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Chrysanthème

Chrysanthème Cela sonne comme d’affectueuses paroles pour remonter le moral de votre copine dépressive : Chris, on t’aime ! Mais sous cette feinte douceur le chrysanthème multiplie les pièges et les lettres superfétatoires. A lui tout seul, avec son ch, son th et son y il est un micro voyage en Grèce.
Le bouquet, si j’ose dire, le pompon, c’est quand on s’intéresse à son nom de famille : les asteraceae. Cette fois on est dans la jungle, c’est Tarzan qui lance son cri de victoire.
Si le chrysanthème joue les ornithorynques, c’est parce qu’il se plaît en Australie. Là-bas, dans l’autre hémisphère, il fleurit aussi à l’automne, c’est-à-dire au mois de mai, pile pour la fête des mères. Comme destin de fleur, avouez que cela a tout de même une autre allure d’être le cadeau par excellence pour une maman chérie, qui va arroser et bichonner son chrysanthème avec amour, plutôt que de finir abandonné dans un cimetière glacé.
Bien, mais alors, vous demandez-vous logiquement, qu’est-ce qui remplace le chrysanthème dans sa mission de fleurissement des tombes ? Eh bien, m’a expliqué une visiteuse australienne de Giverny, le rôle échoit à une fleur qui a la cote chez nous, l’arum, ce cornet d’un blanc pur orné d’un épi jaune.
Ici l’arum fleurit les mariages, peut-être à cause de sa blancheur, peut-être parce que c’est un anagramme d’amour, ce qui semble de bon augure.
L’arum est un sujet sensible au pays des kangourous. Comme l’agapanthe ou l’ipomée, c’est une épouvantable mauvaise herbe très difficile à éradiquer, qui a déjà envahi des dizaines de milliers d’hectares : on fait toujours les choses en grand en Australie.
On l’arrache, on l’arrose aux pires herbicides, rien n’y fait, il se répand à la vitesse d’un cheval au galop, et malheureusement l’arum cru est fort toxique pour tout le monde, les humains et surtout le bétail qui n’a pas l’habitude de faire cuire sa prairie avant de la brouter.
Je ne voudrais pas être un arum en Australie. Mais si j’étais un chrysanthème, je serais sans doute tentée par l’expatriation. Le chrysanthème ne manque pas de terres plus accueillantes que nos contrées pour couler des jours heureux. Les spécimens qui ont le plus la grosse tête ont la belle vie au Japon, où le chrysanthème est le symbole de la famille impériale, et l’ordre du chrysanthème un suprême honneur.

Cerisier du Japon

Cerisier du JaponJe ne sais pas si l’idée vous a déjà traversé l’esprit de planter un cerisier du Japon.
Ils sont splendides au printemps quand ils se couvrent de pompons roses, énormes bouquets denses de couleur tendre, et c’est pour cela qu’on les plante, bien sûr.
Mais regardez l’aspect spectaculaire qu’ils prennent en fin de saison. C’est rien beau, comme on dit en Normandie.
Ceux-ci ombragent pendant l’été le parking du musée d’art américain de Giverny, le futur musée des impressionnismes. Et en cette saison, ils éclaboussent de lumière les petits matins de brume.

Première impression

Jardin de Monet à GivernyVoici la première impression que donne le jardin de Claude Monet aux visiteurs qui arrivent par l’entrée des individuels.
Au sortir de l’atelier des Nymphéas ils sont accueillis par ce décor végétal unique en son genre.
Tout est résumé déjà, l’apect campagne des pommiers en cordon, les structures métalliques qui donnent relief et rigueur, et même les promesses de merveilles à venir au bord de l’étang.
Là-bas, de l’autre côté de la route invisible, les arbres en habits des grands soirs font naître des reflets différents chaque jour dans les eaux paisibles du bassin aux nymphéas.
Enfin, dressés en haie d’honneur, les peupliers qui bordent l’Epte lancent haut dans le ciel normand leurs silhouettes longilignes.
C’est une première impression, et c’est aussi la dernière, celle qu’emporte le visiteur qui se retourne encore une fois avant de s’en aller. Le compte à rebours est commencé, il reste trois jours pour venir à Giverny cette année, jusqu’à dimanche soir. Ensuite il faudra patienter jusqu’en avril.

