La voie verte était blanche

Voie verte Vernon-Giverny

Croyez-moi sur parole, ce n’est pas du givre, c’est de la neige.
Quelques minuscules flocons de poudreuse ont voltigé nuitamment dans le ciel givernois, et au matin, le soleil s’est levé sur un paysage non pas blanc mais blanchi.
Je crois que la couche neigeuse atteint les huit ou neuf millimètres.
A ce stade, on ne parle plus de précipitation, mais de nonchalance.

Octave Mirbeau et Claude Monet

Correspondance d'Octave Mirbeau avec Claude MonetLe nom d’Octave Mirbeau est lié à celui d’une pièce de théâtre au titre devenu proverbial, Les affaires sont les affaires, et au roman Le journal d’une femme de chambre, deux oeuvres dont le succès ne s’est pas démenti depuis un siècle. En tant qu’homme de plume Mirbeau a aussi été un fervent défenseur des impressionnistes, dès 1884, où débute son amitié avec Claude Monet.
Suite à un papier élogieux de Mirbeau dans le journal « La France », Monet lui offre un tableau, une Cabane des Douaniers. L’un et l’autre se montrent également intuitifs, Mirbeau en défendant le peintre que le temps consacrera, Monet en remerciant avec largesse dès le premier article celui qui, par ses prises de position influentes, lui forgera une réputation de génie de la peinture. Une amitié indéfectible les liera jusqu’à la mort.
On lit avec plaisir les lettres de Mirbeau à Monet, publiées et abondamment annotées par les éditions du Lérot. La correspondance est lacunaire et à sens unique, mais elle laisse percevoir un drôle de bonhomme, sincère, enflammé, pessimiste, maladif, passionné d’horticulture, à l’humour enjoué ou corrosif, doté d’une admiration sans borne pour Claude Monet.
Pendant plusieurs années, Mirbeau s’installe aux Damps, un village de l’Eure tout comme Giverny. Voici comment il décrit le lieu, avant même de le louer, pour essayer d’éveiller en son ami et presque voisin l’envie de le peindre :

Camille Pissarro, Le Jardin de Mirbeau aux Damps, 1891, huile sur toileDans le plus admirable paysage qui puisse se voir, une maison, gentille d’aspect (…). Toute la vallée de la Seine, la vallée de l’Andelle, au loin s’ouvrant derrière le mont des Deux amants ; et, tout près de nous, l’embouchure de l’Eure. (…) Il faudrait venir vous installer quelques temps chez nous ; car des hauteurs du jardin, vous avez là, sept ou huit toiles extraordinaires. Des impressions de lointain ; des études d’eau, et de peupliers bien plus belles et d’un caractère bien plus poignant qu’à Giverny. C’est extraordinaire.

C’est finalement Camille Pissarro et non Claude Monet qui peindra le jardin de Mirbeau aux Damps.

Camille Pissarro, Le Jardin de Mirbeau aux Damps, 1891

Rigoureusement exact

Juno Beach Photo : Evocation du débarquement canadien à Juno Beach, Calvados

C’est réconfortant, les collègues, surtout quand ils vous confortent dans votre opinion. Hier j’ai été témoin d’un débat entre spécialistes du Débarquement, des guides qui arpentent les plages de Normandie à longueur de saisons avec tous les publics, y compris des vétérans. Ce n’est pas mon cas, je me suis donc bien gardée d’apporter ni grain de sel ni grain de sable, et j’espère ne pas trop déformer leur propos.
La question soulevée était celle des volontaires canadiens. L’usage des guides, racontait ma collègue, est de dire que cette armée d’un million d’hommes était composée exclusivement de volontaires. Mais, poursuivait-elle, pour être précis il faudrait ajouter que c’était vrai au début de la guerre mais pas à la fin, sur le sol normand mais pas aux Pays-Bas, etc. La formulation exacte se résume donc à celle-ci, les soldats canadiens qui ont débarqué en Normandie en juin 44 étaient tous volontaires.
La suite du débat a tourné autour de l’inutilité d’entrer dans ce genre de détails. Là-dessus nous étions tous d’accord. Veiller à la façon de dire les choses pour qu’elles soient exactes, c’est bien, mais l’excès d’exactitude est contre-productif. La rigueur absolue n’est pas ce qui intéresse les auditeurs, elle est au détriment de la clarté. Les enseignants partagent certainement cet avis.
On a beau être d’accord là-dessus, ça nous chiffonne quand même d’affirmer, jour après jour, des choses qui ne sont pas tout à fait vraies. Prenez l’âge de Monet à son arrivée à Giverny, par exemple. Il est né en 1840, il arrive en 1883, il décède en 1926. Vu comme ça, Monet a 43 ans quand il emménage à Giverny, et il y passe 43 ans, donc pile la deuxième moitié de sa vie pour mourir à 86 ans. C’est clair, efficace, juste un peu trop beau pour être absolument vrai. Car Monet est né le 14 novembre 1840, donc à la fin de l’année. Quand il s’installe à Giverny en avril 1883, il n’a que 42 ans, même pas et demi.
C’est bien ennuyeux tout ça. Car avouez qu’on s’en moque, de ce détail, c’est d’un ennui total.
Comment s’en sortir ? Selon les cas, les publics, l’humeur, je dis que Monet était dans sa 43ème année, ou j’affirme comme la plupart de mes collègues qu’il avait 43 ans, en lui demandant mentalement pardon. Il m’est arrivé aussi plus d’une fois de m’apercevoir à la fin de la visite que j’avais carrément oublié de parler de la durée si longue de son séjour à Giverny… Oups ! Ca, ce n’est pas un détail.

