Cénotaphe

Cénotaphe Qu’est-ce que c’est que ce truc au milieu des bois ? Dans la forêt de Bizy à Vernon, des centaines de promeneurs se posent chaque année la question. Le monument ressemble à un autel pour dire la messe. Mais un examen attentif révèle une inscription sur le côté : tombeau de Saint Mauxe. Au-dessous on aperçoit gravée dans la pierre la forme allongée d’un évêque reconnaissable à sa crosse et à sa mitre.
En fait, qu’on se rassure, le tombeau est vide. Les reliques de saints étaient bien trop précieuses pour qu’on les abandonnât enfouies dans la forêt.
L’autel est un cénotaphe, c’est-à-dire un monument commémoratif en forme de tombeau. Il a été élevé là en 1816 en signe de piété par la duchesse d’Orléans, première princesse de sang douairière, dans la forêt qui appartenait alors à son château de Bizy. On y célèbre parfois des messes en plein air.

Le cénotaphe remplace une chapelle plus ancienne, sans doute ruinée à la Révolution. Elle marquait l’emplacement où eut lieu un des nombreux miracles de Saint Mauxe. Celui-ci concerne directement ses reliques. Au Moyen-âge,

on avoit enchassé dans de l’argent l’os du bras de ce sainct Evesque, lors que l’impiété qui ne pardonne pas aux choses plus sacrees se glissa dans l’esprit de certains sacrileges mauvais garnements abandonnez de Dieu, lesquels desroberent ce precieux joyau qui estoit gardé assez negligemment.

Les voleurs prennent le chemin de la forêt où, « au pied d’un chesne », à l’aide d’un couteau, ils séparent l’argent de la relique. C’est alors que l’os vénérable

miraculeusement eslevé au sommet de cet arbre les toucha de frayeur, & sentans desja sur leur teste l’espee de la vengeance qui les menaçoit, ils s’enfuirent promptement à Ivry.

La relique est perdue jusqu’au jour où un brave homme venu ramasser du bois l’aperçoit dans l’arbre. On ordonne une procession générale, et

quelques-uns des assistans montans au chesne s’efforcerent de prendre la saincte Relique : ce qu’ils ne peurent jamais faire, car elle refuioit d’eux, allant de branche en branche de l’arbre où elle estoit.

On célèbre alors une messe en dessous du fameux chêne, et au moment où le prêtre parvient à l’offertoire les reliques « devallerent miraculeusement entre ses mains ». Une fois remises en lieu sûr, on bâtit une chapelle dans le champ où la messe avait été dite, chapelle qui devint un lieu de pèlerinage annuel. Quant aux voleurs, bientôt confondus grâce à une pièce à conviction, le couteau, « ils receurent une mort sortable à l’atrocité de leur forfaict » nous dit benoîtement l’abbé Théroude. Brrr ! On n’ose imaginer l’atrocité du châtiment.

(Citations : Les Cahiers Vernonnais N°26, Vie de Saint Mauxe par l’abbé Théroude.)

Miracles à profusion

Cénotaphe de Saint Mauxe en forêt de Bizy à VernonCi-contre, cénotaphe de Saint Mauxe en forêt de Bizy à Vernon

On a beaucoup vénéré Saint Mauxe – alias Saint Maxime – à Vernon. Depuis le 10ème siècle le trésor de la collégiale Notre-Dame renfermait des reliques de l’évêque qui vécut en Provence au 5ème siècle.
Un bon millénaire plus tard, en 1635, le curé de Vernon a jugé utile de rédiger un petit livre sur la vie de ce saint et ses nombreux miracles.
Je ne sais pas si vous croyez aux miracles. Pour l’abbé Théroude les sources antérieures sur lesquelles il s’appuie pour son récit sont paroles d’évangile. Les résurrections et les guérisons miraculeuses foisonnent, ce qui ne surprend guère : on s’attend à la fin merveilleuse, hagiographie oblige.
Ce qui arrête davantage l’attention, en revanche, c’est l’incroyable collection de faits divers qui se trouvent évoqués par ricochet, puisqu’il faut bien qu’un malheur se produise d’abord pour que le saint puisse intervenir. Des morts accidentelles et des blessures comme on n’en fait plus, racontées dans la belle langue imagée du 17ème siècle : on plonge dans le quotidien de nos ancêtres.

Dans la ville de Vernon un petit enfant aagé d’environ d’un an, avoit mis dedans sa bouche une balle de plomb qui luy estoit demeuree dans le gosier à cause de la petitesse des conduits, ce qui luy empeschoit la liberté de la respiration, tellement qu’il ne pouvoit plus vivre : une couleur tristement plombee luy couvroit tout le visage. (…)

Un autre enfant (…) celuy-cy plus aagé que l’autre, se jouant sur une muraille, fut accablé de la ruine & cheute d’icelle. Les voisins au bruit de cet accident accoururent pour le garantir de ce malheur, mais voyans que la mort triomphoit de sa vie, & que les remèdes humains leurs manquoient, ils jetterent leur souvenir & esperance sur sainct Maxe avec un heureux succez. (…)

Dans le territoire de Vernon, un manoeuvre entretenoit sa petite famille de son travail journalier. Un certain jour comme il transportoit des plastrats & ordures d’un vieil bastiment, une muraille tomba sur luy. (…)

La roüe d’une charette traisnee par des chevaux fascheux avoit fort blessé un pauvre homme (…).