Château de Bizy

Château de Bizy, VernonUn château royal domine Vernon, le château de Bizy, qui a eu entre autres nobles propriétaires les rois Louis XV et Louis-Philippe. Le corps de logis datait à l’origine de 1741. Il a été entièrement refait dans un style italianisant au 19ème siècle, mais les belles écuries du 18ème ont été conservées, ainsi que le parc.
On retrouve avec étonnement dans ce petit coin de province l’esprit des magnifiques jardins de Versailles qui lui ont servi de modèle. L’ampleur n’a bien sûr rien à voir, ni l’état de conservation. Mais on passe au pied d’escaliers d’eau, devant des fontaines ornées de chevaux marins et de dauphins, on entre dans des bosquets décorés de groupes antiques, on se promène dans des allées calculées pour leur perspective.
Voilà longtemps que l’eau ne jaillit plus des fontaines. Les captages de sources en amont demanderaient à être refaits, on devine une facture pharaonique. Il reste ces animaux fantasques finement taillés dans la pierre, ces bassins moussus, ces margelles chantournées.
Le domaine appartient à des propriétaires privés qui s’emploient à le maintenir de leur mieux en état. Le tarif élevé du billet d’entrée est justifié par la nécessité de coûteux travaux. Si la visite du château assez succincte laisse un peu le visiteur sur sa faim, pour l’amateur de photos, le parc est un régal.
Tout a été pensé en architecte, alignements, vues, perspectives, et la recherche du bon cadrage amène à découvrir ces tracés inscrits dans les pierres et dans les arbres.
Telle petite statue, mignonne vue de près, prend tout son sens quand on s’aperçoit qu’elle s’encadre pile dans le porche quand on se place au milieu de la cour d’honneur.
Au bout du jardin, la vue spectaculaire s’ouvre sur l’avenue des Capucins et ses quatre rangées de tilleuls taillés qui s’étirent jusqu’à la Seine sur un kilomètre et demi.
Cheval marin, château de Bizy, Vernon Le plus impressionnant, c’est l’ampleur que devaient avoir les jeux d’eau. Le château de Bizy est construit à flanc de colline. Le concepteur des jardins a tiré parti de la pente naturelle du terrain pour imaginer tout un ensemble de pièces d’eau, bassins et fontaines qui se succèdent jusqu’au château. Arrivée là, l’eau disparaissait sous le bâtiment pour rejaillir de l’autre côté dans de nouveaux bassins !
Il y a dans cette conception le goût du tour de force architectural propre au grand siècle, l’amour de la rigueur et de la géométrie. Mais ici la symétrie n’est qu’apparente, et la ligne droite agrémentée de monstres marins adorablement excentriques, dont les yeux écarquillés ont dû voir passer bien des crinolines.

Pétales de soie

Tulipe perroquet, peinture sur soie, création et photo Tessa Spanton.

Tulipe perroquet, peinture sur soie, Tessa Spanton
J’ai eu un coup de coeur pour cette splendide tulipe découverte sur le site de Tessa Spanton.
Si vous avez déjà tenu une pipette à gutta vous apprécierez la maîtrise technique, et surtout cet admirable travail aquarellé dans les pétales, qui rend si bien le relief et le raffinement de la tulipe perroquet.
Je suis sûre que la soie doit faire vibrer les couleurs aussi intensément que la texture naturelle des pétales.

Voilà qui donne la nostalgie du printemps, de toutes ces têtes colorées qui se balancent dans le vent… On voudrait toujours ce que l’on n’a pas. Combien de fois pendant la saison j’ai souhaité voir arriver novembre et les vacances, et maintenant il me tarde que l’hiver soit passé !

Les jardiniers confient leurs rêves de printemps à la terre en automne quand, agenouillés devant les parterres nus, ils y escamotent de pleins paniers de bulbes.