La Prairie d’Andrée Launay

La Prairie aux graminées, pastel d'Andrée LaunayLa Prairie aux graminées, pastel, copyright Andrée Launay

Je ne le redirai jamais assez : j’adore quand des artistes se laissent inspirer par mes photos de Giverny, et qu’ils ont la gentillesse de me montrer leur travail !
Voici le superbe pastel réalisé par Andrée Launay d’après la vue de la Prairie, alias le… parking de Giverny.
C’est chaud et doux, on sent souffler le vent et monter la brume.
Evidemment, la photo paraît bien plate à côté.
Magie de l’art qui magnifie et donne à voir…

Signac à Barfleur

Barfleur, la maison de Signac et l'égliseTout au bout du Cotentin, le petit bourg de Barfleur, avec son église trapue, son port et ses maisons de granite, offre un visage pittoresque qui a séduit de nombreux peintres.
Paul Signac est de ceux-là. En face de l’église, la maison où il a séjourné est marquée d’une plaque où l’on peut lire :
« Le peintre Paul Signac habita cette maison de 1932 à 1935. Il aimait la compagnie des pêcheurs en travaillant face à la mer et au phare de la pointe de Barfleur. »
Le séjour à Barfleur correspond aux dernières années de la vie de Signac, qui s’y retire après son tour de France des ports, peints à l’aquarelle de 1929 à 31, et décède en 1935.
Le septuagénaire, qui a possédé pas moins de 32 yachts pendant sa vie, est encore un grand amateur de navigation. A Barfleur, il passe plus de temps en mer que devant son chevalet.

L’eau est partout dans l’oeuvre du peintre néo-impressionniste. C’est aussi le thème du festival Normandie Impressionniste 2013. Dans ce cadre, le musée des impressionnismes Giverny présentera à partir du 29 mars 2013 une exposition rétrospective consacrée à Paul Signac. Au fil de 120 oeuvres, peintures pointillistes, aquarelles et dessins, on y verra de nombreuses vues de ports, de Concarneau à Saint-Tropez. Et qui sait, peut-être aussi Barfleur.

Bonne année 2013 !

Port de Barfleur

La traversée
d’une nouvelle année
commence !

Au moment de mettre le cap
vers douze mois tout neufs,
je vous souhaite
belle mer
et bon vent.

Tous mes voeux
pour une année
treize heureuse,
treize aventureuse,
treize amoureuse !

Fou du flou

Rose à Giverny Qu’est-ce qui fait qu’on aime un tableau, une photo ?
Sur quels critères se fonde notre goût pour décider que quelque chose lui plaît ou non ?
Pourquoi les photos de fleurs nous plaisent-elles davantage quand les corolles se détachent sur un fond flou ?
Qu’y a-t-il dans ce contraste du net et du flou qui satisfait l’oeil ?
C’est juste un constat, nous apprécions ne pas très bien distinguer, alors qu’on pourrait s’attendre au contraire.
Nous aimons les fonds flous, et le tremblé vibrant de la peinture impressionniste.

A verse

Giverny sous l'averseL’avantage d’habiter la Normandie, la Bretagne ou le Nord, c’est que la pluie fait partie du décor. Pour tout dire, c’est un must de l’expérience touristique, un truc qu’il faut avoir connu pour bien comprendre la région.
Quand il fait beau, j’aime bien m’amuser à la souhaiter aux visiteurs. « Depuis combien de temps êtes-vous en Normandie ? Il n’a pas encore plu ? J’espère que vous aurez la chance de goûter à la pluie normande avant votre départ ! » La tête des gens. Je me dépêche d’ajouter un smiley oral, que je plaisante, que je leur souhaite le meilleur temps possible. Et de leur vanter les effets bénéfiques de la pluie, essentiels à l’économie agricole de la région.
L’autodérision, la pluie tournée en fierté chauvine, c’est ce qui nous sauve, parce qu’on le sait bien, c’est ennuyeux et triste, surtout quand le ciel est très couvert et que la grisaille pèse comme une chape de plomb.
Heureusement, souvent, l’éclairage est malgré tout joli, argenté, ménageant des trouées de lumière. Souvent, s’il pleut, c’est quelques gouttes à peine. Il bruine, il pleuviote, il pleuvine, sans mouiller vraiment. C’est la vérité brute des statistiques, il tombe moins d’eau à Giverny qu’à Nice, où les heures d’ensoleillement, c’est clair, battent celles de la Normandie de façon écrasante.
La petite pluie fine si typique du Nord-Ouest n’est pas très gênante pour les visites. Ce qui paralyse, c’est l’averse. S’il pleut des seaux, des cordes, ou comme une vache qui lève la queue, c’est le sauve-qui-peut.
Tandis que, tassé dans quelque recoin, vous risquez un oeil inquiet vers les nuages plombés, vous avez le temps de repasser toutes ces belles expressions imagées. Va-t-il se mettre à choir des chiens et des chats ? Je n’ai jamais entendu aucun anglophone prononcer cette expression (it’s raining cats and dogs) qui fait la joie des collégiens français, et je me demande si elle ne tombe pas un peu en désuétude, tout comme les hallebardes chez nous. Quand le ciel ouvre grand les vannes, ce que j’entends le plus souvent, c’est « it’s pouring ». Pour moi le verbe to pour, verser, est associé au geste de servir le thé fumant, et ça fait un peu frémir d’imaginer des tas de théières en train de déverser sur nous leur contenu depuis les nuages. Il est heureux que la pluie soit froide, finalement.

