Festival de musique de chambre

Festival de musique de chambre à Giverny, 24 août 2006 - 3 septembre 2006Le Festival de musique de chambre de Giverny débute ce soir. Dans l’atmosphère feutrée de l’auditorium du musée d’art américain, ou dans celle, recueillie, de l’église du village, toute une série de concerts d’exception vont se succéder jusqu’au 3 septembre.
En résidence à Giverny, de jeunes et talentueux musiciens venus de différents pays viennent jouer avec des concertistes internationaux, sous l’égide d’un compositeur invité.
Les journées studieuses s’achèvent en concerts d’une rare virtuosité.
Cette année, le programme met Schumann à l’honneur. Si vous aimez la musique de chambre, c’est un rendez-vous de fin d’été de grande qualité.

Le visuel ci-contre illustre l’affiche du festival, et c’est un plaisir de la voir fleurir un peu partout, tellement l’image est jolie. Outre l’hommage à Monet et ses chers reflets, à ses couleurs, il y a comme une musicalité dans le tremblé, l’impression de courant, en contraste avec la zone calme au milieu de l’image.

Les pinceaux de Monet

Monet peignant sans son atelierC’est un bruit recueilli par Benoît Cottereau, auteur des « Coquelicots de la Libération ».
Dans ce livre consacré aux combats pour la Libération de Giverny en août 1944, l’historien rapporte une rumeur à laquelle il semble ajouter une certaine foi : Blanche Hoschedé-Monet, la belle-fille de Claude Monet, « aurait fait cadeau de quelques pinceaux du Maître aux officiers anglais libérateurs de Giverny.« 
Même si les preuves manquent, je ne suis pas loin de penser que c’est vrai. C’est tellement dans la manière de Blanche.
En 1944, Blanche habite toujours la maison de Monet, décédé depuis 1926. Elle est la gardienne de sa mémoire, entretenant comme elle le peut la vaste propriété, qui a réussi à éviter l’occupation par les troupes allemandes.
Mais les biens sur lesquels Blanche veille ne lui appartiennent pas. Maison, collections et fond d’atelier sont la propriété de Michel, l’unique fils survivant de Monet.
Il semble attesté que des officiers britanniques ont logé dans la demeure après la Libération. Alors voici le beau geste de reconnaissance de la fille spirituelle de Monet. Portée par la joie de la Libération, elle donne des pinceaux, objets suprêmement symboliques mais qui n’entament pas l’héritage de Michel.

Les cadrages de la ville

A Vernon, le donjon du chateau se reflète dans les vitres du centre culturelQuelquefois la ville a des cadrages qui nous dépassent. Elle se joue du photographe, avec l’air de dire « regarde comme je suis plus maligne que toi ! Quest-ce que tu dis de ça ? »
A Vernon le haut de l’Espace Philippe Auguste, centre culturel de construction récente, joue un tel tour. Ses vitres réfléchissantes se sont saisies de l’image de l’ancien donjon du château médiéval, à demi masqué par une demeure du 18e. Avec leur quadrillage à la Mondrian, les miroirs d’aujourd’hui dialoguent avec l’ellipse du donjon, les diagonales du toit et des lucarnes. On dirait les traits de construction d’un peintre débutant.
Et quelle harmonie de couleurs ! Comment faites-vous, Madame la ville, pour avoir un ciel aussi bleu, alors que celui de ma pauvre photo est tout blanc ? Je m’incline, vous êtes la plus forte. Vous m’avez bluffée.

Feuillage panaché

Saxifrage Philadelphus Snowflake et pelargonium panaché, fondation Monet, GivernyC’est un coin des jardins de Monet où presque personne ne va : à droite de l’allée des tilleuls, derrière la verrière du salon-atelier, une zone ombragée forme une impasse. La floraison y est pourtant aussi raffinée qu’ailleurs.
Quelle délicatesse dans cette harmonie verte, ce petit tapis de feuilles vertes frangées de blanc ! Un jardinier a pensé que ce serait bien de rappeler ces tons dans la potée de pelargoniums qui prendrait place à côté.
C’est l’un des petits bonheurs que réserve la visite dans les jardins de Monet, à condition de prendre son temps, tranquillement. Si on va trop vite, on sentira l’harmonie d’ensemble, mais on risque de passer à côté des détails.

