Arrêt sur image

Glycines chez Monet
C’est le temps si court où les trois glycines qui ornent le pont japonais de Claude Monet sont en fleurs, en même temps. La précoce et les deux tardives se rencontrent à la façon de l’équipe de nuit relayée par l’équipe de jour (ou l’inverse). Le chassé-croisé des juillettistes et des aoûtiens.
On voudrait faire durer l’instant, s’éterniser sur cette image. Mais la nature tourne les pages du livre à notre place et à son rythme à elle, trop lentement à notre goût en hiver, bien trop vite à la belle saison.
C’est un peu triste de voir les moments les plus magiques s’effacer, mais c’est toujours pour laisser la place à d’autres. Et l’avantage de ce livre-là, c’est qu’on le relit chaque année.
Le texte est le même et pourtant changé. 2015 aura été une très belle année pour la floraison des arbres, par exemple. Qui sait si 2016 sera aussi généreuse ?
Le texte est le même mais la pièce est interprétée par une troupe différente, parfois brillante et parfois décevante, à l’image de la météo.

Le Chardonneret par Donna Tartt

Le Chardonneret par Donna TarttC’est un livre où l’histoire d’un tableau s’enchevêtre à celle d’un adolescent : Donna Tartt, dans son ample roman (1100 pages en Pocket !) explore avec finesse de nombreuses thématiques essentielles et profondes : le hasard, le deuil, le sens de la vie, l’ambivalence des relations humaines, la relativité du bien et du mal… L’ensemble est sombre, pessimiste, et je dois dire que je ne partage en rien le nihilisme du narrateur, alcoolique, drogué et désespéré. Si j’en parle ici, c’est parce que le seul personnage lumineux du roman, la mère du héros, est une esthète dont l’enthousiasme vis-à-vis de la peinture m’a touché.
En visite dans une exposition, elle commente pour son fils plusieurs oeuvres de peintres hollandais. Voici par exemple ce qu’elle dit de la Leçon d’anatomie de Rembrandt, un tableau qui lui « flanquait la trouille » quand elle était petite :

Le consensus autour de ce tableau est qu’il traite de la raison et des Lumières, de l’aube de l’investigation scientifique, tout cela, mais à mes yeux ce qui donne la chair de poule, c’est de voir comme ils sont polis et formels, grouillant autour de la table de dissection comme s’il s’agissait d’un buffet à un cocktail. Cependant, tu vois ces deux types perplexes là-bas au fond ? Ce n’est pas le corps qu’ils regardent – c’est nous. Toi et moi. Comme s’ils nous voyaient debout devant eux – tout droit débarqués du futur. Eberlués. « Qu’est-ce que vous faites ici ?  » C’est très naturaliste. En revanche (du doigt elle traça en l’air les contours du cadavre) le corps n’est pas peint de manière naturaliste du tout, si tu observes bien. Il s’en dégage une incandescence bizarre, tu vois ? On dirait presque l’autopsie d’un alien. Regarde comme il illumine les visages des hommes penchés sur lui. Comme s’il générait sa propre lumière ? Rembrandt lui donne cette qualité radioactive parce qu’il veut attirer notre oeil vers ça – que cela nous saute aux yeux. Et ici (elle pointa la main écorchée) tu vois comme il attire l’attention dessus en la peignant si grande, complètement disproportionnée par rapport au reste du corps ? Il l’a même retournée, et du coup le pouce est du mauvais côté, tu le vois ? Eh bien, il n’a pas fait cela par hasard. La peau sur la main est enlevée – on le remarque tout de suite, il y a quelque chose qui ne colle pas – mais en retournant le pouce il rend l’image encore plus étrange ; de manière subliminale, et même si nous n’arrivons pas à cerner pourquoi, nous enregistrons que quelque chose est de travers, faussé. C’est très astucieux.

Des commentaires d’oeuvres comme celui-ci, je pourrais en écouter pendant des heures… Je vous laisse découvrir son analyse du Chardonneret de Fabritius, qui donne son titre au roman, et les regards portés sur cette oeuvre et sur la peinture en général par les différents protagonistes de l’histoire.

Azalées

Azalées, Giverny

Dans le jardin d’eau de Claude Monet, la floraison des azalées, à cheval sur avril et mai, est un des moments les plus colorés de l’année. L’hiver dernier, les jardiniers ont créé de nouvelles zones de terre acide et planté plusieurs dizaines d’azalées supplémentaires, ainsi que des érables du Japon de différentes espèces. Le but : augmenter l’intérêt printanier du jardin d’eau et souligner son caractère japonisant.
Ces massifs nouveaux dévoilent leurs merveilles en ce moment pour la première fois, et les visiteurs découvrent de nouvelles harmonies de couleurs et de formes dans des endroits du jardin qui passaient un peu inaperçus jusque là. Le massif que voici se trouve à l’entrée du jardin d’eau, au débouché du passage souterrain sur la gauche, où il prend le relais des cornouillers plus précoces.
Les azalées jaunes que l’on voit à l’arrière-plan figurent parmi les fleurs les plus délicieusement parfumées que je connaisse. Celles-ci diffusent à distance, mais ailleurs elles poussent le long de l’allée, et je ne peux résister au bonheur d’y plonger le nez chaque fois que je passe à côté. Une vraie addiction.
Ah ! Le parfum ! C’est parfois ce que les visiteurs retiennent en priorité de leur visite, devant l’expérience visuelle ou auditive. Il est vrai que cette griserie de baigner dans les senteurs délicieuses des glycines ou des iris s’offre rarement aux citadins. Elle fait de la visite de Giverny, cet espace si coloré qui est avant tout conçu comme un lieu pour l’oeil, un moment intense pour les mal-voyants également.

