Escourgeon

champ d'escourgeonOn dirait un juron du capitaine Haddock : « Bachibouzouk ! Moule à gaufres ! Escourgeon ! »
Pourtant l’escourgeon n’a rien d’une quelconque sorte de courge. C’est l’autre nom de l’orge d’hiver, qui mûrit en ce moment aux alentours de Giverny.
On en fait de l’aliment pour le bétail, il entre aussi dans la composition de la bière.
L’escourgeon n’est pas sans rappeler d’autres céréales, notamment le froment. Il s’en distingue par ses longues barbes qui accrochent merveilleusement la lumière. En plein soleil, un champ d’escourgeon est capable de miroiter comme de l’eau.

Giverny, site classé

Giverny site classé patrimoine nationalLe panneau orne fièrement la porte de la mairie : »Giverny Claude Monet Site classé Patrimoine national ».
Le classement des sites naturels est moins connu que celui des monuments historiques, et pourtant la loi qui protège les paysages – entre autres – date du 21 avril 1906. Elle fête son centenaire cette année, en toute discrétion.
C’est en toute discrétion aussi que le panneau du classement a été placé à la mairie, à l’écart des flux touristiques. Mais il fallait bien le mettre quelque part.
La zone protégée depuis 1985 couvre un secteur qui s’étend sur plusieurs communes autour de la Fondation Monet. Les générations futures auront peut-être encore le loisir d’admirer les paysages qui ont inspiré le maître de l’impressionnisme.
Le classement d’un site comme celui de Giverny ne pose pas question, il va de soi. Mais parfois, l’inscription porte sur des objets beaucoup plus limités : un arbre, un cimetière.
Est-ce dû à un patrimoine régional exceptionnel, comme le proclame la Direction Régionale de l’Environnement de Haute-Normandie ? L’Eure est la championne de France du classement, avec 261 sites et monuments naturels protégés.
Dans un zèle qui les honore, les fonctionnaires du début du 20e siècle se sont empressés d’inscrire de nombreux arbres remarquables du département, parmi lesquels les ifs pluricentenaires des cimetières. Cette frénésie de classement a cessé après la guerre.
Aujourd’hui, on cherche à protéger de vastes zones naturelles et cohérentes. Les projets sont moins nombreux, mais plus ambitieux.

Rosier grimpant

Rosier grimpant dans le jardin de MonetUne harmonie de fin de printemps règne en ce moment à Giverny. Le jardin fleuri qui s’étend devant la maison de Monet est éblouissant de couleurs.
Les rosiers grimpants savamment taillés et conduits en arbres, en arceaux, en tonnelles, en haies, déversent leur pluie de fleurs, en écho aux pivoines, leurs cousines des plates-bandes.
Les supports des clématites maintenant défleuries s’illuminent à nouveau de la floraison des roses.
Les variétés sont choisies pour s’échelonner. Alors que certaines resplendissent, d’autres, couvertes de rangs serrés de boutons, promettent des délices futures.
C’est une des caractéristiques du jardin de Monet. Le coeur tressaille devant le spectacle qui constitue le clou du moment, la glycine au-dessus du pont japonais, l’allée des iris, les rideaux de clématites, les rosiers-arbres… Mais en même temps, on a toujours l’impression d’arriver trop tôt ou trop tard pour quelque chose.
Le goût de la collection propre à Monet devient une nécessité pour donner à voir tout au long des sept mois d’ouverture. Si bien que pour admirer toutes les roses, ou tous les iris, il faudrait venir chaque semaine tout au long de leur période de floraison.

La Grande Allée début juin 2006

La Grande Allée début juin 2006Juin est le mois des roses, et d’habitude les arceaux qui surplombent la grande allée du jardin de Monet se recouvrent de fleurs, dans une explosion de couleurs du meilleur effet.
Que s’est-il passé cette année ? Les rosiers grimpants ont l’air malades. Ils peinent à s’étirer le long des arceaux. On aperçoit, tout au bout de l’allée, une maigre floraison.
Heureusement, le clos normand ne manque pas de rosiers en pleine forme et très en beauté en ce moment.
Dans les plates-bandes de la grande allée, quelques nouveautés : pivoines, bleuets, campanules, et les capucines encore petites mais prêtes à s’élancer à l’assaut de l’allée.