L’heure bleue

La vallée de la Seine aux Andelys
Depuis Château-Gaillard, le regard plonge sur la vallée de la Seine.

Ce matin, rien ne bougeait dans l’air immobile.

Le fleuve saisi par la fraîcheur avait mis son écharpe de brume.

Les arbres trempaient leur reflet dans l’eau lisse.

Un parfum d’herbes froissées montait des prairies infusées de rosée.

Chateau Gaillard

Quand enfin le soleil a franchi la crête de la colline il a fait flamboyer la citadelle du roi au coeur de lion, et tous les blancs des falaises.

Quelle robe ce soir ?

châtaignier Il suffit, en forêt, de se pencher vers les jeunes châtaigniers de l’année pour s’apercevoir que la coquetterie leur vient au berceau.
Vous croyez qu’hésiter sur le choix d’un vêtement, d’une couleur, est réservé aux humains ? Ecoutez ! Ces deux arbrisseaux-là sont en grande conversation. Ils parlent chiffons. Ils ont vidé l’armoire, tout étalé sur le lit, et ils en sont aux essayages devant le miroir.

– Et si je mettais les trois en même temps, le jaune, le vert et le marron ? Tu trouves pas que ça fait un peu Arlequin ?

– Non non, regarde comme ça me va bien…

Toute l’année ils ont porté l’habit vert, mais on se lasse des plus beaux atours, et la mode d’automne moins académique leur paraît plus seyante.
Une façon de mettre une pointe d’originalité dans le tableau dont ils ne sont qu’un élément aux mutations périodiques.

Harmonie verte

Pont de Monet à GivernyA la demande de Tessa, voici une vue du pont japonais prise dans le jardin d’eau de Monet en fin d’après-midi, quand les ombres gagnent le bassin.
Même en octobre il reste encore beaucoup de vert pour se marier avec celui du parapet du pont.
L’harmonie très douce de la fin de journée se diffuse dans le jardin déserté, apaisante.
Monet s’est placé à cet endroit, dans l’allée, pour peindre quelques-uns de ses quarante-cinq tableaux du pont.

Les jours les plus courts

feuille de liquidambarL’info est à marquer d’une feuille rouge dans votre agenda si vous prévoyez de venir à Giverny pendant les vacances d’automne : cette année la Fondation Monet sera exceptionnellement ouverte les 1er et 2 novembre. Parce que ça tombe un week-end et que le jardin est encore très joli, croisons les doigts que cela dure jusqu’au bout !
Oui, je sais, vous avez des livraisons de chrysanthèmes à assurer ces deux jours-là. Mais remarquez que le week-end étant déjà placé sous le signe des floraisons, vous restez dans le ton. Surtout, pensez que d’autres sont dans le même cas que vous et que du coup vous serez tout seul à Giverny, d’autant que l’info a des chances de ne pas s’être ébruitée beaucoup d’ici quinze jours.
Ce sera un bon plan pour apprécier le jardin de Monet le plus tard possible en saison. L’automne le gagne petit à petit, faisant resplendir par-ci et déplumant par-là.
A chaque bourrasque jaillissent des peupliers des averses de petites feuilles dorées qui dansent dans le ciel avant de venir se poser sur les feuilles des nénuphars. Le liquidambar ému en pâlit, en rougit. L’étang a des reflets roux et carmin qu’on ne lui voit qu’à cette période de l’année.
Ce serait bien si, en plus de cet éblouissement automnal, les visiteurs de la onzième heure pouvaient repartir avec un bouquet de dahlias ou d’asters : les massifs sont voués à disparaître dans les jours qui suivront.