Après la fin du monde

Giverny sous la pluieOn n’a pas toujours un sujet amusant comme la fin du monde pour alimenter les conversations. Le solstice passé, cette inépuisable source de plaisanteries est subitement tarie. Pour bavarder aimablement, nous voilà contraints à en revenir à cette bonne vieille météo.
Aujourd’hui, la pluie a fait chanter les gouttières toute la journée. Pour les guides qui travaillent en plein air, notamment en Normandie, la pluie est un sujet bateau, un exercice de style. Impossible de faire comme si de rien n’était face à un groupe qu’on oblige à se tenir sous les parapluies et les capuches. Ne rien dire, c’est la sinistrose assurée, un concert de plaintes pendant toute la durée de la visite, qui se réduira dans le souvenir à cette expérience humide.
Il y a plusieurs façons de s’y prendre pour faire échec à la grogne. Par exemple la motivation, version nous sommes des braves, rien ne nous arrête. Les Allemands ont une expression pour cela qui tombe à pic, si j’ose dire, à Giverny : « Nur die Harten kommen in den Garten », seuls les durs viennent au jardin. Image un peu détournée puisqu’il s’agit à l’origine des plantes les plus endurcies qui sont les seules à pousser. Pas grave.
On peut aussi faire appel à la raison, en positivant la pluie, ce bienfait. Parler de cette sécheresse sournoise qui maintient les nappes phréatiques à un niveau préoccupant. Le sens civique du bien commun l’emporte rarement sur le désagrément immédiat, mais au moins, le visiteur aura compris que, s’il décide de maugréer, vous n’avez pas envie d’être en phase avec lui.
Le mieux, au bout du compte, c’est le sens de l’humour. Pas seulement les petites blagues sur les escargots, les grenouilles, les « vous savez nager ? » devant les flaques énormes. Surtout la mine réjouie, la complicité face à une situation à laquelle on ne peut rien changer et qu’il vaut mieux prendre à la rigolade. Le regard rieur pour dire « Ca va ? Vous n’avez pas encore fondu ? Ca fait floc floc dans mes chaussures ! » La meilleure parade, c’est le fou rire de collégien.
Vous voulez que je vous dise ? Guider sous la pluie demande beaucoup d’énergie. Pour que les visiteurs aient du bon temps, il vaut mieux pour tout le monde que le mauvais ne s’installe pas trop longtemps.

Photo : Giverny sous la pluie au mois d’août

Truffes livresques

truffes au chocolatTandis que dans quelques jours la consommation de truffes atteindra son pic annuel, vous aurez peut-être le plaisir de trouver sous le sapin un livre truffé.
Une fois de plus, c’est sous la plume d’un conservateur de musée que j’ai découvert cette locution, en l’occurrence le musée d’art moderne Richard Anacréon de Granville.
L’internet n’est pas d’un grand secours pour en trouver le sens, car la recherche renvoie quantité de livres sur les truffes, hormis ici, où l’on découvre l’ancêtre du langage SMS, ou . Tenons-nous en donc aux explications du conservateur du musée granvillois, qui détaille les collections rassemblées par le donateur, le libraire Richard Anacréon :

Les livres sont des éditions rares et les grands noms sont nombreux : Apollinaire, Barbey d’Aurevilly, Cendrars, Cocteau, Claudel, Colette, Farrère, Duhamel, Genet, Jouhandeau, Loti, Mac Orlan, Montherlant, Suarès, Valéry. Mais plus rares encore sont les « truffes » que cachent les trois quarts d’entre eux : sous les reliures somptueuses, l’étrange libraire passa des dizaines d’années à obtenir envois et dédicaces, à glisser dessins, courriers, extraits de manuscrits relatifs au « livre-réceptacle ».

C’était une singulière façon d’augmenter la réalité du livre… Colette s’est prêtée si bien au jeu qu’elle a même rajouté 32 pages à La fin de Chéri ! On aimerait en découvrir davantage en visitant le musée, hélas les livres sont fragiles et délicats à montrer.
Tous les auteurs n’ont pas le talent de Colette. Bien souvent les envois, ces quelques mots écrits par l’auteur au destinataire de son ouvrage, sont d’une totale platitude. Mais quelquefois on tombe sur de petits bijoux. Peut-être en possédez-vous ? Des truffes délectables.

La cuisine bleue de Monet

La cuisine bleue de Monet à GivernyC’est la couleur bleue qui domine dans la cuisine que Claude Monet a imaginée à Giverny. A part le sol en tomettes hexagonales de terre cuite rouge, toutes les surfaces déclinent des tons de bleus : azur et bleu pâle pour les meubles, bleu roi pour les carreaux en faience de Rouen qui recouvrent les murs, jusqu’au plafond qui est lui aussi laqué bleu clair.
Très modernes, les placards intégrés occupent tout le mur du fond et offrent un grand volume de rangement.
La couleur froide est réchauffée par le cuivre de la batterie de cuisine qui s’aligne sur le mur. Cette accumulation d’ustensiles laisse deviner un intérieur bourgeois où la chère compte.
La surface de la pièce est en rapport avec le nombre de convives à nourrir chaque jour. On est dix dans la famille Hoschedé-Monet, sans compter le personnel, et on reçoit souvent.

Le mariage de Claude Monet et Camille Doncieux

Acte de mariage Monet-Doncieux Voici la transcription de l’acte de mariage de Claude Monet et Camille Doncieux, première épouse de Monet. (Pour faciliter sa lecture, j’ai indiqué les dates et âges en chiffres et non en lettres comme dans l’original.) On remarque en particulier le consentement du père de Monet, pourtant hostile à ce mariage, ainsi que les signatures des témoins Gustave Courbet et Gustave Manet, frère du peintre Edouard Manet.