Champ de coquelicots

coquelicots à GivernyEtonnant destin que celui du coquelicot : de mauvaise herbe, de fleur des champs indésirable, le voici devenu icône. Il a suffi pour cela de quelques coups du pinceau magique de Monet.
Cette photo a été prise dans le pré qui borde le musée d’art américain de Giverny.
Le MAAG organise des ateliers de peinture, et la prairie fleurie est l’un des sujets favoris des élèves. Bleuets et coquelicots s’y poussent du col, en petites touches de couleur pure au milieu du vert.
Mais les fleurs n’ont plus rien de sauvage. Partout les herbicides ont fait disparaître les champs de blé envahis de coquelicots. Pour recréer le spectacle des étendues de coquelicots chères à Monet, il a fallu les semer.

D Day

La fête d'Argenteuil, Claude MonetC’est un jour très spécial aujourd’hui. Pourquoi ? Nous sommes le 6 juin, voyons ! Oui, bien sûr, c’est l’anniversaire du Débarquement, mais cela se passait près de vingt ans après que Monet eut quitté ce monde. On n’avait pas encore inventé les régions, on ne parlait pas encore de fusionner Haute et Basse-Normandie et encore moins de faire du 6 juin le Normandy Day.
Oui, je sais, nous sommes le 6/6/06, mais ma devinette n’a rien de diabolique. Vous donnez votre langue au chat ?
Eh bien, regardez votre agenda, c’est la Saint-Claude ! L’évêque de Besançon fait parfois date commune avec Norbert. Qu’à cela ne tienne. C’est en tout cas le 6 juin qu’Alice sortait la belle vaisselle à Giverny pour la fête de son époux. Ce jour-là, on mettait les petits plats dans les grands pour une cuisine encore plus raffinée qu’à l’ordinaire… Bonne fête Claude !
Et comme une fête peut en cacher une autre, voici « La fête d’Argenteuil » peinte en 1872 par Monet. Cette fête se tenait chaque année de l’Ascension à la Pentecôte.

Peindre Giverny

fete de la peinture 2006A en juger par la forte participation des peintres hier à Giverny, le cru 2006 de la fête de la peinture dans l’Eure a été un succès.
Les artistes étaient regroupés près de l’hôtel Baudy, un peu à l’écart de la Fondation Monet. Il fallait donc avoir la curiosité de se promener un peu dans le village pour les voir. Quelques pas récompensés par l’intérêt de découvrir des artistes de talent en pleine création.
Beaucoup de visiteurs n’en auront sans doute pas eu le temps, l’entrée aux jardins de Monet demandant une bonne dose de patience.
Il a fait beau et chaud, une clémence météorologique dont nous avions perdu l’habitude ces dernières semaines. Comme c’était la Pentecôte, plusieurs milliers de Franciliens et de Normands ont eu la même bonne idée : aller visiter les jardins de Monet. Le dimanche de Pentecôte se dispute chaque année avec celui de la fête des mères le privilège du record d’affluence des particuliers. Je crois bien qu’il a gagné cette fois-ci.

Fête de la peinture

Fête de la peintureOn connaissait la Fête de la Musique, les Journées du Patrimoine… L’Eure espère rencontrer le même succès en lançant la Fête de la Peinture.
Dans tout le département, aujourd’hui, on sort les chevalets et les cartons à dessin. Chacun est invité à manier les couleurs sous les yeux des passants. Le communiqué de presse officiel en attend « un jaillissement créatif » et un support à des échanges entre les individus.
On en est à la deuxième édition et j’espère que cette initiative aura du succès. Que, pourquoi pas, elle sera imitée ailleurs.
Il y a quelques années, Vernon organisait une manifestation intitulée « Je peins Vernon ». C’était un concours de peinture sur un week-end, avec jury, remise des prix et vente aux enchères.
De nombreuses villes proposent ce genre de concours, destinés aux bons amateurs et aux professionnels. C’est un plaisir de voir des dizaines de peintres investir la ville, d’assister à la naissance d’une oeuvre. Il en résulte de très agréables expositions qui permettent d’admirer des lieux familiers transfigurés par les pinceaux.
Le Conseil Général saura-t-il insuffler un élan festif à la manifestation ? C’est surtout là que réside le risque de flop, car ce ne sont pas les peintres du dimanche et de tous les jours de la semaine qui manquent. Comme pour la fête de la musique, il faut maintenant que chacun s’empare de l’opportunité et recrée l’évènement à titre individuel. En espérant que le soleil brillera.