Rivière de capucines

Jardin de Monet à Giverny Il faut venir à Giverny en septembre ou en octobre pour voir la grande allée du jardin de Monet envahie par les capucines.
Les fleurs de tous les tons d’orange apparaissent surtout au bout des tiges, à l’endroit où celles-ci se rejoignent après avoir jailli des massifs de chaque côté de l’allée.
A regarder les fleurs de capucine de près, on remarque leur forme de capuchon qui leur a valu leur nom.
Réunies en grand nombre comme ici elles dessinent une rivière d’une teinte étonnante qui serpente entre deux berges vertes.
La pente légère du terrain accentue l’effet.
Sur les côtés les masses abruptes des dahlias, des asters, des hélianthes et des soleils forment des falaises, figurant des collines creusées par le flot.
C’est, en miniature et en couleurs fauves, le paysage de la vallée de la Seine.

Pampre pourpre

La maison de Monet à Giverny en octobre
D’accord, c’est assez imprononçable comme titre. Mais regardez comme c’est joli. En octobre, la maison de Claude Monet à Giverny est noyée sous la vigne vierge.
Enfin, pas toute la maison, surtout le côté ouest, celui que le peintre s’était réservé pour son usage personnel.
Derrière la pergola où fleurissent les dernières roses jaunes, impossible de deviner la couleur de la façade. Elle disparaît sous une toge écarlate qui, avec le gris noble de l’ardoise, lui donne un air de demeure bourgeoise.
Ne dirait-on pas, vue ainsi, une de ces grosses maisons de maître qui ont poussé partout en France au 19ème siècle ?
Illusion entretenue par le massif de géraniums, les tilleuls bien taillés, l’escalier à perron
Mais c’est une impression fugitive, qui s’envole aussitôt que l’on se retourne. Tandis que le regard embrasse la longue façade, le sentiment qu’on est à la campagne revient. Et il suffit de jeter un coup d’oeil derrière soi pour retrouver le jardin de profusion cher à Monet, si loin des canons de son siècle.

Splendide octobre

GivernyMon interlocutrice avait l’air de faire la moue, à l’autre bout du téléphone.

-C’est bien, Giverny, en ce moment ? Il reste encore des fleurs dans le jardin ?

Sempiternelle question. Regrettable hésitation. Alors qu’octobre est si incroyablement beau dans les jardins de Claude Monet à Giverny.
Ce n’est pas qu’il reste des fleurs dans le jardin : il en déborde de partout, comme si les massifs qui jusqu’ici tâchaient de les contenir cédaient sous la poussée des asters, des dahlias, des hélianthes. Cela exubère de toutes parts, façon corne d’abondance.
Les fleurs devenues géantes jouent les grandes dames ; elles réveillent chez le visiteur rapetissé des sensations oubliées d’enfance.
A se promener dans le clos normand on se prend de grandes claques de jaune, de rouge, d’orange, de violet, ébloui par un florilège de teintes fauves assemblées en harmonies saisissantes. Quand il fait beau comme ces derniers jours, toutes ces fleurs aux couleurs vives resplendissent dans la chaude lumière d’après-midi et se détachent sur le bleu du ciel.
Mais c’est l’ambiance du matin que je préfère, quand le brouillard de la Seine toute proche baigne Giverny d’une atmosphère irréelle.
Au jardin d’eau, la brume estompe les arbres qu’elle nimbe d’un voile de douceur. On devine, sur l’autre rive, le petit pont japonais sous le grand saule. Il a presque disparu dans cette ambiance grisée qui l’enveloppe.
Devant la maison, les fleurs ne sont jamais aussi belles qu’à ce moment-là, quand elles étincellent d’elles-mêmes, sans l’éclat du soleil.
La stridence de leur couleur se révèle encore davantage dans la lumière diaphane.
Il y a dans ce contraste entre les couleurs claquantes et l’infinie douceur de l’air quelque chose qui touche au coeur comme un chant du cygne, la préscience d’une fin prochaine, une nostalgie qui poigne par inadvertance.