Psst ! Les premiers nymphéas sont en fleurs depuis le 10 mai ! Des blancs surtout, j’en ai compté près d’une vingtaine aujourd’hui.

Pavot bleu de l’Himalaya

Pavot bleu de l'Himalaya, Meconopsis betonicifolia, jardins de BellevueA l’heure où un séisme sans précédent fait tourner avec consternation tous les regards vers le Népal, les pavots bleus de l’Himalaya commencent paisiblement leur floraison en Normandie. J’ai photographié celui-ci aux jardins de Bellevue, en Seine-Maritime, qui s’est fait une spécialité de cette fleur.
En langage botanique, le pavot bleu de l’Himalaya se nomme Meconopsis Betonicifolia, c’est-à-dire le Meconopsis dont les feuilles ressemblent à la bétoine.
La culture de cette fleur est réservée à des jardiniers aguerris qui sauront lui donner le terrain qu’elle aime, la protéger des courants d’air et lui assurer la bonne dose d’ensoleillement et d’humidité, avec le dévouement du Petit Prince pour sa Rose.
Je crois en avoir vu l’an dernier à Giverny. Y en aura-t-il encore cette année ? Réponse dans quelques jours, car ici les pavots sont pour la plupart encore en boutons.

Evolution du jardin

Pont japonais de Giverny et spirée

Il y a des instants où la lumière offre un supplément d’âme aux choses. Ce matin à neuf heures, après la grande douche du lever du jour, le jardin de Monet étincelait. Un rayon de soleil tournait le coin des bambous, ébouriffait les grappes mauves de la glycine au-dessus du pont japonais et venait caresser la spirée tout juste fleurie. C’était léger comme un baiser sur la joue d’une mariée, tout ce blanc qui cascadait en voile, et la petite touche rouge des ancolies en guise de fard à lèvres.
A l’époque de Monet, il n’y avait là ni ancolies ni spirée. Monet affectionnait l’herbe autour du bassin, tout simplement. Face à l’opulence du jardin de fleurs, le jardin d’eau était dépouillé, sobre, et comparé à celui d’aujourd’hui, presque nu. Une pivoine par-ci par-là, un trépied à rosiers, quelques agapanthes et autres iris… Mais pas, ou si peu, d’arbustes, de massifs fleuris, de couleurs. Pas de masses végétales en dehors des branches des saules. Rien n’entravait le regard. La vue s’offrait dégagée sur le pont et sur les nymphéas, car Monet voulait les peindre.
Qu’on peigne ou que l’on photographie, il est bien difficile aujourd’hui de retrouver exactement les motifs de Monet depuis la berge. Car petit à petit une surenchère végétale s’est mise en place, dans une espèce de peur du vide. Que faire pour émerveiller les visiteurs, si difficiles à éblouir de nos jours ? Comment offrir un intérêt printanier au jardin d’eau, alors que les nymphéas sont des fleurs d’été ? Les jardiniers plantent. Le jardin d’eau déborde de merveilles.
En ce moment fleurissent les splendides azalées, les cornouillers, les glycines, les spirées, les premiers iris, les berbéris, les rhododendrons, tant d’autres encore, tout cela au-dessus de tapis de pensées, de giroflées, de myosotis, de tulipes multiples, de pétasites, de sceaux de Salomon… Et oui, j’en suis témoin à chaque pas dans le jardin, c’est un enchantement. Les visiteurs, et plus particulièrement les visiteuses ne cessent de le répéter, c’est beau, c’est beau…
Alors faut-il regretter les infidélités au jardin d’origine ? Je ne le crois pas. Tout jardin évolue, et même du vivant de Monet, il n’a cessé de changer. Le pont par exemple s’est vu doter d’une pergola de glycines. Ce n’est plus le jardin d’un homme mais de 600 000 personnes. L’évolution des conditions implique l’évolution des plantations.
Il faut planter pour le public, oui. Mais que souhaite le public ? Il a des désirs contradictoires. Etre ébloui de fleurs et reconnaître les motifs des tableaux qu’il a vus : des nymphéas, le pont en gros plan.
Ménager des vues tout en fleurissant les berges avec naturel et subtilité, c’est le défi que doivent relever les jardiniers d’aujourd’hui.

Vie sauvage

Canards colverts à Giverny

La vie sauvage arrive à s'inviter dans les jardins au coeur des villes, alors a fortiori à la campagne. Ce matin ces deux canards venus d'on ne sait où avaient pris leurs quartiers dans l'étang aux Nymphéas de Monet. Resteront-ils ? Ce n'est pas sûr qu'ils apprécient l'agitation du lieu. En attendant ils posaient comme de vrais pros pour les visiteurs.
Aux petites heures du jour, c'est un héron qui vient parfois prendre son déjeuner. Il est le bienvenu pour limiter la prolifération des grenouilles.
Samedi dernier, un intrus plus inattendu a nécessité l'intervention des gendarmes. Un chevreuil un peu perdu s'est introduit dans le jardin d'eau, par le ruisseau semble-t-il. Paniqué de se retrouver coincé par les grillages qui l'entourent, il courait en tous sens à la recherche d'une issue. Les forces de l'ordre ont fermé la route pendant quelques minutes, les surveillants ont ouvert la grande porte du jardin, celle qui sert à faire passer le matériel de jardinage, et le chevreuil a fini par trouver comment s'échapper. Il a bondi vif comme l'éclair en direction de la prairie.
Personne n'a l'air de se souvenir qu'un pareil incident se soit déjà produit. Serait-ce une première ? Les chevreuils sont plutôt d'un naturel craintif… Celui-ci était sûrement un amateur d'art passionné d'impressionnisme, qui avait envie de brouter les nymphéas de Claude Monet…