Peindre une vache

Cour de ferme en NormandieBien que Normand, Monet a peint très peu de vaches. Celle-ci est un détail du tableau « Cour de ferme en Normandie » exécuté à ses tout débuts, en 1862 ou 63. Il porte le numéro 16 du catalogue raisonné.
La vache est pourtant un des thèmes favoris d’Eugène Boudin, le premier « maître » de Monet. Le musée Malraux du Havre a la chance de posséder le fond d’atelier de Boudin. En plus d’innombrables marines et ciels admirables, des dizaines d’études de vaches sont accrochées côte à côte en haut de l’escalier de la mezzanine, une vision réellement saisissante.
Monet a bien essayé de faire comme Boudin. Mais sa désaffection pour un des emblèmes régionaux provient d’un défaut majeur du modèle : il bouge. Avec beaucoup d’humour, Monet a raconté l’anecdote suivante au journaliste du Temps :

« Un bel après-midi, je travaillais aux environs du Havre dans une ferme. Une vache pâturait dans un pré : l’idée me vint de dessiner la bonne bête. Mais la bonne bête était capricieuse, et, à chaque instant, se déplaçait. Mon chevalet d’une main, ma sellette de l’autre, je la suivais pour retrouver tant bien que mal mon point de vue. Mon manège devait être fort drôle car un grand éclat de rire derrière moi retentit. Je me retourne et je vois un colosse qui pouffe. Mais le colosse était un bon diable. « Attendez, me dit-il, que je vous aide ». Et le colosse, à grandes enjambées, rejoint la vache et, l’empoignant par les cornes, veut la contraindre à poser. La vache, qui n’en avait pas l’habitude, se rebiffe. C’est à mon tour, cette fois, d’éclater. Le colosse, tout déconfit, lâche la bête et vient faire la causette avec moi. »

Rencontre fructueuse, puique ce ‘colosse’, un Anglais, va lui faire faire la connaissance du peintre Jongkind, son « vrai maître ».


Les orchidées de Giverny

Les orchidées de GivernyLes collines calcaires qui s’élèvent au-dessus de Giverny et de Vernon récèlent des trésors. C’est l’endroit de la vallée de la Seine où l’on trouve le plus d’orchidées sauvages : on en a identifié 35 espèces, toutes protégées.
Elles connaissent en ce moment leur pic de floraison. Les plus faciles à repérer sont les orchidées pyramidales, d’un rose vif et d’une forme caractéristique, qui aiment pousser en stations de plusieurs fleurs.
Celle-ci, également commune, est une orchidée pourpre. Elle peut dépasser les 80 cm.
On peut partir à leur recherche le long du chemin qui relie Vernon et Giverny, et à travers la colline. C’est un émerveillement de les observer de près, avec leurs airs de grandes dames réduites à l’état de miniatures, leurs couleurs et leurs formes sophistiquées. Le bouquet sera photographique seulement, car il est interdit de les cueillir.

Monet dans les écoles

le pont japonais de MonetVoilà longtemps que Monet et la pédagogie font bon ménage. L’oeuvre de Monet est tout à la fois facile à appréhender par des enfants, et source de mille déclinaisons possibles.
En cette journée mondiale de l’enfant, musardons donc du côté des écoles près de Giverny. Vernon, la ville voisine, n’a pas d’école ni de collège ni de lycée Claude Monet, (il n’en manque pas ailleurs dans l’Eure) mais n’en rend pas moins hommage au père de l’impressionnisme pour autant.
A Vernonnet, dans le quartier de Vernon situé sur la même rive de la Seine que Giverny, la cour d’une école primaire se pare de cette magnifique fresque murale inspirée des ponts japonais de Monet.