Peut-être qu’on apprécie mieux la peinture quand on peint soi-même, et peut-être qu’on comprend mieux toutes les subtilités de la composition d’un jardin quand on est expert en jardinage. La maîtrise de l’art apprend à voir. Pour tous les autres qui n’ont pas cette chance, la compréhension soudaine de l’intention qui a présidé à un arrangement donne un instant de joie.
J’aime bien, derrière les fleurs, entrevoir l’être humain qui les a pensées.

Trompe l’oeil

escalier en trompe l'oeil au moulin de Fourges près de Giverny Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, n’est-ce pas ? Au restaurant du moulin de Fourges, près de Giverny, ce trompe l’oeil m’a fait sourire. Cacher en montrant, montrer en cachant l’escalier qui se dissimule derrière cette porte. L’escalier oui, les courants d’air non !

Qu’est-ce d’autre que la peinture, sinon un trompe l’oeil ? On fixe un support recouvert de couleurs et on croit voir quelque chose qui n’est pas là. Ceci n’est pas une pipe, ironisait Magritte.

Un jardin grandeur nature

papillon dans le jardin de Monet à GivernyL’image ne rend que partiellement compte du côté paradisiaque du jardin de Monet à Giverny.
Par une chaude journée d’été, les fleurs exhalent tous leurs parfums. Hmmm ! Leur fragrance invite à de grandes inspirations extatiques…
Les humains ne sont d’ailleurs pas les seuls à qui les senteurs fleuries font tourner la tête. Des dizaines de petits papillons voltigent autour des buissons de phlox et dans les allées bordées de lavande.
De gros bourdons patauds prennent leur envol, les poils des pattes jaunis de pollen. Du côté de l’étang, les libellules zigzaguent au ras de l’eau. Sous la surface, on devine le glissement des carpes.
Les grands arbres qui entourent le bassin aux nymphéas sont le royaume des oiseaux, qui se manifestent en un concert désordonné et joyeux.
Le vent balance les branches des saules, fait frémir les feuilles des peupliers. Va-t-il pleuvoir ? L’averse tambourinera sur les plantes et dans les allées, les gouttes picoteront la surface de l’étang, la pluie ruissellera dans toutes les rigoles.
On a dit du jardin de Monet que c’était « un tableau à même la nature ». C’est vrai, Monet l’a composé avec des couleurs et des perspectives comme un tableau. Depuis, la terre, l’eau, le soleil, les plantes en font un coin de nature, qui se moque pas mal d’être un tableau.

Coin à pique-nique

Coin à pique-nique au bord de la Seine à VernonLa visite de Giverny ou de Vernon vous a ouvert l’appétit. C’est le moment de déballer votre sympathique casse-croûte, dès que vous aurez trouvé un coin à pique-nique.
Dans ce domaine, le niveau d’exigence de chacun est extrêmement variable. Certains se trouvent très bien assis sur une bordure de trottoir près de leur voiture dans un parking. D’autres prétendent chercher l’endroit idéal, et mettent un temps infini à se décider.
Si vous êtes plutôt du genre pragmatique, que vous aimez manger en plein air, mais assis à table, voici un des endroits idylliques que la ville de Vernon a aménagés au bord de la Seine. D’accord, ce n’est pas le calme de la campagne. Vous êtes dans un espace vert à quelques pas de la nationale 15, en ville, tout près du pont qui franchit la Seine en direction de Giverny. Mais quelle vue ! Entre deux bouchées, vous flottez au fil de l’eau, dans les reflets chers à Monet. Il y a un bon siècle, dans son bateau atelier, le maître de l’impressionnisme peignait le vieux moulin en face de vous.
Vous trouverez des aires de pique-nique de chaque côté du pont. Ma préférée est celle à côté du vieux moulin, avec le château des Tourelles à l’arrière plan. Le site est tellement joli qu’il est classé.
Par beau temps, les places sont très convoitées. Si vous ne trouvez pas votre bonheur au bord de la Seine, vous pouvez également aller pique-niquer en forêt de Bizy, en haut de la colline qui surplombe Vernon. Dans un autre genre, c’est tout aussi charmant.

Le temps de la moisson

champ moissonné près d'EvreuxAprès la moisson, ce champ fauché court ressemble à une carte géodésique, avec le dessin des courbes de niveau. La parcelle doit sa forme un peu biscornue à une zone plus humide à gauche, au fond du vallon, qui est cultivée en prairie.
Les lignes disent l’expérience issue de siècles de culture, le temps lointain du défrichage, qui a laissé de côté le petit bois du fond, au sol sans doute moins riche.