Bouquetière

Bouquetière ou pique-fleur, GivernyDans la salle-à-manger de Claude Monet à Giverny, un vase vient de reprendre du service à l’occasion de la floraison des tulipes. Le dessus du vase présente une surface percée de trous dans lesquels on glisse les tiges des fleurs, qui restent ainsi élégamment disposées.
Les commissaires-priseurs donnent indifféremment le nom de bouquetière ou de pique-fleurs à ce type d’objet, mais ni l’un ni l’autre ne le définissent dans le dictionnaire, ni chez Robert, ni chez Larousse.
En cherchant dans les dictionnaires anciens, c’est plutôt le masculin que l’on trouve, sans grande précision : « bouquetier n.m. Vase à mettre des fleurs ». La bouquetière était la dame qui confectionnait et vendait des bouquets dans la rue. Pique-fleurs se réduit aujourd’hui à un « accessoire placé au fond d’un vase pour maintenir les fleurs dans la position choisie », et le mot est absent des dictionnaires anciens.
Puisqu’il faut choisir, c’est bouquetière qui a ma préférence, car c’est le plus gracieux. L’idée de piquer des fleurs ne m’a jamais beaucoup plu.
La bouquetière de Monet est un modèle qui s’accroche en applique, ce qui est assez classique. L’originalité est de la fixer sur un miroir, afin de multiplier les fleurs et de magnifier l’effet. Je suppose que l’idée est de Monet, car le miroir en vis-à-vis dans la pièce est lui aussi équipé d’un bouquetier.

Glycine

Glycine rue Claude Monet, Giverny

Portail fleuri de glycines, rue Claude Monet, Giverny

Dans les rues de Giverny, les glycines sont en fleurs en même temps que les lilas. Partout des grappes mauves dressées, d’autres pendantes, et une odeur envoûtante qu’on perçoit à distance.
Les glycines « de ville », bien exposées sur les murs des maisons, ont toujours un peu d’avance sur celles qui ornent le pont japonais de Monet. Je crois que l’ombre dispensée par le hêtre pourpre et les bambous n’y sont pas pour rien. Le bassin, avec son importante masse d’eau froide, doit retarder un peu la floraison lui aussi.
Qu’importe ! Les glycines du jardin d’eau fleurissent quand ailleurs les autres sont fanées. La première vient de s’ouvrir, et le pont ourlé de grappes violettes ou blanches va offrir un motif à de jolies photos pendant les semaines qui viennent.

Rosa Bonheur

Rosa Bonheur

Marie-Rosalie Bonheur, dite Rosa Bonheur – Lapins (détail. Cliquez pour voir l’oeuvre) vers 1840. Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, sa ville natale.

Le musée de Vernon présente jusqu’au 20 septembre 2015 une exposition intitulée « Rosa Bonheur, l’éloge du monde animal« . La raison : le musée Poulain, outre l’impressionnisme, est aussi spécialisé dans l’art animalier. Le prétexte : les collections vernonnaises comportent une étude de paysage de Rosa Bonheur, qui aimait s’inspirer de lieux réels pour placer ses animaux en situation. Un bronze, le Bélier couché, figure également dans les collections.
Si vous en avez l’occasion, ne manquez pas la visite guidée gratuite proposée le premier dimanche du mois à 15h. L’intérêt de l’exposition est décuplé par l’évocation de la personnalité hors du commun de l’artiste.
Si la peinture de Rosa Bonheur est passablement passée de mode – des animaux traités avec un admirable réalisme – en revanche la femme qu’elle a été reste un modèle pour celles d’aujourd’hui. Avec doigté, elle a su vaincre les préjugés de son époque et fait voler en éclats toutes les limites alors imposées à son sexe (elle est née en 1822).
Rosa Bonheur travaillait avec puissance. Très jeune elle a obtenu la reconnaissance officielle et l’indépendance financière qui l’accompagnait. Elle allait dans les abattoirs procéder à des dissections pour mieux comprendre l’anatomie des animaux qu’elle peignait. Elle portait le pantalon grâce à une autorisation préfectorale de travestissement qu’elle faisait renouveler tous les six mois. Elle vivait en concubinage avec une femme. Elle fumait. Elle montait à cheval à califourchon et non pas en amazone. Elle voyageait. Elle enseignait… Elle est même devenue l’une des premières femmes décorée de la Légion d’honneur.
Rosa Bonheur vivait dans une grande demeure près de Fontainebleau entourée d’animaux, y compris un couple de lions. Le mâle était en cage mais la femelle apprivoisée se promenait en liberté. Une photo étonnante montre l’artiste allongée côte à côte avec le fauve.
En 1889, à l’occasion de l’exposition universelle de Paris, Rosa Bonheur rencontre Buffalo Bill en tournée en Europe avec le Wild West Show. Elle est émue par la cause des Indiens : proche de la nature comme eux, elle ressent le tort qui est fait à ce peuple par « le Blanc usurpateur ».
Ce qui fait rêver dans sa personnalité, c’est son assurance que tout est possible. Rien ne l’arrête, elle peut tout faire, et elle a l’énergie de tout faire. Quel charisme elle devait avoir !
Pas vraiment féministe, Rosa Bonheur ne se bat pas pour ses soeurs (on n’a qu’à faire comme elle, sans doute ! Où est le problème ?) mais pour les animaux. Pour elle, il est évident qu’ils ont une âme. Elle transcrit cette conviction en avance sur son temps dans ses tableaux, en attachant une grande importance à leur regard.