Monet et le tabac

Monet et le tabacC’est la journée sans tabac. De ce point de vue, Monet n’est pas politiquement correct. Gros fumeur. Malgré cela, une belle longévité : il est mort à 86 ans d’une sclérose pulmonaire. Je ne sais pas si le tabac est la cause de cette maladie.
En 1872, Renoir le peint en train de fumer la pipe, avec son journal, le tableau s’appelle « Claude Monet lisant ».
Par la suite, sur les photos, on le voit souvent une cigarette à la main. Des « Caporal rose », selon la tradition familiale.
Il n’en abandonne pas la pipe pour autant. De Bordighera, Claude Monet écrit à Alice, en prévision de son prochain retour, de lui préparer du champagne, des morilles, « et quelle bonne pipe je fumerai sur le divan de l’atelier ! Je me réjouis d’avance. »
Si nous voulons être conformes à la réalité historique, il faut nous imaginer le peintre et sa maison empestant le tabac.

Monet et Sacha Guitry

Le Père Paul, Claude MonetEn feuilletant le livre de cuisine réalisé à partir des cahiers de recettes familiales retrouvées dans la cuisine de Monet à Giverny, j’ai été tentée par la « palette de porc à la Sacha ».
Il s’agit de Sacha Guitry, dont les parents étaient déjà amis de Monet. L’humoriste n’était qu’un jeune homme quand Monet entrait dans le 3e âge. Mais ils semblent avoir eu une belle complicité, notamment grâce à leur passion commune pour la photographie.
On sait peu que Monet a fait installer une chambre noire à Giverny, près de son deuxième atelier. Il était ami de Nadar, qui a fait de très beaux portraits de Monet et d’Alice.
Sacha Guitry a lui aussi pris Monet en photo dans son jardin. Mieux : il l’a filmé en train de peindre, gratifiant la postérité d’un document unique.
La palette de porc à la Sacha ne rappelle en rien le ton spirituel de son auteur. Pas l’ombre d’un trait d’humour, la cuisine est une affaire sérieuse. La recette tient en quelques lignes :
« Mettre la palette à cuire dans de l’eau froide. Quand elle bout, on met les choux, les pommes de terre. Laissez cuire 2 heures, ajoutez le saucisson. Laissez cuire 1/2 heure et servez. » Avouez que ça a l’air simple.
Il a beau faire frais pour la saison, le chou et le saucisson font de cette recette un plat d’hiver. J’ai fait encore plus simple : j’ai mis la palette dans une terrine avec du bouillon, et je l’ai laissée cuire toute la matinée à four doux. En refroidissant, le bouillon a pris en gelée comme un aspic. Délicieux.

Les carnets de cuisine de Monet

bocal de pêchesLe plus difficile, dans la préparation quotidienne des repas, c’est de trouver l’idée. Pour renouveler mon inspiration, j’ai relu Les Carnets de cuisine de Monet (Claire Joyes, Editions du Chêne).
J’avais oublié qu’il y avait une telle quantité de recettes. Monet et Alice étaient de fins gourmets, compilateurs de recettes des plus simples aux plus sophistiquées. Quand ils appréciaient un plat au restaurant, ils demandaient au chef de leur en expliquer la préparation, en toute simplicité.
Et comme tout le monde, leurs amis leur livraient les secrets de leurs casseroles. Ce qui donne « Recette de girolles (Mallarmé) » et « Bouilllabaisse de morue (Cézanne) ». Le rapprochement des termes de cuisine et du nom de ces maîtres de la littérature ou de la peinture tient de l’oxymore, mais en même temps les rend plus humains.
Que mangeait-on chez les Monet ? On peut s’imaginer les menus quotidiens et surtout festifs en parcourant l’index du livre de cuisine. 11 recettes de poulet, en saison du gibier, 25 recettes de poissons et crustacés (coquilles Saint-Jacques, homards, soles, excusez du peu…). Et puis des bananes en gratin ou en glace, de la « crème somptueuse », des conserves de cerises…
Joël Robuchon, qui a préfacé l’ouvrage, affirme que les recettes sont faisables, mais certaines vraiment difficiles. Le grand chef a vérifié que leur exécution ne posait plus de problème, les textes ont été un peu adaptés, ce que je regrette. On s’en aperçoit quand on les compare aux photos de recettes tirées des carnets, beaucoup plus émouvantes. Une main sans doute féminine s’est appliquée à consigner à l’encre violette les détails de préparation d’un plat apprécié. Peut-être cette page a-t-elle été lue maintes et maintes fois, peut-être pas, oubliée sitôt que notée.