Le 28 juin 1870 à onze heures un quart du matin,
Acte de mariage de Oscar, Claude, Monet, artiste peintre, né à Paris le 14 novembre 1840, demeurant à Bougival, hameau de St-Michel (Seine et Oise) ; fils majeur de Adolphe Monet, rentier, demeurant au Havre (Seine-Inférieure) et de Louise, Justine, Aubrée, son épouse décédée,
Et de Camille, Léonie, Doncieux, sans profession, née à Lyon (Rhône) le 15 janvier 1847, demeurant à Paris avec ses père et mère boulevard des Batignolles 17 ; fille majeure de Charles Claude Doncieux, âgé de 63 ans, et de Léonie, Françoise Manéchalle, son épouse, âgée de 41 ans, rentiers, présents et consentants.
Les actes préliminaires sont : la publication faite en cette mairie et en celle de Bougival, les dimanches 15 et 22 mai derniers à midi, affichée sans opposition ; les actes de naissance des époux et de décès de la mère de l’époux, le consentement de son père reçu par maître Jaussy et son collègue, notaires au Havre le 8 avril dernier ; desquelles pièces paraphées et annexées il a été fait lecture ainsi que du chapitre du Code Napoléon : des droits et devoirs respectifs des époux.
Les époux et les père et mère de l’épouse, interpellés par nous, conformément à la loi du 10 juillet 1850, nous ont déclaré qu’il a été fait un contrat de mariage reçu par maître Aumont Thiéville, notaire à Paris, le 21 juin courant, ainsi qu’il résulte du certificat ci-annexé et de suite les dits époux ont déclaré reconnaître et légitimer un enfant du sexe masculin né à Paris le 8 août 1867, inscrit le 11 du même mois sur les registres des actes de naissance du 17e arrondissement de Paris sous les prénoms de Jean, Armand, Claude, comme fils de Claude, Oscar, Monnet (sic) et de Camille, Léonie, Doncieux et de plus, ils ont aussi alternativement déclaré prendre en mariage l’un, Camille, Léonie, Doncieux, l’autre Oscar, Claude, Monet.
Après quoi nous, Alexandre Antoine Grouvelle, chevalier de la Légion d’honneur, Adjoint au maire du 8e arrondissement de Paris, officier de l’Etat Civil, avons en l’hôtel de la mairie publiquement prononcé au nom de la loi que les dits époux sont unis en mariage en présence des témoins ci-après : Gustave Manet, avocat, âgé de 35 ans, Rue de St Pétersbourg 49 ; Antoine Lafont, journaliste, âgé de 35 ans, rue Capron 19 ; Gustave Courbet, artiste-peintre, âgé de 51 ans, rue Hautefeuille 32 ; Paul Dubois, docteur en médecine, âgé de 29 ans, rue de Maubeuge 7 ; et ont les époux, les pères et mère de l’épouse, les témoins signé avec nous, après lecture faite.

Les vues de Venise

Canaletto Canaletto (Antonio Canal, dit), vue du bassin de San Marco depuis la pointe de la Douane. Huile sur toile. Milan, Pinacoteca di Brera.

Hasard du calendrier, deux musées parisiens proposent en même temps presque la même expo : « Canaletto – Guardi, les deux maîtres de Venise » au musée Jacquemart-André, « Canaletto à Venise » au musée Maillol.
Aller voir les deux, c’est se confronter à un exercice de style. Comment traiter le même sujet, trouver un angle un peu différent, apporter sa patte ? Boulevard Haussmann, les toiles de Canaletto dialoguent avec celles des autres védutistes de son temps. Rue de Grenelle, on revendique des pièces exceptionnelles : le carnet de croquis de Canaletto, sa chambre optique reconstituée.
Dans les deux musées, le plaisir des oeuvres est le même, cette subtile lumière idéale, ces monuments minutieusement décrits qui baignent dans la transparence de l’air, et tout ce monde de petits personnages qui animent la scène. On se penche sur les oeuvres pour mieux observer les détails, un petit chien qui jappe, un couple dans la gondole, un Turc portant turban. (Comme en écho à ce monde en réduction, le musée Maillol présente une autre expo, dédiée aux miniatures de Pixi. Le nez collé aux vitrines, le visiteur s’absorbe dans des univers issus de la bande dessinée ou de la vie réelle, recréés à une échelle minuscule.)
Dans les deux musées on comprend bien le parcours de Canaletto, et le succès de son travail. Il a donné ses lettres de noblesse à la peinture de paysage, à une époque où celle-ci était considérée comme un genre mineur. Les impressionnistes, un siècle et demi plus tard, creuseront ce sillon.
Ses toiles sont pleines de charme, et le marché est demandeur. Canaletto est écrasé de commandes qui émanent des premiers touristes. Au 18e siècle, il est de bon ton pour les aristocrates européens de faire un ‘tour’ d’Europe et surtout d’Italie. Les oeuvres de Canaletto, qui décrivent si bien Venise, font office de souvenirs. Comment se contenter d’une seule vue ? On a envie de les collectionner.
Aujourd’hui où la qualité de touriste est accessible à beaucoup plus de personnes, où chacun se compose tout seul ses images souvenirs, la place du peintre aussi a changé. Venise, à peine. Bien des visiteurs des expos y retrouvent la mémoire de leurs séjours dans la cité italienne.
Pour les fans de Monet, c’est émouvant de reconnaître sur les Canaletto les vues choisies par lui en 1908 (il avait peut-être les Canaletto en tête après ses séjours à Londres ?) comme ce Palais des Doges.
Mais chez Monet, les personnages ne comptent pas, l’architecture non plus.
C’est l’eau qui donne sa vie au tableau.

