moins un sourire de la part des visiteurs.
La grande allée existait déjà à l’arrivée de Monet et sa famille, divisant le jardin en deux parties égales. Elle était bordée de grands sapins et se terminait par les deux ifs que l’on voit toujours.
L’ombre donnée par les arbres en jetait une sur le couple de Claude et d’Alice, la future femme de Monet : ils étaient très divisés sur la question.
Alice appréciait beaucoup cette allée ombragée qui lui permettait de sortir dans le jardin sans ombrelle. Monet ne l’aimait guère parce que les fleurs refusaient d’y pousser.
Vous pouvez voir sur la photo qui a gagné. De disputes en négociations, Monet a obtenu ce qui a dû lui paraître un compromis. Il a conservé les ifs, et il a fait couper les sapins à trois ou quatre mètres de hauteur.
Vous imaginez ce que cela donne de couper des sapins adultes à trois mètres du sol : il ne reste que des troncs dénudés, des sortes de colonnes sur lesquelles Monet a fait pousser des rosiers grimpants. Entre ces piliers, il a installé les arches métalliques qui servent également de supports à des rosiers.
L’effet était assez joli, même si les fûts couverts de roses faisaient un peu bizarre. Au fil du temps, les arbres privés de branches et de faîte ont fini par pourrir. Monet les a fait abattre définitivement et l’allée a pris son aspect d’aujourd’hui.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

Catégories