Camille Doncieux

Camille DoncieuxVoici Camille Doncieux, la première épouse de Claude Monet. Elle pose pour Renoir, grand ami du jeune couple.
De l’âge de 18 ans jusqu’à son lit de mort, à 32 ans, Camille a servi de nombreuses fois de modèle à son mari, mais ce portrait-ci est plus détaillé que la plupart de ceux peints par Monet. Peut-être est-ce dû au style de Renoir, ou parce que… l’amour rend aveugle ?
Cette couleur bleu pâle lui va bien, on l’imagine très douce, Camille, très patiente. Mais à la vérité, il reste bien peu de choses de sa courte existence.
C’est pourtant la seule femme qui ait donné des enfants à Monet, Jean et Michel. Elle qu’ils auraient pu fêter aujourd’hui, si la fête des mères avait déjà été instaurée.

Pluie à Giverny, William Blair Bruce

Rain in Giverny, William Blair Bruce, Spanierman Gallery, NYCJe ne sais pas ce qu’en pensent les statisticiens de Météo France, mais si l’on s’en tient aux impressions subjectives, nous avons le mois de mai le plus froid et le plus pluvieux qu’on ait vu depuis longtemps.
Voilà qui n’aurait pas arrêté Claude Monet, même si le mauvais temps le faisait grogner. Son entêtement à sortir sur le motif par tous les temps a fait des émules du côté des peintres de la colonie américaine de Giverny. Willian Blair Bruce nous a laissé une « Pluie à Giverny » qui témoigne que les intempéries ne datent pas d’aujourd’hui.

Clématites

Clématites Des clématites blanches qui semblent courir sur le sol : voici l’un des deux tableaux de clématites peints par Claude Monet en 1887. Les fleurs occupent presque toute la toile. Certaines sont coupées par les bords du tableau, dans un cadrage de style photographique. Le sujet est traité davantage en paysage qu’en nature morte.
De grandes dimensions (65 x 100 cm), cette oeuvre fait partie de la très importante collection de la galerie Wildenstein, (du nom du biographe de Monet, Daniel Wildenstein) qui compte plus de 200 tableaux de Monet. C’est plus que n’importe quel musée, mais beaucoup moins que la collection Durand-Ruel, qui rassemblait à elle seule près de la moitié des Monet du monde entier. On peut juger par là de l’énorme soutien que son marchand a apporté à Claude Monet, achetant beaucoup plus de toiles qu’il ne pouvait en écouler.

La Grande Allée fin mai 2006

La Grande Allée fin mai 2006 Les pensées et les myosotis roses achèvent leur floraison, ils seront bientôt remplacés par les capucines. Les taches de couleurs sont données par des plantes un peu plus hautes comme des giroflées.
C’est une période intermédiaire où les tulipes sont passées, les rosiers sur les arceaux encore en bouton.
La fleur reine dans le jardin cette semaine, c’est l’iris, mais il n’y en a pas dans la grande allée.

La glycine du musée d’art américain

glycineLa floraison des glycines mauves se termine, laissant place à l’heure de gloire des glycines blanches.
A Giverny, le musée d’art américain est situé à 100 mètres de la maison et des jardins de Monet. Les bâtiments du musée, très contemporains, aussi bien que ses jardins sont traités dans un tout autre style que chez le père de l’impressionnisme. Mais l’entrée du musée de beaux arts rend doublement hommage à Monet.
On accède au musée d’art américain par une allée terminée par une passerelle. Cette allée passe sous une pergola couverte de glycines blanches.
Passerelle et glycine, voilà qui évoque irrésistiblement le pont japonais de Monet. Les arceaux qui supportent la glycine font pour leur part penser à ceux de la Grande Allée, où ils sont ornés de rosiers.
Pour le plaisir de l’oeil, le flou de la glycine est compensé par la rigueur du buis et des lavandes taillés, dans un subtil dégradé de verts.