Tulipe viridiflora

Tulipe viridiflora« Les tulipes, c’est bientôt fini ! Il faut se dépêcher de faire des photos ! » m’a dit le jardinier en me voyant l’appareil à la main. Il y avait un peu de regret dans sa voix. Tout ce travail, toute cette beauté, bientôt naufragée par l’avancée de la saison.
Les tulipes viridiflora seront parmi les dernières. La plupart ont muté de variétés tardives, et elles sont connues pour leur exceptionnelle résistance : jusqu’à trois semaines de floraison.
Viridiflora, en latin de jardinier, c’est à fleur verte, une caractéristique qu’on ne peut pas rater. Ce sont les Martiennes des tulipes, avec ce faux air d’extra-terrestres qui les fait remarquer.
Toutes les tulipes viridiflora sont ornées d’une belle trace de pinceau verte qui contraste avec leur couleur de base. On a l’impression qu’elles ont des sépales, ou que la tige se poursuit le long de la corolle, ou même que des feuilles se glissent autour des pétales. Alors que sur la plupart des tulipes la délimitation entre la tête et le cou est nette, avec les viridifloras on ne sait plus très bien où l’une et l’autre s’arrêtent, ce qui crée dans le regard une hésitation, une incertitude qui a son attrait. C’est joli avec du rose ou du jaune, par exemple, et super frais avec du blanc comme ici.
Je crois qu’il s’agit du cultivar Spring Green, ou si ce n’est pas le cas, d’un autre qui lui ressemble drôlement. Spring Green a l’avantage de se naturaliser et de refleurir plusieurs années de suite, dit-on.
On trouve des viridifloras dans plusieurs des grandes catégories de tulipes, les plus étonnantes étant peut-être les tulipes perroquet viridiflora.

Le jardin du musée des impressionnismes

Jardin du musée des impressionnismes Giverny, les tulipes
A ne pas rater si vous venez à Giverny voir l’expo Degas, la Fondation Monet ou pour toute autre raison, le jardin du musée des impressionnismes arbore en ce moment des floraisons spectaculaires.
Ce « jardin remarquable » s’étire tout en longueur devant les façades du musée.
Décomposé en chambres de couleurs, il fait traverser successivement un très charmant jardin blanc, un jardin noir plus inquiétant, puis les couleurs primaires, cyan, jaune, magenta, pour aboutir enfin à ce parterre étourdissant qui mêle les couleurs. « On en prend plein les yeux ! » disent les visiteurs.
Ce serait dommage de manquer ce joli spectacle, mais il faut penser à s’aventurer derrière les haies bien taillées qui délimitent les carrés.

Le charme de Giverny

Giverny

A quelques centaines de mètres de la Fondation Monet où le printemps attire les visiteurs du monde entier, Giverny déroule des ruelles paisibles ignorées des touristes, qui ont gardé intact tout leur charme.
L’habitat reste un peu essaimé, en hameaux autrefois séparés par des champs ou des vergers, et il en demeure une impression d’espace. Dans nos agglomérations où chaque mètre carré est compté, on n’a plus l’habitude de cette place libre dévolue à la culture, au végétal.
A parcourir les ruelles et les sentes herbeuses du village, on est gagné par une douce quiétude. Le temps semble s’être arrêté parfois, et l’on ne serait pas surpris de voir surgir d’une de ces portes un personnage tel qu’on en observe sur les cartes postales anciennes.
Qu’y a-t-il sur cette photo que Monet n’y aurait pas vu ? Si peu de choses, me semble-t-il. L’antenne de télé, bien sûr, et puis, en y regardant bien, la petite tache jaune du champ de colza, dont la culture n’a été vraiment lancée en France que dans les années 1970. Tout le reste est intact, tout prêt à servir de décor pour un film en costumes.
Déambuler au hasard des rues est un bonheur que je ne saurais trop vous recommander si vous prévoyez de venir à Giverny. Tout est charmant et sans prétention, les glycines au-dessus des porches, les iris le long du trottoir, les chats qui vous guettent du haut des murets, les lilas, les pommiers en fleurs, les verrières d’anciens ateliers d’artistes qu’on aperçoit encore, les noms de maison dont certains sont en anglais, les barrières de bois, les roses, les murs de silex, les jolis rideaux, les haies d’aubépine, les coqs et les oiseaux qui chantent… C’est un village où l’on réapprend la flânerie, où l’on voit passer les saisons, un village qui évoque une certaine douceur de vivre.