Un jour de Dimanche, lors que tout le peuple de Vernon estoit dans les exercices de la piété pour honorer Dieu & le servir comme il est ordonné, un certain homme de bas lieu nommé Barthelemy, blutoit de la farine par mespris & par avarice (…) : ayant esté rudement frappé par deux fois, sans sçavoir par qui, il espandit une telle quantité de sang par le nez, qu’il ne fut pas possible aux voisins, qui estoient accourus à son secours, d’arrester ce flux.(…)

(Les Cahiers Vernonnais N°26, Vie de Saint Mauxe par l’abbé Théroude.)

Pour tous ces cas, l’invocation de Saint Mauxe a fait merveille. Mais il ne faudrait pas en conclure qu’on peut déranger le saint pour un oui ou pour un non. Le plus sage est de vous garder des balles égarées, de ne pas vous jouer sur des murailles ni vous approcher d’un vieil bastiment. Ne blutez pas de farine en douce à l’heure de la messe. Et surtout, surtout, évitez les chevaux fascheux.

Banc sans public

banc sous la neige à Giverny Les bancs publics s’ennuient depuis que le public les fuit. C’est l’époque de l’année où ils ont le moral en berne. Ils doutent de leur utilité. Leur métier a-t-il un sens ? Ils réfléchissent à une reconversion en banc de gare, une délocalisation sur un quai de métro.
Certains, comme ce banc à Giverny, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. On les a déshabillés de leurs lattes de bois trop fragiles pour résister aux intempéries. Il ne reste plus que leur squelette de béton armé tout nu dans le froid de l’hiver.
Le banc le long de l’Epte est morose. Car pour comble de disgrâce il ne peut même pas se distraire avec le spectacle des canards. Il tourne le dos à la rivière, face au chemin où nul ne chemine.
banc sous la neige à BâleAilleurs, les bancs de bois tendent toujours leurs planches vernissées aux passants. Des fois qu’un bonhomme de neige poursuivi par le froid voudrait s’asseoir un instant. Sont-ils parcourus d’une sève tiède ? La neige y fond, fond, fond, ne laissant qu’une flaque d’eau.
Pour passer le temps, le beau banc bâlois au bois éblouissant invente des histoires en regardant passer le Rhin.

Capucine

Capucine Si la capucine arrivait sous le nez des botanistes européens aujourd’hui, je ne sais pas si elle s’appellerait encore la capucine. Tout au plus, à condition d’être en période de froidure comme ces jours-ci, pourrait-elle se retrouver nommée la capuchonne. Au mieux, ou plutôt au pire.
Qui se soucie encore de la taille des capuches des moines ? C’est pourtant un sujet qui a fait débat jadis, entre les partisans de la capuche ample et ceux qui préconisaient la capuche serrée. La fleur nouvelle évoquait la forme du couvre-chef des moines capucins, ça n’a fait ni une ni deux, avec des parrains pareils elle a été baptisée capucine illico.
Va encore pour la forme, mais la couleur ? Cet orange flamboyant n’a rien de l’humilité monacale mais plutôt un petit air diabolique. Passons.
Claude Monet adorait les capucines qu’il laissait courir librement dans l’allée principale de son jardin, un effet obtenu fortuitement qui l’enchantait, tout comme les visiteurs de Giverny d’aujourd’hui.
Les capucines sont tellement mignonnes qu’on en mangerait. Ce n’est un secret pour personne, la capucine se laisse croquer, fleurs, feuilles et graines comprises. Les pucerons l’adorent encore plus que les humains, mais s’ils sont allés voir ailleurs la capucine fera sensation dans la salade. Et elle transforme un banal sandwich en mets classieux.
Capucine est venue récemment s’ajouter à la longue liste des prénoms féminins détournés du jardin. Dans Capucine il y a puce, voilà bien de quoi faire craquer les parents. Puce, le petit mot tendre, pas les horribles pucerons susmentionnés !
Et puis dans l’ombre de Capucine on voit aussi se dessiner un joli petit chaperon rouge, que les jeunes loups croqueraient bien avec ou sans salades.

Frigidarium

Les thermes de Gisacum sous la neigePour ne pas laisser le cerveau des guides se ramollir pendant les longs mois d’hiver, un procédé astucieux a été mis au point : les journées de formation. Tandis que les neurones tournent à plein régime grâce à des intervenants éminents, on a l’avantage de visiter des lieux touristiques hors saison en compagnie des collègues. Ça bouillonne sous les crânes tandis qu’on se gèle les pieds en général, dans la chaleur de l’amitié.
J’étais déjà venue plusieurs fois à Gisacum, le jardin archéologique près d’Evreux où des thermes gallo-romains ont été mis à jour et en valeur. J’étais donc ravie de plonger dans la vie des Gallo-Romains avec des spécialistes de la question. Une sorte de stage d’immersion antique.
C’était un de ces derniers jours de froid polaire. Pour nous mettre dans le bain, les archéologues avaient pensé à une habile mise en condition. Nous avons commencé l’éductour dans une salle bien chauffée (caldarium), puis nous sommes passés au centre d’interprétation plus tiède (tepidarium), pour finir par la visite des thermes recouverts d’une neige immaculée (frigidarium).
Au coucher du soleil, la scène avait quelque chose d’irréel. Les vestiges vieux de mille huit cents ans dormaient sous leur couette, pétrifiés de gel. Mais les lapins de 2009 bien vivants avaient laissé leurs traces partout, sans se soucier de la mémoire des lieux. On pouvait les visualiser surgissant des haies, aux aguets, puis bondissant à travers les vestiaires, les hypocaustes et sur la palestre. Ces petites boules de poils chaudes avaient creusé des trous au pied des murs où nos ancêtres s’étaient adossés jadis, avant de disparaître dans le froid de la tombe.
Et tandis que l’espace temps se télescopait bizarrement, voilà que les températures s’affolaient.
« Ce mur est à 40 degrés, expliquait notre guide, c’est une pièce chaude et humide, une sorte de hammam ou de sauna où l’on vient pour transpirer. »
Nous ne demandions qu’à y croire, le visage enfoui dans nos écharpes d’où s’échappaient des nuages en réduction. « Les bains chauds sont là, » a-t-elle ajouté, montrant un coin de neige sur le côté de la salle. « En temps normal c’est plus clair, il y a des petits cailloux bleus pour les matérialiser. »
En temps normal.

