Place nette
Depuis la fermeture de la Fondation Monet il y a dix jours, les jardiniers de Giverny s'emploient à faire place nette. Il ne reste déjà presque rien des massifs du clos normand. Les annuelles ont été arrachées, les vivaces taillées, et petit à petit toutes les plates-bandes sont bêchées, amendées au biopost, et prêtes à être replantées.
Giverny selon Stephen Shore
The Gardens at Giverny, A View of Monet's World by Stephen Shore, ed. Aperture
L'exposition qui vient de s'achever au musée des impressionnismes Giverny a permis de redécouvrir le travail de Stephen Shore. A la demande du Metropolitan Museum of New York, ce photographe américain était venu faire des photos de Giverny au moment de la restauration du jardin de Claude Monet en septembre 1977 et peu après sa réouverture en 1981 et 82. Cette campagne photographique avait fait l'objet d'un livre, l'un des tous premiers sur le jardin.
Rencontres fortuites
C’est l’époque de l’année où l’on voit les feuilles des arbres tomber. Au moindre souffle, elles se détachent et chutent en douceur, si légères qu’elles n’ont rien à craindre de la pesanteur. Qu’est-ce qui les attend en bas ? Le plus souvent, d’autres feuilles qui les ont devancées. Elles s’ajoutent à leurs consoeurs, elles s’empilent, elles s’entassent. Les voici fondues dans la masse, dans le tapis de feuilles sèches.
Fin du jour
Il n’y a plus de fleurs de Nymphéas, mais a-t-on vraiment besoin de fleurs ?
Avec le changement d’heure, cette semaine en fin d’après-midi le soleil couchant dore les radeaux de nénuphars de l’étang de Monet.
Quand les tulipiers flambent
Aux Andelys, cette semaine, les tulipiers dorés par l'automne illuminent les jours les plus ternes.
Au sommet de la falaise, Château-Gaillard surveille la vallée de la Seine.
Octobre dans le calendrier DuMont 2015 de Giverny
Dans un calendrier, il y a toujours une image que l’on préfère. Cette année, pour moi c’est celle-ci. Elle est si apaisante, si pleine de songes…
C’est le jardin de Monet tel qu’il est en ce moment, avec du vert, du jaune, des rousseurs lumineuses qui éclairent même les jours gris, et des reflets plus spectaculaires que jamais.
Il fait un peu frais le matin, mais l’après-midi on est bien encore à flâner autour du bassin aux Nymphéas.
Le temps s’en va, l’automne grignote les jours…
Vite vite ! Encore un peu de rêve…
Crocus d’automne
A l'automne, la pelouse autour du Rond des Dames s'emplit de fleurs. Elles sont disposées en "taches", tout comme les Nymphéas à la surface de l'étang.
Pour parfaire l'analogie avec le bassin, les jardiniers ont planté des colchiques très doubles de la variété Water lily, le mot anglais pour nénuphar. Et c'est vrai qu'ils leur ressemblent.
La chaleur des couleurs
Hier à Giverny vers 16 heures, dans le jardin désert…
Quand la température baisse, il reste, pour quelques semaines encore, la chaleur des couleurs.
Décodage
Début octobre, l’opulence du jardin de Monet étonne et déconcerte les visiteurs. Si du côté du bassin aux Nymphéas, l’agencement du jardin se livre au premier coup d’oeil, il n’en va pas de même dans le clos normand. Chaque jour, en cette saison où l’exubérance végétale frise la folie, j’entends des visiteurs qui cherchent la clé de l’énigme. « Ca a l’air sauvage, mais on voit que c’est très pensé« , dit l’un. « There must be a scheme « , dit l’autre. Il doit y avoir un principe, des règles, un schéma, mais lequel ? « Regarde, il y a des perspectives« , remarque la troisième en plongeant le regard dans les allées rectilignes au pied du second atelier.
Chacun sent bien que ce jardin ne ressemble à nul autre. Pas de règles déjà vues ailleurs qui puissent s’appliquer ici. On essaie mais cela ne donne rien. Un jardin à la française ? Un jardin de cottage ? Un jardin de curé ? Une jachère fleurie ? Allons donc. Ca ne colle pas.