30 Monet à Giverny !

Le futur musée de l'impressionnismeJ’ai fait des bonds de joie en lisant le Démocrate, le journal local de Vernon : l’an prochain le musée de beaux-arts de Giverny (dont on n’est pas encore sûr qu’il s’appellera musée de l’impressionnisme) ouvrira en fanfare avec une exposition évènement.
Les organisateurs espèrent obtenir le prêt de 30 toiles de Monet, excusez du peu ! Elles tourneront autour du thème du jardin, car le titre de l’expo semble déjà trouvé, « le jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage ».
Cela paraît presque trop beau pour être vrai. Vous imaginez ? On passera du modèle aux tableaux, des toiles au jardin qui les a vu naître. Une expérience unique, inoubliable. Ce sera somptueux de beauté. On repartira les yeux gorgés de magnifique.
Le nouveau musée ouvrira le 1er mai 2009 avec son expo choc, un mois après la Fondation Monet qui se visite dès le 1er avril.
Les tableaux du maître de l’impressionnisme resteront jusqu’au 15 août, après quoi c’est l’artiste américaine Joan Mitchell qui est programmée. Vous savez, celle qui a vécu à Vétheuil dans la maison voisine de celle de Monet.
A terme il est prévu que le musée de Giverny se constitue sa propre collection et pourquoi pas, qu’il reste ouvert toute l’année. Difficile de rêver mieux comme bonnes nouvelles.

French Kiss Mania

Tulipes Il suffit de passer une frontière, et voilà qu’un ethnologue se révèle en chaque voyageur. A l’étranger, le touriste observe un peu dérouté les moeurs locales.
Parmi tant d’autres bizarreries de chez nous, la manie française de se faire la bise l’interpelle.

– Combien de kiss fait-on sur chaque joue ? me demande en aparté un membre du groupe d’Anglais que je vais guider.

Le problème semble le préoccuper.
Qu’auriez-vous répondu ? N’est-ce pas un sujet d’une terrible complexité ?
La question m’a amusée, d’autant plus que ce gentleman ne risquait pas d’avoir à embrasser beaucoup d’autochtones au cours de son voyage organisé.
C’est donc avec le plus grand sérieux et dans un souci de concision que je lui ai précisé :

– On fait deux ou quatre bises, comme on veut.

Je pense que jusqu’ici j’ai votre caution, chers compatriotes. Mais il m’a semblé pouvoir ajouter, ce dont finalement je ne suis pas très sûre à bien y réfléchir :

– Ce sont surtout les jeunes qui se font quatre bises.

Voyez comme il est difficile d’être ethnologue chez soi.

Rousseur d’automne

arbre en automne à GivernyL’automne arrive comme un faux-monnayeur, avec ses valises pleines d’or et de rouille.
En Finlande, m’ont raconté deux visiteuses de Giverny, c’est la saison de la rouska. Elle débute à la mi-septembre et se prolonge pendant un mois, jusqu’à l’arrivée des grands vents de l’automne qui balayent les dernières feuilles des arbres.
Les Scandinaves aiment aller voir les arbres s’embraser. La rouska est la pleine saison touristique, comme au Canada. Les arbres prennent des teintes fabuleuses, tandis que des baies rouges se répandent au sol et forment un tapis écarlate qui répond aux feuilles des arbres.
Cela doit être beau, cette rouska, et si proche puisqu’Helsinki n’est qu’à deux heures trente de vol de Paris…
C’est fou le pouvoir évocateur des mots. En trois phrases les Finlandaises qui me parlaient de l’automne dans leur pays ont fait naître des images merveilleuses. Quel mot magnifique, rouska…
Je ne sais pas si je verrai ce spectacle un jour, mais tout en marchant dans les rues de Giverny je rêve de cet ailleurs à peine évoqué.
L’herbe est toujours plus rousse dans le pré voisin, même quand on vit dans un paysage qui fait beaucoup rêver, autre part sur la planète.

Au feu !

Sumac de Virginie à GivernyC'est la Virginie à Giverny… Le sumac a pris les devants pour porter des couleurs d'automne avant tout le monde. Une vraie fashion victim qui va lancer la mode du rouge flamboyant !
Les couleurs trop somptueuses ne sont pas vraiment de chez nous. Souvent ce sont des arbres importés et acclimatés, comme ce sumac de Virginie au pied d'un frêne.
Les érables d'ornement commencent à aimanter le regard dans les parcs et le long des routes, un peu différents chaque jour.
Chez Monet aussi ça sent l'automne, le roussi, le rougi.
La pluie et le vent se chargeront de jouer les pompiers pour éteindre l'éphémère incendie.