A quoi pense le conducteur du tracteur tandis que le passage de ses roues dessine les marques blanches qui se verront encore des mois plus tard ? Il connaît sa parcelle par coeur. Il en parcourt la surface machinalement, comme on tond la pelouse ou comme on passe l’aspirateur. On peut refaire des yeux le chemin du tracteur, passage après passage.
C’est long. Le temps s’écoule.

Entre les lignes claires, les bandes dorées des restes de paille. Le blé a germé comme un duvet vert, puis poussé, grandi, changé de couleur au soleil de l’été, jusqu’à être à point pour la récolte. Cette brosse blonde qui coiffe la terre raconte les saisons qui passent.
Un champ après la moisson ? Non, un calendrier, une horloge, une stèle !..

Peinture orientaliste

Exposition L'Afrique du Nord révélée par les musées de province, musée de Vernon, 1er juillet au 29 octobre 2006Tout a commencé avec la campagne de Napoléon en Egypte. Tout à coup, l’Europe s’est piquée d’orientalisme, en art et en littérature.
Au milieu du 19e siècle, la colonisation de l’Algérie a ouvert les portes du Maghreb à une génération d’artistes qui n’avait fait qu’en rêver jusque là. C’est le choc d’une lumière éblouissante et d’une population préservée du modernisme qui fait rage en Europe.
Le musée de Vernon fait redécouvrir le courant orientaliste à travers une exposition qui se poursuit jusqu’au 29 octobre 2006.
Peintre officiel, boursiers ou artistes partis dans le sillage de Delacroix, ils ont à faire face aux mêmes difficultés : comment rendre les couleurs écrasées de soleil, comment trouver des modèles dans un pays musulman qui rejette la représentation de la figure humaine, comment aborder l’expression d’une culture très différente de celle de la métropole… L’exposition présente les réponses trouvées par les peintres contemporains de Monet à cette problématique.
De Monet, il n’est point question. On aurait aimé pourtant voir évoquée la période algérienne du maître de Giverny. Il est vrai qu’elle est difficile à documenter. Monet lui-même s’est employé à en effacer le souvenir.
Ce qu’on sait : en 1861, il est affecté au 1er régiment de chasseurs d’Afrique. Durée de l’engagement : sept ans ! Monet n’en effectuera que 18 mois, pour cause de typhoïde.
On a de lui un portrait en tenue de chasseur qui se trouve au musée Marmottan, peint par son ami Charles Lhuillier. Mais sa propre production durant son séjour algérien a disparu.
Dans une lettre à Geffroy, Monet parle d’aquarelles et de dessins faits en Algérie en 1862. Ils ne sont plus localisés aujourd’hui.

Les maisons Guignol

le jardin des Arts à VernonAu jardin des Arts à Vernon, les maisons tapies derrière le rempart médiéval semblent vouloir jeter un oeil par-dessus le mur. Y aurait-il quelque chose à voir ? On entend des voix d’enfants. Oh ! regarde ! un jardin ! Ca commère ferme entre les vénérables bâtisses.
Côté jardin, on n’est pas en reste. Assis sur la pelouse, les ifs taillés en cône chuchotent. Tu crois que ça va bientôt commencer ? Chut ! Tais-toi ! Elle t’a regardé !
On se croirait à Guignol.

Château d’eau

château d'eau décoré d'une fresque à Caillouet Orgeville près d'EvreuxLes petites routes de campagne réservent parfois de jolies surprises. A Caillouet Orgeville, près d’Evreux, ce château d’eau sans doute assez disgracieux par le passé est devenu une oeuvre d’art.
Le sujet rend hommage à la vocation agricole du village. C’est un paysan qui avance droit vers nous, tout en jetant de pleines poignées de grains dans les sillons. Devant lui, assis dans l’herbe, un lapin le regarde approcher. L’artiste a soigneusement choisi ses couleurs pour que le bleu se fonde dans le bleu du ciel et que le vert se mêle au vert du champ.
J’imagine que ce n’est pas facile de peindre un château d’eau. Il doit falloir tout un matériel de nacelle adapté. Mais quelle astuce de transformer cette tour de béton en atout de charme pour le village ! Si toutes les communes s’y mettaient, quel circuit à travers les champs cela ferait !
Les châteaux d’eau méritent de tels égards. Ce sont les phares de nos campagnes. L’eau n’est-elle pas aussi précieuse que la lumière ?