Avril 2015 du calendrier DuMont de Giverny

Giverny, avril, calendrier Dumont 2015

Pour le mois d’avril de son calendrier 2015 sur les jardins de Monet, l’éditeur DuMont a choisi parmi mes photos une des merveilles de ce mois, l’arc-en-ciel de tulipes et de pensées. C’est l’aspect qu’a le jardin en ce moment, c’est ce que vous verrez si vous venez ce week-end ou le suivant par exemple.
Les visiteurs avancent au milieu des fleurs, dont ils voient changer les couleurs au fur et à mesure de leur progression.
La photo est prise en biais vers la grande allée, mais l’arc-en-ciel qui évoque une palette d’artiste avec les couleurs posées côte à côte s’étend des deux côtés d’un chemin, on a des rayures colorées tout autour de soi.
C’est à l’époque des tulipes qu’il faut venir vivre cela, le mois aux couleurs les plus tranchées et les plus variées. Au passage, on s’émerveille de la grande diversité des formes de tulipes, des tulipes pivoines très doubles à celles qui paraissent de petites flammes tordues, les tulipes cornues. Et il n’y a pas que les tulipes ! Les pensées sont charmantes et incroyables de variété elles aussi.

Le calendrier DuMont 2016 des jardins de Monet à Giverny vient juste de paraître ! Vous pouvez le découvrir sur amazon.fr. L’éditeur m’en a envoyé quelques exemplaires, il est très beau !

La palette du printemps

Giverny
Cette fois le printemps est bien là dans tout son éclat, un éclat à faire éclater les bourgeons, s’ouvrir les pétales et bourdonner les abeilles dans les cerisiers en fleurs.
Les couleurs claquent de partout, fièrement arborées par les tulipes au bout de leurs longues hampes, soulignées par les myosotis et les pensées, soutenues par ce vert si intense qu’on ne voit qu’au printemps, un vert qui a l’air bon à manger.
Un soleil généreux dore le jardin de Monet d’une lumière si vive qu’on voudrait la toucher. A contre-jour, chaque pétale irradie.
Les oiseaux ont entamé leur grand concert dans les ramures encore dénudées, et il flotte dans l’air une impatience de vivre, une hâte de croître qui gagnent malgré soi. Pourquoi tout doit-il aller si vite ? Chaque jour apporte son lot de nouvelles fleurs qui hier encore n’étaient pas là.
Les giroflées flamboient, les coeurs de Marie déroulent leurs colliers chargés de colifichets. Les fougères déploient leurs crosses. L’érable du Japon libère ses feuillettes comme autant d’origamis complexes qu’il s’est occupé à plier pendant tout l’hiver.
On devine que toute la nature tirait sur les rênes, et, enfin, se lâche, et il y a dans cet abandon à la force de la vie une énergie pure, un courant puissant comme l’eau d’un torrent, et une joie de s’y laisser entraîner.
Et que dire des humains ? Ils sont dans le ravissement, les yeux pleins du spectacle des milliers de fleurs plantées par harmonies de couleurs, tandis que l’air tiède de l’après-midi glisse sur leurs bras dénudés et que les fragrances mêlées élaborent un parfum si fleuri et printanier qu’ils prennent conscience de respirer.

Massif blanc

Massif blanc à Giverny

Les massifs monochromes de Giverny sont une source d’inspiration pour de nombreux jardiniers. Saison après saison, les gammes chromatiques restent les mêmes, mais les fleurs évoluent au fur et à mesure sans même qu’on s’en rende compte, tant leur renouvellement se fait progressivement.
Qu’y a-t-il en ce moment dans cette belle bordure blanche à l’est du jardin ? Des tulipes blanches et crème, des jacinthes, des narcisses, des fritillaires de Perse ivoire, des pavots d’Islande déjà en fleur car démarrés sous chassis. Voilà pour les plus grandes. Au-dessous poussent des pensées et des myosotis blancs, des ornithogalums, des alysses.
Les nuances vont du blanc pur au jaune doux, et de nombreuses fleurs mêlent les deux. Sur le vert frais des feuillages, le contraste est spectaculaire.

L’île d’Avalon

Ile du Chateau, les AndelysPhoto : Ile du Château, les Andelys

Aux Andelys, une île s’étend au milieu de la Seine, et sur cette île s’élève une maison. Elle a été la propriété de Sir John George Woodroffe (1865-1936), plus connu sous le pseudonyme d’Arthur Avalon. Cet avocat anglais devenu juge à la Haute Cour de Calcutta s’est passionné pour la philosophie hindoue et la pratique du yoga. On lui doit l’introduction en occident de textes sacrés tantras.
A partir de 1920, pour une raison que je n’ai pu découvrir, Woodroffe s’installe aux Andelys. En bon insulaire, il jette son dévolu sur l’île en pleine Seine. On raconte qu’il a fait venir les matériaux de construction de sa maison par bateau depuis l’Angleterre. Un peu excentrique, John George.
En ce moment où les feuilles des arbres n’ont pas encore fait leur apparition, on peut remarquer une zone blanche sur la gauche de la maison. C’est un mur élevé par Richard Coeur de Lion au moment où il résidait lui-aussi dans l’île, pendant la construction de Château-Gaillard, en 1196. L’île s’appelle « île du château ». Est-ce cet illustre prédécesseur, roi d’Angleterre, qui a donné envie à Avalon de s’ancrer ici ?
Du temps de Richard, l’île était reliée à la berge par un pont. Avalon, tout comme les propriétaires actuels, devait utiliser un bateau.