Giverny sous la neige

Le jardin de Claude Monet sous la neigeIl neige. Vous me direz, l’évènement n’en est pas un : on doit friser les trois centimètres à peu près.
J’en entends déjà qui rigolent doucement du côté du Québec, comme cette dame charmante qui me racontait la saison dernière ses quatre mètres de neige, la lassitude que l’on éprouve à pelleter tous les matins devant sa porte et les problèmes rencontrés quand les parcs à neige sont pleins.
Des parcs à neige ! J’ouvrais des soucoupes. Voilà un équipement qui n’existe pas chez nous, où pourtant on s’y connaît en matière de parcs, des parcs à huîtres aux parcs à thèmes.
On a la neige modeste en Normandie. Et fugace.
Dès que le sol cesse d’être visible sous le tapis, il faut se précipiter pour faire des photos. On est chez Monet, et l’effet ne dure qu’un instant ! Voici donc son jardin sous la neige tel qu’il se présentait cet après-midi, alors que les flocons tombaient encore. Reconnaissez-vous le clos normand avec l’allée aux rosiers et la maison rose cachée derrière les ifs ? Un nuage a avalé la colline.
A voir le jardin aussi nu, aussi froid, cela paraît extraordinaire de penser qu’il redeviendra cet hymne aux fleurs et à la couleur dans quelques mois à peine.

L’enfer du décor

Château GaillardC’est l’époque des longues soirées d’hiver, avec son corollaire si particulier, la programmation télé des fêtes. Qu’est-ce qui est supposé nous scotcher devant le petit écran entre la bûche et les cotillons ? Une nouvelle mouture des Rois Maudits !
Le premier instant de stupéfaction épuisée passé, on se dit qu’avoir revisité la série culte ne manquait pas de culot. L’histoire, pardon l’Histoire étant connue, on peut, pour trouver quelque intérêt à cette (re)diffusion, s’intéresser à l’art du dépoussiérage.
Nouveaux acteurs (Les Depardieu en famille ! Jeanne Moreau ! Philippe Torreton ! ) et, plus incroyable, des nouveaux décors d’enfer.
On se croit dans la Guerre des Étoiles, pas moins. Des escaliers qui se déplient à l’infini, des lits futuristes, des éléments de fer forgé aux lignes jamais vues au Moyen-Âge… Le tout grandiose, magnifique, kitsch parfois, surprenant, drôle, ridicule, extrême et fascinant.
Le problème de la vraisemblance historique a été délibérément écarté. On n’allait pas faire du pastiche du 14ème siècle façon Viollet-le-Duc, une sorte de reconstitution médiévalisante. Le parti pris a été de créer un décor onirique où l’histoire peut se déployer à son aise.
Cela tient du carton pâte hollywoodien et du jeu vidéo, l’air de dire au téléspectateur, hé, n’allez pas prendre pour vérité historique cette saga ! On est dans le conte, le roman !
J’ai pouffé, bien sûr, devant la pseudo évocation de Château-Gaillard, où je guide assez souvent. On aurait pu filmer là-bas, mais, n’est-ce pas, à quoi bon ? Le décor imaginé a plus d’ampleur, plus de force que la crudité des lieux tels qu’ils sont.
Cet été j’évoquerai sans doute pour les francophones la détention de Marguerite de Bourgogne dans la forteresse. Tous les historiens ne sont pas d’accord sur le lieu exact de cette détention, ce qui est assez embarrassant, mais l’épisode figurant dans la série, cela le rend incontournable pour le guide, qui a modestement pour mission de divertir avant que d’enseigner.

La fontaine gelée

Fontaine gelée à Vernon Pourquoi dit-on glagla quand il fait froid ? Si c’était le bruit des dents qui claquent de froid clacla serait plus juste. Peut-être parce que ça sonne comme glacé, glaçon, dans un bégaiement de frisson ?
On a l’occasion de se poser ce genre de question existentielle depuis que le gel s’est emparé du paysage. Ah ! bien sûr, c’est beau, le matin quand le jour se lève, brumeux, rosé, sur des prairies couvertes de givre, le soir quand les étoiles scintillent plus brillantes que jamais dans le ciel noir. Mais la contemplation se fait furtive, un petit coup d’oeil et hop ! vite au chaud ! avant la morsure.
Dans la journée, la métamorphose est moins spectaculaire. Il faut s’approcher de la fontaine derrière la mairie de Vernon pour remarquer la parure nouvelle qui lui pousse à côté des jets d’eau. Les glaçons d’un blanc opalescent évoquent les rondeurs satinées des oeuvres de René Lalique, telles que le merveilleux décor de verre qu’il a créé pour la chapelle Notre-Dame de Fidélité à Douvres-la-Délivrande, dans le Calvados.