Verrière d’artiste

Verrière d'artiste à GivernyL’évènement s’est passé il y a cent ans, mais il en reste encore des traces. A la fin du 19e siècle, Giverny est devenu une colonie d’artistes. L’engouement des peintres, impressionnistes ou non, pour le village de Claude Monet a duré de 1886 à 1914 principalement.
On a recensé une centaine de peintres et de sculpteurs ayant séjourné à Giverny durant cette période, en majorité des Américains. Certains logeaient à l’hôtel Baudy, d’autres préféraient louer une maison.
A cette époque, face à la demande, les toits des maisons de Giverny se sont couverts de verrières. En un tournemain, les combles sont devenus des ateliers.
Cela peut être un but de promenade dans le village que de faire la tournée des verrières. Certaines sont très visibles, à portée de main, d’autres se font discrètes dans les propriétés. Il en est qui paraissent inchangées depuis leur installation, d’autres sont toutes neuves. Réhabilitation ou adaptation au style du village pour éviter les Velux ?
La championne, cela reste l’immense verrière du dernier atelier de Monet, celui qu’il a fait construire pour les Grandes Décorations. Elle vient d’être refaite cet hiver. On peut apprécier sa luminosité dans la boutique de la Fondation Monet. C’est un bâtiment de style industriel que Monet lui-même jugeait affreux, mais la verrière a des dimensions hors du commun.


Iris jaunes

Les iris jaunes fleurissent au bord du bassin aux nymphéas du jardin de Monet. Aujourd’hui, ce sont des fleurs cultivées. Mais du temps de Monet, les iris jaunes sauvages abondaient dans les marais de Giverny.
En 1887, Monet a peint trois tableaux représentant le même sujet, une prairie humide couverte d’iris : Champ d’iris jaunes à Giverny (w1137), Champ d’iris à Giverny (w1138) et Champ d’iris au matin (w1139). La floraison printanière des iris a très certainement contribué à l’ensorcellement que Giverny a exercé sur le peintre dès son arrivée.
Pendant la Première Guerre Mondiale, Monet a repris ce sujet ancien, mais cette fois dans son jardin d’eau. Toute une série d’études mettent les iris en scène. Trois portent le même titre : Iris jaunes (w1824, w1826 ci-dessous, w1834).
Monet sans doute déjà atteint des premiers symptômes de la cataracte assouplit toutes les lignes droites en une série d’étonnantes flammes vertes. Les Iris jaunes au nuage rose (w1835) ne sont pas moins surprenants, avec leurs formes tourmentées et leur jaune vif qui se détache sur un fond rose et mauve. Le dessin et les couleurs osées font penser à van Gogh.
Les iris jaunes ont aussi séduit des artistes de la colonie américaine de Giverny, à commencer par Breck, le soupirant de Blanche Hoschedé. Il a peint en 1888 Fleur-de-Lis jaune, qui représente en gros plan une touffe d’iris, dans un style proche de l’impressionnisme. Le titre n’est pas une confusion botanique d’anglophone, mais tout au contraire la marque de la culture de Breck, qui savait que l’iris jaune a servi de modèle au lys de France, symbole de la royauté.
iris jaunesyellow irises