Le banc idéal

Banc dans les jardins de Monet à GivernyEn toute modestie, voici le banc idéal. Ce n’est pas une profession de foi, c’est la marque.
Ce banc meuble avec élégance les jardins de Claude Monet à Giverny.
Il déploie son assise autour d’une structure métallique aux lignes Art Nouveau qui vous a un petit côté bouche de métro.
Ce banc a été fabriqué en Alsace. Il a l’air d’une solidité qui défie le temps.
Comme tout le mobilier de jardin de la Fondation Monet, il est repeint régulièrement en vert, le même vert que le pont japonais et les fenêtres de la maison.

Un chat sur le toit

chat et pigeon de céramique sur un toit des Andelys Tout en haut du toit de cette maison du petit Andely, un chat poursuit un pigeon. Qui va gagner ? La question est posée depuis longtemps, et vous aurez tout le temps de vous interroger, car le minou et le volatile sont tous les deux en céramique.
C’est une mode qui a sévi assez furieusement par chez nous. Je la crois contemporaine de la grande vague de fantaisie qui a balayé la Normandie au moment de la construction des villas balnéaires, à la fin du 19e siècle et au début du 20e.
On a redécouvert à ce moment les épis de faîtage, et on les a revus et corrigés en géants tarabiscotés, pour montrer qu’on avait du goût. Aujourd’hui ces pièces de poterie sont recherchées pour leur valeur décorative.
Les animaux, c’est un peu différent. Moins prétentieux, plus malicieux. On voit des chats qui escaladent les toits, des colombes gracieusement posées sur des portillons d’entrée, mais aussi des singes pensifs, des grenouilles… On n’est plus très loin de l’esprit des gargouilles.

Meule de paille

Meule de paille près d'EvreuxLes moissons sont terminées dans la région de Giverny. Il ne reste plus ça et là dans les champs que ces immenses constructions de paille. Des murailles éphémères, le temps de charger les bottes sur les remorques.
Deux écoles existent, celle des bottes cylindriques et celle des bottes en forme de brique. Cela dépend des machines. Du temps de Monet, on façonnait plutôt des meules en forme de case, toutes rondes avec un toit pointu. La paille est un matériau assez rigide qui se prête à ce genre de construction beaucoup mieux que le foin. On voit bien la différence dans les tableaux de Monet.
Les meules de blé étaient de bonne taille, comme aujourd’hui. A l’époque, elles servaient à conserver les gerbes entières avant de battre le grain quand on aurait plus de temps, à la morte saison.
Un soin tout particulier était mis à construire les meules. Elles devaient protéger parfaitement la récolte entassée dessous. La paille de blé est l’un des matériaux utilisés pour les toits des chaumières, avec le chaume de seigle et les roseaux des marais. La paille ne pourrit pas au contact de l’eau, dont elle assure un bon écoulement.

Reste l’énigme du succès des Meules. Monet s’attaque à ce sujet à la fin de l’été 1888, puis il y revient en 1890. Est-ce d’ailleurs un sujet ? Juste un objet qui capte la lumière. Pour la première fois, Monet se concentre exclusivement sur l’enveloppe lumineuse irradiée par le motif, saisie dans ses variations temporelles au fil de l’heure et de la saison.
Et pour la première fois de sa vie, il connaît le triomphe. Lorsqu’il expose sa série de Meules au printemps 1891, les toiles se vendent en quelques jours. « C’est tellement séduisant que franchement, ce n’est pas étonnant, » juge Pissarro.
Pourtant ni le public ni la critique ne semblent avoir vraiment compris ce que Monet recherche, « saisir l’instant juste » où « le paysage donne tout ce qu’il est capable de donner ».

Photo de nymphéas

Nymphéas par Anne OvaskaA contre-jour, les nymphéas perdent leurs couleurs pour prendre des teintes métalliques, d’argent ou d’or.
Anne Ovaska est une artiste finlandaise qui sculpte, peint, et voue une passion à la photographie. Elle a pris ce cliché en Finlande, où les lacs abondent. Les feuilles des nénuphars ont la forme de Pacman, cet ancêtre simpliste des jeux vidéos qui circulait dans un labyrinthe en avalant tout sur son passage.
Depuis qu’elle est en France, Anne Ovaska ne quitte plus les jardins de Monet. Elle cherche le cadrage idéal, la lumière optimale. Elle a emporté une batterie d’appareils photo pour faire face à toute éventualité.
Je lui demande comment lui est venue l’idée de venir à Giverny. « J’ai quatre livres sur Monet, dont un sur son jardin », m’explique-t-elle. « C’est un livre qui nous a coûté cher ! » plaisante son mari. Il patiente en souriant, pendant qu’Anne prend ses photos, des heures et des heures durant. C’est dur d’être le conjoint d’une artiste !