Calendrier de Giverny

calendrier 2009 GivernyJoyeux Noël, chers lecteurs !
La nouvelle année approche, aussi, pour vous remercier de m’accompagner tout au long des mois, permettez-moi de vous offrir ce calendrier de Giverny que j’ai préparé à votre intention.
Il est téléchargeable en format pdf, vous n’aurez plus qu’à l’imprimer sur votre plus beau papier. Si vous en avez sous la main je vous recommande le papier photo, le résultat est bien meilleur.
Ensuite, deux agrafes en haut et un petit bout de ficelle, et votre calendrier sera prêt à accrocher au mur !
Si vous préférez acheter un calendrier de Giverny tout fait, (et économiser votre encre par la même occasion) vous en trouverez un ici, avec les mêmes photos mais plus grand.
De belles fêtes à vous tous !

La place des clichés

Gondoles à VeniseVoici à un chouïa près la vue qu’avait Monet lors de son séjour à Venise. Un concentré de clichés ! Toutes les images que l’on peut avoir en tête sur la cité des doges sont là, les gondoles, les poteaux bicolores pour les amarrer, les palais les pieds dans le Grand Canal, la coupole de l’église au loin…
C’est le paradoxe des clichés : quand ils s’appliquent à nous, ils nous paraissent stupidement réducteurs et mensongers. Mais sitôt que nous voyageons, les clichés nous ravissent. Quelle joie de découvrir que les lieux touristiques sont tels que nous les imaginions ! Car le cliché sélectionne des détails distinctifs, ces choses que l’on ne trouve pas ailleurs et qui justifient le voyage.
Autant que les clichés ces caractères distinctifs ont la vie dure, même à l’heure de la mondialisation. Alors même s’il se fait rare chez nous de croiser quelqu’un portant le béret, il y a toujours des terrasses de café en France, de la baguette et des croissants dans les boulangeries. Et à Giverny le pont japonais au-dessus de l’étang aux Nymphéas attend les visiteurs du printemps prochain et leurs appareils photos. Ils en prendront des clichés qui ne feront que renforcer l’aspect emblématique et populaire du jardin d’eau de Monet.

Pointillisme d’automne

Mauves et fleurs d'automne à GivernyL’automne est la saison où l’aspect pictural des jardins de Monet se manifeste le plus.
Les floraisons à leur apogée émiettent de petites taches de couleurs pures à la manière pointilliste.
Contrairement aux tapis colorés des tulipes, à l’opulence des roses et des pivoines, les fleurs d’automne s’épanouissent en gros bouquets qui compensent la petitesse des corolles par leur multitude.
Dans ce recoin du clos normand on reconnaît des mauves au premier plan, et puis des cosmos, des gauras, des tabacs, des phlox, des sauges…
Elles n’ont jamais autant de volume qu’à l’arrière-saison, en septembre ou en octobre, et elles offrent cette sensation délicieuse d’avancer dans une mousse de pétales vibrante de lumière.

Parlez-vous le fenêtres ?

asters et hélianthe à Giverny en automneDepuis que les couleurs ont disparu à la fin novembre, le paysage est devenu gris et morne. Heureusement, pour changer de tout ce terne que l’on voit par la fenêtre -la vraie-, la petite fenêtre virtuelle regorge de fleurs plus éclatantes les unes que les autres. Il suffit de plonger. Mmmm ! Revoilà le bleu des iris, le jaune des hélianthes, le mauve des mauves.
S’il vous prend la fantaisie de vouloir retrouver ce bain de couleurs florales chaque fois que vous ouvrez votre ordi, vous cliquez droit sur la souris. Et voilà que vos fenêtres se mettent à vous faire des propositions rocambolesques. Voulez-vous « définir en tant que papier peint du bureau » ? Pardon ? Non, je n’envisageais pas de refaire la pièce en géranium, le papier peint du bureau me va très bien comme il est.
Ah ! Les joies du fenêtres ! Quand mon système était en anglais, je pensais que cela irait mieux en français. Erreur. Le fenêtres reste à tout jamais un idiome incompréhensible dont des millions d’utilisateurs perplexes s’efforcent de décrypter le sens.
Retour aux archives photographiques. Il faut le savoir, c’est une forêt où l’on grimpe aux arbres dans le sens de la descente. Un tronc, vous glissez, de grosses branches, vous glissez, voici de petites branches, des feuilles innombrables. Sans l’ombre d’un effort vous êtes arrivé tout en haut de l’arbre tout en bas de la page, comme Alice dévalant son toboggan.
J’ai beaucoup aimé grimper aux arbres autrefois. On est si bien en équilibre sur une branche à la hauteur des oiseaux. Au terme de l’escalade à la force des bras et des jambes il y a une satisfaction intense à parvenir au sommet.
Un peu le sentiment que l’on éprouve quand on a réussi à percer un idiotisme de fenêtres et à en obtenir ce que l’on voulait…

Le Palais des Doges

Le Palais Ducal, Claude Monet 1908, The Brooklyn MuseumCent ans après, c’est un jeu prenant de chercher les motifs de Monet à Venise. Le plus facile à trouver, c’est l’incontournable palais des doges. Il n’a pas pris une ride : les monuments ont l’avantage de bien vieillir, à grands coûts de ravalements et d’échafaudages.
Pour cette vue il semble que Monet se soit placé à peu près au milieu du Grand Canal. Il peignait depuis une gondole que le gondolier tâchait de maintenir au même endroit.
On imagine l’incongruité de cet esquif immobile au milieu du trafic sur le canal. On imagine les secousses et le balancement au passage des bateaux plus importants. Il fallait toute l’habitude de la peinture depuis une barque qu’avait Monet pour parvenir à travailler dans une embarcation aussi frêle.
Monet peignait le palais ducal dès 8 heures du matin, soit trois heures plus tôt que sur la photo.
L’ombre du tableau est plus marquée, et le soleil bas donne une lumière plus chaude.
Le palais des doges, Venise Le palais se reflète-t-il aussi somptueusement dans le grand canal au petit matin ? On cherche les reflets sur la photo.
Mais c’est le même ciel orné de nuages fins qui sert d’écrin à ce bijou de lumière.