L’éveil

Giverny à Pâques
« C’est le plus beau jardin que j’ai vu de toute ma vie ». Voilà deux fois ces derniers jours que j’entends des visiteurs de Giverny prononcer cette même phrase. D’abord vendredi, suite à une découverte du jardin de Monet sous un ciel maussade qui éteignait tout reflet dans l’étang, et puis hier, dans la bouche de clients tout juste débarqués à Roissy, sans doute épuisés de leur voyage et en plein décalage horaire.
J’essaie de ne pas marquer ma surprise. J’ai très envie de questionner « qu’est-ce qui vous fait dire ça ? », mais je m’en abstiens par correction, et parce que je me doute qu’il est difficile de répondre.
Questionner, ce serait mettre en doute l’affirmation, que bien sûr je partage. Pour moi aussi, le jardin de Monet est le plus beau jardin que j’ai vu de toute ma vie. Mais tel qu’il est en ce moment même, vraiment, comment peut-on n’avoir jamais rien vu de plus éblouissant ? Il y a à peine de fleurs, très peu de feuilles aux arbres, et le temps a été exécrable toute la semaine dernière.
Et pourtant, en dépit de tout, la magie opère. Les féeries qui avaient envoûté Monet sont à l’oeuvre. Des profondeurs du bassin, les fées envoient leurs charmes sur les visiteurs. « Quel calme extraordinaire ! » disent-ils au milieu de l’affluence du week-end pascal. Et c’est vrai. On a envie de rester à regarder l’eau, happé par le jeu de la brise à sa surface.
Dans ces premiers jours du printemps, il émane du jardin qui s’éveille une joie profonde et communicative. Les pousses percent la terre, les boutons enflent et s’ouvrent, les oiseaux s’interpellent dans les ramures. Sans qu’on y prenne garde cette vitalité du renouveau nous gagne. On ne sait pas trop bien ce qu’on a, sauf qu’on se sent heureux d’être là. Je m’entends être particulièrement gaie et enthousiaste dans mon commentaire, et quand je demande aux visiteurs s’ils sentent la joie de la nature, ils m’assurent avec empressement que oui.
C’est le début avril, le temps des premières fleurs et des premières feuilles, et c’est dès maintenant, avant le grand spectacle et l’explosion des couleurs, c’est dans ce temps du commencement qu’il faut descendre au jardin pour s’y laisser envahir par l’allégresse de la terre.

Vent de printemps

Vent de printemps, Giverny

Gros coup de vent aujourd’hui à Giverny.
Un vent qui creusait des vagues dans l’étang, qui agitait les rameaux, secouait les arbres en fleurs et rappelait aux bambous qu’ils sont des herbes capables de plier.
Tout cela mugissait, gémissait, se tordait, s’entrechoquait et grinçait, de douleur peut-être.
Par là-dessus cet après-midi une lumière de fin mars, un de ces airs ultra-limpides qui sentent la peinture fraîche tellement tout paraît net dans cette atmosphère-là.
C’était spécial, frigorifiant et revigorant.
Les premières fleurs, les premières feuilles, si fraîches, luisantes, astiquées pour Pâques, dans cet empressement de la nature à croître et vivre.
Ca y est ! Ca y est ! semblent-elles dire, et l’on sent une griserie végétale dans l’air.
Le printemps est en marche, un printemps encore bourru et sauvage.

Degas au Musée des Impressionnismes Giverny

Exposition Edgar Degas, un peintre impressionniste ? Giverny 2015 MDIGUne magnifique exposition Degas ouvre aujourd’hui au musée des Impressionnismes Giverny. C’est une expo en forme de question : Degas était-il ou non un impressionniste ? On s’en doute, il y a des points qui font de lui un impressionniste pur et dur, d’autres qui l’éloignent du mouvement, et c’est cette singularité de Degas que l’acrochage explore.
On aura la chance de voir à Giverny beaucoup de chefs-d’oeuvre qui jalonnent la carrière du peintre, comme « Un Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans », peint dès 1873, qui vient de Pau, ou sa « Petite danseuse de quatorze ans » en bronze prêtée par un collectionneur privé.
Le Degas des portraits, des courses de chevaux, des repasseuses, des danseuses, des maisons closes, est là aussi, éblouissant. On en découvre un autre moins connu : le Degas paysagiste.
Eh oui ! L’artiste qui revendiquait sa prédilection pour « la vie factice » s’est parfois intéressé au paysage. Ses pastels raffinés, d’une grande économie de moyens, évoquent plus qu’ils ne décrivent des visions de la nature conservées dans la mémoire du peintre.
Mais davantage que cette production assez marginale dans sa carrière, on retiendra surtout l’audace de Degas, un avant-gardisme qui prend le contre-pied de sa formation classique très approfondie. Ses choix de cadrage, ses mises en scène, son ironie, son détachement même en font un artiste à part et qui aujourd’hui encore dérange autant qu’il éblouit.

A voir à Giverny jusqu’au 19 juillet 2015. Billets coupe-file ici.

Capucine tubéreuse

Capucine tubéreuseLa lettre de Monet à son fils Jean à propos des engrais était suivie d’un post-scriptum destiné à l’épouse de Jean, Blanche Hoschedé-Monet :

PS. Maintenant c’est à ma petite Blanche que je fais appel, si elle veut bien aller chez un jardinier de la rue Verte qui s’appelle, je crois, Marie lui demander s’il a encore de la fameuse petite capucine vivace comme celle que l’on met tous les ans le long de la grille.
C’est chez lui que j’en avais eu un pot dans le temps, et cet étourdi de Florimond me les a laissé perdre ou à peu près. Bref, si elle peut en trouver chez ledit Marie, que ce dernier m’en adresse de suite deux pots par grande vitesse en gare de Vernon. Merci d’avance et un bon baiser d’avance aussi. Cl. M.