La grande allée début Août

grande allée de monet debut aout 2006Après la pluie, le jardin de Monet a l’air de sortir de la douche, tout frais lavé. Les plantes ont apprécié ce bon arrosage et la fin des grosses chaleurs.
Dans la grande allée, la végétation devient luxuriante. Le vert des capucines et des vivaces tranche sur l’écran sombre des deux ifs qui montent la garde au bout du chemin.
Ah ! Les capucines de droite se sont réveillées. Elles ont avancé autant que celles de gauche.

Nénuphar

Nenuphar dans le bassin aux nymphéas de Monet à Giverny, Photo Anne ChrysotèmeDe même que nous fermons les volets le soir, le Nymphéa aime dormir dans les profondeurs sombres de son étang.
A la tombée de la nuit, les fleurs se referment en boutons et s’enfoncent doucement sous l’eau.
Le matin, elles refont surface, comme on le voit bien sur cette photo d’Anne Chrysotème prise dans les jardins d’eau de Monet à Giverny.
Dans un instant, les nénuphars seront prêts à faire figure de petits soleils à la surface du bassin.
Charles Prost, qui a observé les Nymphéas avec un oeil d’esthète, dit qu’ « en matière d’art, les nymphéas sont des personnes de haute culture, avec lesquelles on a grand profit à dialoguer ».

Gargouille

gargouille de la collégiale Notre Dame de Vernon, photo Anne ChrysotèmeIl pleut aujourd’hui. A la collégiale de Vernon, la pluie glisse le long du toit, court dans les cheneaux, s’engage dans les gargouilles et s’en va éclabousser les pavés dix ou vingt mètres plus bas.
On reste perplexe devant ces monstres qui entourent les églises gothiques. Que signifient-ils ? Emile Male, érudit spécialiste de l’iconographie du Moyen-Age, explique tout dans « L’art religieux du XIIIe siècle en France »… sauf le sens des gargouilles. « Aucun symbolisme ne peut expliquer la faune monstrueuse des cathédrales », tranche-t-il en 1898. Mais comme ils les aime, ces vilaines bêtes !

Il reste à rendre compte des êtres innomés qui se sont abattus sur les contreforts, sur le haut des tours, comme des colonies d’oiseaux chimériques. Que nous veulent ces gargouilles au long cou, qui hurlent dans les hauteurs ? Si elles n’étaient retenues par leurs lourdes ailes de pierre, elles s’élanceraient, prendraient leur vol, feraient sur le ciel une effrayante silhouette. Aucun temps, aucune race ne conçurent jamais plus terribles larves ; elles participent à la fois du loup, de la chenille, de la chauve-souris. Elles ont une sorte de vraisemblance qui les rend plus redoutables. Derrière Notre-Dame de Paris on en aperçoit quelques-unes, abandonnées dans le jardin, que le temps achève de détruire. On croirait voir les monstres encore inharmoniques de l’âge tertiaire, se réduisant peu à peu, s’apprêtant à disparaître. »

A Vernon aussi, on peut voir une gargouille de près, joliment mise en valeur dans le square derrière l’hôtel de ville. C’est un chien vêtu d’un capuchon à bord crénelé typique du Moyen-Age. Son expression a quelque chose qui fait froid dans le dos.