Anémone de Caen

Anémone de Caen Son nom pourrait faire croire que l’anémone de Caen est normande. C’est plutôt un hasard de l’appellation du cultivar, car c’est près de la Méditerranée que l’anémone se sent tout à fait chez elle, au point de pousser à l’état sauvage dans les prairies et les oliveraies. Elle garde quelques traits de caractère de cette origine : l’anémone apprécie le soleil et la lumière et elle n’a pas peur d’un peu de sécheresse.
Depuis au moins vingt-cinq siècles qu’on la connaît, l’anémone a conquis le coeur des jardiniers et des fleuristes qui l’on sacrée anémone coronaire. Sa couronne d’étamines bleues entourant une petite tête sombre coiffée en brosse est irrésistible. Tout autour, l’anémone déploie un jupon de pétale patriotique bleu, blanc ou rouge, ou encore violet.
Quand elle se plaît, dans une terre de jardin alcaline et pas trop riche, en bonne vivace l’anémone de Caen fleurit imperturbablement chaque printemps, et parfois aussi à l’automne. Son tubercule passe tranquillement l’hiver au jardin puis, quand le sol se réchauffe, apparaissent de jolies feuilles dentelées et une fleur unique.
C’est le défaut de l’anémone, cette fleur solitaire qui oblige à la planter en groupe pour un peu d’effet. Si tout va bien, l’anémone se rachète en se multipliant du pied et de la tête. Après la floraison, des bulbilles poussent autour du tubercule, et peuvent être replantés. Pendant ce temps, le coeur de la fleur s’est transformé en dizaines de graines duveteuses qui n’attendent que la première brise pour s’envoler et se ressemer plus loin. Quand les anémomètres s’affolent, l’anémone mérite bien son nom de « fleur du vent ».

Porte Renaissance

Porte Renaissance à Vernon, église Notre-DameQuelques années avant le val de Loire, c’est le val de Seine qui a vu la construction d’un des tous premiers châteaux Renaissance de France, le château de Gaillon.
Gaillon se trouve à une quinzaine de kilomètres en aval de Vernon. Dès 1502, soit treize ans avant le retour d’Italie d’un François Premier ébloui (1515 Marignan, vous vous rappelez ?), l’archevêque de Rouen débute à Gaillon la construction d’une magnifique demeure qui puise dans le vocabulaire architectural de la Renaissance italienne.
Après une longue restauration, le château de Gaillon rouvre doucement à la visite. On pourra s’y rendre dès le mois d’avril prochain.

En attendant, et à propos de vocabulaire architectural, voici l’un des rares vestiges Renaissance encore visibles à Vernon. C’est la porte de la sacristie de l’église Notre-Dame, qu’on découvre dans le déambulatoire sud de la collégiale.
Selon Hélène Bocard, auteur du livret Itinéraire du Patrimoine consacré à l’édifice, le décor de la porte « se rapproche du style de la première Renaissance rouennaise », style dont le château de Gaillon tout proche a été « un foyer majeur du développement ».

linteau RenaissanceTout en haut, on observe un linteau avec une frise en bas-relief. Typiquement Renaissance, des dauphins dont la queue se termine en boucle et forme rinceau, paraissent décidés à engloutir des candélabres, ce qui leur donne une lointaine parentée avec les engoulants normands. Les candélabres, ce sont ces motifs qui ressemblent à des vases posés sur une colonne, et qui scandent verticalement la frise.
A droite, on distingue une roue et une tête d’homme. La frise est bordée de denticules, cette espèce de fermeture éclair en haut et en bas. En dessous de la frise, l’ébrasement de la porte offre trois lignes de décor, des rubans enroulés et des feuilles.
L’oeil de la spécialiste s’est arrêté sur les colonnes à chapiteaux corinthiens, qui « présentent des similitudes avec certains édifices rouennais (double-anneau à mi-hauteur). La cannelure couvre la moitié supérieure des colonnes, au contraire des exemples rouennais où il s’agit de la moitié inférieure. » Voilà le genre de détails qui me donne bien envie de retourner voir les colonnes des monuments de Rouen de plus près.

La mort de Monet

La tombe de Claude Monet à GivernyVoilà tout juste 86 ans que Claude Monet est mort, le 5 décembre 1926. Il avait justement 86 ans, depuis tout juste trois semaines, puisque l’anniversaire de sa naissance est le 14 novembre.
Le peintre est inhumé dans le cimetière de Giverny, au chevet de l’église Sainte-Radegonde. La plaque qui marque sa tombe a connu dernièrement des heures mouvementées. Dérobée le 22 octobre 2012, elle a été restituée, brisée, quinze jours plus tard.
De quoi est mort Claude Monet ? Son médecin le docteur Jean Rebière, qui a examiné le peintre aux rayons X dans son cabinet de Bonnières, a décelé une tumeur cancéreuse au poumon. Rien d’étonnant, a posteriori, chez ce grand fumeur qu’était Monet.
La maladie évolue pendant toute l’année 1926. Monet, selon ses proches, souffre beaucoup. Il connaît aussi des rémissions qui lui permettent de recevoir quelques visites, sutout celles de Georges Clemenceau, l’ami fidèle. Celui-ci sera à son chevet pour recueillir son dernier souffle le dimanche 5 décembre.
Les obsèques ont lieu le 8 décembre. Sur les photos de presse de l’enterrement, on croit reconnaître un tissu clair sur le cercueil de Monet. Ce serait Clemenceau qui aurait remplacé le drap funéraire noir par un tissu fleuri, en s’écriant : « pas de noir pour Monet ! »

La tombe joliment fleurie de Monet à Giverny, où il repose en compagnie de sa famille : sa deuxième épouse Alice Hoschedé-Monet née Raingo, ses fils Jean et Michel et leurs épouses Blanche et Gabrielle, ainsi que le premier mari d’Alice Ernest Hoschedé, et leur fille Suzanne Hoschedé-Butler.