Nuage de lait

nenuphar a Giverny Quand de gros nuages blancs traversent le ciel de Giverny, les nénuphars du bassin de Monet paraissent flotter dans du lait.
Métaphoriquement ce n’est pas si faux d’ailleurs, car le lait des vaches normandes trouve bel et bien son origine dans les cumulus.
Le processus qui relie les nuages au lait crémeux et tiède s’élabore en métamorphoses successives et surprenantes.
Il faudra que toute l’eau des nuages finisse par pleuvoir, par faire pousser l’herbe que brouteront les vaches, que ces dernières digèrent l’herbe et qu’elles en fassent du lait.
Quant à ce que deviendra ce lait et comment il finira par retourner dans les nuages, je vous laisse deviner la fin de l’histoire.

Centenaire du voyage de Monet à Venise

Claude Monet, palais Dario, Venise Kunsthaus Zurich 1908-1912Voilà tout juste cent ans, Monet rentrait de Venise au terme d’une campagne de peinture de plus de deux mois. Oh, bien sûr, au départ, il n’était pas vraiment dans ses intentions de travailler pendant son séjour dans la cité des doges, ni d’y rester si longtemps. Mais quand même, Monet avait pris la précaution d’expédier quelques caisses de matériel au cas où.
Pourquoi envoyer des châssis vierges, des brosses et des tubes de peinture dans une ville comme Venise, qui n’est pas un coin perdu de campagne ou de bord de mer, mais une ville bourrée de peintres où l’on pouvait se procurer tout cela ?
La réponse qui s’impose est que Monet avait ses habitudes et qu’il n’avait pas trop envie d’en changer. Malgré cette précaution il lui a tout de même fallu se rendre chez le marchand de couleurs pour se réapprovisionner après un mois de travail, comme le rapporte sa femme Alice dans une lettre le 1er novembre 1908.
Le portrait qu’Alice nous laisse de lui à travers sa correspondance avec sa fille Germaine pendant ce voyage est éloquent sur le chapitre des habitudes.
Monet s’oblige à des horaires de travail aussi rigoureux que la vie monastique, car le peintre alterne les motifs toutes les deux heures pour en rendre l’effet de lumière.
Le plus amusant, ce sont les habitudes alimentaires : Alice prie sa fille de faire venir de Vernon de la volaille, du beurre, de la marmelade d’oranges anglaise… Toutes ces provisions sont destinées à être consommées lors du séjour qu’elle et Monet feront chez Germaine sur le chemin du retour. Mais la date de ce retour, maintes fois pressentie, se voit sans cesse reportée, si bien que le poulet vernonnais arrive à Cagnes-sur-Mer bien avant les Monet…
Pour en revenir aux toiles, le peintre avait donc préparé un certain nombre de châssis de différentes tailles, qu’il a utilisés au gré de ses besoins au cours de son séjour. Les dimensions s’échelonnent de 55 cm pour la plus petite cote à 100 cm pour la plus grande.
Le palais Dario en 2008 Monet doit faire face à la diversité des motifs de Venise, tantôt éloignés, tantôt manquant de recul, et à la contrainte d’un matériel en quantité limitée.
Le livre Monet et Venise de Philippe Piguet (éditions Herrscher) qui vient d’être réédité à l’occasion des cent ans du voyage, présente la totalité des tableaux faits pendant le séjour.
Au fil des pages on « voit » Monet piocher dans sa provision, choisir une toile plus grande ou plus petite, la placer à l’horizontale ou à la verticale…
Plus question d’habitudes cette fois, mais de cet instant qui précède l’acte de peindre. Et c’est assez émouvant d’imaginer Monet juste avant qu’il ne pose la première touche de couleur sur la toile blanche, en proie aux préoccupations qui sont celles de tous les peintres, quelles dimensions donner à l’oeuvre, quel cadrage ? Cet instant où la toile est encore vierge devant lui. L’instant d’après, dès le premier coup de pinceau, il va en faire un Monet.

Merle

MerleLes merles ne sont pas des froussards.
On pourrait le penser, avec la manie qu’ils ont de paniquer dès que vous mettez un pied dans votre jardin. Systématiquement vous êtes salué de leur sonore cri d’alarme. Tous aux abris ! Danger XXL ! s’émeuvent-ils dans leur gloussant langage. C’est un peu vexant, et vous donne une légère mauvaise conscience chaque fois que vous allez cueillir un brin de persil. Vous dérangez.
Malgré ces apparences, disais-je, les merles n’ont pas froid aux yeux, leurs beaux yeux noirs cerclés d’or. Celui-ci était perché dans le jardin de Claude Monet en plein printemps, à deux mètres d’un flot quasi ininterrompu de visiteurs. C’est pas de la pure audace ?
A voir l’air un peu narquois qu’il affiche, on serait tenté de croire que sa témérité a été soigneusement calculée. Le merle s’est posé dans l’allée des clématites, assez loin de l’autre côté de la barrière pour être hors d’atteinte des dangereux prédateurs que nous sommes, comme le canard de Pierre et le Loup au milieu de sa mare.
Tout va bien. Ne perdons pas de temps, passons aux choses sérieuses : chantons.
Mais pour cela, il faut se percher un peu plus haut, sur les arceaux de la grande allée, par exemple. Gorge rebondie, bec grand ouvert, en avant les impros ébouriffantes.
Dans le silence de la saison froide, les vocalises du merle nous manquent.
Reprise des récitals en mars, d’après les annonces dans la presse spécialisée.