La clé de lecture est pourtant si simple. C’est le jardin créé par un peintre impressionniste fou de fleurs et de nature. Si on veut bien se donner la peine de comparer les pétales à des coups de pinceau, on y retrouve les règles chères aux peintres impressionnistes : de petites touches de couleurs voisines juxtaposées, la recherche de vibrance, de contraste, la disparition du dessin… L’opulence est la marque du désir de Monet de se fondre dans le végétal, d’avoir des plantes tout autour de lui. Le tracé rectiligne, dès lors, est le seul possible, et probablement celui hérité du potager-verger d’origine. Enfin, l’agrandissement du terrain de l’autre côté de la route induit la recherche de connexions entre les deux jardins, la plus remarquable étant la rivière de capucines qui paraît vouloir alimenter le bassin aux Nymphéas.
Voilà en quelques mots les grands principes. Quand même, je ne vous dis pas tout, je garde quelques éclairages supplémentaires pour les amateurs de visites guidées…
Adieu Leny !
La triste nouvelle a fait le tour de Giverny comme une trainée de poudre. Leny Escudero a rendu son dernier souffle ce matin. Le chanteur s’est éteint à 82 ans des suites d’une insuffisance respiratoire sévère, a fait savoir Céleste, son épouse.
Je suis heureuse d’avoir eu la chance de connaître cet homme hors du commun. Jusqu’au bout, il est resté un indigné. Sur la photo il serre le poing, et c’est bien ainsi qu’il a traversé la vie, prompt à jouer du poing mais aussi à le lever haut. Toute injustice, toute compromission lui étaient insupportables.
C’était un lecteur passionné, amateur d’auteurs rudes, Céline, Henry Miller… qu’il défendait avec tant de passion qu’il donnait envie de les lire. Proust l’ennuyait. Comment ? Proust à l’ironie ravageuse, à la syntaxe magnifique ? C’était mon tour d’être enflammée. Je ne crois pas que je l’ai convaincu.
C’est un peu par hasard qu’il a jeté l’ancre à Giverny, à l’écart du village, au milieu des bois. Aux confins de la Normandie, le lieu était facilement accessible, mais aussi suffisamment rural et retiré, surtout en haut de la colline, où les touristes ne mettent pas les pieds.
Et très vite la star est devenue l’un de ces Givernois atypiques comme le village en compte plusieurs. On voyait Leny assis au bistrot Baudy, qui buvait un coup avec des amis. On allait l’écouter quand il chantait au profit de l’école du village ou du festival de Giverny. Il y a tout juste un an, Leny signait encore son dernier livre aux Automnales de Giverny. Pour les photos avec ses lecteurs, il avait la coquetterie de retirer son assistance respiratoire.
Son autobiographie « Ma vie n’a pas commencé » décrit le parcours de cet écorché vif depuis son arrivée en France jusqu’à ses derniers succès. A peine l’ouvrage paru, Leny s’est mis à en écrire un second, « Le début… La suite… La fin… ». Il aura eu la joie de le voir achevé et publié.
Giverny début octobre
Les mots me manquent pour décrire l’envoûtante beauté du jardin de Giverny en ce moment. La pluie de mi-septembre avait un peu terni son éclat. On s’imaginait déjà que c’était le début de la fin, l’adieu à la belle saison marqué par la rouille des feuilles et la chute des pétales. Et puis non. Il a suffi d’une semaine de soleil pour qu’un nouvel élan vienne ranimer les fleurs d’automne. Surgies de leurs boutons comme des diables de leurs boîtes, elles n’attendaient que ça. Et d’un coup de rayon, le jardin de Monet se pare de couleurs plus étincelantes que jamais.
Pour qui sait déambuler avec lenteur dans les allées, c’est un parcours très sensuel qui s’offre. Les fleurs devenues gigantesques s’épanouissent à hauteur des yeux, débordant des massifs jusqu’à frôler les visiteurs, tandis que des odeurs acides de feuillages et de terre mouillée se répandent. Les arbres fruitiers du jardin, pommiers et poiriers, exhibent leurs beaux fruits mûrs avec la fierté de jeunes mères promenant leurs enfants au parc. Je ne sais si certains se laissent tenter, mais c’est probable. Dans les allées ouvertes au public, tous les fruits ont disparu.