Les Monet du Louvre

Monet au Louvre Normalement on ne va pas au Louvre pour voir des tableaux impressionnistes, puisque les collections nationales des oeuvres de la deuxième moitié du 19e siècle se trouvent de l’autre côté de la Seine, à Orsay. Néanmoins, il faut bien que quelques exceptions viennent confirmer la règle. C’est ainsi qu’au deuxième étage du pavillon Sully, le département des peintures françaises du Louvre présente un bel ensemble de Renoir, Sisley, Degas, Jongkind, Boudin, Cézanne, Pissarro, Toulouse-Lautrec, et trois Monet.
Il s’agit de la donation Hélène et Victor Lyon, entrée dans les collections du Louvre en 1977. Comme souvent, une condition requise était de ne pas séparer les tableaux de la donation. C’est ainsi que les Canaletto et les Guardi se retrouvent parmi les peintures françaises, et que les impressionnistes rigolent sous cape, en se demandant un peu ce qu’ils font là.

un Monet du Louvre L’intégralité de cette donation, et d’ailleurs l’intégralité des oeuvres exposées au Louvre peut être visualisée en ligne, grâce à la base Atlas, qui présente 30.000 oeuvres. C’est colossal, si bien qu’il est compréhensible que les fiches laissent un peu l’internaute sur sa faim.
J’aurais aimé en savoir plus, par exemple, sur les raisons des pérégrinations des Monet, qui sont allés faire un tour à Orsay en 1986 avant de revenir dans le giron du Louvre. Avoir des précisions sur les techniques employées – quels sont les trois pastels qui imposent la pénombre ? Et pourquoi cet accrochage à deux niveaux, qui rend les toiles reléguées au-dessus bien difficiles à admirer ?
Les Monet ne souffrent pas de ce traitement. Ils sont exposés à hauteur des yeux. Trois paysages de neige, et rien d’autre, c’est assez étonnant.
Le premier chronologiquement est celui du milieu, peint début 1867 à Honfleur, la Route devant la ferme Saint-Siméon. C’est aussi le plus grand. De chaque côté, deux vues de la Seine charriant des glaçons font pendant. A gauche, une vue prise à Bougival à la fin de cette même année 1867, Glaçons sur la Seine à Bougival. A droite, la Débâcle près de Vétheuil en 1880.

les Monet du Louvre
Une lumière assez proche baigne les trois tableaux, une lumière grise de ciel couvert. Mais l’évolution de la manière de Monet en treize ans est stupéfiante. En 1867, c’est une jeune homme de vingt-six ans qui peint des tableaux où un certain calme règne. A Vétheuil en 1880, Monet est devenu un peintre accompli, riche d’années de recherche et d’expérience impressionniste. La toile vibre sous les coups de brosse, dégageant une incroyable énergie, celle du fleuve en crue et celle de Monet électrisé par le spectacle.

Palette de tulipes

Tulipes, GivernyC’est le moment de mettre en terre les bulbes qui fleuriront au printemps prochain, et depuis septembre les jardineries débordent d’oignons ensachés sous des photos prometteuses. Votre panier à la main, vous errez, indécis, le regard happé par tous ces rêves de floraisons printanières. Moment délicieux et délicat du choix, quand le jardinier se fait peintre et décide souverainement des formes et des couleurs qui illumineront son mois d’avril.
Si vous êtes tenté par un massif d’inspiration impressionniste, voici celui qui se déploie devant la maison de Claude Monet. Il se compose de grosses tulipes dans les tons roses aux pieds desquelles s’étend un tapis de myosotis.
Quand on détaille les coloris des tulipes, on remarque qu’ils sont très variés. ils vont de l’abricot au violet, en passant par toute une gamme de roses.
Une fois les fleurs plantées en masse, ces différences de tons se fondent les unes dans les autres. Le visiteur verra un massif de tulipes roses.

L’impressionnisme et la mode

Madame GaudibertL’impressionnisme est à la mode, et les impressionnistes ont aimé la mode immodérément. Moralité, le musée d’Orsay, alias M’O, se moquant des mauvais coucheurs maussades qui maugréent, a mitonné une expo qui mêle mode et tableaux. Et l’émotion est là.
Oui, c’est grand public, la prise de risque est nulle, mais quel est ce snobisme qui voudrait réserver les expos à une élite ? Ce beau thème méritait d’être traité, et l’Impressionnisme et la mode fait lumineusement comprendre que qui dit mode dit modernité.
Pour avoir une idée de cette expo, je vous recommande le billet de Tania.
Je résume le propos : la rupture apportée par le courant impressionniste, c’est de s’attacher à capter des instantanés de la vie contemporaine, et non plus de représenter des histoires. Quand les impressionnistes peignent des personnes, elles sont habillées avec ce qu’elles portent tous les jours, à la dernière mode.
Enfin, probablement avec ce qu’elles ont de mieux, des vêtements qui les flattent, qui marquent leur bon goût, qui témoignent de leur rang. Pour se faire peindre, on n’allait pas mettre n’importe quoi non plus.
La force de l’expo, c’est de faire sentir la place que tient l’habillement dans la société du 19e siècle, une place de premier plan, écrasante, contraignante, ruineuse.
Mais surtout, l’idée de génie a été de rapprocher robes et tableaux. En regard des oeuvres, on admire, dans des vitrines, des vêtements provenant du musée de la mode et du costume.
C’est une belle leçon de peinture, et c’est bien plus. On aurait envie de toucher ces étoffes, comme dans un magasin. Comme pour s’assurer de leur réalité. Elles nous font sentir soudain le passage du temps.
L’impressionnisme est à la mode, on peut sans problème accrocher une repro de Monet chez soi, mais on ne pourrait en aucun cas porter ces vêtements. S’étouffer dans ces corsets, entrer dans ces robes de 32 centimètres de tour de taille, déambuler en traînant derrière soi ces mètres de tissu. Cette mode-là appartient définitivement à un lointain passé.
L’émotion est dans ce dialogue entre l’autrefois et le présent, car le virtuel de l’image figurée sur le tableau devient réel, trivial presque. Par leurs vêtements les personnages descendent des cadres et deviennent des personnes qui font irruption dans notre 21e siècle.
On avait beau avoir lu Zola et connaître la condition féminine à l’époque, le concret des objets montrés touche. C’était donc cela, être une femme au dix-neuvième ? Et aujourd’hui, à quels diktats de l’apparence obéissons-nous sans même nous en rendre compte ?
J’ai gardé pour la fin, parmi les questionnements suscités par l’Impressionnisme et la mode, celui qui provoque le plus de commentaires dans les médias : la mise en place d’une scénographie un peu (trop ?) présente de l’expo. Ambiance défilé de mode, évocation d’un jardin public, l’idée qu’il faille un décor à une expo ne va pas de soi, il semble même qu’elle fasse l’unanimité contre elle. Kitsch, inutile, lourde, que sais-je… Mais peut-être n’est-ce qu’une question de temps. Qui sait, d’ici quelques années, nous nous serons peut-être habitués à la mise en scène des expos comme aux décors de théâtre.
Affaire de convention sans doute. De mode. Dans le fond, la prise de risque d’Orsay, l’idée novatrice qui bouscule, c’est celle-ci.