Le prix de la maison de Monet

maison de Claude Monet J’ai été surprise de lire le prix auquel Monet a acheté sa maison de Giverny, le 17 novembre 1890. L’acte de vente porte sur 22 000 francs, payables en quatre ans.
Non pas que cela me dise grand chose, 22 000 francs de 1890, mais cette année-là, cela correspond environ au prix de vente de trois de ses tableaux. C’est Heide Michels, dans La maison de Monet, qui compare. L’année précédente, la Seine à Vétheuil s’est vendue 7 900 francs, et les Dindons, une oeuvre de grande taille il est vrai, a atteint la coquette somme de 12 000 francs. Les années de vaches maigres sont finies.
Alors pourquoi, sur le coup de la cinquantaine, Monet a-t-il acheté cette maison rurale, simple, et pas si grande pour une famille de dix personnes comme la sienne ? Il avait les moyens de s’offrir un château, ou de faire construire. Il n’a pas peur de bâtir, les nombreux agrandissements et aménagements qu’il fait faire à sa demeure le prouvent.
Tout simplement, il se plait dans cette maison. En 1890, quand le propriétaire la met en vente, les Monet-Hoschedé louent la maison de Giverny depuis sept ans. Il faut acheter ou partir.
Monet écrit à son marchand Durand-Ruel :

« Je serai obligé de vous demander pas mal d’argent, étant à la veille d’acheter la maison que j’habite ou de quitter Giverny, ce qui m’ennuierait beaucoup, certain de ne jamais retrouver une pareille installation ni un si beau pays. »

C’est une maison à la campagne où il mène une vie bourgeoise, mais sans pose. La maison offre à Monet la fonctionnalité qu’il en attend, il se fiche du reste. Monet est un homme de plein air. Ce qui compte, c’est son jardin, et les motifs de la campagne alentour. « Giverny est un pays splendide pour moi », dit-il.


Cézanne et Pissarro

Quinze ans de préparation ! On doit l’expo présentée actuellement au musée d’Orsay à l’obstination du petit-fils de Camille Pissarro, Joachim Pissarro, conservateur au MoMa de New York, où elle a été présentée au préalable.
L’idée était de réunir des paires de tableaux de même sujet peints par Cézanne et Pissarro au moment de leur amitié, entre 1865 et 1885.
Natures mortes, autoportraits, paysages : les tableaux présentés côte à côte ont des airs de famille, mais chaque peintre a gardé sa personnalité, tout en subissant l’influence de son ami. C’est tout à fait fascinant.
Devant chaque paire, on se demande lequel est de qui. Une petite vérification, on ne peut pas beaucoup se tromper. Cézanne est construit, un peu sombre, un peu dur. Pissarro plus doux. De la juxtaposition ressort une leçon de peinture. La mise en parallèle fait ressortir similitudes et différences. Et les textes explicatifs, courts et pertinents, donnent un éclairage sur l’aspect humain de ces deux peintres, qui furent tous les deux des amis de Monet. Cézanne et Pissarro

Files d’attente

Ca y est, l’Orangerie a rouvert ! Le musée parisien qui abrite les Grandes Décorations de Monet, plus une belle collection de chefs-d’oeuvres, était fermé depuis six ans. Les maîtres d’ouvrages prévoyaient une réouverture pour 2005, mais des découvertes archéologiques ont retardé les travaux.
Depuis deux jours, on peut enfin revoir toutes ces merveilles. Tout a été repensé pour rendre aux grandes décorations la place centrale et la lumière naturelle qu’elles méritent. J’avais hâte d’aller admirer cela.
Mais l’heure et demie d’attente m’a découragée. Jusqu’à dimanche, l’entrée est gratuite, ce qui explique partiellement l’affluence.
J’ai traversé la Seine et je suis remontée jusqu’au musée d’Orsay, en me disant que si tout le monde était en train d’attendre à l’Orangerie, la voie serait libre pour l’expo Cézanne et Pissarro. Cet optimisme n’était que modérément justifié : 45 minutes de queue !
Y a-t-il une ruée vers l’art ? Un intérêt orchestré par les médias autour d’évènements culturels inscrits dans le temps ? Un effet 35 heures ? Une démocratisation de la culture ?
Pendant que la file serpente à la vitesse de chez Disney, vous avez le temps de vous poser des tonnes de questions sans réponse. Ou si vous préférez, vous pouvez aussi observer vos compagnons d’attente, tenter de deviner leur nationalité, leur emploi du temps de la matinée. Certains stakhanovistes sortent du Louvre, ils enchaînent, c’est pratique c’est en face.
Je regarde comment les touristes professionnels s’habillent pour aller dans les musées, quelles chaussures ils ont enfilées ce matin en se disant qu’il fallait qu’elles soient confortables. Tout à coup, il se met à pleuvoir. Hop ! Ces dames ont des parapluies à fleurs, des capuches en plastique. Et voilà que surgit un marchand à la sauvette. Il propose des parapluies pliants ; l’instant d’avant il vendait des bouteilles d’eau.
Son opportunisme peut en agacer certains, les mêmes qui ne supportent pas le joueur de clarinette, qui fait pourtant ce qu’il peut pour rendre l’attente plus agréable. Leur débrouillardise me les rend plutôt sympathiques. C’est le besoin et la réponse au besoin, le b a ba de l’économie.
Mais est-ce que ces petits métiers à la sauvette traduisent une paupérisation de la société ? Une faillite du système de protection sociale ? Une société à deux vitesses, d’un côté les nantis qui se bourrent de peinture, de l’autre les laissés pour compte qui survivent comme ils peuvent ? D’autres questions sans réponse… Allez, voilà l’entrée du musée.