Poule pulpeuse

Poule d'eau Avec un groupe d’enfants en visite à Giverny, nous parlons des animaux qui vivent dans le jardin d’eau de Monet.
Je ne suis pas du genre à leur faire croire qu’il y a des crocodiles dans le bassin, mais là ce sont les enfants qui m’ont appris la présence d’une bête inattendue sous les nénuphars.
Une révélation quelque peu inquiétante.
Je venais de questionner par acquit de conscience, sûre qu’ils étaient comme toujours incollables sur la vie des bêtes :

– Savez-vous ce que c’est qu’une poule d’eau ?

Sans surprise, un doigt décidé se tend vers le ciel.

– Je sais ce que c’est, c’est un genre de pieuvre !

Hypnose

nymphea blanc Je n’avais jamais rencontré d’hypnotiseuse. Coïncidence de l’existence, à peine le dernier billet sur les propriétés hypnotiques des nymphéas publié, une cliente m’a confié que c’était son métier.
J’aurais adoré qu’elle m’hypnotise pour savoir ce que l’on ressent, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas. A défaut, elle m’a expliqué que c’est une sensation que chacun connaît par l’autohypnose.
-Vous savez, quand vous rêvez éveillé, que vous avez les yeux dans le vague et ne pensez à rien de précis. Comme l’enfant qui s’ennuie en classe et regarde par la fenêtre.

Mais voilà l’oiseau-lyre qui passe dans le ciel…

Sûr que Jacques Prévert devait savoir parfaitement s’autohypnotiser, de même que Claude Monet au bord de son bassin. Pour créer une oeuvre poétique comme la leur, en harmonie avec la nature, il faut forcément se débrancher du réel et se mettre à l’écoute de ce qui cherche à éclore à l’intérieur de soi, comme une bulle née au fond du bassin qui monte vers la surface.
Quand elle éclot, les nénuphars deviennent des cygnes blancs qui glissent sur l’eau sombre.

Flotter

NénupharAucune autre fleur sous nos climats n’exerce la même fascination hypnotique que le nénuphar.
Bien sûr il y a cette couronne parfaite de pétales aux coloris tendres, ces blancheurs laiteuses, ces roses délicats ; et ces feuilles luisantes, argentées dans le contre-jour, où l’eau s’autorise une petite visite. Ensemble, le relief de la fleur et le plat de la feuille produisent un effet tasse et soucoupe inhabituel, très agréable à l’oeil.
Mais l’attrait visuel ne suffit pas à expliquer pourquoi on pourrait rester des heures à regarder des nymphéas.
Je crois qu’entre aussi en jeu une sensation physique que l’humain aime entre toutes : celle de flotter sur l’eau.
Par nénuphar interposé voilà que se réveille le souvenir de ce bien-être originel.
La tige du nymphéa pousse le bouchon jusqu’à ressembler comme une goutte d’eau à un cordon ombilical.

Musée de l’Impressionnisme

C l'Eure Septembre 08La gazette du Département en fait ses gros titres : ça bouge du côté du Musée d’Art Américain de Giverny, qui vit ses dernières semaines sous sa forme actuelle.
La photo est prise à la Fondation Monet, mais c’est bien du musée de Beaux-Arts voisin qu’il s’agit. Au printemps prochain le beau bâtiment à l’architecture contemporaine qui se trouve à quelques pas des jardins de Monet à Giverny deviendra un musée de l’impressionnisme, géré par le Conseil Général de l’Eure.
Grâce à un partenariat avec le musée d’Orsay, on n’y verra donc que des toiles du courant pictural le plus populaire de l’histoire de l’art, ce qui en fera un lieu unique en Europe.
Le MAAG, avec ses expositions centrées sur l’art américain, attire actuellement un visiteur de Giverny sur quatre. Cela en fait déjà le musée le plus fréquenté du département. Il pourrait fort voir ses entrées exploser l’année prochaine, pour peu que l’exposition soit suffisamment attractive.
On sait déjà que le thème de celle qui ouvrira au premier avril 2009 est bien fait pour séduire le public : elle sera consacrée aux jardins de Monet.