Portrait de Madame Gaudibert, Claude Monet, 1868, huile sur toile 216x138cm, Musée d’Orsay, Paris.

Obama et Monet

Etretat, Claude Monet vers 1864, huile sur toile, 27 x 41 cm, collection Peindre en Normandie
Etretat, Claude Monet vers 1864, huile sur toile 27 x 41 cm, collection « Peindre en Normandie »

Ca vous dirait de découvrir un joli tableau de Claude Monet accroché dans votre chambre d’hôtel ? Un vrai, bien sûr, pas une reproduction encadrée comme il y en a sans doute des milliers dans les hôtels du monde. Disons, une belle huile sur toile qui représenterait un paysage emblématique de Normandie.
Cette expérience qui n’est pas celle de tout le monde a été réservée à quelqu’un qui n’est pas le premier venu non plus : Barack Obama, lors de sa visite à Deauville les 26 et 27 mai 2011, à l’occasion du G8.
Etretat, une oeuvre de Monet datée de 1864 environ, était suspendue dans la suite du président des Etats-Unis à l’hôtel Royal. Nicolas Sarkozy, qui séjournait dans le même hôtel, avait droit à un Courbet.
Les esprits les plus retors verront peut-être une signification politique à ces choix, comme une courbette de la France devant la puissance monétaire américaine. Gageons que cette interprétation n’a pas effleuré les organisateurs de cet accrochage exceptionnel, quand bien même le pilote de l’opération, Alain Tourret, Président de Peindre en Normandie est un homme politique aux idées radicalement à gauche.
Il s’agissait plutôt d’honorer les invités de marque de ce sommet, et de mettre l’accent sur le riche patrimoine pictural normand. Les oeuvres provenaient de la collection Peindre en Normandie créée par le conseil régional de Basse-Normandie et des mécènes privés. Depuis, elles sont reparties, en même temps que les 12 000 policiers et militaires qui assuraient la sécurité de ce sommet.

Georges Clemenceau, auteur

L'étagère Clemenceau dans la bibliothèque de Claude Monet à GivernyPeut-être avez-vous regardé vous aussi hier soir le biopic consacré à Georges Clemenceau, tout indiqué pour une veille de 11 novembre.
L’amitié entre Clemenceau et Monet était soulignée dans le film, occasion de quelques images tournées au tout début du printemps à Giverny.
Le Tigre, nous a-t-on rappelé, n’avait pas de fortune personnelle. Quand il n’était pas aux affaires, bien que médecin de formation, il gagnait sa vie par sa plume et son éloquence.
Journaliste et conférencier, Clemenceau a écrit aussi plusieurs dizaines d’ouvrages, dont une bonne partie figure dans la bibliothèque de Claude Monet.
Les livres que Monet possédait, et qu’il a dû lire selon toute vraisemblance, ne nous sont pas tous parvenus. Sa bibliothèque conservée dans le deuxième atelier ne contient plus, par exemple, L’Oeuvre de Zola. Pourtant la correspondance entre les deux hommes fait état des réticences de Monet après la lecture du roman de son ami consacré aux peintres impressionnistes.
Pas trace non plus du livre de Clemenceau sur Claude Monet, Les Nymphéas, puisque c’est un livre posthume. Clemenceau le rédige en 1929, après la mort du peintre. On sent en le lisant que son but est tout autant de rendre un dernier hommage au maître de Giverny que d’essayer d’amener le public à découvrir les Nymphéas de l’Orangerie.
Le Père la Victoire se fait pédagogue, il explique l’oeuvre de son grand ami dans un style des plus déroutants. Sa plume devient parfois lyrique, pour glisser tout à coup vers l’alambiqué, avant de revenir brusquement à des formulations directes et terre à terre. L’avouerai-je ? Cette lecture n’est pas loin du pensum, à des kilomètres de celle si réjouissante des lettres toniques et drôles qu’il adressait au même Monet.

Dans la vitrine, quelques livres de Clemenceau ayant appartenus à Monet : La France devant l’Allemagne, Le grand Pan, L’Iniquité, Des juges, Justice militaire, La Mêlée sociale, Notes de voyage dans l’Amérique du Sud, Au pied du Sinaï, Les plus forts, La Réparation.

L’ère Meiji

Yoshitora Utagawa, Un dimanche avec des étrangers de cinq pays, vers 1870. Collection Claude Monet, Fondation Claude Monet à Giverny.

Yoshitora Utagawa, Un dimanche avec des étrangers de cinq pays, vers 1870. Collection Claude Monet, Fondation Claude Monet à Giverny.