L’église Saint Sauveur des Andelys

L'église Saint Sauveur des AndelysElle est grande comme deux mouchoirs de poche : au petit Andely, l'église Saint-Sauveur ne cherche pas à en imposer par ses dimensions. A cent mètres de la Seine, elle trône sur la place au milieu d'une ronde d'adorables maisons à colombages ou en pierre.
Ce qui la rend précieuse vient de ses origines mêmes. Saint Sauveur a été bâtie peu après Château-Gaillard, la forteresse de Richard Coeur de Lion.
La construction de l'église débute vers 1220 et s'achève un siècle plus tard. Elle pointe sa flèche  de 47 mètres comme un doigt tendu vers le ciel. Pas de mélange de styles donc, mais une grande homogénéité gothique.
Vous voulez qu'on entre ? Sous le porche, la grande statue du Christ est aussi vieille que l'église elle-même. A l'intérieur, le choeur présente de belles verrières. On y organise régulièrement des concerts d'orgue. L'instrument date de 1674.
Il fait un peu sombre, alors vous n'avez peut-être pas remarqué les personnages qui soutiennent la voûte de chaque côté de la nef. L'un a l'air de trouver la tâche bien lourde, il a l'air renfrogné, l'autre sourit comme si cela ne pesait rien…

Les jardins du château de Vendeuvre

Les jardins du château de VendeuvreVendeuvre est à plus d’une heure de voiture de Giverny. Mais si votre route vous mène du côté des plages normandes, cela vaut la peine de faire un détour vers Saint Pierre sur Dives pour aller découvrir des jardins pleins d’humour et de fantaisie.
Toute la partie du parc à droite du château a été transformée en jardin surprise… Attention, il est difficile de rester sec ! Des cellules photoélectriques déclenchent des jets d’eau mis en scène sur des thèmes légendaires et exotiques. De fabrique en cascade, chaque pas réserve une nouvelle surprise.
Ce petit pont, par exemple, qui présente une lointaine ressemblance avec celui de Monet, est garni de rangées d’oiseaux qui crachent de minces filets d’eau au passage des promeneurs. Il rappelle l’histoire d’une belle à l’âme dure aimée d’un laid au coeur d’or. Grâce aux oiseaux, l’eau reflétait non plus les visages, mais les âmes de la belle et de son soupirant.
S’il vous reste encore un instant, le parc à gauche du château possède une intéressante grotte de coquillages, malheureusement fermée au public. A travers la grille, on découvre cette chambre de fraîcheur toute tapissée de coquillages que chaque château se devait de posséder.

Jardin des Arts

Le Jardin des Arts et la tour des archives à VernonVernon embellit ! La ville, qui a déjà trois fleurs au classement des villes fleuries, vient d’inaugurer un nouveau jardin en plein centre. Après bien des débats, il s’appelle le Jardin des Arts.
Il se trouve dans un endroit stratégique derrière la médiathèque-salle de spectacles, l’Espace Philippe-Auguste, à mi-chemin entre la gare SNCF et le pont sur la Seine.
Pour ouvrir cet espace vert, il a fallu démolir plusieurs bâtiments datant de l’entre deux guerres, une école de musique, un tribunal d’instance et une salle des fêtes, donc reloger toutes ces activités auparavant. Voici enfin l’épilogue d’un projet qui s’étire sur plus d’une décennie.
Un des objectifs était de mettre en valeur la Tour des Archives, jusqu’ici enclavée au milieu des bâtiments du quartier. Vernon a la chance d’avoir conservé en parfait état le très beau donjon de son château médiéval du 12e siècle. On n’y stocke plus les archives, mais on peut y monter aux journées du Patrimoine en septembre.
Les paysagistes ont imaginé des gradins de pierre au pied de la tour, avec une petite scène pour des spectacles en plein air. Le regard grimpe le long de ces marches, aspiré par la verticalité de la tour.
Tout le long des restes de rempart, le caractère moyenâgeux est renforcé par des stèles qui portent les chapiteaux sculptés vainqueurs des concours de tailleurs de pierre organisés tous les deux ans à Vernon.
Devant, des buis taillés et des plantations d’herbes aromatiques et de roses évoquent un jardin médiéval. La transition vers l’esplanade de l’Espace Philippe Auguste se fait par une pelouse et une ligne de jets d’eau cette fois tout à fait contemporains, et qui servent déjà de « piscine » par ces temps de canicule.
Croyez-vous que les Vernonnais soient contents ? Qu’ils trouvent que la municipalité a fait un bon usage de leurs impôts ? Evidemment non, le Français étant râleur par nature. Le Jardin des Arts est donc trop et pas assez. Trop cher, trop bétonné, trop urbain pour une ville comme Vernon, il manque de bancs, d’ombre, on ne peut plus y jouer au ballon, les pavés en haut des gradins ne conviennent pas à une scène… Espérons que les touristes seront moins grognons.