C’est la lumière qui fait tout
Il reste des nénuphars sur le bassin de Monet, une trentaine peut-être, des roses surtout. Encore assez pour capter les rayons du soleil dans leurs pétales, tandis que leurs corolles flottantes s’environnent de l’éclat aveuglant des feuilles, petites gouttes d’argent en fusion sur le miroir moelleux du ciel.
P.S. Si vous avez envie de musique douce sur des images printanières de Giverny, allez voir cette vidéo sur youtube. Adrian Bell a composé spécialement la musique de ce duo de violoncelle et guitare. Ca change de Debussy… Et c’est délicieux, tout comme le petit dessin fait par son épouse à la fin de la vidéo.
Reflets
En automne, les massifs qui bordent le bassin aux Nymphéas ont pris de l’ampleur.
Ils reflètent leurs différents tons de vert dans l’étang, tout autour des radeaux de Nymphéas.
Tout ce vert est réveillé par les petites touches de couleur des fleurs : mauve des asters, blanc des anémones du Japon, qui font écho au rose des nénuphars.
C’est un « bassin aux Nymphéas, harmonie verte » traité en petites touches vibrantes et variées, pour un rendu très impressionniste.
Historial Jeanne d’Arc
Juste derrière la cathédrale de Rouen, dans l’ancien palais de l’archevêque, eut lieu en 1431 le procès de Jeanne d’Arc qui la condamna au bûcher, puis en 1456 son second procès en réhabilitation. Depuis mars dernier, c’est là qu’est installé l’Historial Jeanne d’Arc.
Ce n’est pas vraiment un musée, puisque les collections sont assez limitées, plutôt un lieu de mémoire et d’interprétation consacré à la Pucelle. De la cave au grenier, le public assiste de salle en salle à des animations vidéos projetées sur les murs, qui rappellent les spectacles son et lumière qui animent chaque soir d’été le parvis de la cathédrale.
Comme le parcours se veut un flash-back – il prend pour prétexte le procès en réhabilitation, qui réexamine aussi bien les conditions du premier procès que les éléments biographiques – il vaut mieux avoir une connaissance préalable de la vie de Jeanne pour bien suivre. Mais on se prend à la magie de l’évocation, à la découverte de salles variées, et les séquences passent vite.
En fin de parcours, l’Historial propose de s’interroger sur la récupération de Jeanne à travers les documents conservés dans la « mythothèque ».
Si l’on comprend bien les enjeux politiques, et la façon dont l’histoire s’écrit, en revanche pas un mot sur le « cas » Jeanne d’Arc. Pour une étude psychiatrique détaillée, il vaut mieux aller voir ici. Avec cette conclusion inédite : la Pucelle était peut-être juste en train de faire sa crise d’adolescence… Pas plus que sorcière, elle n’était folle.
Septembre dans le calendrier DuMont 2015 de Giverny
C’est déjà presque la fin de ce mois de septembre si fleuri encore à Giverny.
Le jardin clos de Monet regorge de belles annuelles d’été, dahlias, tournesols, cosmos, qui atteignent des tailles impressionnantes.
Par contraste, les massifs devant la maison de l’artiste paraissent bien sages et ordonnés, avec leurs parterres de géraniums.
Il faut dire que côté couleur, le pélargonium n’a pas son pareil.
Tout près de l’entrée, il déroule son tapis rouge aux visiteurs dont les yeux clignent devant tant de luminosité.
On reconnaît dans ce décor la touche du peintre impressionniste fou de fleurs.
Le banc sous les pommiers
Deux rondins et deux planches, en matière de banc on ne fait pas plus simple ni plus rustique. Mais comme on s’assiérait bien là, avec juste à tendre le bras pour croquer dans ces pommes qui ont l’air si bonnes !
J’ai pris cette photo hier dans le verger de la commanderie de Chanu, à une vingtaine de minutes de Giverny, en attendant que le propriétaire des lieux nous conte avec légèreté et moult détails la vie des Chevaliers du Temple.
Peut-être les pommes étaient-elles un peu plus petites à l’époque, mais à part ça rien de changé depuis le 12e siècle dans cette image.
Cet immuable qui dure depuis des temps immémoriaux, on peut le ressentir aussi devant des vues de montagne ou de mer. Il vient toucher en nous quelque chose de profond, d’enraciné. Nous sommes peut-être faits de racines et d’ailes, à coup sûr de racines et de fruits.