L’ange bleu

Voici le vrai visage d’un ange. Non, non, pas celui de la rêveuse Lily Butler ! Celui tout sourire de Blanche Hoschedé-Monet, au premier plan.
Elle est entourée à gauche par Monet, à droite par Clemenceau.
C’est Georges Clemenceau qui l’a élevée au titre d’ange, et même d’archange, pas moins. Le plus souvent, quand il écrit à son vieil ami Monet, il termine par un mot gentil pour Blanche en l’appelant l’ange bleu. Car « faut-il qu’elle en ait du bleu dans l’âme pour compenser le bitume de Claude Monet » ! Une petite raillerie affectueuse comme sa correspondance avec le peintre en est pleine. Impossible de ne pas rire aux éclats devant sa verve. Impossible, en lisant ses lettres, de ne pas aimer ce grand homme si plein d’amicale sollicitude.
Donc Blanche est un ange. Parce qu’elle est toute entière dévouée à Monet, dont elle s’occupe avec abnégation pendant les dernières années de sa vie. Sa dévotion au peintre dure depuis toujours. Elle a fait sa connaissance quand elle était petite, quand Monet est venu peindre dans le château de ses parents Ernest et Alice Hoschedé à Montgeron, ou peut-être même avant, au parc Monceau à Paris.
Et puis Ernest a fait faillite, Alice l’a quitté pour Monet, les six enfants ont suivi leur mère.
Dotée d’un joli talent de peintre, Blanche se lance aux côtés de Monet, qui l’encourage à peindre mais ne lui donne pas de leçons. Elle est la seule dont il tolère la compagnie quand il travaille.
On ne sait s’il faut plaindre Blanche ou l’envier. Elle est de ces femmes qui vivent toute leur vie dans l’ombre des hommes, situation banale à la fin du 19e siècle. Ce qui donne envie de la plaindre, c’est son histoire d’amour contrariée avec le peintre américain John Leslie Breck. Breck, qui séjourne plusieurs années de suite à Giverny, est ami des Monet. Jusqu’à ce qu’il tombe amoureux de Blanche. Beau-papa Monet en est bouleversé et furieux. Il oblige les jeunes gens à rompre. L’idée que sa chère Blanche pourrait partir aux Etats-Unis lui est insupportable. Face à cette tyrannie, Blanche plie. A la place de Breck, elle va épouser son presque frère, Jean Monet, le fils du peintre avec Camille Doncieux. Par ce mariage, elle devient doublement la belle-fille de Monet.
Mais on est tenté aussi d’envier Blanche. Rares sont les personnes qui ont été aussi proches du père de l’impressionnisme. Elle semble en communion avec lui. « Elle aimait tout ce qu’il aimait », dira d’elle son frère Jean-Pierre Hoschedé. Même la salade couverte de poivre. Même peindre en plein air quand il gèle. La compagnie quotidienne de Monet lui a sans doute permis de donner le meilleur d’elle-même en peinture. La Meule à Giverny, effet de neige conservée dans la chambre de Monet à Giverny témoigne tout à la fois de son talent personnel et de son inaltérable amour filial.


Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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