Vivre à Giverny

rue Claude Monet, GivernyLes touristes affluent à Giverny. Ils seraient quelque 500 000 par an à venir visiter la maison et les jardins de Monet.
Vous habitez peut-être un endroit touristique ? Alors vous savez qu’on a vite fait de ressentir une fierté un peu bête à vivre dans un lieu recherché.
Une fierté un peu bête, parce qu’on n’a aucun mérite à cela. Les habitants de la Côte d’Azur sont-ils responsables du soleil et de la mer ? Les Chamoniards ont-ils une part à la majesté du Mont-Blanc ? Les Parisiens sont-ils pour quelque chose dans l’érection de la Tour Eiffel ou la collection de chefs d’oeuvre du Louvre ?
Les Givernois n’ont pas lieu de s’enorgueillir de l’intérêt des touristes pour leur village, ni plus ni moins intéressant que des dizaines d’autres villages des environs. Seule la puissance créatrice de Monet est à l’origine de cet engouement, et rien n’aurait pu en renaître sans la générosité des Américains.
A Giverny, on peut ressentir de la joie à vivre dans les magnifiques paysages de Monet, de l’agrément à visiter ses jardins à volonté. Mais Monet n’a fait que nous apprendre à voir. Partout où il a voyagé, il a peint des merveilles. De la vallée de la Creuse à Antibes, de la Hollande à l’Italie, de Londres à Belle-Ile en Mer.
Nous sommes de passage, tout juste légataires d’un patrimone architectural, culturel, paysager dont nous devons prendre soin du mieux que nous pouvons. Seule la création d’une beauté nouvelle autorise une légitime fierté.

La salicaire

salicaireTrois semaines d’une floraison étourdissante : comme toutes les vivaces, la salicaire ne dure qu’un temps, mais quelle profusion d’épis colorés rouge rosé !
Dans la grande allée du jardin de Monet à Giverny, c’est elle qui fait le spectacle en ce moment, en compagnie des dahlias et des glaïeuls.
La salicaire se présente en grosses touffes d’un mètre de haut, qui apprécient le bord de l’eau et les jardins marécageux. Elle fleurit du milieu à la fin de l’été. Son nom latin est Lythrum salicaria.

Massif de géraniums

massif de géraniums et de roses dans les jardins de Monet à Giverny La photo numérique ci-contre, prise cet été devant la maison de Monet à Giverny, me fait penser à l’autochrome de 1923 ci-dessous. Le peintre se trouve dans son jardin, entre deux massifs de fleurs. Sa main qui tient la cigarette reste en suspens pendant le temps de pose prolongé.
On possède plusieurs photos couleur des jardins de Monet. Elles ont le charme inimitable des autochromes, un procédé inventé par les frères Lumière au début du siècle pour capturer la couleur sur des plaques de verre recouvertes de fécule de pomme de terre.
A gauche de Monet, des rosiers taillés en arbres dominent un massif de géraniums (ou de pélargoniums si vous préférez). A droite, des tuteurs de bois servent de support à des plantes grimpantes rouges, sans doute des haricots d’Espagne. A leur base s’étend un massif de pélargoniums roses et rouges bordé de plantes à feuillage gris, peut-être des oeillets.
Monet dans son jardin à Giverny vers 1923, autochromeQuand, à la fin des années 70, il a fallu recréer les jardins retournés à l’état de friche, les jardiniers se sont appuyés sur les photos d’époque, les souvenirs des visiteurs contemporains et des documents d’archives. On peut voir ici avec quelle fidélité l’esprit des jardins de Monet a été restitué.

Harmonie de couleurs

Harmonie de fleurs jaunes dans le jardin de Monet à GivernyDe loin, on ne voit que du jaune. De près, en regardant en détail, on s’aperçoit que cette plate-bande des jardins de Monet à Giverny mêle des fleurs très variées : rudbéckia, oeillet d’Inde, souci…
Monet concevait son jardin avec des yeux de peintre : de la couleur avant toute chose. Le même esprit règne aujourd’hui dans ce lieu de mémoire qu’est la Fondation Claude Monet. Les plates-bandes les plus frappantes sont conçues en un ou plusieurs tons voisins de jaune, de rose, de blanc…
Tout l’art consiste à harmoniser les couleurs sur le papier, quand le massif n’est encore qu’un projet, à bien calculer les périodes de floraison, les hauteurs des unes et des autres… Un travail d’artiste qui mérite qu’on s’y attarde en visitant les jardins de Monet.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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