La voûte aux oiseaux
La chose la plus adorable que j’ai découverte à l’occasion des Journées du Patrimoine, c’est cette voûte en bois à décor d’oiseaux. Elle orne la petite église de La Boissière, dans l’Eure, à 26 kilomètres au sud de Vernon. La précision a son importance : c’était la longueur d’une étape pour les pélerins du Moyen Âge en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle, qui avaient franchi la Seine grâce au pont de Vernon. Ils n’étaient pas rendus : depuis La Boissière, il leur restait plus de 1500 km à parcourir. Et autant pour rentrer, s’ils y parvenaient.
La petite église est dédiée à Saint-Jacques-de-Compostelle. Nul ne sait quelle fantaisie a présidé à son ravissant décor où coq, héron, colombe alternent avec des vases renaissants d’où s’échappent des branchées de fin feuillage. L’harmonie composée par le gris vaporeux des oiseaux et l’ocre chaleureux des bandes qui les séparent est délicieuse. Dans ce quadrillage apparaissent encore quelques fleurs de lys royales. C’est si peu classique, et même disons-le si peu religieux que cette voûte fait de la petite église de la Boissière l’une des plus intéressantes et originales de l’Eure.
Les fresques viennent d’être restaurées avec délicatesse, et l’on regrette simplement qu’il y ait des manques dus à un obus malencontreux.
L’église tout entière a fait l’objet d’un programme de restauration exemplaire conduit par une équipe de passionnés. Le fait qu’elle ne soit pas classée leur a facilité la tâche, car le classement impose des contraintes en matière de travaux. Dans le choeur, l’abside plate présente d’autres fresques : un retable peint qui s’ornait de statues sur des socles gougeonnés. Cela aussi, je ne crois pas l’avoir vu ailleurs.
Christ aux liens
A l’occasion des Journées du Patrimoine, de nombreuses petites églises de campagne habituellement fermées sont ouvertes ce week-end. Saluons au passage l’abnégation des bénévoles qui assurent des permanences et des visites guidées gratuites pour le seul plaisir de faire connaître les trésors de leur paroisse, parfois hélas à bien peu de visiteurs.
Ce qui frappe dans ces églises de village à l’architecture sobre et simple, c’est l’extraordinaire beauté, souvent, des statues. Sortis pour un instant de leur pénombre, leurs visages nous contemplent, tels que les ont voulus les artistes d’il y a quatre ou cinq siècles. C’est une collection de portraits et de regards étonnants, à l’expressivité dérangeante, doux, illuminés, pensifs ou souriants.
Je suis restée scotchée devant ce Christ aux liens – par prudence je préfère ne pas divulguer où il se trouve. Pieds et poings liés, vêtu du seul périzonium, il est assis la tête tournée de côté, et son visage aux yeux ouverts m’a paru bien plus bouleversant que celui d’un Christ en croix. Perdu dans sa méditation, il émane de lui une compassion tendre, une acceptation totale, un amour infini. Je souhaite à tous ceux qui sont dans la souffrance, l’impuissance et la peur, de sentir ce regard se poser sur eux.
Un coup de projecteur
A 9 heures, le soleil se lève enfin derrière l’imposante colline qui surplombe Giverny.
Le pinceau de son phare touche d’abord les arbres du bout du bassin, qu’il éclaire par en-dessous comme les feux de la rampe dans les tableaux de Degas.
Les feuillages qui sommeillaient dans des tons gris-verts se réveillent sous ce baiser.
Dans cette brève ivresse matinale ils s’illuminent des couleurs chaudes des vins, verts acidulés des frênes, rouge boisé des prunus.
A côté du petit pont, le grand gunnera s’avance sur la scène, dans des vapeurs dorées que le soleil fait naître.
Bientôt ce sera tout le jardin qui rayonnera dans la gloire du matin.
L’étole sous les étoiles
Dans la prairie qui s’étend derrière le bassin aux Nymphéas, la brume est apparue avec l’aube.
Elle s’élève du sol, fantomatique, juste assez pour avaler les vaches qui sont déjà en train de vaquer en toute indifférence à leur occupation principale : paître. A croire qu’elles n’ont fait que ça toute la nuit.
On dirait un Monet, tant le peintre aimait l’atmosphère vaporeuse de cette heure à la lumière si douce, bleue, mauve, où perce la première pointe de rose.