Blanche, fille d’Alice Hoschedé, l’épouse de Claude Monet, est toute dévouée à son beau-père, et cela ne fait nul doute qu’elle va se faire un devoir de courir Rouen pour trouver la fleur désirée.
La capucine tubéreuse est vivace si on veut, ou plutôt si l’hiver est très doux, car sous nos climats il est recommandé de la rentrer, un peu comme les dahlias. Elle ne résiste pas à un gel de -5°, et j’imagine que c’est ce qui a dû se passer. Monet, en février, vient de s’apercevoir que son jardinier a omis de rentrer les tubercules, et il craint fort qu’ils ne repartent pas au printemps. Au passage, je n’aurais pas voulu être à la place de Florimond, il a dû passer un quart d’heure très désagréable. Il est certain que Blanche comme Jean savent lire entre les lignes « cet étourdi de Florimond », qu’ils connaissent les sautes d’humeur de Monet, et que Blanche a à coeur d’arrondir les angles.

Claude Monet dans son jardin Tout porte à croire que Blanche a réussi sa mission payée d’avance d’un baiser, et que les capucines ont réintégré leur place le long de la grille, mais aussi sur les trépieds installés dans la roseraie devant la maison. Quelques années plus tard, c’est l’endroit que choisit Monet pour poser pour le photographe, ce qui donne ce cadrage étonnant où les feuilles de capucines tubéreuses au premier plan sont plus nettes que le visage du peintre.
C’est sur ces mêmes trépieds qu’elles fleurissent encore en été. J’ai pris la photo ci-dessus à la mi-juillet.
Pour les amateurs de curiosités, il paraît que la capucine tubéreuse se multiplie généreusement comme les pommes-de-terre, et que ses tubercules se dégustent bouillis ou poêlés. Crus, ils ont un goût de raifort, cuits, ils rappellent l’asperge. Si vous êtes curieux d’essayer, il ne vous reste plus qu’à en cultiver, car on ne peut pas dire qu’ils inondent les marchés. Peut-être qu’on en trouve encore à Rouen, dans la rue Verte ?

Engrais

Giverny nympheas octobreOn ne parlait pas encore de jardinage biologique au début du 20e siècle. C’étaient les premiers temps des engrais chimiques, une époque où l’on n’imaginait même pas que des intrants puissent avoir un impact sur la santé. On pensait que pour faire pousser des plantes vigoureuses, il faut leur donner à boire par l’arrosage et à manger par les engrais. Ce n’est pas dénué de bon sens.
Certes, Claude Monet aurait pu faire du jardinage biologique à la façon dont Monsieur Jourdain faisait de la prose. Le peintre ne vivait-il pas dans un village où abondaient les engrais naturels de toutes espèces, à commencer par ceux issus de la vache, du cheval, des poules ou des pigeons ? Il est probable que Monet ne s’est pas privé de fumer son jardin. Mais il a aussi, une lettre l’atteste, fait usage de produits chimiques :

Extrait d’une lettre de Monet à son fils Jean, qui est chimiste à Déville-les-Rouen, 8 février 1902 :

Mon cher Jean,
je viens te demander si tu peux me procurer les différents engrais chimiques dont suit le détail. Si oui, tu seras bien aimable de me les faire adresser de suite par grande vitesse en gare de Vernon. Je t’en remercie d’avance et vous embrasse bien tendrement tous les deux.
Ton père,
Claude Monet

La liste est ci-contre :
100 kg de sulfate de fer pulvérisé
20 kg superphosphate minéral
4 kg sulfate de potasse
10 kg sang desséché

J’espère que tu pourras me procurer cela.

A première vue, j’ai l’impression que certains de ces produits sont acceptés en agriculture biologique, par exemple le sulfate de fer, et d’autres non. Si vous êtes plus compétent que moi dans ce domaine, je serai heureuse d’avoir des précisions.
Quant à la politique de la Fondation Monet aujourd’hui, si le jardin n’est pas tout à fait bio, l’ambition est de s’en rapprocher le plus possible.

Photo : Nymphéas dans le bassin de Monet, octobre. Les nénuphars sont très sensibles aux fertilisants véhiculés par les eaux.