A Giverny, la plupart des visiteurs de la maison de Claude Monet sont surpris par sa vaste collection d’estampes japonaises. On a un peu oublié aujourd’hui à quel point le japonisme a été à la mode à la fin du 19e siècle. L’art et la culture du Japon ont déferlé sur l’Occident, comme une vague trop longtemps contenue.
Depuis plus de deux cents ans, on ne savait rien du Japon. Entrer dans le pays ou en sortir était passible de peine de mort. Seuls les navires de la Compagnie des Indes battant pavillon hollandais étaient autorisés à accoster, dans un seul port. Cet isolationnisme extrême a pris fin en 1854.
Cettte année-là, le Japon signe un traité commercial avec les Etats-Unis. Bien obligé : l’US Navy, en la personne du commodore Perry, menace la ville d’Edo (aujourd’hui Tokyo) avec des navires de guerre. Surprenante façon de nouer des liens commerciaux ! Tu joues avec moi ou je te tue… Mais toutes les tentatives pacifiques précédentes ont échoué.
Le Japon signe donc sous la menace des canons ce qui s’intitule avec une certaine ironie un « traité de paix et d’amitié ». Des échanges encore timides débutent. La question de l’ouverture à l’Occident divise le Japon, certains sont pour, d’autres contre.
Tout bascule en 1868, avec l’arrivée au pouvoir d’un très jeune empereur, Mutsuhito, dit plus tard Meiji. Il réforme à grande vitesse le pays, l’ouvre et le modernise. Il a compris que le Japon doit rattraper son retard, sinon le pays risque de se retrouver colonisé.
On imagine la surprise des Japonais en découvrant l’allure et l’accoutrement des Occidentaux. Les artistes nippons n’ont pas manqué de représenter ces étrangers si étranges.
La fascination est réciproque, et l’art et la culture du pays du soleil levant envahissent bientôt les intérieurs européens et américains. Des estampes, importées par cargaisons entières, trouvent de nombreux amateurs à Paris.
On ne s’étonnera pas que la préférence des acheteurs aille à des sujets typiquement orientaux. Les collectionneurs ne raffolent pas des représentations d’Occidentaux, qu’ils jugent caricaturales.
Pourquoi Monet fait-il exception ? Mystère. Il n’en a jamais rien dit. Mais il a grandi au Havre, ce qui pourrait expliquer qu’il ne dédaigne pas ces scènes portuaires et cosmopolites, comme une réminiscence de sa jeunesse.

La sauge doudou

Salvia LeucanthaA l’heure où vous commencez à ressortir votre polaire du placard, la sauge leucantha se décide enfin à fleurir. La petite veste de velours violet que portent ses pétales leur donne un air d’adéquation avec la saison.
A Giverny la salvia leucantha est une fleur d’automne, elle a besoin de tout l’été avant d’en arriver aux fleurs. Mais ça vaut le coup d’attendre : elle est irrésistible.
Il y a des fleurs qui vous enchantent par leur parfum, d’autres par leurs couleurs. L’atout charme numéro un de la sauge leucantha, c’est son aspect de peluche qui donne très envie d’y toucher. Comme si un doudou vous attendait dans le jardin.
Si cette vivace magnifique ne sort jamais sans son cache-nez, c’est qu’elle est un peu fragile. Les anglophones l’appellent « Mexican Bush Sage » : elle vient du Mexique et, en ce moment où le temps est frais et humide, tout porte à croire qu’elle y retournerait bien.
Là-bas, où le soleil lui tape sur la tête, la sauge leucantha fleurit toute l’année ou presque. Elle est entourée d’une cour d’admirateurs, papillons, abeilles et colibris. Elle se multiplie avec frénésie, se ressème, se marcotte et envahit les massifs, à tel point qu’on rabat les tiges aussitôt défleuries pour éviter sa prolifération.
Chez nous, la sauge est plus sage. Elle s’inquiète pour sa survie. Va-t-on la rentrer ? Il fait un peu trop frais pour la laisser dehors.
Comme toutes les sauges, la leucantha aime les sols légers et alcalins. Il paraît même qu’on peut oublier un peu de l’arroser. Elle se plaît dans le val de Seine, en plein pays calcaire, où il est si difficile de faire pousser des azalées et des camélias.

Land art à Chaumont-sur-Loire

Installation de coloquintes à Chaumont-sur-Loire Le château de Chaumont-sur-Loire est réputé pour son Festival des Jardins qui réunit chaque année une vingtaine de projets paysagers extraordinaires, entre horticulture et art contemporain.
L’édition 2012 s’est close il y a quelques jours, mais on peut toujours visiter le parc et le château, qui fait partie, comme son nom l’indique, des châteaux de la Loire.
Pour fêter Halloween, une installation de coloquintes et de potirons accueille les visiteurs ce week-end.
Les couleurs des cucurbitacées contrastent avec celle de la pelouse.
Les coloquintes fichées en terre grâce à des piques font l’effet d’une armée de petits lutins. Certaines poussent la ressemblance jusqu’à se terminer en pointe à la manière d’un bonnet.
La masse et la rondeur des citrouilles fait contrepoint.
Peut-être que cette mise en scène vous inspirera pour la déco de votre jardin, ou de votre balcon…
Giverny est maintenant fermé pour cinq mois. Profitons-en pour aller voir ailleurs ! Réouverture avancée exceptionnellement au 30 mars 2013, Pâques oblige.

Le bassin à la Toussaint

Bassin de Monet à Giverny

Voici l’aspect du bassin de Monet ce matin.
En cette saison où le soleil est bas, l’étang a gagné une lumière nouvelle depuis la disparition de deux arbres le mois dernier.
Ce nouvel ensoleillement pourrait favoriser une floraison plus tardive des nymphéas.
A voir l’année prochaine, car en matière de microclimat dans les jardins, il est bien difficile de faire des pronostics.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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