Il aurait fait une image soyeuse de cette étole légère posée sur les épaules de la Terre, tandis que le froid tombe des étoiles.
Comment les fleurs dorment
C’est juste avant le lever du soleil qu’il fait le plus froid.
En ce moment, par temps clair, le thermomètre affiche un petit six degrés au point du jour à Giverny.
Tout comme les Nymphéas, beaucoup de fleurs se protègent en se refermant pendant la nuit.
Pas un seul aster qui ressemble à une petite étoile avant la douceur des premiers rayons.
Tout à l’heure, au grand jour, quand la dernière planète sera effacée du ciel, les corolles s’ouvriront enfin.
Les feuilles disparaîtront sous une myriade de petites fleurs laiteuses, comme un hommage végétal à la voie lactée.
L’étoile du berger
La rue Claude Monet à Giverny à 7 heures du matin, en direction de l’est.
A droite, à côté du deuxième atelier de Monet, la silhouette du grand magnolia se découpe en ombre chinoise.
Dans le ciel très clair brillent l’étoile du berger et la lune, aussi fine et recourbée qu’un cil.
C’est l’heure où les jardiniers de la Fondation Monet commencent leur travail.
Aube
La rue Claude Monet de Giverny toute mauve à 7 heures du matin, quand l’aube pâlit le ciel.
Fin d’été
Déjà la fin de l’été. Ce matin j’ai vu la première feuille de liquidambar tombée sur les nymphéas.
Chaque jour amène son lot de signes. Ce sont, un beau matin, les colchiques qui dardent leurs pousses mauves au milieu du vert des pelouses. Un autre jour, les premiers asters, les plus simples à l’air presque sauvage, qui déploient leurs toutes premières étoiles. Et puis viennent les fleurs couvertes de duvet, les leonotis, les sauges leucanthas. Et timidement, les oiseaux se remettent à chanter.
C’est encore l’été, mais un peu moins qu’avant. Le thermomètre ne fera plus de folies. Dans ses sauts de trampoline entre le jour et la nuit, il rebondit de moins en moins haut. Il fait encore doux mais tiède, l’équinoxe approche, c’est le moment qu’attendaient les fleurs de fin d’été pour entrer en scène.
Comme au sortir de l’hiver, le sortir de l’été a ses éclaireurs, ses plantes qui se hasardent quand il n’est pas encore tout à fait l’heure pour elles. Celles du printemps nous emplissent de joie. Elles annoncent les beaux jours. Mais voir dès la mi-août s’ouvrir le premier hélianthe me pince le coeur. Déjà, déjà ! Retourne te coucher, c’est trop tôt ! Attends octobre !
Je n’ai pas envie de me réjouir de leur audace. Est-ce qu’on saute de joie de voir se dessiner une première ride ?
Dans l’abondance de l’été, tandis que l’orchestre de la nature joue avec brio la grande symphonie des fleurs et des fruits, perce déjà une note, ténue encore, de mélancolie en puissance, de nostalgie à venir.
Allée monumentale
En ces temps de rentrée, voici une petite escapade au vert. C’est à Heudicourt, près de Gisors, dans l’Eure, que l’on peut admirer cet exceptionnel alignement d’arbres. Sur quatre rangées et un bon kilomètre de long, platanes et tilleuls s’élèvent vers le ciel comme les piliers d’une cathédrale. Les deux rangées d’arbres de chaque côté de la route figurent la nef. Les rangées extérieures forment les bas-côtés, un mot commun au vocabulaire des églises et à celui des routes. Du côté des champs, les branches des platanes s’étirent et retombent vers le sol. Elles évoquent des arcs-boutants.
La comparaison n’est pas de moi mais des concepteurs du spectacle « Gothique frémissant », un son et lumière projeté l’an dernier sur les voûtes de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen. Françoise Jolivet et Roy Lekus ont eu l’idée de photographier l’allée d’Heudicourt à travers les saisons et d’adapter ces images à l’architecture gothique de l’église. Le résultat était envoûtant.
L’allée est une route de campagne qui vient buter contre les grilles du château d’Heudicourt. Celui-ci est entouré d’un parc intéressant ouvert ponctuellement à la visite. Je pense que ce sera le cas pour les journées du Patrimoine. Le village d’Heudicourt lui-même ne manque pas de charme, autour de l’église Saint-Sulpice bâtie en moellons de silex.
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