La bonne taille

pommier à GivernyQuand les feuilles des arbres sont tombées commence la période de la taille. On coupe le bois mort, on élimine les branches mal placées et on raccourcit celles qui sont trop envahissantes. Le but de l’élagage est de préserver la santé de l’arbre et la sécurité de ses abords tout en lui donnant un joli port. Éventuellement de favoriser sa production de fruits.
L’anglais a plusieurs mots pour parler de taille au jardin. Celle des arbres se dit to prune. Rien à voir avec les prunes (plums) mis à part qu’on ne fait pas ce travail pour rien ni pour une poignée de cerises. Mais les pruniers adorent qu’on les taille, les cerisiers non, allez savoir pourquoi les uns boudent et gomment et pas les autres.
Un autre verbe anglais pour tailler, c’est to clip. Selon les visiteurs de Giverny qui me l’ont appris, c’est le bruit que fait le sécateur : clip ! clip ! clip ! quand vous vous attaquez à la taille de vos buis, de vos topiaires ou de votre haie de lauriers pour les sculpter selon une forme déterminée. Ce faisant, vous leur donnez la bonne taille, en hauteur cette fois.
La bonne taille est une affaire de goût, de même que la longueur des cheveux. Qu’on taille haut ou court, comme chacun sait la bonne taille est celle où les pieds touchent le sol, et si ce n’est pas vrai je veux bien être pendue.
L’apprenti jardinier hésite quelquefois à manier la scie car la taille d’une branche a quelque chose de radical et de définitif qui fait hésiter. Il me semble que c’est ce qui a inspiré l’argot « tailler », se moquer avec un tel tranchant que la victime ne trouve rien à répliquer.
Cela me paraît plausible, mais je n’en mettrais pas ma main à couper.

Dentelle de Normandie

Dentelle ancienne Notre époque n’a pas inventé le bling-bling. Il faut croire que montrer qu’on a des sous est une nécessité de la nature humaine. Bien avant les yachts et les Rolex, le 17ème et le 18ème siècle ont eu la rage de la dentelle.
C’est somptueux, la dentelle. Celle que l’on produisait autrefois en Normandie est d’une stupéfiante finesse, avec des détails si minuscules qu’il faut la loupe pour les apercevoir. Chaque pièce est un chef-d’oeuvre de dextérité et de minutie.
Si la dentelle a été un tel must, c’est parce que c’est très beau et aussi parce que c’est très cher ; son prix en faisait la valeur, si j’ose dire, la marque du statut social.
Quand on essaie d’imaginer le prix d’une pièce de dentelle sous Louis XIII ou Louis XIV, on est généralement en dessous de la réalité. Un beau mouchoir que les élégants tenaient à la main valait 700 grammes d’or : 14 000 euros ! Plus précieux qu’un bijou.
Le prix horriblement élevé vient un peu de la cherté de la matière première, des fils de lin, de coton ou de soie très très fins et de la meilleure qualité, mais surtout de la main d’oeuvre et des intermédiaires. Même sans les charges, il fallait quand même payer les dentellières, et elles y passaient du temps, les pauvres.
La fabrication de la dentelle est d’une lenteur désespérante. 15 à 25 heures pour un centimètre, paraît-il, selon la difficulté du motif. Ce qui revient à dire qu’en une journée de 7 heures on fait entre 3 et 5 millimètres.
Elles ont été des dizaines de milliers à s’y atteler, à ce patient labeur de fourmi. Des armées de dentellières levées dans les provinces, puisque la fabrication de la dentelle portée à la ville par les riches était délocalisée à la campagne, notamment en Basse-Normandie. Et tous ces yeux et tous ces doigts agiles entraînés dès l’âge de la maternelle ont produit des flots de dentelles qui sont allés orner les cols, les poignets, les mouchoirs, et jusqu’aux carrosses et aux harnachements des chevaux.
Dans la course aux signes extérieurs de futilité et de richesse, les aristocrates du Grand Siècle sont allés très loin. Ils importaient tant de dentelles de Venise qu’ils en déséquilibraient la balance du commerce extérieur. Pour que tous ces beaux capitaux profitent à la richesse du royaume, Colbert a pris des mesures radicales. Il a fondé des manufactures royales de dentelles où l’on a d’abord copié ce qui se faisait de mieux en Italie, puis créé des points nouveaux hallucinants de délicatesse.

Il nous reste de ce prestigieux savoir-faire des noms célèbres : dentelle de Bayeux, Blonde de Caen, point d’Alençon… Les villes dentellières normandes se sont réunies dans une route des dentelles qui sillonne trois départements, allant d’Alençon, Argentan et La Perrière dans l’Orne à Bayeux, Courseulles et Caen dans le Calvados, avec un crochet par Villedieu les Poëles dans la Manche.
Au fil des musées on se familiarise avec les techniques, dentelles à l’aiguille, aux fuseaux ou au filet. Et l’on reste soufflé par les jonchées de pivoines et de roses que les dentellières ont fait naître du bout de leurs doigts, et qui témoignent encore aujourd’hui de la maîtrise absolue qu’elles avaient de leur art. Celles qui savaient créer ces merveilles avaient plus de prix que les personnes qui les ont portées.

Je crois que la dentelle photographiée ci-dessus est normande, mais sans en avoir la certitude. Si vous pouvez m’aider à la localiser, un grand merci d’avance.