Les frasques des fresques

Fresques dans l'église Saint-Samson, la Roche-Guyon Cela faisait bien une dizaine d’années que je n’avais pas visité l’église de la Roche-Guyon, dédiée à Saint-Samson : les petites églises de village sont généralement maintenues fermées. J’avais gardé le souvenir très vif de fresques magnifiques, ornant les voûtes de bleu roi piqué d’étoiles d’or.
Hier, à l’occasion des journées du Patrimoine, j’ai de nouveau franchi le seuil de l’église de la Roche-Guyon. Et vous imaginez ma stupeur en découvrant le décor peint.
Les fresques n’ont pas fait de frasques, elles datent du 19ème siècle et mériteraient une restauration. C’était donc bien les mêmes que j’ai vues naguère.
Mais le bric-à-brac de la mémoire m’a fait surimposer une voûte vue ailleurs avec le souvenir émerveillé de découvrir des fresques dans une église, ce qui n’est pas si fréquent.

Je me demande où j’ai bien pu voir une voûte peinte en ciel étoilé. Vous avez une idée ?

Et puis accessoirement, je trouve les tours que joue la mémoire bien étonnants, et les témoignages oculaires bien fragiles.

Etre ou ne pas être vert, telle est la question

blason de VernonVernon semper viret, c’est la devise de Vernon : Vernon toujours vert. Une contre-vérité manifeste qui, bien qu’assez attendrissante de forfanterie, a quelque chose de gênant.
Je viens enfin de comprendre l’histoire de cette devise, grâce à un éminent conférencier de la société savante locale, le Cercle d’Etudes Vernonnais.
La ville ne porte pas très bien cette maxime parce que le costume n’a pas été taillé pour elle.
Le sous-titre publicitaire n’a été appliqué à la ville de Vernon que sur le tard, au milieu du 17e siècle.
C’est de la récup. Au départ, nous a révélé le conférencier, la devise est celle de la famille des Vernon.
J’ai failli me taper le front. Ah ! Voilà qui fait sens ! Ces nobles personnes se proclament toujours vertes, toujours vaillantes, prêtes à, disons, combattre, avec toute la fougue de la jeunesse !
La ville de Vernon, en panne de devise, ne s’est pas cassé la tête à en forger une nouvelle. Elle a repris à son compte celle de la famille dont elle est le berceau.
D’accord, me direz-vous, mais comment l’idée de cette devise est-elle venue aux Vernon ?
Eh bien, les Vernon, qui étaient bien entendu de fins latinistes, connaissaient l’adage : Ver non semper viret, le printemps ne verdit pas toujours. La formule est attestée depuis le 13e siècle. Je ne sais pas trop comment il faut la prendre, est-ce à dire que la jeunesse ne tient pas toujours ses promesses ?
Quoi qu’il en soit les Vernon on détourné l’adage pour lui répondre par une affirmation bien sentie. Ver non semper viret, Vernon semper viret !
Après la conquête de l’Angleterre par Guillaume en 1066, de nombreux chevaliers normands se sont installés de l’autre côté de la Manche. Les Vernon sont devenus une importante famille en Grande-Bretagne. A tel point que Shakespeare met en scène des personnages nommés Vernon dans ses pièces Henry IV et Henry VI, et qu’il a chanté les Vernon dans des poèmes.
Mais bon, il n’y en a quand même pas dans Hamlet.

Maison de Monet

Maison de Monet

C’est une petite fille qui visite la maison de Monet à Giverny avec sa maman. Elle s’étonne, elle s’émerveille, elle s’exclame.

– Chchchut ! souffle la maman.

– Pourquoi, demande la petite, on est dans une église ?