Ombrière

OmbrièreL’ombrière, c’est l’endroit protégé des ardeurs du soleil où les jardiniers de Giverny habituent les plantes élevées en serre à la vie au grand air. Un sas, en quelque sorte, avant d’être plantées dans les bordures du jardin de Monet.
C’est fin octobre, date de cette photo, que l’ombrière est la plus spectaculaire, avec ses milliers de pensées rangées par variétés et couleurs. Quelques jours plus tard, le jardin ferme, les massifs sont dépouillés de leurs attraits, non point par l’hiver mais par les mains des jardiniers, et la plantation en vue du printemps commence.
Le début du printemps est marqué par la floraison des plantes à bulbes, qui ont des réserves plein leur oignon et peuvent de ce fait surgir très vite hors de terre, et celle des bisannuelles.
Les bisannuelles sont des futées, des prudentes, des spéculatives, qui ont commencé leur croissance l’année précédente. A partir de la graine, s’est développé un plant pendant l’été et l’automne, tout prêt à fleurir une fois l’hiver passé, et qui donnera à son tour des graines à la belle saison. C’est une des formes de l’adaptation aux saisons, réservée à des plantes robustes dont les feuilles résistent aux gelées, comme les pensées, pâquerettes, giroflées et myosotis.
L’autre solution pour les plantes qui ne sont pas des tortues, c’est d’être des lièvres. Les annuelles sont aussi des végétaux qui se multiplient par la graine. La semence tombe à terre, et laisse passer le froid de l’hiver sans broncher avant de se réveiller quand le sol se réchauffe. Et là, vite vite ! On pousse, on fleurit, on fait la graine, on meurt, en l’espace d’une saison. Le démarrage des plantes en serre peut faire décaler leur calendrier intime de quelques semaines, mais les grandes règles demeurent.
Ce seront les annuelles qui viendront faire un petit séjour dans l’ombrière à la fin du printemps, histoire de s’habituer à la température du grand bain.

Mars 2015 du calendrier DuMont de Giverny

Mars 2015 du calendrier DuMont de Giverny, vue du jardin d'eau

C’est l’arrivée du printemps, cette époque tendre et fraîche de la fin mars où s’ouvrent les premiers bourgeons que l’éditeur DuMont a choisi parmi mes photos pour illustrer la page du mois de mars dans son calendrier des jardins de Monet à Giverny.
La vue est prise depuis le hêtre pourpre en direction du pont japonais, et ce sont les petites feuilles adorables du hêtre que l’on voit au premier plan.
A gauche, l’armée des bambous s’avance, difficilement contenue dirait-on par les barrières, comme une foule qui se presse pour apercevoir les coureurs.
Les tiges de ces mêmes bambous servent à fabriquer les barrières légères qui protègent les massifs : astucieux recyclage maison.
Un groupe de narcisses d’un blanc éclatant éclaire la pelouse resemée chaque année.
C’est le soleil du petit matin, juste avant l’ouverture, une lumière pétillante et douce où domine le bleu.

Puschkinia

PuschkiniaIl faut presque la loupe pour voir cette petite fleur à bulbe qui s’épanouit en ce moment dans les massifs de Giverny. Elle dépasse à peine la hauteur de votre chaussure et n’a rien des couleurs flashy des jonquilles qui se pavanent non loin de là à 30 ou 40 cm d’altitude. Mais c’est justement ce qu’on aime chez le puschkinia, sa délicatesse. C’est la musique du printemps, certaines fleurs la jouent discrète comme la violette ou la pâquerette, tandis que d’autres font tout pour se faire remarquer.
Si on se penche un peu, on ne peut qu’être séduit par la fraîcheur et la douceur du puschkinia, surtout par la grâce de sa collerette de pétales striés d’une ligne bleu ciel qui s’ouvre sur un bouquet d’étamines tachées de jaune.
Son nom vient d’un chimiste russe botaniste à ses heures, Apollo Apollossovitch Moussine-Pouchkine. Le pouchkinia fleurit sur les pentes du Caucase à la fonte des neiges, ainsi qu’au Liban ou en Syrie.
Il paraît que la fleur se naturalise facilement dans les pelouses, il suffirait de l’oublier. Voilà qui donne envie d’essayer. On plante les petits bulbes à l’automne, on n’y pense plus pendant tout l’hiver et aux premières heures du printemps on fait un tour dans le jardin pour voir si les fleurs sont au rendez-vous.
Je ne sais pas si c’est le mode de culture adopté par les jardiniers de Giverny. Les massifs sont tellement travaillés qu’il est possible que les pushkinias aient été plantés à l’automne. Tout comme il se peut qu’ils soient assez malins pour se naturaliser, à la manière des perce-neige.

P.S. Renseignement pris, voilà quatre ans peut-être que les jardiniers n’ont pas planté de pouchkinias. Ce sont donc bien des bulbes plus ou moins naturalisés qui se sont installés dans les plates-bandes.

Un hiver sans neige


L’hiver se termine sans qu’il soit tombé un flocon à Giverny. Il peut geler encore, mais « les risques de grosses gelées sont passés » disent les jardiniers. La nature se réveille, surtout à la faveur d’après-midis douces et ensoleillées comme aujourd’hui. Déjà, les perce-neige fanent, les primevères sont épanouies, et les petits soleils jaunes des éranthis tapissent le sous-bois.
Il en va des fleurs comme des gens, certaines sont couche-tard, d’autres lève-tôt. En ce moment fleurissent les plus matinales de toutes, peu nombreuses et d’autant plus remarquées. La gaussienne va bientôt s’enfler. Quand le jardin de Monet ouvrira le 28 mars, un nombre très raisonnable de fleurs sera debout, pour atteindre l’heure de pointe un mois plus tard.
Pour l’instant, tout est encore si paisible. Au bassin, les plantes les plus fragiles dorment toujours sous leur couverture de paille, comme le gunnera venu du Brésil qui a droit à sa petite cabane, en haut à droite sur la photo.
Un autre détail révèle que le jardin est encore fermé : les rambardes du petit pont japonais ont été démontées. Elles sont entreposées près du saule, à l’endroit où se trouve normalement un banc. Le pont prend des allures d’embarcadère, bien pratique pour accoster en barque.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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