L’âne de Saint-Germain

L'âne de Saint-Germain, église d'ArgentanJuché à flanc de pilier, à plusieurs mètres de hauteur, un âne bâté sourit. A moitié couché, il se redresse. Il est sur point de se relever.
Impossible de ne pas le voir, comme le montre la photo agrandie. L’âne se trouve sur le premier pilier de la nef, semblant jaillir de la pierre. C’est l’une des curiosités de l’église Saint-Germain d’Argentan, dans l’Orne, une disposition originale, unique pour une statue.
La brave bête qui intrigue tant les visiteurs est en lien avec l’histoire du saint auquel l’église est consacrée. Elle rappelle l’un de ses miracles, une histoire charmante où perce même, chose rare, une pointe d’humour.
Transportons nous au 5ème siècle, en 448 ou à peu près. Germain est un homme d’une merveilleuse piété. Évêque d’Auxerre, il part évangéliser la Bretagne et convertit les foules. De là le bon saint, qui n’a pas peur des voyages, s’en va à la cour de Ravenne en Italie plaider la cause des Bretons auprès de l’impératrice Placidie. Pourquoi ? Selon les sources il demande leur grâce pour s’être révoltés, à moins qu’il ne supplie qu’on les grève moins d’impôts. Que voilà un bon saint !
Germain se déplace à pied ou à dos d’âne, par humilité. Mais c’est épuisant, un tel voyage, surtout quand on jeûne et qu’on prend de l’âge. Arrivé à destination, notre saint est à bout de force, sa monture aussi. Exténué, le brave animal s’écroule et meurt.
L’impératrice Placidie, entendant cela, veut se montrer généreuse. Elle offre un magnifique cheval à Germain pour remplacer le baudet.
C’est mal connaître le saint homme, qui bien sûr refuse le cadeau. Il n’a pas besoin d’un cheval.
Nullement embarrassé, il se tourne vers l’âne mort et lui dit, allez viens, on rentre à la maison. Là-dessus le brave âne se redresse en pleine forme, prend l’évêque sur son dos et le ramène à son auberge. C’est dans cette hôtellerie de Ravenne que Germain passe de vie à trépas une semaine plus tard. L’histoire ne dit pas si l’âne, sa mission accomplie, l’a suivi dans l’au-delà.
On voit sur la statue d’Argentan que l’âne sourit, mais en même temps il couche les oreilles. Il n’est pas franchement ravi de reprendre du service sur terre, mais il s’amuse du bon tour que sa résurrection joue à l’impératrice.
On aurait bien voulu voir sa tête, à Placidie. Elle n’a pas dû rester si placide que ça.

Le cloître du Mont-Saint-Michel

Le cloître du Mont-Saint-MichelC’est un jardin improbable, juché tout en haut d’un rocher aride. Plat comme la main, alors qu’ici tout n’est que pentes escarpées. Si loin de la terre, à quatre-vingts mètres au-dessus du sol, ce jardin plane en plein ciel, ouvert sur l’immense baie où le sable et la mer s’entremêlent.
Les bâtisseurs du Mont-Saint-Michel ont tout inventé, dès le début du 13ème siècle, à l’époque de Philippe-Auguste. Ils ont imaginé un gratte-ciel de pierres dont le cloître est le toit, un toit terrasse engazonné. C’est un tel tour de force qu’il n’a jamais été copié nulle part.
Le cloître repose sur deux étages de vastes salles, à la structure massive en bas, puis plus légère à mesure que l’on s’élève. Depuis toujours les visiteurs éblouis nomment cet empilement extraordinaire la Merveille. Le cloître en est le couronnement.
Un jardin surgit de nulle part, donc, une étonnante petite parcelle émeraude dans un univers minéral tout de gris et de bleu. Autour de ces précieux brins d’herbe, de ces buis toujours verts, la pierre évoque les féeries de la nature. De frêles colonnes supportent une délicate frise végétale. Du bout de leurs ciseaux, les sculpteurs du Moyen-âge ont fait fleurir la pierre de Caen. Tout un Éden symbolique a surgi en relief des blocs de calcaire.
Les colonnes disposées sur deux rangées, en quinconce, soutiennent la petite toiture du cloître, sous laquelle on chemine à l’abri de la pluie. On dénombre 137 colonnes, et chacun de ces chiffres, le un, le trois et le sept, est à lui seul un mystère religieux offert à la méditation.

7 jours sur 7 en 2009

Jardin de Claude Monet à GivernyL’année prochaine, à partir du 1er avril 2009, la Fondation Claude Monet sera ouverte sept jours sur sept, jusqu’au 1er novembre inclus.
C’est la grande nouvelle, cette disparition du jour de fermeture du lundi. Cela fendait le coeur de voir les malheureux touristes du lundi faire une heure de marche depuis la gare pour se casser le nez sur un musée fermé. Quelle déception !
Les jardins de Monet ouverts tous les jours, les professionnels du tourisme non plus ne s’en plaindront pas, même si on n’escompte pas des records d’affluence les lundis.
Une bonne nouvelle donc aussi pour ceux qui souhaitent visiter Giverny dans le calme : si vous le pouvez, venez plutôt un lundi ! Il faudra du temps avant que l’info ne s’ébruite, le lundi va donc rester le jour le plus creux de la semaine pendant un moment.
Comme toute règle qui se respecte, celle-ci souffre une petite exception. La fondation Monet sera ouverte absolument tous les jours pendant sept mois sauf un petit lundi, le 27 avril 2009.
Que se passe-t-il le 27 avril ? Selon une tradition immémoriale et inébranlable, les membres de l’Institut de France viennent en visite à Giverny. Rien de plus normal puisque la propriété de Monet appartient à l’Institut de France.
Jusqu’ici cet aréopage a toujours profité du lundi fermé pour bénéficier de conditions de visite optimales, c’est tout naturel. Difficile de leur imposer désormais le bain de foule.
Reste à savoir quelle va être la politique d’ouverture du musée des impressionnismes de Giverny. Va-t-il adopter lui aussi les sept jours sur sept ou non ? D’ici qu’il ouvre ses portes le 1er mai prochain, on finira bien par le savoir. Renseignez-vous avant de venir à Giverny si vous prévoyez de le visiter.