Bambou

Bambou à GivernyClaude Monet n’a jamais été au Japon, mais il a collectionné les estampes japonaises avec passion.
Il aimait toutes les plantes exotiques qui y figurent et il en a introduit beaucoup dans son jardin de Giverny, notamment les bambous.
Les bambous choisis par Monet, bambous jaunes et bambous noirs, sont des espèces à grand développement, très envahissantes, à planter avec prudence si on ne veut pas avoir à les combattre toute sa vie par la suite. Mais Monet en jardinier averti a mis les siens sur une île pour que l’eau arrête la progression des racines.
Plantés serrés, ils forment de jolies masses touffues comme des plumeaux à côté du pont japonais.

D’après les renseignements que j’ai pu trouver (Derek Fell, The Magic of Monet’s garden, Ed. Frances Lincoln) Monet cultivait les Phyllostachys spp. et Pleioblastus pygmaeus, cette dernière variété étant naine comme son nom le suggère. Aujourd’hui ce sont des bambous jaunes qu’on voit au bord du bassin, Phyllostachys aureosulcata.

Les Européens qui visitent les jardins de Monet à Giverny sont souvent surpris par la taille de ces bambous. Ils doivent atteindre huit mètres environ.
Bambou à Giverny Habituée à des exclamations d’admiration, je ne m’attendais pas à la réaction d’une cliente thaïlandaise cette semaine :
– Qu’est-ce qu’ils sont petits, ces bambous !
Petits ? Je suis restée interloquée.
En fait, ce n’était pas leur hauteur que cette jeune femme trouvait ridicule, c’était leur diamètre. « Ils sont plantés trop serrés, m’a-t-elle expliqué, en Thaïlande ils deviennent très gros quand ils ont de la place pour se développer. »
C’est un de ces minuscules détails qui me fait adorer ce métier. Quelle joie de rencontrer des gens venus d’horizons si différents et de se laisser bousculer par leur façon de voir le monde.
Les Australiens victimes de sécheresse s’émerveillent du vert de l’herbe et des feuilles. Les habitants du sud des Etats-Unis découvrent que les roses ne fleurissent pas toute l’année sous notre climat. Les Russes s’étonnent que nous appelions gel un petit moins un degré.
Le plus extraordinaire, à côtoyer tous ces habitants du village global, reste de constater l’universalité de Monet, dont le génie est capable de toucher des hommes aux cultures si diverses.

Dipladenia

Dipladenia à GivernyDipladenia ou encore displadenia, comme on disait autrefois, ce n’est pas très facile à retenir mais cela sonne bien, quelque part à mi-chemin entre le diplodocus et le gardenia.
Il vaut mieux ignorer l’origine de ce nom de dipladenia qui serait tiré du grec diplos aden, double glande. Avouez que cela manque furieusement de poésie d’aller examiner cette plante dans ses parties intimes, l’ovaire en l’occurrence, pour lui attribuer un nom.
C’est fort joli, un dipladenia, avec ses feuilles luisantes qui rappellent celles des lauriers et ses fleurs en entonnoir rouges, roses ou blanches.
A Giverny un dipladenia monte la garde à l’entrée de la maison de Monet, planté dans l’un des gros pots chinois bleus où le peintre aimait faire pousser des belles frileuses.
Car autant le dire tout de suite, le dipladenia n’est pas de chez nous. Les auteurs ne sont pas tous d’accord sur son origine exacte, placée tantôt en Bolivie, tantôt au Brésil ou en Amérique centrale. Mais ils s’entendent à propos des exigences de la demoiselle, de la chaleur et de l’humidité.
Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, il est bien difficile de satisfaire de tels caprices à moins de disposer d’une véranda ou d’une serre. L’humidité, on n’en manque pas en Normandie, mais elle ne rime pas avec chaleur, et dans les maisons il fait bien trop sec.
Il faudrait habiter la Californie pour cultiver facilement les displadenias. Mais là-bas, il ne fait pas assez froid en hiver pour voir fleurir des tulipes au printemps. On ne peut pas tout avoir, et les bignones plus accommodantes ont bien du charme aussi.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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