Monet, cathédrale de Rouen

Cathédrale de Rouen, effet de soleil, Claude Monet, Museum of Fine Arts, Boston C’est la série par excellence, le monument immuable qui ne change que par l’éclairage, alors que les sujets pris dans la nature sont soumis aux variations des saisons.
Monet a peint la cathédrale de Rouen avec acharnement, après les séries des meules et des peupliers. Il séjourne à Rouen deux années de suite, les hivers 1892 et 1893, et peint 28 vues du massif occidental du monument, et deux vues d’une cour sur le côté, la cour d’Albane.
Monet lutte, cauchemarde, reprend et retouche interminablement ses toiles. ll en résulte (c’est très remarquable sur les toiles du musée d’Orsay en particulier) une étrange matière épaisse, une pâte de couleurs mélangées de plusieurs milimètres d’épaisseur, comme si Monet avait voulu recréer le relief du portail en le modelant à la peinture à l’huile.

La paroisse de Rouen centre, qui s’attache à faire connaître son patrimoine exceptionnel, propose une exposition virtuelle de toutes les vues « de face » des cathédrales de Monet sur son site internet. La présentation synoptique est saisissante, et on peut agrandir pour plus de détail. Du très beau travail.
Et voici une vingt-neuvième cathédrale, une des deux « cour d’Albane », sujet de plein air peint en février. On conçoit que Monet ait préféré par la suite les vues depuis différentes fenêtres face au monument. Claude Monet, Cathédrale de Rouen, cour d'Albane

Plage d’Asnelles

Plage d'Asnelles, Calvados Des nuages mauves se pressaient dans le ciel des côtes de la Manche hier, laissant apercevoir parfois de minuscules coins de ciel bleu. « Juste de quoi faire un mouchoir à la Sainte Vierge !  » disait-on autrefois en Normandie. Selon l’importance des éclaircies, le vêtement qu’on aurait pu tailler pour la Bonne Mère dans le ciel bleu variait, le manteau étant signe de larges percées d’azur.
C’est un de ces temps incroyables dont la Normandie a le secret, lumineux sous les nuages, et qui invente des camaïeux grisés d’opale qu’il répand à n’en plus finir sur le sable et sur la mer.
Un temps de novembre un peu trop doux pour marcher sur des plages un peu trop belles, alors que se profilent à l’horizon les pontons du port artificiel d’Arromanches ; et en ce mois propice au souvenir des disparus toute cette douceur, cette beauté paisible continuent d’étonner en ces lieux qui ont connu les tragédies de juin 1944, le tourbillon de l’activité humaine et l’écho d’un fracassant déluge de fer, de feu et de sang.

Album photos

Album d'une vie, Claude Monet, par Florence Gentner, éditions du ChêneLe facteur avait une surprise l’autre matin, le superbe « Album d’une vie, Claude Monet » publié par les éditions du Chêne. Me voilà somptueusement récompensée de ma très modeste contribution à cet ouvrage.
Encore un livre sur Monet ! S’il devient difficile d’écrire quelque chose de neuf, le concept de celui-ci est très original. L’auteur, Florence Gentner, a réuni sous la forme d’un album photo un maximum de clichés de Monet, de sa famille et de ses amis. C’est un peu l’album que Monet aurait pu posséder et dont il tournerait les pages avec nous une après-midi dans sa maison de Giverny.
Les portraits sont présentés à l’ancienne avec un bord doré, ou comme si les coins étaient passés dans des fentes. La touche rétro est tempérée par des emprunts au scrap booking, l’ajout de fleurs séchées ou de rubans. Et ce que la collection de photos en noir et blanc ou sépia pourrait avoir d’austère est égayé par des croquis de Monet et quelques reproductions de tableaux. L’illusion est telle qu’on se surprend à vérifier que la page est bien lisse, et l’on est un peu déçu que ce ne soient pas de vraies photos collées à l’intérieur !
Les légendes sont composées de citations de Monet, ce qui rend le peintre présent non seulement par l’image mais aussi par les mots.
L’album se termine sur une biographie détaillée qui est la bienvenue quand la curiosité a été aiguisée par les photos.
A quelques semaines des fêtes, c’est une jolie idée de cadeau pour toutes celles et ceux qui connaissent déjà l’oeuvre de Monet et veulent aller plus loin dans leur découverte de l’artiste.

Au ban du jardin

Banc de Monet à Giverny
Le mauvais temps a banni les bancs du jardin. Les voici remisés à l’écart, au sec, en attente des jours meilleurs.

C’est l’une des premières tâches auxquelles on se livre dans les jardins de Monet à Giverny, aussitôt que les portes se referment pour l’hiver.
Il faut desceller les bancs, verser du sable dans les trous, et transporter les sièges à l’abri.
Là, ils seront bichonnés dans le courant de l’hiver, lavés, repeints, réparés si nécessaire.
Puis réinstallés pour l’ouverture du musée le 1er avril, et non plus bannis mais bénits par les premiers visiteurs.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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